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L'efficience des patrimoines d'affectation en droit privé

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par Romain Coquet
Université de Bretagne occidentale - Master 2 Droit privé fondamental 2012
  

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§2- Une affectation efficiente en matière de fiducie-sûreté

La fiducie-sûreté est conforme au droit de propriété de l'article 544 du Code civil. En effet, le propriétaire fiduciaire dispose d'une pleine vocation à la jouissance de la chose sous condition résolutoire du paiement de la créance garantie à l'échéance. Cette sûreté fondée sur la propriété est efficace puisque le fiduciaire se retrouve véritablement à la tête de deux patrimoines distincts (A). Le législateur a eu l'ambition de rendre cette sûreté irrévocable, par soucis de protection des créanciers saisissants (B). A ce titre, il est parvenu à limiter les causes de révocation de la fiducie pour permettre aux créanciers de ne pas perdre le bénéfice de leur sûreté. En outre, la faculté de recharge offerte à la fiducie calquée sur le modèle de l'hypothèque est un symbole de pérennité et de souplesse. La protection des créanciers est assurée en l'absence de paiement de paiement de la créance garantie (C), car la propriété fiduciaire se métamorphose alors en une propriété ordinaire. Si une procédure collective est ouverte à l'encontre du débiteur, cette protection est variable. S'il existe des perspectives de redressement, l'efficacité de la fiducie-sûreté est neutralisée mais les créanciers conservent néanmoins le pouvoir de saisir les biens, sauf si une convention de mise à disposition a été conclue au profit du constituant-débiteur. En l'absence de perspectives de redressement, la fiducie-sûreté est en revanche parfaitement efficace et les créanciers peuvent exercer leur droit de gage.

A- L'émergence d'une propriété-sûreté avec patrimoine d'affectation

1- L'hostilité traditionnelle à l'égard des sûretés réelles

« La fiducie-sûreté semble un outil rêvé pour utiliser son patrimoine en vue d'obtenir du financement »160(*). Cette nouvelle source de crédit répond aux besoins de la pratique bancaire par son efficacité. En dehors de sa fonction de gestion, la fiducie joue un rôle de garantie et accède au rang de sûreté. « Une sûreté est l'affectation à la satisfaction du créancier d'un bien, d'un ensemble de biens ou d'un patrimoine, par l'adjonction aux droits résultant normalement pour lui d'un contrat de base, d'un droit d'agir, accessoire de son droit de créance, qui améliore sa situation juridique en remédiant aux insuffisances de son droit de gage général, sans être pour autant une source de profit, et dont la mise en oeuvre satisfait le créancier en éteignant la créance en tout ou partie, directement ou indirectement »161(*). Cette définition est rassurante en ce qu'elle accorde au créancier un droit personnel et un droit réel sur le patrimoine du débiteur défaillant.

Traditionnellement, le droit français était hostile à l'utilisation du droit de propriété à des fins de garantie. D'une part, il prohibait le pacte commissoire par lequel le créancier peut se faire attribuer la créance donnée en nantissement en cas de défaillance du débiteur162(*). D'autre part, la fiducie apparaissait contraire à la conception française du droit de propriété conçu comme un droit perpétuel et absolu. Le créancier risquait d'être sacrifié en cas d'ouverture d'une procédure collective. Aujourd'hui, le droit de propriété peut exercer une telle fonction de garantie sans être démembré. Pour le professeur Crocq, la limitation du droit de propriété du créancier cessionnaire dans le cadre d'une cession fiduciaire « repose sur l'acceptation d'obligations personnelles et non pas sur le démembrement de la notion de propriété ». A contrario, certains auteurs y ont vu un démembrement entre la propriété de la valeur du bien et la propriété de son utilité163(*).

La fiducie-sûreté enrichit le numerus clausus des garanties réelles depuis sa timide consécration par la loi du 19 février 2007. A ce titre, le créancier titulaire d'une sûreté réelle bénéficie du droit de préférence et peut se faire payer avant tout autre créancier chirographaire sur le bien affecté en garantie. Le droit de préférence est efficace si le bien demeure dans le patrimoine du débiteur, car il peut être saisi à tout moment par le créancier. Si le débiteur décide d'aliéner le bien grevé de sûreté, le droit encadre la protection du créancier qui bénéficie alors d'un droit de suite. Par cet artifice, le créancier pourra exercer son droit de préférence entre les mains du sous-acquéreur164(*). Le droit de préférence et le droit de suite engendrent un conflit d'intérêts entre le créancier bénéficiaire et les tiers. Ils doivent être publiés pour permettre l'opposabilité aux tiers. La publicité des sûretés réelles est généralement imparfaite même si en matière immobilière, la Conservation des hypothèques assure cette fonction. Il a été décidé de créer un registre national des fiducies pour faciliter l'information des tiers.

C'est pour éviter le concours entre les créanciers que les sûretés réelles fondées sur l'octroi d'un droit de propriété au créancier se sont développées. En matière de fiducie-sûreté, le créancier n'est pas titulaire d'un droit de préférence car il n'existe pas un tel concours. De même, le créancier ne jouit pas d'un droit de suite car le débiteur n'est pas propriétaire du bien concerné. Certains conflits peuvent néanmoins survenir entre deux créanciers du même rang. Ainsi, celui qui l'emporte est celui qui a rendu don droit exclusif opposable aux tiers en vertu de l'adage « priortempore, potior jure ».

Dans un premier temps, la fiducia pouvait être utilisée comme une garantie. Un débiteur transférait, à titre de garantie de sa dette, la propriété d'une chose à son créancier : ce mécanisme était appelé « fiducia cum creditore ». Si le débiteur honorait sa dette, le fiduciaire également créancier devait lui restituer la chose. Cette garantie était accessoire à la créance et donc constitutive d'une sûreté165(*). Cette sûreté était particulièrement efficace puisque la propriété de la chose était transférée au fiduciaire romain. Ce dernier était seul titulaire de prérogatives sur la chose. En effet, le constituant était dépossédé de sa chose, celle-ci avait quitté son patrimoine par l'effet du transfert. Néanmoins, la chose garantie échappait au droit de gage général des créanciers si bien qu'en cas de non-paiement à l'échéance, le créancier était privilégié. Il pouvait aliéner la chose garantie et se payer sur le prix de vente. Dans une thèse devenue célèbre, Claude Witz précise que le transfert de propriété à titre de garantie existait dans tous les systèmes primitifs166(*). La fiducia cum creditore est ainsi la première sûreté réelle en droit romain.

Un avant-projet de loi relatif à la fiducie ne visait en aucune de ses dispositions la fiducie-sûreté mais ses auteurs et la doctrine avaient admis « qu'une telle utilisation était non seulement implicitement permise mais voulue par le texte »167(*). En outre, un nouveau projet présenté par la Chancellerie en 1992 consacre explicitement la fiducie-sûreté. La loi du 19 février 2007 ne contient pas de dispositions spécifiques à la fiducie-sûreté. Toutefois, la définition de la fiducie donnée par l'article 2011 du Code civil évoque le transfert de biens, de droits ou de sûretés à un ou plusieurs fiduciaires qui agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires.

L'introduction de la fiducie dans le Code civil a été critiquée par les nombreux commentateurs de la loi. Son domaine était trop étroit et elle était soumise à de strictes conditions. Seules les personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés pouvaient être déclarées constituants d'une fiducie. Sa durée était en outre limitée à trente-trois ans. La loi de modernisation de l'économie est venue corriger certaines imperfections. Elle a ouvert la fiducie aux personnes physiques, mettant fin à toute discrimination. De plus, le législateur a autorisé l'avocat à devenir fiduciaire mais a refusé au notaire de jouer un tel rôle. Or le notaire peut être fiduciaire dans le cadre du mandat de protection de future au profit des personnes vulnérables. La durée du contrat a été portée à 99 ans. Certains auteurs ont ainsi mis en avant les carences de la loi du 19 février 2007, notamment l'absence de dispositions relatives à la réalisation de la fiducie-sûreté168(*).

* 160 Rapport au 107e Congrès des notaires, Cannes 5-8 juin 2011, Commentaire par Alain Cerles, Revue de Droit bancaire et financier n° 6, Novembre 2011, commentaire 199.

* 161 P. CROCQ, « Propriété et garantie », thèse Paris II, LGDJ, 1995, préface M. Gobert, n° 282.

* 162 Article 2365 du C. civ : « En cas de défaillance de son débiteur, le créancier nanti peut se faire attribuer, par le juge ou dans les conditions prévues par la convention, la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s'y rattachent ».

* 163 C. WITZ, « La fiducie en droit privé français », Economica, 1981, n° 156, p.144.

* 164 Le droit de préférence et le droit de suite forment le « jus ad rem », c'est-à-dire le droit sur la chose qualifié de droit réel.

* 165 F. BARRIERE, « La réception du trust au travers de la fiducie », préface Michel Grimaldi, Lexis Nexis, 2004.

* 166 C. WITZ, « La fiducie en droit privé français », Economica, 1981, n° 156, p.25.

* 167 A. CERLES, « La fiducie, nouvelle reine des sûretés ? », JCP E n°36, 6 septembre 2007, p.19.

* 168 P. CROCQ, « Lacunes et limites de la loi au regard du droit des sûretés », D. 2007 p.1354. Cet auteur affirme : « On ne peut ici que suggérer à la Cour de cassation de se fonder sur le caractère accessoire de la fiducie-sûreté pour affirmer que sa réalisation ne peut jamais conférer au créancier un avantage supérieur à celui qu'il aurait retiré de l'exécution normale de l'obligation garantie. En cas de défaillance du débiteur, le créancier-fiduciaire ne peut conserver la propriété du bien donné en garantie qu'à la condition de restituer au débiteur une somme correspondant à la différence entre la valeur du bien donné en garantie et le montant de la dette restant due ».

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius