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Les haies vives dans la dynamique des contacts foret-savane a Yambassa, région du centre Cameroun

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par Cyrille LEMOUPA FOTIO
Université de Yaoundé 1 - Master 2 2015
  

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Conclusion

Les populations de la localité de Yambassa, en concevant un système défensif végétal à base d'alignements de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense, ont mis en place des conditions de recrutement et de dispersion d'espèces pionnières de la forêt dense humide. Les guerres entre voisins terminées, ils ont consolidé les implantations de bosquets et d'îlots forestiers en intégrant, derrière et sous les arbres « défensifs» d'autres arbres utiles. Il s'agit en particulier, pour les espèces exotiques, du manguier (Mangifera indica), de l'avocatier (Persea americana), de l'oranger (Citrus sinensis). Pour les espèces indigènes, il s'agit du palmier à huile (Elaeis guineensis) et d'autres arbres fruitiers comme le safoutier (Dacryodes edulis) communément appelé « prune» en langage local, le « djansan » (Ricinodendron heudelotii) et les colatiers (Cola lepidota, Cola lateritia, Cola spp) et le fruit noir (Canarium schweinfurthii). Ces espèces utiles cohabitent localement avec des espèces de la forêt qui se sont installées spontanément, sans doute disséminées par le vent, les oiseaux et les animaux. Parmi celles-ci, on distingue essentiellement des Moraceae avec en tête Ficus thonningii, suivie de Ficus exasperata, Ficus sur et Ficus spp. On note aussi la présence d'arbre à bois précieux comme Mansonia altissima (Bété), Terminalia superba (fraké) et Milicia excelsa (iroko). Mais le plus évident est l'extension des cacaoyers sous l'ombre de Ceiba et de Bombax, y compris tous les autres. Autrement dit, le développement des agrosystèmes et des agroforêts s'est fait grâce à l'appui des arbres introduits en savanes par les hommes.

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CONCLUSION GENERALE

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L'un des principaux résultats de cette étude tient au fait que contrairement aux analyses de Beauvilain et al (1985) qui affirment que les murs végétaux défensifs des Yambassa sont composés essentiellement de Ceiba pentandra, nos relevés établissent qu'une autre espèce est associée. Il s'agit de Bombax buonopozense qui a une densité relative (Dr) de 24,9% des individus du relevé alors que Ceiba représente 25,1% de la population. Les deux espèces partagent donc équitablement la flore des haies vives. Il convient de préciser que les deux espèces présentent à quelques exceptions près la même morphologie. En plus de partager la même architecture (grand arbre, tronc élancé, branches haut perchées et horizontales, forme du houppier, feuilles composées, caducité des feuilles), leurs bases sont caractérisées par des contreforts élancés et robustes. Toutefois, alors que les pétales de la fleur de Ceiba sont blancs, ceux de Bombax sont rouges. De plus, Ceiba présente à maturité des contreforts ailés pouvant par ailleurs s'élever à 6 m (photo 15) alors que Bombax porte des contreforts arqués ne s'élevant qu'à 3 m tout au plus.

Le choix a été porté sur les deux espèces, non pas pour la qualité de leur bois. En effet, elles développent un bois mou inutilisable dans la construction des oeuvres d'habitations comme les perches, les planches, les lattes ou les chevrons. Bien sûr que ce bois est utilisé traditionnellement pour la fabrication des pirogues. Le bois des deux espèces est utilisé comme bois de bourrage des contreplaqués et est aussi débité pour la confection des emballages. Mais cette attention est réservée aux régions où le choix des essences est très limité. Par ailleurs, leurs vertus médicinales et mystiques sont diverses aussi bien en régions dominées par les savanes qu'en territoires de forêts denses.

En revanche, les deux espèces ont des avantages que nulle autre espèce ne possède:

1) Elles peuvent s'établir en savane: ce sont des plantes héliophiles qui s'adaptent à tous les milieux ouverts de la forêt (chablis, clairières, jeunes jachères de forêt, lisières de forêt, berges des cours d'eau forestiers). Elles s'adaptent aussi en savane à condition que les feux de brousse n'y passent pas au stade de jeunes plants;

2) Elles manifestent une croissance rapide: ce sont des plantes peu exigeantes en termes de qualité des sols. Elles occupent tous types de sols, y compris les sols hydromorphes des bas fonds périodiquement inondés. Certes, elles ne sont pas sollicitées comme le genre Eucalyptus par les programmes de reboisements du fait de leur pauvre valeur en bois d'oeuvre;

3) Les contreforts très développés leur donne un aspect imposant et utilitaire comme système défensif végétal: il est rare, voire impossible de retrouver des

Il ne semble donc pas superflu de penser à estimer dans des recherches futures le bilan carbone de ces investissements. Il s'agit aussi de souligner que dans les régions tropicales,

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contreforts plus développés que ceux des deux espèces dans toutes les forêts denses. Elles ne sont pas certes les seules à constituer de telles bases. D'autres espèces comme Terminalia superba, Triplochiton scleroxylon ou Mansonia altissima développent aussi des extensions latérales sur leur base, mais elles ne sont pas aussi imposantes. De plus, elles mettent beaucoup plus de temps à en former.

Par ailleurs, en implantant des espèces pionnières de la forêt dans les savanes, les habitants ont contribué directement et indirectement à la colonisation de ces savanes par la forêt. D'une part, ils ont contribué directement à l'expansion de la forêt en plantant des arbres dans les savanes. D'autre part, ils ont permis indirectement la colonisation de la savane par la forêt. En effet, en éliminant lentement les graminées sous leur ombrage, les arbres introduits ont créé des conditions de recrutement d'autres espèces de la forêt. Dans un premier temps les espèces pionnières de la forêt sont apparues. Elles se sont par la suite mélangées, non seulement aux arbres fruitiers plantés comme le palmier à huile (Elaeis guineensis), le safoutier (Dacryodes edulis) ou le manguier (Mangifera indica). Les relevés révèlent que d'autres espèces moins plastiques de la forêt se sont elles aussi implantées progressivement, contribuant ainsi à l'enrichissement de la biodiversité. On n'oublie pas non plus que grâce à l'implantation des haies vives, les populations locales ont pu étendre la culture du cacao sous l'ombrage de Ceiba pentandra et de Bombax buonopozense. Bien entendu, les boisements à base de ces espèces semblent aujourd'hui en déclin, mais d'autres arbres plus utiles dans le contexte actuel sont diffusés. D'après les relevés, il s'agit surtout des arbres fruitiers, des arbres à bois précieux comme le teck (Tectona grandis) et des arbres ornementaux comme Cassia javanica.

Au centre Cameroun en général, les conditions de climat humide sont favorables à une extension de la forêt sur les savanes. Mais dans la zone du confluent entre la rivière Mbam et le fleuve Sanaga, cette expansion bénéficie en plus des conditions de mise en valeur des sols favorables. Il est donc certain aujourd'hui que les populations ont favorisé une extension de grande ampleur de la forêt dont le point de départ est sans doute l'implantation des systèmes défensifs végétaux. En suspendant les feux de brousses dans les parcelles de savanes occupées par les champs et les habitats, les hommes ont en quelque sorte impulsé une accélération du processus. Les autres formes de boisements comme la création de cacaoyers et d'autres systèmes d'agro forêts ont aussi participé à la colonisation de la forêt.

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l'homme ne participe pas seulement à la déforestation ou à la dégradation de la forêt. Dans certaines régions et dans certaines situations, il parvient au contraire à provoquer une extension de la forêt à base d'espèces indigènes. Autrement dit, certaines populations paysannes participent à la séquestration du CO2 en permettent ainsi une expansion des forêts en territoires de savanes.

Enfin, lorsqu'on évoque le patrimoine culturel et historique du Cameroun, on parle souvent des paysages de bocage des hautes terres de l'ouest ou des terrasses de Mandara dans l'extrême nord. Le paysage agraire des yambassa mérite aussi que l'on s'y attarde en termes de publicité. Le fait est que les « murs vivants », termes employés par Beauvilain et al. (1985), ne sont pas entretenus. Les individus morts ne sont pas remplacés. Pourtant, si ces anciennes haies végétales défensives étaient classées comme patrimoine national, elles attireraient des personnes intéressées par l'écotourisme. Par ailleurs, il convient aussi de mener des études botaniques détaillées sur l'ensemble de la zone pour chiffrer l'extension réelle des haies autour de tous les sites qu'elles entourent.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon