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L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé

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par Romain Coquet
Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012
  

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Chapitre 2 : L'efficience de l'affectation philanthropique garantie par la fondation et le fonds de dotation

L'opinion que nous pouvons avoir du mécénat est souvent erronée. Le mécénat n'est pas réductible à l'existence d'une personnalité influente apportant son concours financier à un tiers511(*). Son domaine d'intervention est relativement vaste. La France s'était longtemps contentée de tolérer un mécénat spontané mais en 1965, André Malraux démontra la relativité du rôle des fondations. Il affirmât vouloir « provoquer en France un véritable mécénat culturel à l'instar de ce qui existe à l'étranger, notamment aux Etats-Unis »512(*). Il confia la mission de mener une étude comparative sur la question à un maître des requêtes au Conseil d'Etat, en l'occurrence Michel Pomey. Dans un rapport publié en 1966, ce dernier affirma que la situation française s'expliquait par la rigidité du régime juridique et fiscal applicable aux fondations et par l'impossibilité pratique de relayer le mécénat individuel par un mécénat collectif513(*). Après une longue maturation, les principaux établissements financiers contribuent à la création de la Fondation de France514(*). L'histoire de la fondation est donc le fruit d'une longue évolution. A l'origine, les fondations d'entreprise ont occupé le devant de la scène juridique française mais leur déclin actuel s'explique par le développement des fonds de dotation au régime fiscal avantageux (Section 1). En outre, il convient d'analyser l'affectation fiduciaire des fondations sous égide et plus particulièrement la Fondation de France qualifiée de trustee par la doctrine (Section 2).

Section 1 : L'affectation philanthropique garantie par la création d'une personne morale

La fondation d'entreprise est une notion hybride, à mi-chemin entre l'association déclarée et la fondation reconnue d'utilité publique. Il existe ainsi un corps de règles régissant la constitution et le fonctionnement de ces deux groupements de biens. D'un point de vue historique, les fondations ne sont règlementées que tardivement par un édit d'août 1749. « C'est seulement à cette date que des limitations draconiennes furent apportées la création de fondations et aux acquisitions immobilières nouvelles opérées par les établissements de mainmorte »515(*). La création de telles entités doit, à peine de nullité, être autorisée par lettres patentes du roi après un examen approfondi. Les fondations seront condamnées sous la Révolution française. Par exemple, les biens de l'Eglise seront à la disposition de la Nation516(*). Elles seront finalement réhabilitées par le Code civil517(*) et un avis du Conseil d'Etat518(*).

Dans un premier temps, le gouvernement s'est montré hostile à toute loi qui nuirait au bon fonctionnement des fondations519(*). Or d'une part « l'association, groupement de personnes, ne convenait pas à l'action mécénale qui suppose l'affectation de biens à des fins d'intérêt général. D'autre part, la fondation reconnue d'utilité publique constituait un cadre juridique trop lourd pour une activité mécénale privée »520(*).

La loi du 23 juillet 1987 définit d'une manière générale la notion de fondation et règlemente l'usage de ce terme521(*). Elle est « l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général et à but non lucratif »522(*). Cette loi renferme des dispositions fiscales permettant le développement du mécénat. Or il n'existait aucun cadre institutionnel adapté à une activité durable des entreprises. Les entreprises pouvaient constituer une association ayant un intérêt général et bénéficiant des déductions fiscales de l'article 238 bis du Code général des impôts. A ce titre, les particuliers pouvaient déduire les versements effectués aux fondations dans la limite de 5% de leur revenu imposable. Une réforme était alors nécessaire puisque « le recours à la fondation reconnue d'utilité publique, même aménagée, ne donnait pas satisfaction aux entreprises »523(*).

Un projet de loi à l'initiative de Jack Lang propose une nouvelle structure sui generis empreinte de souplesse. « La qualification de personne morale nouvelle peut se discuter. On aurait pu considérer la fondation d'entreprise comme une formule allégée de la fondation reconnue d'utilité publique : c'est-à-dire, une personne morale de droit privé, créée par acte unilatéral, mais qui n'accède à la vie juridique que par une décision de l'autorité publique »524(*). C'est finalement la loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 qui consacre la fondation d'entreprise en droit français en lui conférant un statut juridique à part entière. Cette loi est complétée par un décret d'application en date du 30 septembre 1991 lui-même modifié par un décret du 11 juillet 2002525(*). La fondation d'entreprise se caractérise aujourd'hui par son déclin progressif (§1) alors que les fonds de dotation sont en plein épanouissement (§2).

§1- La déficience des fondations d'entreprise

La désaffection vis-à-vis des fondations d'entreprise est justifiée par un cadre juridique restreint (A), une capacité financière limitée (B) et une autonomie relative (C).

A- Le cadre juridique étroit de la fondation d'entreprise

1- Le nombre limité de fondateurs

La loi du 23 juillet 1987 définissait la compétence rationae personae en matière de fondation d'entreprise. « Les sociétés civiles ou commerciales, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les coopératives, les institutions de prévoyance ou les mutuelles peuvent créer, en vue de la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général, une personne morale, à but non lucratif, dénommée fondation d'entreprise »526(*). La fondation d'entreprise peut se définir comme un groupement de biens affectés à une oeuvre d'intérêt général pour une durée limitée, doté d'un capital mais sans but lucratif, qui acquiert la personnalité morale après autorisation administrative. Elle se différencie de l'association qui est un groupement de personnes résultant d'un contrat et non d'un acte unilatéral527(*). De même la fondation d'entreprise se distingue de la fondation reconnue d'utilité publique qui acquiert la personnalité morale après la reconnaissance de son utilité publique par décret en Conseil d'Etat528(*). La nature juridique de la fondation d'entreprise détermine par ailleurs la compétence juridictionnelle. Il s'agit d'une personne morale de droit privé malgré l'affectation des biens à l'intérêt général et l'intervention de la puissance publique529(*). Le juge judiciaire est donc seul compétent dans les litiges relatifs aux fondations d'entreprise.

Selon une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, trois conditions sont nécessaires à la validité d'un acte de fondation : une décision d'affectation de biens, une activité d'intérêt général à but non lucratif et la réalisation de cette mission. Seules certaines catégories de personnes morales sont habilitées à créer une fondation d'entreprise, son efficience est donc relative. Ainsi les fondateurs peuvent être des sociétés civiles ou commerciales, des coopératives ou des mutuelles, ou des établissements publics à caractère industriel et commercial. Les personnes physiques ne peuvent en revanche pas créer valablement une fondation d'entreprise, qu'elles soient commerçantes ou non530(*). Cela se justifie par la surface financière insuffisante pour exercer une activité de mécénat. En outre, le législateur est réticent quant à l'affectation du patrimoine d'une personne physique à une personne morale. Ainsi « il n'est guère satisfaisant de réserver à une seule catégorie de personnes physiques le droit de créer une fondation d'entreprise. Si des commerçants doivent en créer, ils n'ont qu'à créer au préalable, une société, ce qui évitera d'éventuelles confusions entre patrimoine personnel et patrimoine de l'entreprise »531(*).

Sont également exclus les groupements d'intérêt économique dont l'objectif est de « faciliter ou de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité »532(*). Il en est de même des associations afin de ne pas accroître le risque de confusion. De plus, l'association n'a aucun intérêt à affecter une partie de son patrimoine à la fondation d'entreprise533(*).

Le nombre de fondateurs est en revanche indifférent puisque l'article 19 de la loi du 23 juillet 1987 évoque « le ou les fondateurs ». S'il y a plusieurs fondateurs, la fondation d'entreprise naît alors d'un contrat. Enfin, la fondation d'entreprise est une personne morale distincte de ses membres. De ce fait, si une relation de contrôle existe entre la fondation et l'entreprise fondatrice, il en résulterait une absence d'autonomie et une requalification en filiale commerciale534(*).

* 511 Louis XIV fut ainsi l'un des plus grands mécènes de l'histoire, son goût pour l'art étant immodéré, voir ainsi « Louis XIV, Roi-Soleil et mécène flamboyant », La Croix en date du 19/10/2009 par Laurent Larcher.

* 512Rapport d'information n°4358 déposé en application 145 du Règlement par la Commission des affaires culturelles et de l'éducation en conclusion des travaux de la mission sur les nouvelles formes du mécénat culturel, présenté par Michel Herbillon, le 15/02/2012.

* 513 Ce rapport est intitulé « Le mécénat et les fondations » : dans ce rapport, Michel Pomey imagine la création d'une grande fondation généraliste qui aurait un « rôle d'intermédiaire et de catalyseur, capable de collecter des biens et des fonds (...) de les gérer (...) et de les redistribuer (...) conformément aux charges éventuelles stipulées par les donateurs dans les divers secteurs de l'intérêt général ». Voir également http://www.fondationdefrance.org/La-Fondation-de-France/Notre-histoire/Portraits/Michel-Pomey.

* 514 Décret du 9 janvier 1969 signé par le général de Gaulle.

* 515 J. Imbert, « Les gens de mainmorte avant l'édit d'août 1749 » in Cahier des annales de Normandie, 1992 p.337.

* 516 Décret du 2 novembre 1789.

* 517 L'article 910 ancien du Code civil dispose ainsi que « les dispositions entre vifs ou par testament, au profit des hospices, des pauvres d'une commune ou d'établissements d'utilité publique, n'auront leur effet qu'autant qu'elles seront autorisées par une ordonnance royale ».

* 518 Un avis du Conseil d'Etat du 24 décembre 1805 impose la surveillance et la régularisation des établissements de charité ou de bienfaisance.

* 519 Réponse ministérielle n°39407 du 01/07/1977, JOAN Q, 27/08/1977, p.5290.

* 520 M-H MALEVILLE, « Premières remarques sur la fondation d'entreprise », JCP E n°46, novembre 1990, 15901

* 521 Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.

* 522 Article 18 alinéa 1er de la loi du 23 juillet 1987.

* 523 E. ALFANDARI et M. JEANTIN, « Fondation. Fondation d'entreprise - Loi du 4 juillet 1990 » (JO 6 juill. 1990), RTD com. 1990 p.608.

* 524 E. ALFANDARI et M. JEANTIN, préc.

* 525 Décret n°91-1005 du 30 septembre 1991 pris pour l'application de la loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 créant les fondations d'entreprise et modifiant les dispositions de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat relatives aux fondations ; Décret n°2002-998 du 11 juillet 2002 modifiant le décret n° 91-1005 du 30 septembre 1991 et relatif aux fondations d'entreprise.

* 526 Article 19 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987.

* 527Juris-class. Soc. Traité, Fascicule 176-10, 2007, par Marie-Hélène Maleville.

* 528 Article 18 alinéa 2 de la loi du 23 juillet 1987.

* 529 Rapport introductif H. SOULEAU, in Le droit des fondations en France et à l'étranger, Notes et études doc. 1989 p.11 ; M. POMEY, Traité des fondations d'utilité publique, PUF, 1980, p.28.

* 530 Cour d'appel de Paris, 2ème chambre B, 03/03/1995.

* 531 H. MIGNON, rapport n° 1368 fait au nom de la commission des affaires culturelles et sociales de l'Assemblée nationale, J.O 1989-1990, Doc. A.N, 1990 ; P. LAFFITTE, Rapport n° 213 fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 4 avril 1990 sur le Projet de loi relatif aux fondations et modifiant la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.

* 532 Article L 251-1 du Code de commerce.

* 533 E. ALFANDARI et M. JEANTIN, RTD com. 1990, p.610, ibid.

* 534 Article L 233-3 du Code de commerce : la fondation d'entreprise est parfaitement autonome, par conséquent si elle est contrôlée par l'entreprise fondatrice, le droit des sociétés doit s'appliquer.

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