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Les haies vives dans la dynamique des contacts foret-savane a Yambassa, région du centre Cameroun

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par Cyrille LEMOUPA FOTIO
Université de Yaoundé 1 - Master 2 2015
  

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IV.1.3. La contribution à la préservation et à la restauration de la biodiversité

Les haies vives du pays Yambassa sont un véritable facteur de transformation de l'interface forêt-savane dans cette region même si elles restent pour les populations locales un souvenir de leurs ancêtres. Elles favorisent le développement d'un couvert végétal forestier dans cette localité. Au départ, elles ont formé des couloirs de forêts denses longeant les pentes et côtoyant par ci par là les galeries forestières. Puis, derrière le rideau à côté des habitations, des arbres utiles (fruitiers principalement) ont été plantés. La diversification biologique s'est ensuite réalisée à la faveur de dispersions spontanées d'autres espèces pionnières de la forêt comme les Ficus (figures 26, 27, 28 et 29 et photo 18).

A l'échelle de la région, cette évolution s'est traduite par la constitution de bosquets et d'îlots forestiers. La dynamique est alors de type «coalescence de bosquets», avec conversion de la savane en forêt par apparition, croissance et coalescence de bosquets en pleine savane due à l'agroforesterie. Ce scénario se traduit par une afforestation en masse des savanes. Il s'agit d'un scénario beaucoup plus rapide que dans la dynamique du type «déplacement de lisière». Ainsi, les forêts ont de tout temps fourni aux Hommes, aux animaux et aux écosystèmes des biens et services parmi lesquels la protection et l'amélioration de la fertilité (hydrique et minérale) des sols (Akpo, 1993 ; 1998) pour la nutrition des plantes, la réduction de la pauvreté dans le monde rural et la sécurité alimentaire (FAO, 2003) par divers produits forestiers ligneux et non ligneux.

Les haies vives sont à l'origine de l'agroforesterie. La « reforestation» ou « arborisation» à base d'agroforêts comprenant des cultures pérennes remplit des fonctions de production de biens (alimentation, bois énergie, plantes médicinales, produits de vente comme, le cacao et le bois d'oeuvre) et de services environnementaux (maintien de la biodiversité et de la fertilité du sol, contrôle des flux d'eau et de l'érosion, séquestration du carbone, habitats pour la faune) (Aboubacar et al., 2007). Dans le village yambassa, les plantations ont pris la forme de systèmes agroforestiers complexes dénommés « agroforêt ». Une agroforêt se définit comme l'association d'une ou plusieurs cultures pérennes (caféier, cacaoyer, colatier, fruitiers) avec un grand nombre de composants végétaux (arbres, arbustes, lianes, herbacées) aux usages multiples (De Foresta, Michon, 1996 ; 1997). Pour Torquebiau (2007), l'agroforesterie est définie comme un système de gestion durable de la terre qui augmente la production totale, et associe des cultures, des arbres, des plantes forestières parfois avec des animaux d'élevage, simultanément ou en séquence.

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Photo 19 : Photographie aérienne n° 172 de la mission IGN 016 AEF 1951/1952 au 1/50000

Figure 29 : Photo interprétation de la photographie aérienne IGN n° 172, AEF de 1951

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Les murs vivants attirent les espèces pionnières de la forêt qui profitent de l'ombrage qu'ils offrent pour se développer. Ils accélèrent la croissance en diamètre des arbres. Ils sont aussi à l' origine de :

· La création de paysages originaux, attractifs, favorables aux activités récréatives. Les parcelles agroforestières représentent un potentiel paysager réellement novateur, porteur de symboles forts et favorables à l'image de marque des agriculteurs dans la société.

· La lutte contre l'effet de serre : constitution de systèmes efficaces pour la séquestration du carbone, par combinaison du maintien du stock organique des sols et superposition d'une strate arborée fixatrice nette de CO2, mais aussi d'azote.

· La protection des sols contre les eaux, en particulier dans les périmètres sensibles (nappes de surface, écoulements hypodermiques, zones sensibles à l'érosion)

· L'augmentation de la biodiversité, notamment par l'abondance des effets de lisières. Cela permet notamment une amélioration cynégétique, en favorisant l'habitat du gibier.

· Accélération de la croissance de la forêt.

Les arbres peuvent aussi constituer un frein à l'érosion dans les zones cultivées. Ces lignes d'arbres ou arbustes autour des champs constituent des brise-vent. La plantation des arbres réduit localement l'intensité du ruissellement des eaux de pluies (Djombaye, 2005).

Dans le contexte actuel où de nombreux pans de forêt dense sont dégradés à l'échelle

planétaire, la haie contribue à préserver ce qui peut encore l'être, notamment grâce à ses

fonctions de remaillage des écosystèmes soumis à une fragmentation croissante. Les réseaux de haies vives forment des corridors écologiques permettant de relier des sites boisés ou systèmes de lisières ou clairières utiles ou nécessaires au déroulement des cycles biologiques de la faune: sites de nourrissage, de repos, de reproduction, etc. la haie est aussi un corridor essentiel pour certains champignons forestiers et pour des plantes forestières (soit par le transfert de leurs fruits ou graines par des animaux circulant dans les haies, soit par un transfert de pollen de certaines espèces ), malgré le caractère « linéaire » de la haie.

Les haies plantées en privilégiant les espèces locales et génétiquement diversifiées participent à la conservation de la diversité génétique. En outre, la biodiversité nécessitant à la fois une intégrité écologique, une certaine hétérogénéité écopaysagère et une complexité des écosystèmes ; la haie différencie des zones plus ou moins abritées des intempéries, et des zones d'ombre et de soleil, plus sèches ou plus fraîches et humides aux sols moins colmatés,

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etc. Elle offre à un grand nombre d'espèces le minimum de complexité écopaysagère nécessaire à leur survie.

L'agroforesterie joue un rôle important dans la satisfaction de la demande pour les produits du bois. Au Pakistan, environ 90% du bois de chauffage et 46% du bois d'oeuvre sont pourvus par des plantations d'arbres sur des terres agricoles privées. Les cacaoyères sont des écosystèmes agroforestiers multistrates dont la gestion a pendant des décennies été orientée vers la production du cacao en se servant de l'ombrage fourni par les arbres. Ce sont des structures qui imitent la forêt naturelle, végétation climax dans les basses terres humides des tropiques (Norgrove, 1999 ; Sonwa, 2004). La stratification horizontale et verticale des composantes qu'on y retrouve est un facteur important de la durabilité. Les agroforêts cacaoyers du sud Cameroun font de ce fait partie des systèmes durables d'utilisation des terres dans les zones forestières d'Afrique centrale et de l'ouest (Gockowski et Dury, 1999).

L'agroforesterie offre de nombreux avantages, tant pour les producteurs agricoles que pour la société en général. Sans doute, l'agroforesterie par ses multiples fonctions environnementales et économiques, peut aider les secteurs agricole et forestier. L'agroforesterie qui s'inscrit de façon pratique dans le concept du développement durable se révèle un outil concret pour mettre en valeur la multifonctionnalité de l'agriculture. Les pratiques agroforestières peuvent contribuer à la mise en place de « paysages humanisés » dans les régions rurales et elles représentent aussi un volet important de l'approche multiressource de la gestion de la forêt privée. « Cette polyvalence contribue à l'intérêt grandissant que démontrent des acteurs du développement économique régional pour les pratiques agroforestières, lesquelles sont intégrées dans divers projets d'aménagement et de développement» (Baets, 2007).

IV.1.4. L'implantation des agroforêts et des bosquets anthropiques

En milieu de savanes, la mise en valeur agricole conduit dans certains cas à la création des agroforêts et des bosquets. Le processus comporte plusieurs étapes qui varient souvent d'un endroit à un autre selon les espèces de plantes cultivées et selon la durée de l'exploitation:

IV.1.4.1. L'élimination des graminées par les défrichements et la suspension des feux

Elle consiste au défrichement d'une parcelle de savane. Le travail commence par l'installation des champs de cultures vivrières composées de la manière suivante: taro, arachide, maïs, manioc et bananier plantain. Ces plantes sont souvent aménagées en association par deux ou trois en même temps. Dès la première année, les parcelles de savanes cultivées sont protégées des feux de brousse.

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IV.1.4.2. L'introduction volontaire et spontanée des arbres et des espèces pionnières de la forêt

Une ou deux années après les premières cultures, les agriculteurs introduisent des arbres de manière isolée. Ici et là les espèces varient et on rencontre aussi des manguiers, des avocatiers et des safoutiers. A certains endroits, on trouve des espèces à bois d'oeuvre comme le teck (introduit dans la région au début du 20e siècle par les colonisateurs allemands). Ces arbres sont composés essentiellement de fruitiers au premier rang desquels le palmier à huile. La durée de vie des arbres plantés est élevée du fait de la suspension durables des feux qui seuls empêchent la colonisation spontanée de la savane par la forêt.

IV.1.4.3. L'implantation durable des arbres et des espèces pionnières de la forêt

Une fois la parcelle exploitée par les cultures vivrières, les plants de cacaoyers sont introduits à côté des arbres et de quelques plantes vivrières comme le bananier plantain qui est gardé longtemps dans les champs. La suspension des feux durant plusieurs années successives permet une croissance élevée des espèces pionnières. Celles-ci sont en majorité composées d'espèces héliophiles à croissance rapide et à bois mou comme Ceiba pentandra, Albizia glaberrima, Albizia zygia, Albizia adianthifolia. Le recensement n'est pas exhaustif parce qu'au fil des ans, certaines espèces jugées peu utiles pour diverses raisons sont éliminées systématiquement.

IV.1.4.4. La colonisation de la forêt par élargissement des bosquets d'origine anthropique

Lorsque les jachères de savanes ne sont pas transformées en cacaoyers, elles sont néanmoins envahies en totalité par des espèces d'arbres de la forêt. La différence entre ces bosquets anthropiques qui se mettent en place et les bosquets naturels réside dans la composition floristique. Les bosquets spontanés sont essentiellement composés d'espèces de la forêt dense.

Tableau 7 : Opinion sur le milieu de création des cacaoyères

`

Milieu de création des cacaoyères

Effectifs

pourcentages

Savane

56

93,33

Forêt

4

6,66

Total

60

100%

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Dans la localité de Yambassa, les cacaoyères sont plus créées en milieu de savane. Ceci contribue à un élargissement du couvert végétal forestier puisqu'ils associent à cette culture les arbres fruitiers et d'autres espèces à bois précieux. Sur 60 paysans interrogés, 56 affirment qu'ils créent les cacaoyères en milieu de savane (Tableau 7).

Photo Lemoupa, 2013

Photo 20 : Implantation d'un bosquet à la suite d'un boisement de teck (Tectona grandis)

Les bosquets anthropiques quant à eux sont en partie composés de fruitiers exotiques tels que les manguiers, les avocatiers et d'espèces indigènes comme le palmier à huile, le safoutier et les colatiers. Les deux types se ressemblent néanmoins par une grande richesse floristique en espèces héliophiles à croissance rapide. Des travaux plus approfondis pourraient permettre d'évaluer les richesses respectives en biodiversité floristique.

Toujours est-il que ces processus d'investissements des parcelles de savanes par les cultures vivrières suivies de longues jachères ou d'aménagements de plantations de cacao ont conduit à une dispersion des bosquets. La répétition de ces procédés dans le temps et dans l'espace a finalement conduit à une nette augmentation des surfaces boisées dans la région depuis le début du 20e siècle (figure 29).

IV.1.5. Les haies vives comme corridors de dissémination d'espèces de la forêt dense

Sur le plan écologique, les haies contribuent nettement au maintien de la biodiversité. La haie est aujourd'hui constituée de strates floristiques qui sont autant de milieux de vie pour une flore et une faune diversifiées. Le maillage de l'espace, même s'il est localisé autour de quelques terroirs, fait office de lien entre différents milieux (forêt galeries dans les bas fonds,

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savanes arbustives sur les versants, savanes herbeuses dans les bas fonds marécageux) et offre des corridors de dispersion importante (figure 30 et 31). En effet, les haies servent de couloirs de circulation pour les animaux et d'étapes de déplacements pour diverses espèces d'oiseaux frugivores. Toute cette faune joue un rôle déterminent dans la dispersion de graines d'espèces forestières. Pour les animaux il s'agit principalement, d'après les enquêtes, des singes et des rongeurs comme les aulacodes, les taupes, les rats des champs, les écureuils et les rats palmistes qui disséminent les graines à travers leurs déjections. Ils les dispersent aussi en les stockant dans leurs terriers. Parmi les oiseaux on recense principalement les chauves souris qui, en se nourrissant notamment des fruits des Ficus et d'autres arbres fruitiers, contribuent à leur dispersion à travers leurs fientes.

Certes, les haies se sont émiettées dans le temps. Les arbres morts n'ont pas été remplacés. Mais de manière globale, le taux de boisement a augmenté dans la zone : d'une part du fait de l'augmentation des boisements anthropiques, mais aussi de la multiplication et de la densification des plantations de cacaoyers et de palmeraies. L'augmentation globale du taux de boisement et même de l'étendue de la forêt offre ainsi plusieurs avantages écologiques sur le site. D'abord parce que la forêt offre plus de services écosystémiques que les savanes : une grande capacité de stockage de carbone et des gaz à effet de serre, une grande richesse en biodiversité floristique et plus d'opportunités de mise en valeur agricole puisqu'on peut implanter en forêt aussi bien des champs de cultures vivrières que des plantations de cacaoyers.

Toutefois, compte tenu de la dégradation partielle, les alignements d'arbres « géants» risquent de disparaître à long termes si les individus morts ou abattus ne sont pas remplacés systématiquement. Les arbres comme Ceiba pentandra et Bombax buonopozense sont après tout des espèces héliophiles à croissance rapide, mais leur durée semble relativement moyenne. Dans la littérature, leur longévité n'est pas précisée, mais la plupart des individus manquants aujourd'hui sont mort de vieillesse, d'après les enquêtes.

Cependant, La superposition des images de 1951 et de 2013 montre une progression nette de la forêt et des agroforêts sur la savane. Sur un territoire de 4553 ha, la savane occupait 3810,6 ha en 1951 soit 83,7% de la zone contre 742,4 ha pour la forêt (16,3%). En 2013 la savane est étendue sur 3022,4 ha, soit 66,4% de la zone. Quant à la forêt, elle occupe 1530,6 ha en 2013, soit 36,6%. Au final, la forêt a plus que doublé sa superficie en s'étendant en savane sur 788,2 ha, soit une progression de 17,31 ha/an.

Figure 30 : La reconstitution de l'implication de l'aménagement des haies vives défensive

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Figure 31 : La dynamique des contacts forêt-savane sur le site de Yambassa entre 1951 et 2013 : l'expansion de la forêt

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IV.2. Les impacts socio-économiques IV.2.1. Les impacts thérapeutiques

Dans le monde, les différentes parties des plantes (feuilles, écorces, racines, fruits, graine, fleurs) ont toujours été utilisées comme médicaments. Les molécules à base de plantes sont considérées comme peu toxiques et doux par rapport aux médicaments pharmaceutiques obtenus à partir de composés chimiques. Les industries pharmaceutiques sont de plus en plus intéressées par l'étude ethnobotanique des plantes. L'Afrique dispose d'une diversité importante de plantes médicinales. Dans le monde tropical en général, et en Afrique en particulier, Ceiba et Bombax possèdent d'importantes vertus médicinales et culinaires.

Au Nigeria, les feuilles, l'écorce, les pousses et les racines sont largement employées. Les herboristes utilisent cette drogue en combinaison avec d'autres plantes locales pour traiter l'hypertension et le diabète. Les biochimistes de ce pays ont montré qu'un extrait d'écorce donné à des rats ayant un diabète (induit artificiellement) réduisait significativement leur niveau de glucose sanguin. Au Cameroun, les enquêtes sur les marchés révèlent une propriété efficace de l'écorce pilée pour le traitement des ulcères d'estomac et de la peau. Sur le site, cette plante est réputée traiter le mal de tête, les vertiges, la constipation, les troubles mentaux, la fièvre et la diarrhée affectant les enfants. En effet, d'après les travaux de Nwagba et al., (2013) des extraits de feuilles de Bombax traiteraient l'ulcère.

Les plantes médicinales constituent des ressources précieuses pour la grande majorité des populations rurales en Afrique où plus de 80% de personnes s'en servent pour assurer les soins de santé (Jiofack et al., 2009, 2010). De plus, les produits forestiers non ligneux ont éveillé un intérêt considérable en Afrique au cours de ces dernières années pour leur contribution à l'économie des ménages et la conservation de la biodiversité végétale (Betti, 2002). Compte tenu de leur apport dans l'usage médicinal, ces plantes se trouvent au centre de plusieurs activités liées aux produits forestiers non ligneux. La diversité de produits émanant des forêts tropicales est sans limite. On estime qu'il existe 150 produits forestiers non ligneux importants pour le commerce international dont la valeur moyenne se situait entre 5 et 10 milliards de dollars USA dans les années 1990 (Apema et al., 2010). Ces estimations ne tiennent pas compte des produits forestiers non ligneux qui sont commercialisés au niveau national et local. La mise en valeur des produits forestiers non ligneux exige la prise en compte de leur sécurité future et celle des forêts qui en fournissent. Au Cameroun, les plantes médicinales sont vendues régulièrement sur les marchés des

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centres urbains en différentes saisons de l'année (Betti, 2002). Ils alimentent le petit commerce de proximité exercé par les deux sexes et apportent un revenu minimum acceptable dans de nombreux ménages.

Les haies vives sont pour les populations un lieu sacré, une zone productrice, non seulement une source de revenus, mais aussi contribuent au ravitaillement en bois de chauffe, bois d'oeuvre et autres produits forestiers non ligneux. Les décoctions issues des racines, feuilles et écorces sont également utilisées à des fins thérapeutiques.

IV.2.2. Les utilités stratégiques et foncières

Par le passé les espèces des haies vives ont servi de barrière et de front d'attaque contre les invasions des ennemis et de délimitation du territoire. Mais aujourd'hui, elles produisent des biens et des services, dont certains d'entre eux sont vendus sur le marché et ont une valeur commerciale directe. Tel est par exemple le cas de l'extension des plantations de cacaoyers (photo 17). Ces espèces sont à l' origine de la diversification des activités des exploitants agricoles: la cueillette du vin de palme, les cultures vivrières et de rente et même la production du bois d'oeuvre sont autant d'activités qui offrent des revenus.

Ainsi, non seulement la mise en culture des lisières n'est pas un facteur de savanisation comme on aurait pu s'y attendre, mais au contraire, elle accélère la progression grâce aux effets conjugués de la suspension des feux de brousse et de l'implantation des arbres par les populations locales. En effet, lorsque les feux sont suspendus, les savanes se couvrent spontanément d'espèces de la forêt grâce à un climat humide. L'accélération de la dynamique forestière par la mise en culture a été localisée dans le sud des savanes baoulé (Côte-d'Ivoire) et dans la région de Béoumi (Nord-Ouest du V, à la latitude de Bouaké) par Aboubacar et al,. (2007). Comme nous l'avons observé en pays yambassa, les études similaires réalisées par Lassailly et Spichiger (1981) dans le centre de la Côte-d'Ivoire révèlent que l'extension des brousses forestières mésophiles est favorisée par la mise en culture de certaines zones privilégiées de savanes. Il s'agit ici des cultures de café et d'ignames.

L'agroforesterie liée à la haie offre de nombreux avantages économiques, il produit des biens et des services, dont certains d'entre eux sont vendus sur le marché et ont une valeur commerciale directe, tandis que d'autres ne sont pas vendus sur le marché, mais ont aussi une valeur économique. D'autres services rendus sont par exemple le bois de chauffage et d'autres produits non ligneux comme les feuilles, graines, fleurs etc. De l'autre coté, les arbres

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constitutifs des agroforêts servent comme les brise-vents. Ils servent aussi à l'amélioration de la fertilité des sols, d'ombrage et de fourrage pour le bétail et embellissent en même temps le paysage. Ils constituent aussi des pôles de conservation de la biodiversité aux échelles locales et régionales.

IV.2.3. Le développement de la cacaoculture

Le développement de la cacaoculture à yambassa se fait généralement à travers les associations de type GIC. Aujourd'hui, le village compte cinq GIC légalisés qui fonctionnent donc quatre appartiennent à une union connu sous le nom UGROPLAY oeuvrant dans le domaine de la cacaoculture. Il s'agit de : GICAMBY, GICPLACY, PAY et GICABOY. On a également un autre GIC hors de l'union connu sous le nom de GICAG.

Les bosquets du pays yambassa ont été mis à profit pour devenir des espaces de cacao culture qui est aujourd'hui la principale source de revenus de la région. La culture des variétés locales de cacao nécessite l'ombrage des arbres. Elles doivent par conséquent être installées en forêt. Autrement dit, pour que des cacaoyers soient cultivés en milieu de savanes, il a fallu au préalable installer des forêts sous formes de bosquets et d'îlots. Sur le site, les enquêtes révèlent que les exploitations sont tenues sur le mode familial. Elles sont petites (de 0,2 à 4 hectares) et souvent anciennes. Mais les agriculteurs yambassa préférant en général chercher un nouvel espace pour installer des jeunes plants plutôt que de renouveler leurs plantations ce qui pose des problèmes fonciers (M. Filipski, 2005).

La création des agroforêts cacaoyers est très souvent associée à la déforestation, surtout en Afrique de l'ouest où le cacaoyer est cultivé sans ombrage (Sonwa, 2004). Bien que dans ces conditions les rendements soient meilleurs, un raccourcissement de la durée de vie des arbres a été mentionné.

Au Cameroun, la pratique agroforestière à base de cacaoyers existe dans le grand bloc forestier du sud du pays. Dans le domaine de la mosaïque forêt-savane, elle est aussi largement rependue, notamment dans les forêts galeries, les îlots et les massifs forestiers. Ce qui est original dans le secteur du confluent Mbam et Sanaga, c'est l'implantation des cacaoyers dans des parcelles de savanes converties en bosquets par les populations.

Lorsque le cacaoyer est installé en forêt naturelle, l'aménagement nécessite au préalable des travaux de défrichements. Ceux-ci sont suivis, au cours de la première année, de la mise en place des cultures vivrières pendant une ou deux saisons de culture, ce qui permet d'améliorer la structure du sol et d'accroître le taux d'infiltration d'eau du sol (Bidzanga, 2005). La

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végétation préexistante à la création des agroforêts cacaoyers joue un rôle primordial car certaines de ces espèces sont conservées pour procurer de l'ombrage aux cacaoyers. Les espèces d'importance socio-économique et/ou spirituelle sont également conservées (Bidzanga, 2005) pendant que d'autres sont laissées sur pieds par manque de matériaux d'abattage appropriés. Quelques unes des espèces couramment conservées sont: l'andok (Irvingia gabonensis), le kome (Coula edulis), le njansang (Ricinodendron heudelotii). Les cacaoculteurs par expérience connaissent les espèces les mieux indiquées pour fournir de l'ombrage aux cacaoyers. Wood et Lass (1987) rapportent que les espèces telles que Terminalia spp., Chlorophora excelsa, Albizia spp., Ficus vogeliana et Entandrophragma spp. sont souhaitables pour jouer ce rôle alors que Piptadeniastrum africanum, Pentaclethra macrophylla, Cola nitida et autres Cola spp. sont rejetées par les planteurs pour la simple raison qu'elles peuvent être attaquées ou servir d'hôtes aux parasites et maladies du cacaoyer.

Photo Lemoupa, 2013

Photo 21: L'alignement de Bombax et de Ceiba sur le transect

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Notes: Au premier plan, des plants de cacaoyers. Au deuxième, l'alignement conservé de Ceiba et de Bombax. Néanmoins, des trouées existent parce que les arbres morts ne sont pas remplacés. Toutefois, le paysage offert est très beau et pourrait valoriser l'écotourisme dans la région.

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