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L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé

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par Romain Coquet
Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012
  

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Section 2 : L'accueil difficile du trust en droit français

Le trust joue un rôle vital dans les pays de commonlaw. Selon Pierre Lepaulle, « le trust voit défiler devant lui le cortège hétéroclite de tous les efforts de l'humanité : les rêves de paix, l'impérialisme commercial, les tentatives d'anéantir la concurrence ou d'atteindre le paradis, par haine ou par philanthropie, l'amour d'un proche de sa famille ou le désir de le dépouiller de tout après un décès ; tout cela dans un défilé où les protagonistes sont habillés de robes ou de haillons, couronnés d'une auréole ou marchant en souriant. Le trust est l'ange gardien de l'anglo-saxon, l'accompagnant partout impassiblement, du berceau jusqu'au tombeau »329(*). Cette institution est née en Angleterre, au Moyen Age en temps de croisades. Un chevalier remet ses biens entre les mains d'une personne de confiance pour les gérer au nom de sa famille. Cet ami est devenu propriétaire de la terre et des biens du chevalier croisé, en vertu d'un trust. Un litige pouvait survenir en cas de décès du chevalier lorsque la personne de confiance entendait conserver les biens transférés. Le chancelier intervenait alors pour certaines activités judiciaires. Il avait en charge la délivrance des writs et à cette occasion, il jugeait les « amis » indélicats. La création d'une juridiction d'exception a donné naissance à un droit nouveau, en l'occurrence l'equitylaw à côté des cours royales. Cette distinction est toujours d'actualité puisque le terme de chancelier se retrouve dans la « Chancery Division » de la High Court.

L'histoire du trust permet d'entrevoir une définition de cette institution. A la différence du contrat, il convient toutefois de souligner qu' « aucune définition du trust ne semble avoir été acceptée comme complète et exacte ». Aujourd'hui, la convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance apporte des précisions sur cette notion essentielle. Le terme « trust » vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant - par acte entre vifs ou à cause de mort - lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d'un trustee dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé330(*). Cette définition insiste sur le caractère triangulaire de l'opération. Les juristes anglo-saxons proposent de concentrer la définition du trust autour du trustee, car le constituant ou settlor s'efface dès la création du trust. Ainsi le juriste anglais Underhill définit le trust comme « une obligation équitable, liant une personne, appelée le trustee, en vue de gérer des biens sur lesquels elle exerce un contrôle, appelés les biens du trust, pour le bénéfice de personnes appelées bénéficiaires ou cestuis que trust, dont il peut être l'une d'elles et de quiconque peut exiger l'exécution de l'obligation »331(*). Cette définition est intéressante puisque les fonctions de constituant, de trustee et de bénéficiaire peuvent être rassemblées sur une même personne, d'où une certaine confusion des rôles. A son tour, le professeur Keeton définit le trust comme « une relation qui naît à chaque fois qu'une personne appelée le trustee est tenue en Equity de garder des biens ou droits (property) réels ou personnels, à un titre soit légal soit équitable, au profit de personnes dont elle peut être l'une d'elles, et qui sont nommés cestuis que trust ou pour un objet permis par la loi, de telle façon que le véritable bénéfice des biens profite non pas au trustee mais aux bénéficiaires ou aux objets du trust »332(*).

En matière de fiducie, le rôle joué par le constituant est plus important car il peut dans certains cas conserver l'usage ou la jouissance d'un fonds de commerce ou d'un immeuble à usage professionnel transféré dans le patrimoine fiduciaire333(*). La définition de la fiducie rend compte de l'importance du constituant. Au terme de l'article 2011 du Code civil, « la fiducie est l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés ... à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires ». La fiducie est donc un contrat prévoyant le transfert temporaire de propriété à une fin déterminée334(*). A contrario, le trust n'est pas un contrat et à ce titre il ne relève pas du droit des obligations. Il naît d'un engagement unilatéral du constituant qui a transféré des biens au profit d'un tiers ayant vocation à devenir le trustee. De plus, le transfert des biens du constituant n'a pas de contrepartie alors que celle-ci est la cause ou consideration en droit anglo-saxon. La nature contractuelle de la fiducie implique que les biens et les droits transitent d'un patrimoine à un autre. En matière de trust, les biens transférés par le constituant ne font pas partie du patrimoine du trustee mais constituent une masse distincte. L'un des obstacles à la réception du trust en droit français tient au fait que le droit de propriété est partagé entre le trustee et le bénéficiaire, tous deux titulaires d'un droit réel.En dépit de l'introduction de la fiducie dans notre ordre juridique, la reconnaissance du trust en droit français est a priori difficile d'un point de vue conceptuel et philosophique (§1). Toutefois, la réception du trust est envisageable, en conjuguant les apports de la jurisprudence et la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 (§2).

§1- Les difficultés originaires de la reconnaissance du trust

La reconnaissance du trust en droit français en rendue difficile par l'existence de conflits de lois relevant du droit international privé (A). De plus, l'assimilation du trust à une catégorie du for déforme cette institution qui perd son identité en pareil cas (B).

A- La désignation de la loi applicable par la Convention de la Haye

A l'instar des conventions de La Haye, la convention relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance a pour objet d'unifier les règles de conflits de lois entre les Etats parties. Or le trust est inconnu dans la plupart des systèmes juridiques de droit écrit. Ces systèmes juridiques n'ont alors pas de règles de conflits de lois le concernant. Certains Etats ont seulement signé la convention de La Haye mais sans passer par la ratification. Cela n'a pas d'incidence majeure puisque le juge anglais pourra déclarer valable un trust soumis à une loi étrangère sans que l'absence de ratification soit un obstacle. Les différents acteurs du trust peuvent ainsi avoir la nationalité d'un Etat non contractant. Il peut également arriver que certains Etats ne connaissent pas l'institution mais ont ratifié la convention de La Haye. Dans ce cas, les règles de conflits de lois viennent s'ajouter au système de source interne335(*).

La définition du trust est controversée. Certains auteurs estiment que la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance se serait contentée de décrire le trust par ses caractéristiques. Selon Laurent Maerten, la démarche des négociateurs de la convention a consisté à proposer un archétype du trust qui permette de retrouver les points fondamentaux communs. La recherche d'une définition compréhensive aurait été une entreprise sinon hors d'atteinte, à tout le moins périlleuse comme susceptible de mettre en échec le programme fixé à la conférence »336(*).

L'article 2 de la Convention de La Haye propose une définition indirecte du trust. « Aux fins de la présente Convention, le terme « trust » vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant - par acte entre vifs ou à cause de mort - lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d'un trustee dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé. Le trust présente les caractéristiques suivantes :

a) les biens du trust constituent une masse distincte et ne font pas partie du patrimoine du trustee ;

b) le titre relatif aux biens du trust est établi au nom du trustee ou d'une autre personne pour le compte du trustee ;

c) le trustee est investi du pouvoir et chargé de l'obligation, dont il doit rendre compte, d'administrer, de gérer ou de disposer des biens selon les termes du trust et les règles particulières imposées au trustee par la loi.

Le fait que le constituant conserve certaines prérogatives ou que le trustee possède certains droits en qualité de bénéficiaire ne s'oppose pas nécessairement à l'existence d'un trust ».

La Convention de La Haye définit le trust à travers l'énoncé de ses caractéristiques. Les auteurs semblent unanimes pour affirmer que cet article 2 définit le trust mais demeurent sceptiques337(*). En revanche, cet article ne fait pas référence à la division entre commonlaw et l'equity qui est à l'origine du trust. Cela n'empêche pas de définir le trust si bien que l'absence de référence à la dualité des droits est indifférente338(*). Le domaine de la Convention de La Haye a été restreint au seul mécanisme du trust exprès en vue de prévenir une éventuelle insécurité juridique préjudiciable aux tiers. L'article 3 de la Convention énonce en effet que « la Convention ne s'applique qu'aux trusts créés volontairement et dont la preuve est apportée par écrit ».

La Convention de La Haye soumet à titre principal le trust à la loi choisie par le constituant et consacre ainsi l'autonomie de la volonté339(*). L'article 6 de la Convention précise ainsi que « le trust est régi par la loi choisie par le constituant. Le choix doit être exprès ou résulter des dispositions de l'acte créant le trust ou en apportant la preuve, interprétées au besoin à l'aide des circonstances de la cause ». D'après un auteur, il s'agit de savoir si le choix est limité à une loi présentant un certain rapport objectif avec l'opération ou s'il peut s'étendre à toute loi qu'il conviendrait au constituant de sélectionner. L'article 6 adhère en réalité à une conception subjective du choix de la loi applicable340(*). A défaut de choix d'une loi régissant le trust, la loi applicable est celle qui a les liens les plus étroits avec le trust, en vertu de l'article 7 de la Convention. Un faisceau d'indices permet alors de déterminer la loi applicable. Cette liste non exhaustive inclut le lieu d'administration du trust désigné par le constituant, la situation des biens du trust, la résidence ou le lieu d'établissement du trustee et les objectifs du trust et les lieux où ils doivent être accomplis. La méthode du faisceau d'indices est saluée par un auteur qui affirme que « les rédacteurs de la convention de La Haye ont conjuré la tentation de fonder la détermination de la loi compétente sur des indices rigides et exclusifs, sans pour autant négliger l'impératif que constitue le respect des légitimes prévisions du constituant »341(*).

Par ailleurs, si la loi applicable ne connaît pas l'institution du trust ou la catégorie de trust en cause342(*), la loi d'autonomie est inapplicable et il conviendra alors de déterminer une loi qui connaît le trust en recourant au faisceau d'indices de l'article 7. La détermination de la loi applicable peut être subordonnée à la résidence du constituant ou du bénéficiaire. En effet, la Chancery division a admis qu'un changement de résidence des bénéficiaires pouvait justifier un changement de loi applicable343(*). Une telle modification est prévue à l'article 10 de la Convention qui dispose que « la loi applicable à la validité du trust régit la possibilité de remplacer cette loi, ou la loi applicable à un élément du trust susceptible d'être isolé, par une autre loi ».

La loi applicable connaît un domaine relativement vaste, elle régit la validité du trust, son interprétation, ses effets ainsi que l'administration du trust344(*). Elle régit notamment la désignation, la démission et la révocation du trustee ou les droits et obligations des trustees entre eux. Cette liste informe notamment les juristes de tradition civiliste des problèmes susceptibles de survenir en cours de trust. Or elle peut faire l'objet d'un dépeçage ou morcellement car un élément du trust susceptible d'être isolé peut être régi par une loi distincte345(*). Dans ce cas, le trust est soumis à une pluralité de lois. Le morcellement ne doit pas être rejeté car il peut correspondre à des nécessités impérieuses comme le respect de la volonté du constituant ou la prise en compte de la spécificité des trusts, notamment en matière bancaire. En définitive, l'emprunt à plusieurs législations permet la recherche d'une solution plus adaptée à la matière et demeure fidèle à la volonté du constituant. Toutefois, si le morcellement est pratiqué sans restriction, il devient source d'imprévisibilité et affaiblit la reconnaissance de la compétence de principe de la loi d'autonomie. Le changement de législation prévu à l'article 10 est également source d'incertitude et risque de sacrifier les intérêts des tiers par l'application de la loi nouvelle. Selon François Barrière, ce n'est pas la loi désignée par la Convention mais celle désignée selon la règle de conflit du for qui s'appliquera lorsqu'un tiers sera impliqué346(*).

* 329 P. LEPAULLE, « Traité théorique et pratique des trusts en droit interne, en droit fiscal et en droit international »,Paris, Rousseau, 1932.

* 330 Article 2 de la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance.

* 331 UNDERHILL and Hayton « Law of Trusts and Trustees, 18ème edition, Butterworths Law, Lexis Nexis, 2010.

* 332 L.A SHERIDAN et G.W KEETON, « The law of trusts », 11ème edition, Barry Rose, 1983.

* 333 Article 2018-1 du Code civil.

* 334 C. DERGATCHEFF, « Droit comparé en matière de mécanismes fiduciaires », JCP E 2007, n°36, p.46.

* 335 J-P BERAUDO, « Trust », Rép. intern. Dalloz, septembre 2012.

* 336 L. MAERTEN, « Le régime international du trust après la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 », JCP E 1988, 15144, n° 3.

* 337 E. GAILLARD et D. TRAUTMAN, « La convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance », revue critique DIP, 1986 p.1 : ces deux auteurs affirment que le trust est défini par les articles 2 et 3 de la Convention de la Haye mais conçoivent que les auteurs de la convention parlent de description ; C. JAUFFRET-SPINOSI, « La convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance », JDI 1987 p.23 : Cet auteur admet que l'article 2 de la Convention donne une définition du trust mais ajoute que cette définition est tendancieuse.

* 338 F. BARRIERE, « La réception du trust au travers de la fiducie », préface M. Grimaldi, Lexis Nexis, 2004, p.180.

* 339 Y. LOUSSOUARN, « La convention de La Haye d'octobre 1985 sur la loi applicable aux contrats de vente internationale de marchandises », Revue critique DIP, 1986, p.271.

* 340 H. BATIFFOL, « Subjectivisme et objectivisme dans le droit international privé des contrats », in Mélanges Maury, tome I, Dalloz-Sirey, 1960, p.41.

* 341 L. MAERTEN, « Le régime international du trust après la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 », ibid. §9.

* 342 Article 6 alinéa 2 de la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance.

* 343 J-P BERAUDO, « Trust », Répertoire de droit international, Dalloz, septembre 2012, §34.

* 344 Article 8 de la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance.

* 345 Article 9 de la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance.

* 346 F. BARRIERE, « La réception du trust au travers de la fiducie », préface M. Grimaldi, Litec, 2004, p.183, §232.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway