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Malouet, administrateur en guyane (1776-1778) mise en place d'un projet administratif et technique.

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par Benoît JUNG
Paris Ouest Nanterre - Master 2 2014
  

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1.3.2 Le réseau domingois : un appui en France et aux colonies

Son passage à Saint-Domingue est déterminant à plus d'un titre, en particulier pour la constitution d'un cercle d'amitiés et de protections au sein du milieu colonial. C'est là qu'il rencontre des personnages influents, dont les réseaux se ramifient jusqu'à Paris. Son séjour à Saint-Domingue est l'occasion de mettre en lumière l'efficacité de ce soutien, qu'il conservera toute sa vie. Perçu à son arrivée comme un bureaucrate, il reste fidèle à son expérience. Il se lie rapidement avec l'intendant Bongars, ce qui lui permet de s'introduire dans la bonne société de l'île. Il sait se faire des amis dans tous les milieux, même ceux qui s'opposent traditionnellement : celui des colons et celui des commerçants. Il reste néanmoins distant du milieu militaire, qu'il ne parvient pas à pénétrer. Ses relations dans le milieu des colons l'amènent à se marier le 25 avril 1768 avec Marie-Louise

205 Pierre Victor MALOUET, Mémoires de Malouet, vol. 1, op. cit., p. 47.

206 Ibid., p. 54.

207 Marc PERRICHET, « Malouet et les bureaux de la Marine », op. cit., p. 31.

208 Françoise de Châlus, duchesse de Narbonne-Lara (1734-1821), maîtresse de Louis XV.

209 Marie-Adélaïde de France (1732-1800), dite « Madame Adélaïde », quatrième fille de Louis XV.

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Béhotte, lui permettant d'améliorer sa situation. En réalité, Malouet reproduit un schéma matrimonial bien établi. En effet, depuis les ordonnances de 1759, il est interdit aux administrateurs de posséder une habitation dans l'île où ils exercent leurs fonctions et d'épouser une créole210. Toutefois cette réglementation n'est que rarement respectée. Ainsi, en épousant une créole, il acquiert le statut social d' « habitant » et une exploitation sucrière. « J'avais acquis un titre de plus, nous dit-il, pour m'intéresser à la prospérité de la colonie ; dix mois après mon arrivée, je m'étais marié, j'étais devenu propriétaire211. »

La stratégie employée par Malouet à Saint-Domingue est mise en lumière par Céline Ronsseray. Parmi les témoins à son mariage se trouvent Antoine Malouet d'Alibert, son frère cadet, et Jean-Marie Demons-Ninet, trésorier de la Marine à Fort-Dauphin. Son épouse, Marie-Louise Béhotte est la fille d'un négociant du Cap et la veuve du commissaire ordonnateur Olivier Samson. Elle dispose de six témoins à ses côtés : Louis Lataste, chevalier de Saint-Louis et propriétaire, sa grand-mère, sa soeur Marie Jeanne Louise Béhotte, Jean-Louis Lataste son cousin et habitant, François Marie l'Huillier Marigny, conseiller et procureur au siège royal de Fort Dauphin, et Julien Bensin, négociant à fort Dauphin. « Ce mariage fait donc intervenir d'importants propriétaires domingois, écrit Céline Ronsseray, des officiers et des administrateurs de la colonie. » De fait Malouet peut se prévaloir d'une excellente carte de visite, en regard de ses origines qui ne le destinaient en rien à pousser les portes du monde colonial212.

Cette entrée dans la bonne société domingoise le rapproche de Stanislas Foäche, un négociant du Havre et propriétaire d'une sucrerie, qui comptera parmi ses amis fidèles. Malouet met également un pied au sein du Conseil supérieur de Cap français par l'intermédiaire du procureur général François Félix Legras. En 1768, sa stratégie paye puisqu'il est nommé par Bongars ordonnateur par intérim au Cap213. Ce réseau de protection s'avère crucial pour Malouet, d'une part parce qu'il ne jouit pas de l'expérience ni de la légitimité nécessaires à l'exercice d'un tel poste, d'autre part, ces soutiens lui permettent de se maintenir en place malgré la contestation à son encontre.

Ce microcosme domingois est opérant jusqu'en métropole. Comme le fait remarquer Jean Tarrade, les colons sont de plus en plus représentés à la Cour et dans les milieux mondains. Ils vivent en grands seigneurs et jouissent en métropole des revenus de leur domaine, dont ils confient sur place la gestion à d'autres214. Malouet retrouve à Paris les gens qu'il a connus à Saint-Domingue.

210 Jean TARRADE, Le commerce colonial de la France à la fin de l'Ancien Régime, op. cit., p. 73.

211 Pierre Victor MALOUET, Mémoires de Malouet, vol. 1, op. cit., p. 38.

212 Céline RONSSERAY, Administrer Cayenne au XVIIIe siècle, op. cit., p. 256.

213 Marc PERRICHET, « Malouet et les bureaux de la Marine », op. cit., p. 29.

214 Jean TARRADE, Le commerce colonial de la France à la fin de l'Ancien Régime, op. cit., p. 145.

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Il est très proche de la vicomtesse de Castellane215, chez qui il passe l'automne 1774 au château des Pressoirs du Roi, à Fontainebleau. C'est une créole de Saint-Domingue, qui connaît toute son histoire : « [ses] liaisons, [ses] amis, qui [sont] tous des honnêtes gens de la colonie. » Il fréquente aux Pressoirs M. L'Héritier de Brutelles, conseiller et procureur du Conseil supérieur au Cap français pendant 14 ans, puis choisi comme député de Saint-Domingue en 1761216, « un homme sage et éclairé [...] qui connaissait [ses] opinions et [sa] conduite à Saint-Domingue217.» Malouet va à l'Opéra en compagnie d'Étienne-Louis Féron de la Ferronnays, commandant de la partie nord de Saint-Domingue entre 1763 et 1770, puis gouverneur général de 1772 à 1773 au Cap218.

Ce cercle de fréquentations lui permet de traverser sans trop d'encombre une période difficile qu'il connaît durant les années 1774 et 1775, prolongement de son passage houleux au Conseil supérieur du Cap français.

Les conséquences de l'affaire Gautrot mettent Malouet dans une situation très délicate et manquent de lui coûter sa carrière. En effet, le Conseil supérieur nourrit une âpre animosité envers lui. De plus, Gautrot, revanchard, s'associe avec deux conseillers et se met en relation avec un parent, membre du Bureau des colonies. Ils établissent un nouveau mémoire contre Malouet, qu'ils font parvenir à de Boynes. Celui-ci, alors sur le départ, le transmet à son successeur Sartine219. Alors que Malouet croyait le nouveau ministre dans de bonnes dispositions à son égard, il déchante rapidement. Lors d'une entrevue entre les deux hommes, Sartine, furieux, produit le rapport de Gautrot et le somme de se justifier. Mais ses explications ne convainquent par le ministre qui ne décolère pas, ce qui compromet sa position220.

Le réseau domingois à Paris intervient alors en sa faveur. Sartine, ami de la vicomtesse de Castellane, se rend un soir aux Pressoirs. Là, M. L'Héritier, s'appuyant sur des documents que Blouin, premier commis du bureau des colonies et ami de longue date de Malouet, lui a remis sur son administration à Saint-Domingue, plaide sa cause auprès du ministre. Il fait mouche :

« Toutes ces démarches et le revirement qui en résulta en ma faveur furent l'affaire de quinze jours221. »

215 Margueritte-Renée Fournier, épouse de Boniface-Gaspard Auguste, colonel de dragons, vicomte de Castellane.

216 Jean TARRADE, Le commerce colonial de la France à la fin de l'Ancien Régime, op. cit., p. 75.

217 Pierre Victor MALOUET, Mémoires de Malouet, vol. 1, op. cit., p. 53-55.

218 Ibid., p. 59.

219 Ibid., p. 52-53.

220 Ibid.

221 Ibid., p. 55.

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Le ministre exprime ses regrets sur les propos désobligeants qu'il a tenu contre Malouet, et répare son emportement « avec bien plus de grâce et de sensibilité que les ministres n'en mettent ordinairement dans leurs rapports avec leurs subordonnés, écrit Malouet. [...] il me dit les choses les plus obligeantes, et à compter de ce jour-là je fus invité à dîner chez lui quand cela me conviendrait222 »

L'efficacité du réseau domingois s'avère donc déterminante et particulièrement efficace. Elle est à mettre en perspective avec le dernier cercle constitué de l'entourage ministériel.

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