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Réformer le code civil.

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par Anaïs Bodenes
Université Rennes 1 - Master 2 Droit privé général 2014
  

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§2 - La perte de légitimité du Code civil du fait de la prédominance du juge européen

107. Cette perte de légitimité du Code civil s'explique par la toute puissante du juge européen. En effet, la jurisprudence de la Cour européenne des droits l'homme induit une subordination du Code civil (A) lequel est aujourd'hui interprété au regard de droits subjectifs par le juge des droits fondamentaux (B).

A Ð Une subordination du Code civil à la jurisprudence de la Cour européenne

108. L'incompatibilité entre Code civil et Convention européenne des droits de l'homme est évidente lorsqu'elle résulte d'une condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme (la Cour). L'article 46 de la Convention dispose que « les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux décisions de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties ». Un arrêt de la Cour peut venir profondément modifier notre droit interne. Pour certains, une dénonciation évidente doit être faite du caractère envahissant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme140. En réalité, cet argument doit être nuancé, en effet, peu de dispositions du Code civil ont été soumises au contrôle de la Cour.

109. Surtout, lorsqu'elle a eu à connaître de la conventionalité de certaines dispositions du Code civil, la Cour n'a pas condamné la France. Un exemple, dans l'arrêt Odièvre contre France141, la Cour a constaté une conformité du droit interne au regard des exigences européennes, à l'instar de l'arrêt Gnahoré contre France142 dans lequel elle a reconnu la conventionalité de l'article 375 du Code. Une certaine lâcheté de la Cour peut alors lui être reprochée, mais cela semble s'expliquer au regard de la nature des droits en cause, à savoir des droits civils : ils régissent les relations entre particuliers, le législateur et les juges

140 Par exemple Y. Lequette, « D'une célébration à l'autre (1904-2004) », in 1804-2004, Le Code civil un passé, un présent, un avenir, ouvr. préc., p. 9 et s. ; Ph. Rémy, « La recodification civile », art. préc.

141 Arrêt Odièvre contre France, 13 févr. 2003, RTD Civ. 2003. 375, obs. Marguénaud.

142 Arrêt Gnahoré contre France, 19 septembre 2000, Recueil des arrêtés et décisions 2000-IX/ 407 ; D. 2001. 725, note Rolin.

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internes sont ainsi plus aptes à envisager la réalité sociale du pays143. Pour autant, le Code civil a été inéluctablement atteint par le pouvoir de la Cour, remettant en cause sa cohérence.

110. La subordination du droit civil français à la Cour européenne des droits de l'homme s'envisage à travers l'exemple le plus criant, l'arrêt Mazurek144 rendu le 1er février 2000 dans lequel elle a considéré que les dispositions du Code, limitant la vocation successorale de l'enfant adultérin en présence d'enfants légitimes, étaient contraires à la Convention. Un an après cette décision, le législateur français est enfin intervenu, par le biais de la loi du 3 décembre 2001145 : le Code civil a ainsi été modifié en raison d'une condamnation européenne. La portée des arrêts de la Cour peut alors être considérable, cependant un problème survient : la condamnation ne vient que confirmer une évolution existante ou remettre en cause des dispositions internes très contestées. Ainsi la Cour ne ferait qu'un acte de constatation et non d'évolution et ses décisions n'apporteraient pas de révolution dans l'ordre juridique interne.

111. Affirmer que la Cour ne met qu'à l'ordre du jour des problèmes réels peut s'avérer véridique, mais si cela permet une réforme, comme cela a pu être le cas avec l'arrêt Mazurek, il ne faut pas s'en priver. Sans cette condamnation, qui sait combien de temps aurait pu prendre cette modification du Code civil ? Aucune réponse ne peut être apportée à cette question, cependant là n'est pas le coeur du problème. En effet, par l'arrêt Mazurek, c'est toute la marge d'appréciation laissée aux Etats qui est remise en cause. Les lois et la jurisprudence civile de chaque Etat membre de l'Union européenne n'échappent plus à la censure de la Cour, et la jurisprudence de la celle-ci va très loin : elle estime146, à l'inverse de la jurisprudence française, que la Convention a une autorité supérieure non seulement à celles des lois ordinaires, mais encore à celle de la Constitution147. Une telle autonomie de la jurisprudence de la Cour n'est pas acceptable : le législateur national n'est rien si une seule voix peut le bloquer.

143 Explication de A. Debet, art. préc., in 1804-2004, Le Code civil un passé, un présent, un avenir, p. 958.

144 Arrêt Mazureck c. France, 1er févr. 2000, Recueil des arrêts et décisions 2000-II/ 1 ; JCP 2000. II. 10286, note Gouttenoire-Cornut et Sudre ; RTD Civ. 2000. 311, obs. Hauser ; RTD Civ. 2000. 429, obs. Marguénaud ; RTD Civ. 2000. 601, obs. Patarin.

145 Loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions du droit successoral.

146 CEDH, 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie c/Turquie, Rec. 1998-1/1.

147 J. Foyer, « Le Code civil de 1945 à nos jours », in 1804-2004, Le Code civil un passé, un présent, un avenir, ouvr. préc., p. 275 et s. spéc. p. 291

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112. Le Code civil n'est ainsi plus la « charte positive de nos droits fondamentaux dans les rapports privés »148, aujourd'hui c'est tout le Code civil qui est ouvert au contrôle de conventionalité, en raison d'une Cour européenne très active qui contraint les Etats membres à des mesures de nature à assurer le respect des droits de l'homme dans les relations entre individus. La situation peut être résumée de la manière suivante149 : le livre 1er du Code est sous l'emprise des articles 8 et 14 de la Convention. Si l'on adjoint à cette emprise le principe de proportionnalité, le contrôle du Code est assuré par le juge des droits de l'homme. Le Code civil n'a plus de vigueur propre, puisque le juge européen peut vérifier une proportionnalité entre un droit fondamental et les intérêts de la société : il s'estime investi du pouvoir de procéder à une interprétation évolutive et progressiste du Code. Les droits fondamentaux proclamés par cette Convention sont pragmatiques, évolutifs, dynamiques, l'Europe est ainsi « maitresse des valeurs auxquelles elle est subordonnée et c'est une maîtresse inconstante »150.

113. La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est ainsi très évolutive et permet de remettre en cause, en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, des principes bien établis au sein des législations des Etats membres. Le juge européen ne statue pas à partir d'une réalité objective, mais au regard d'un droit fondamental : notre Code civil ne peut ainsi plus établir un véritable ordre civil, « la fondamentalisation du droit civil conduit à la volatilité de solutions et à l'exaltation des intérêts particuliers »151 : les droits fondamentaux conduisent à la confrontation entre individus et non à l'unité. Cependant, en raison de la hiérarchie des normes, ces principes sont imposés par la Cour malgré les tentatives de l'ordre civil français : emmaillotée entre l'intérêt national et la domination strasbourgeoise, l'entreprise de réforme du Code civil sera bien difficile à mettre en oeuvre.

114. Cette difficile mise en oeuvre, qui s'explique par la toute puissante du juge européen, demeure plus flagrante encore lorsque l'on se place au niveau de l'interprétation qu'exerce ce juge sur notre Code civil.

148 Ph. Rémy, art. préc., in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., p. 116.

149 Pour plus de détails voir J.-P. Marguénaud, « L'influence de la Convention européenne des droits de l'homme sur le droit français des obligations », in Le renouvellement des sources du droit des obligations, L.G.D.J, 1997. 45.

150 Ph. Malaurie, « La Convention européenne des droits de l'homme et le droit civil français », art. préc., n°9.

151 Y. Lequette, « Le Code civil est la prolifération des sources internationales », in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., p. 187.

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