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Sémantique littéraire de l'espace du desert dans la traversée de Mouloud Mammeri

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par Abderrahmane Guetal
Université de Chlef. Algérie - Master en Littératures Francophones. 2015
  

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Partie théorique

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Chapitre n°1 : Présentation de l'auteur

1-1Sa vie :

Mouloud Mammeri est né le 28 décembre 1917 à Taourirt Mimoune, un petit village de la grande Kabylie coupé du monde extérieur. D'une famille aisée et d'un père détenteur de savoir. Mouloud Mammeri est donc confronté très tôt au choc d'une double culture. Il découvre un monde qui lui est étranger. Jusqu'à onze ans, il fréquente l'école du village, première école dite kabylo française, implantée en Kabylie en 1883 dans le cadre de la mise en place de l'école laïque. Ces premières années de formation orientent Mouloud Mammeri vers : « L'ouverture la plus large possible sur les plus divers horizons »8. Il poursuit ses études secondaires d'abord à Rabat, puis à Alger. Ayant en vue l'école normale supérieure, il part pour le lycée Louis Le Grand à Paris. De ces années d'études, Mammeri dira :

J'ai réussi une formation remarquable. Après tant d'années écoulées depuis ce lointain passé, je suis encore gré à mes maitres de me l'avoir dispensé ; j'en ai eu d'éminents : j'ai eu Jean Grenier comme professeur de philo (c'est lui qui m'a poussé à écrire mon premier papier) ; j'ai aimé Homère à travers Louis Gernet 9

Mobilisé en 1939, il est libéré en 1940. Remobilisé en 1942, il prend part aux compagnes de l'Italie, France et Allemagne. En 1947 à Paris, il subit avec succès les épreuves du concours pour le recrutement de professeurs de lettres. Enseignant à Médéa en 1947-1948, ensuite il est nommé au lycée Ben-Aknoun près d'Alger. La plume de l'auteur se voue pleinement à la cause nationale, lorsque la guerre de libération éclate en novembre 1954. En 1957, alors que la guerre de libération fait rage, Mouloud Mammeri rédige sa pièce de théâtre « Le Foehn », qui traite de la guerre d'indépendance. Elle ne sera jouée qu'en 1967 en français au théâtre national d'Alger, ainsi qu'aux théâtres régionaux de Constantine et d'Oran. En 1969, Mouloud Mammeri motivé par la sauvegarde du patrimoine culturel Algérien, traduit et transcrit les poèmes de Si Muhand Ou M'hand, les préservant ainsi de l'oubli. De retour en Algérie, juste après l'indépendance, Mouloud Mammeri est professeur à l'Université d'Alger pendant quelques années où il y assure un cours sur l'ethnographie de l'Afrique du nord. Il a aussi dirigé à partir de 1969, le Centre de Recherches Anthropologiques,

8 Tahar Djaout, Entretien avec Mouloud Mammeri, Alger, Laphomic, 1987, p. 50

9 Djaout 1987, p.16

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Préhistoriques et Ethnographiques (CRAPE) à Alger. Suite aux évènements du printemps berbère du 20 avril 1980, il est exclu du champ culturel étatique, avant de prendre sa retraite en 1982. Tout compte fait, l'auteur poursuit son oeuvre littéraire et ses travaux sur la littérature orale berbère. Entre 1969 et 1989, il a produit sept ouvrages entre l'essai et la poésie, publiés chez Phon, Europe, Maspero ou Bordas, précisément : La table ronde, La Meute, Machaho, deux pièces de théâtre, Le foehn ayant pour cadre la guerre de libération, et le Banquet, précédée de La Mort des Aztèques où il nous décrit l'extinction de toute une civilisation, et l'effondrement de l'empire aztèque. Il publie aussi deux recueils de conte pour enfants. Mouloud Mammeri crée en 1982 à Paris, avec la collaboration de son ami Pierre Bourdieu, le Centre d'Etudes et de Recherche Amazigh (CERAM) et la revue AWAL. De plus, il donnait des conférences sur la langue et la littérature Amazigh, au sein de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales(EHESS). Durant l'année 1988, Mouloud Mammeri reçoit à Paris, de la part de l'Université de la Sorbonne, le titre de « Docteur Honoris Causa ». Le 26 Février 1989, Mouloud Mammeri décède à la suite d'un accident de voiture près d'Ain Defla à son retour d'un colloque tenu à Oujda au Maroc.

1-2 Un auteur, une écriture, un style

1-2-1 Son rapport à la langue française :

Dès son jeune âge, Mouloud Mammeri devient un admirateur fervent et nostalgique de ses origines, de la culture de ses ancêtres, de la société dans laquelle il vit. Pierre Bourdieu, sociologue et ami de l'auteur dira:

L'histoire du rapport de Mouloud Mammeri à sa société et sa culture originelle peut être décrit comme une odyssée avec un premier mouvement d'éloignement vers les rivages inconnus et plein de séduction, suivi d'un long retour, lent et semé d'embûches, vers la terre natale10

Son oeuvre romanesque n'est pas abondante, contrairement à certains écrivains de sa génération ; citons M. Dib par exemple, mais ses romans ont tous été traduits en plusieurs langues. Mouloud Mammeri est l'un des représentants les plus éminents de la littérature algérienne des années cinquante. Il s'empare tôt de la langue française, pour exprimer son désarroi, sa frustration face à une époque coloniale dramatique, et qui a pulvérisé toutes les

10 P. Bourdieu, L'Odyssée de la réappropriation, Alger, in Awal, 1998, p.5

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certitudes du passé d'un peuple. C'est à partir de ce contexte que l'auteur a éprouvé la nécessité d'écrire en cette langue, sans complexe d'exil ou d'aliénation. Dans un entretien accordé à l'écrivain-journaliste Tahar Djaout, il déclarait :

J'ai appris le français à l'école, il s'agit donc d'un apprentissage artificiel. Mais une fois la langue acquise j'avoue que j'en ai apprécié les avantages. Ce n'est pas pour ses bénéfices pratiques, parce qu'elle permet une ouverture très large sur le reste du monde, en particulier le monde moderne [...]. C'est surtout parce que c'est un instrument de libération- y compris d'elle-même11

La question identitaire est au centre de ses romans. Elle se conjugue en une inquiétude existentielle, un souci des origines. Il revendique son algérianité à travers les discours développés par les personnages de ses romans. La langue et la culture berbère, longtemps ignorées par les instances politiques, sont bien enracinées chez l'auteur. Mouloud Mammeri dévoile son désappointement de cet état de fait à Tahar Djaout :

L'Etat algérien, [...] après un quart de siècle d'indépendance, vit le scandale de ne pas reconnaitre comme algérienne une langue parlée en Algérie depuis des millénaires12

Pour lui, le berbère est sa langue maternelle, et par laquelle s'exprime son bien-être. Mais la berbérité que revendique l'auteur est perçue comme refuge contre la dépersonnalisation, pour ce peuple isolé dans la montagne.

Dans Le Sommeil du juste le personnage d'Arezki illustre bien cette idée. Le sujet tente, dans un premier temps, de se démarquer de son identité d'origine, alors que ce n'était qu'une illusion. Dans une lettre adressée à son maitre, M. Poiré, Arezki dit : « [...] ce que j'ai avalé, de siècles d'auteurs, de mots, de raisonnements [...]»13.

11 Djaout 1987, p. 49

12 Djaout 1987, p. 49

13 M. Mammeri, Le Sommeil du juste, Phon, p. 133

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Rappelé dans l'armée française, il s'est rendu compte qu'en situation de dominé, s'exprimer par la langue de ses aïeux, c'est affirmer son identité. Le narrateur nous le fait savoir à travers ce passage :

Depuis que je suis un guerrier, écrit Arezki à son ancien maitre, c'est fou ce que j'économise les mots, du reste, j'ai par bonheur oublié tous ce qui ne servent à rien, la moitié des vôtres y ont sombré14

Mouloud Mammeri est un intellectuel engagé, producteur de pensées. Influant grandement les générations des années soixante-dix et quatre-vingt, il a bien marqué son époque. Dès sa parution en 1982, le roman est muni d'un dispositif dit occulteur et dont l'origine sont les organes de la presse algérienne. L'exception étant faite d'un article paru dans « Révolution Africaine » en 1986. Dans ce sens M. Mammeri déclarait à A. Djeghloul :

Quand La Traversée a paru, la moindre des choses aurait été d'en parler en bien ou en mal, qu'importe. Or, je sais que des journalistes ou des critiques littéraires ont écrit des papiers sur La Traversée. Ils les ont proposés à des journaux qui les ont refusés15

Cette déclaration affermit le discours sociopolitique développé dans le roman, ce qui lui a valu non seulement sa marginalisation médiatique, mais certainement son absence d'édition. Ce n'est qu'à partir de 1991, deux ans après la disparition tragique de l'écrivain, que son édition reprit son cours.

L'écriture de M. Mammeri dans La Traversée demeure la seule écriture prémonitoire et clairvoyante. Comme roman, il retrace la situation de l'Algérie au lendemain de l'indépendance. L'auteur choisit un cadre spatial ouvert sur les inquiétudes, pour traduire l'évolution de son écriture et le cheminement de sa pensée. Une vision antinomique s'installe chez l'auteur non pas comme une tare, mais comme une chance qui présage un avenir meilleur.

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