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Malouet, administrateur en guyane (1776-1778) mise en place d'un projet administratif et technique.

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par Benoît JUNG
Paris Ouest Nanterre - Master 2 2014
  

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2.4 Le « système colonial » de Malouet : un principe conservateur

Ce système colonial constitue l'acmé de sa pensée sur le terrain des colonies, qu'il développe abondamment dans l'introduction du quatrième volume de sa Collection de mémoires. En réalité, le système colonial est plutôt pour Malouet l'occasion de ramasser l'ensemble d'une réflexion élaborée sur un quart de siècle, au moment où Napoléon tient les rênes du pays. Nous l'avons dit, il s'agit pour lui de revenir aux affaires en mettant en avant sa longue expérience coloniale. Il pose donc trois principes, très simples, qui forment « le principe conservateur » des colonies, reprenant en grande partie ses réflexions antérieures : une législation différenciée entre la métropole et ses possessions outre-mer, une autonomie législative des colonies, enfin une réforme du statut de l'esclave.

2.4.1 Revenir aux affaires : le lobby colonial

À son retour d'exil de Londres, au lendemain du coup d'État du 18 brumaire, Malouet cherche à reprendre du service au sein de l'administration coloniale. Nous l'avons évoqué, le soulèvement des esclaves de Saint-Domingue et son exil londonien l'ont financièrement ruiné. C'est aussi un fervent monarchiste, soucieux d'ordre et de prestige national. De fait, et à l'image de bon nombre de monarchiens, il verse dans le bonapartisme. Pourtant, si le Premier consul met en place un État fort qui conserve une grande partie des acquis de la Révolution, il nourrit en matière coloniale une position indécise368 que tentent de faire basculer en leur faveur les coloniaux de l'Ancien Régime. Regroupés autour de personnages comme Narcisse Baudry des Lozières, les ministres de la Marine Forfait et Decrès, l'ancien intendant de Saint-Domingue Barbé de Marbois, Moreau de Saint-Méry ou Guillemin de Vaivre, le groupe colonial forme une sorte de bureau de la propagande qui pousse le Premier consul à restaurer l'ordre colonial tel qu'il était sous l'Ancien Régime.369 Malouet fait partie de ces lobbyistes. Il joue sur sa réputation et met en avant son expérience de planteur et d'administrateur. Ses livres s'inscrivent dans le cadre de la politique consulaire et ne sont certainement pas étrangers à son élaboration370. Par exemple, il se prononce en

368 Jean MEYER, Jean TARRADE et Annie REY-GOLDZEIGUER, Histoire de la France coloniale, op. cit., p. 415 ; Pierre PLUCHON, Histoire de la colonisation française, op. cit., p. 905.

369 Yves BENOT, La démence coloniale sous Napoléon, op. cit., p. 186 ; Jean MEYER, Jean TARRADE et Annie REY-GOLDZEIGUER, Histoire de la France coloniale, op. cit., p. 146 ; Pierre PLUCHON, Histoire de la colonisation française, op. cit., p. 908.

370 Yves BENOT, La démence coloniale sous Napoléon, op. cit., p. 186-192.

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faveur d'une législation différenciée entre la métropole et les colonies, considérant que les lois valables pour l'une ne peuvent et ne doivent pas s'appliquer pour les autres au risque de mettre à mal l'équilibre de la société coloniale. Ce qui est pour lui l'occasion de conspuer l'égalité des droits, une « métaphysique dangereuse dont on a trop abusé371 » et de faire coïncider ses idées avec la politique consulaire qui, le 13 décembre 1799 dans la Constitution de l'An VIII consacre la spécificité des colonies dans son article 91, et préconise des lois spéciales pour ces territoires372.

Soucieux de restaurer la main-mise de la France sur son domaine colonial373, Malouet estime que « les colonies ne pouvoient être gouvernées comme leurs métropoles ; car elles n'ont ni la même fin, ni les mêmes moyens374. » Il s'appuie également sur des considérations économiques :

« Des cent vingt millions de revenu colonial, il nous en reste cinquante de bénéfice numéraire chaque année. La perte des colonies entraîneroit la ruine de nos manufactures, celle de la marine marchande et subsidiairement celle de l'agriculture, jusqu'à ce que l'industrie nationale se fût ouvert laborieusement des débouchés375. »

Cette argumentation est largement partagée par la plantocratie, dont Bonaparte ne tarde pas à céder aux sirènes. En outre, les coups d'État successifs de Toussaint Louverture à Saint-Domingue entraînent chez le premier Consul une grande méfiance. Il est également motivé par l'argument économique, teinté d'anglophobie. La production de Saint-Domingue chute et le peut qui est produit est capté par les Anglais, en position monopolistique sur le sucre et le café, ce qui met à mal l'emploi et participe au renchérissement des denrées coloniales en métropole376. De fait, la loi promulguée le 20 mai 1802 consacre la restauration de l'ordre colonial d'Ancien Régime aux colonies, un véritable retour à zéro, selon Jean-François Niort377. Alors que l'esclavage est légalement abolit en 1794, la loi du 20 mai supprime le travail forcé et rétablit l'esclavage378. Le 2 juillet, un arrêté retire les droits de la citoyenneté aux gens de couleur et leur interdit, ainsi qu'aux

371 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires, tome 4, op. cit., p. 15.

372 Jean MEYER, Jean TARRADE et Annie REY-GOLDZEIGUER, Histoire de la France coloniale, op. cit., p. 416 ; Pierre PLUCHON, Histoire de la colonisation française, op. cit., p. 909.

373 Pierre Victor MALOUET, Collection de mémoires, tome 4, op. cit., p. 53.

374 Ibid., p. 4.

375 Ibid., p. 247.

376 Jean MEYER, Jean TARRADE et Annie REY-GOLDZEIGUER, Histoire de la France coloniale, op. cit., p. 416 ; Pierre PLUCHON, Histoire de la colonisation française, op. cit., p. 908.

377 Jean-François NIORT, La figure juridique du Noir à travers l'évolution de la législation coloniale française (XVII-XIXe siècles), op. cit.

378 Pierre PLUCHON, Histoire de la colonisation française, op. cit., p. 909.

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Noirs, d'entrer en métropole. Pour la Guadeloupe, un arrêt consulaire spécifique (dont l'original est retrouvé en 2007) est rendu le 16 juillet 1802, un arrêt « consternant et effrayant » précise Jean-François Niort, qui rétablit l'esclavage, le préjugé de couleur et la traite. L'interdiction de séjour et des mariages mixtes en métropole est également rétablie379.

Ce basculement de la politique consulaire s'accompagne également d'une radicalisation du discours colonial, qui s'engage dès lors dans une racialisation des rapports entre Blancs et Noirs.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon