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La magie de Diaz

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par Mélissa Perianez
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master 2 Histoire de l'art 2013
  

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Section 3. Les mêmes histoires contre l'Histoire

Théophile Thoré pointait ce qui chez Diaz réunit la beauté idéale des formes de sa peinture à la suggestion d'une force démesurée et Sublime354. Le critique a insisté sur la finesse de sa sensibilité, le rendant apte à développer le genre de la fête galante là où tant sont passés à côté de l'esprit du genre de Watteau en copiant sa forme. Il a semblé judicieux dans cette étude de fouiller parmi les nombreuses références picturales de Diaz, ce qui le rapproche de la Renaissance, où s'est illustré son grand maître à penser, Corrège, et plus particulièrement la réflexion sur le jeu des apparences. Cela irait donc dans le sens de Thoré, en pouvant expliquer le sens du Sublime derrière les apparences mesurées et sages de sa peinture. Les allégories mises en équivalence avec des tableaux anecdotiques, par la répétition des formes et l'interchangeabilité des figures, créent une oeuvre parcourue de métamorphoses incessantes. Ces anecdotes répétées et décrivant la même scène, comme le Maléfice, installent l'idée d'une permanente répétition d' « histoires », à la façon dont le conte illustre dans une histoire ou une légende, celle de l'humanité. Tenant par l'anecdote l'éternelle répétition humaine, le macrocosme par le microcosme, Diaz confine au Sublime.

Sans passer par le genre historique, à la différence des peintres « pompiers355 », Diaz use de la scène de genre dans sa vocation à être « la petite soeur356 » de la peinture d'histoire. Comme dans le Maléfice, où les protagonistes illustrent un rapport de force mu par des réflexes, tels que la jalousie que peut inspirer la beauté, le peintre se penche uniquement sur des éléments immuables, qui dépassent la vie des hommes et transcendent la lecture de l'Histoire des batailles et des Nations. Ainsi en va-t-il en premier lieu de la Nature, à laquelle va la vocation artistique de Diaz, puis du Mythe représenté en allégorie, et décliné dans les situations psychologiquement imparables des scènes de genre. Diaz peint l'immuabilité de l'emprise amoureuse sur l'homme, dans une temporalité suspendue. L'intemporalité se double d'une universalité, comme nous avons pu le mettre en lumière, dont on peut déduire un attachement particulier à l'idée de situations humaines qui font l'histoire de l'humanité. Le genre historique, lui, suppose de décrire un évènement, dans une unité d'action, de temps et de lieu, qui marquerait l'Histoire prise dans son évolution ; Diaz y oppose

354 Voir Kant, Emmanuel, Observations sur le sentiment du Beau et du Sublime, Paris, Vrin, 1997.

355 Zerner les définit comme étant en général « renommés de leur vivant, qui se spécialisèrent dans d'importantes toiles historiques et religieuses », alors que Diaz ne produit aucune « grande machine ».

356 L'expression est de Nadeije Dagen, Lire la peinture, Paris, Larousse, 2009.

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une oeuvre entière consacrée à ce qu'il y a d'immuable et d'intemporel, que ces évènements, chers au grand genre, ne changeront pas.

Baptisée par la critique, lors de son envoi en 1835, « bataille des pots cassés357 », La bataille de Médina Coeli, la seule scène de bataille de Diaz reste isolée dans son oeuvre. La solidité des formes attendue dans le grand genre, signalant l'importance des évènements historiques et leur permanence dans la mémoire, n'est pas dans l'idée du jeune peintre allant à l'assaut du public. Son idée de ce qui fait l'Histoire se trouve ailleurs, et quelques années plus tard, abandonnant les dimensions imposantes, il revient au Salon avec une véritable barricade de « tableautins » entachés, pour mener sa bataille romantique. Petites taches, ses personnages contribuent à une histoire de la trace que laisse chacun.

Dans le Maléfice, à l'image de ses autres anecdotes, la narration est réduite à une composition simple, dont seulement quelques détails sont décrits. L'attention du spectateur se focalise sur l'interaction de deux personnages, puis elle est ramenée par les éléments du décorum à l'idée d'une force naturelle qui oeuvre entre eux. Le spectateur est immergé dans un espace indéfini, comme celui du conte. Ce maléfice parait d'autant plus prégnant qu'il est invisible, contenu dans l'émotion troublée d'un personnage prédisposé à être frappé par le sort. En réduisant les attributs et attitudes des personnages à une très douce pantomime, l'artiste va à l'essentiel de la situation : un rapport de forces, un jeu de réflexes psychiques dont les règles sont naturelles.

Les détails eux-mêmes - dans cette scène le poignet cassé, l'index légèrement levé, un pied avançant, la tête penchée - se répètent d'un tableau à l'autre et composent un répertoire de composition réduit. Cette insistance, si peu commune au milieu du XIXe siècle, qui rappelle plutôt l'entêtement individualiste d'un artiste d'avant-garde tel qu'on en connaitra au XXe, traduit symboliquement un rapport au monde immuable.

La touche du peintre qui dilue la solidité des formes en insérant un jeu entre elles, « comme explosée par une locomotive », ainsi que la perspective souvent barrée par un écran naturel, signalent la suprématie d'un instant où chaque chose rejaillit l'une sur l'autre.

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