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Aide au développement peut-elle aider l'Afrique noire à  se lancer au développement durable?

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par Jean-Paul Jean-Paul NABONA BISIMWA
Université Libre dà¢â‚¬â„¢Uvira et des Grands Lacs, ULUGL en sigle - Master complementaire  2012
  

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CONCLUSION GENERALE

Depuis que l'aide internationale au développement existe, on s'est légitimement interrogé sur ses fondements et la mesure de son impact. Telle a été notre préoccupation tout au long de ce travail, qui a porté sur l'Afrique subsaharienne. Même si l'aide peut se justifier par la nécessité d'une politique de redistribution à l'échelle planétaire, elle vise un objectif fondamental : la lutte contre la pauvreté ou encore l'amélioration des niveaux de vie dans les pays pauvres. L'aide semble a priori ne devoir se justifier véritablement que par son impact à ce niveau.

Pour atteindre cette cible, l'aide devrait permettre aux pays pauvres où l'épargne est insuffisante, d'augmenter leur niveau d'investissement pour favoriser la croissance économique. Le décollage économique entraînera une amélioration du revenu des couches défavorisées de la population, et l'augmentation du revenu à son tour va entraîner des progrès sur le plan social.

Malheureusement, plus de cinquante ans d'aide au développement n'ont pas permis de faire baisser la pauvreté dans le monde. Elle serait même en augmentation. La situation est même inquiétante en Afrique sub-saharienne où on assiste à une effective paupérisation de la population, avec une dégradation constante des conditions de vie. Et pourtant, l'Afrique sub-saharienne est la première région bénéficiaire d'aide dans le monde. Pour élucider ce paradoxe, nous avons analysé l'impact de l'aide internationale sur le niveau de vie des populations de la région.

Il ressort de cette étude que les pays de l'Afrique sub-saharienne enregistrent depuis les années 1970, des difficultés de croissance économique que l'aide au développement n'a pas permis de résoudre. Les résultats de notre analyse nous amènent à conclure que l'aide en Afrique sub-saharienne n'a pas eu d'impact positif sur la croissance économique. D'autres variables comme le niveau initial des revenus, la qualité des politiques économiques suivies et la gouvernance en générale paraissent plus déterminantes dans l'explication du sentier de croissance économique de la région. L'aide reçue n'a pas généré les effets escomptés. Pour comprendre le phénomène de l'aide internationale en Afrique subsaharienne, nous avons analysé les trois principales raisons qui peuvent être à la base de son inefficacité. La raison le plus couramment évoquée est l'insuffisance de l'aide. Nos résultats dans ce travail, suggèrent que l'inefficacité de l'aide en Afrique sub-saharienne ne dépend pas du volume de l'aide. Elle serait surtout liée à deux grandes causes : d'abord la qualité de la gouvernance dans le pays receveur, qui détermine l'utilisation qui est faite de l'aide reçue. Ensuite l'incitation que l'aide crée au niveau du receveur, et qui est liée à la politique d'aide au niveau des

donateurs. L'inefficacité de l'aide internationale au développement en Afrique subsaharienne est donc beaucoup plus un problème de politique qu'un problème de volume.

Dans l'attribution de l'aide aux pays d'Afrique sub-saharienne, le niveau des besoins et l'intérêt du pays donateur sont les principaux critères déterminants. Le fait que le niveau d'aide reçu dépende de l'étendu des besoins semble normal. Mais lorsqu'on lui accorde trop d'importance, il est néfaste; surtout lorsque le facteur d'efficacité n'est pas pris en considération. Sans se préoccuper de la qualité de la gouvernance ou de l'utilisation qui en sera faite (et donc du critère d'efficacité), l'aide va beaucoup plus vers les pays dont la gouvernance est moins bonne, mais qui ont des liens privilégiés avec les pays donateurs ; et/ou qui ont un niveau de pauvreté élevé. Ceci crée une désincitation à l'effort dans le pays receveur et donc, n'encourage pas les gouvernements aidés à entreprendre les réformes nécessaires pour le décollage économique. L'aide internationale incite plutôt les gouvernements récipiendaires à adopter des politiques appauvrissantes : « plus ma population est pauvre, plus je reçois d'aide -- donc j'ai intérêt à la garder pauvre ». L'aide crée ainsi un problème d'aléa de moralité. Parce que l'aide soutient des régimes peu favorables à un environnement politico-économique sain, et qu'elle les encourage à adopter de « mauvaises

politiques », elle ne peut promouvoir le développement. Ceci expliquerait l'effet négatif de l'aide internationale sur la croissance économique lorsqu'on a intégré un indicateur de gouvernance dans notre analyse.

Une solution au « comportement » du receveur (aléa de moralité) serait de conditionner l'aide à l'adoption de politiques appropriées. Dans ce cas, le système de l'aide fonctionnerait comme un marché où les pays receveurs (considérés comme producteurs d'un bien qui est la réduction de la pauvreté) feraient constamment des efforts pour attirer les clients (les donateurs qui aimeraient avoir accès à un maximum de biens (nombre de personnes tirées de la pauvreté) pour chaque dollar de ressource (ou aide). Puisque l'aide irait alors vers le pays qui l'utilise efficacement, elle va créer cette fois-ci une incitation à l'effort. Les pays receveurs feront d'effort pour se qualifier à l'aide ; ce qui va accroître la productivité de l'aide internationale. On aurait ainsi des meilleurs résultats en terme de développement global.

Malheureusement, de telles politiques ont souvent échoué parce que les principaux donateurs ont du mal à harmoniser leurs pratiques. Ils accordent trop souvent, plus d'importance à leurs propres intérêts, et utilisent l'aide comme un instrument de politique étrangère. L'aide sert souvent d'élément de compétition entre les différents donateurs dans les pays pauvres. Ce fut par exemple le cas de la RDC, l'ex Zaïre où Mobutu Sésé Séko était vaillamment soutenu par les grandes puissances et bénéficiait de sommes importantes d'aide malgré le fait que les donateurs fussent conscients qu'il utilisait cette aide non pas pour lutter contre la pauvreté, mais pour s'armer contre son peuple de plus en plus révolté. Lorsque la qualité de la gouvernance est faible dans un pays pauvre donné, une bonne coordination au niveau des donateurs est indispensable et permettrait non seulement aux populations pauvres de bénéficier des ressources d'aide, mais aussi aux donateurs d'amener le gouvernement aidé à entreprendre les réformes nécessaires.

Burnside et Dollar (1997) dans une analyse sur un échantillon mondial des pays en développement trouvaient un coefficient « Aide-politique économique » positif et significatif; ils concluaient que l'aide favorise la croissance quand elle est associée à de bonnes politiques économiques.

Easterly, Levine et Roodman (2003) dans une analyse sur un autre échantillon mondial, plus grand, avec une période plus longue trouvaient un coefficient « Aide-politique économique » négatif et non significatif. Ils remettaient en cause l'efficacité de l'aide à favoriser la croissance, même lorsqu'elle est associée à de bonnes politiques économiques.

Dans notre régression sur l'Afrique sub-saharienne, nous trouvons un coefficient « Aide-politique économique » négatif et significatif. Cela voudrait dire que non seulement l'aide est inefficace en Afrique sub-saharienne, mais elle est contre productive.

Alors que la politique économique a un effet positif et significatif sur la croissance, l'aide vient curieusement détruire cet effet. Ce qu'on peut suggérer ici est en référence avec les trois positions exposées dans le chapitre 2 de la première partie de ce travail ; la philosophie de la Banque Mondiale pour laquelle l'aide est efficace, la position marxiste pour laquelle l'aide est une forme d'exploitation, la position actuelle selon laquelle l'aide est inefficace. Nous venons de voir qu'il est insuffisant de prétendre que l'aide est inefficace. L'aide est perverse. Faut-il pour autant adopter la position marxiste ? Doit-on condamner l'aide internationale ? Doit-on cesser d'aider les pays pauvres?

Une alternative serait sans doute de tenir compte de la raison que nous avons suggérée comme étant à la base de cet effet pervers de l'aide sur la croissance économique. Nos suggestions concernant le fait que l'aide favorise avant tout, la consommation présente, et la consommation présente d'une classe de « privilégiés » méritent un peu d'intérêt. L'aide crée un cercle vicieux dans lequel, les dirigeants «prédateurs» rassurés du soutien de leurs alliés occidentaux, n'ont aucune incitation à assainir le climat de la vie politique et économique de leur pays.

Les pratiques des anciennes puissances coloniales créent une forme de clientélisme voire d'accaparement de l'aide par des coalitions d'intérêts prédatrices. C'est ainsi que l'aide devient perverse. En effet, si l'aide finance des régimes corrompus, prédateurs, qui mènent de mauvaises politiques, puisque ces derniers sont néfastes pour la croissance économique, il y a de quoi comprendre la négativité de l'impact de l'aide sur la croissance. Nos propositions pour une meilleure efficacité de l'aide au développement sont principalement des recommandations de politiques. Les donateurs doivent cesser de penser à leurs seuls intérêts et de soutenir leurs alliés. Il est nécessaire qu'on sépare l'aide au développement de la politique étrangère. Pour cela, il est préférable que l'aide transite par les organismes multilatéraux qui n'ont pas d'intérêts particuliers à défendre dans tel ou tel pays et qui, du fait du learning by doing, ont un sérieux avantage comparatif dans la réalisation de projets de développement.

Lorsque la qualité de la gouvernance dans un pays donné est faible, des discussions préalables pour définir le cadre dans lequel l'aide devrait être délivrée sont indispensables. La pratique de la conditionnalité associée à l'aide au développement doit donc être reconsidérée en Afrique sub-saharienne. Elle doit guider l'aide aux pays pauvres dont la gouvernance est de faible qualité.

Les gouvernements africains doivent à leur tour comprendre que le développement de l'Afrique ne se fera pas sans une réelle volonté et une participation active des Africains. Des politiques gouvernementales perverses, pour des visées politiques ont trop souvent fait perdre à l'Afrique, de formidables opportunités en matière de développement. Après tout, capital is made at home.

Ce travail analytique, est le fruit de notre volonté d'apporter notre modeste contribution à la politique d'aide au développement en Afrique sub-saharienne. Il conclut que l'aide au développement n'aide pas les populations africaines et serait même perverse pour leur bien-être, et fait des propositions de politiques pour l'avenir, afin de ne pas retomber dans les erreurs du passé.

Néanmoins, comme toute oeuvre humaine, il n'est pas parfait. Il présente des insuffisances. D'abord, l'aide internationale appréhendée globalement est difficile à analyser en terme d'impact. Elle englobe des flux réels (transferts liquides, experts internationaux, envoi de vivres, ...) et fictifs (les allègements et rééchelonnements de dettes). Comment peut-on analyser avec exactitude, l'effet d'un ensemble si hétéroclite de transferts sur le bien-être d'une population ? Le fait de retenir par exemple une période moyenne de 4 ans au bout de laquelle l'aide doit produire son impact sur la croissance économique est une autre limite de notre étude.

L'analyse présentée dans cette thèse invite à considérer qu'il n'y a pas toujours une stricte concordance entre le bien-être collectif d'un pays et les préférences de ses dirigeants. Ainsi, l'analyse peut-elle être prolongée en s'orientant vers une modélisation d'une forme de jeu à double étage : à l'intérieur d'un pays, et entre pays. Une telle analyse permettrait de mieux comprendre les interactions stratégiques entre les différents acteurs de l'aide : donateurs et bénéficiaires; dans un environnement pouvant laisser la place à des asymétries d'information.

Enfin, le fait que la pauvreté augmente en Afrique sub-saharienne malgré l'aide internationale ne veut pas dire forcement que l'aide est inefficace. Il se peut que sans l'aide au développement, les choses seraient pires et la croissance quasinulle des économies africaines serait négative. Il serait alors préférable pour apporter un jugement sur l'effet de l'aide, de passer par d'autres méthodes pouvant permettre d'évaluer ce que serait la situation en Afrique sub-saharienne si l'aide n'existait pas. Des recherches supplémentaires dans ce sens pourront enrichir le débat sur l'efficacité de l'aide au développement. Nous pouvons terminer avec une note d'espoir pour l'Afrique libérée de la

colonisation. Si les Africains prennent les choses en main, mènent de « bonnes politiques »,
peut être décolleront un jour, les économies africaines.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault