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Réformer le code civil.

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par Anaïs Bodenes
Université Rennes 1 - Master 2 Droit privé général 2014
  

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§2 - L'intégration des créations prétoriennes : remède ou danger ?

77. Le Code civil n'est désormais plus un code. Cependant afin de le maintenir en vie, le juge tient un rôle capital. En effet, pour pallier le vieillissement, la jurisprudence oeuvre activement par le biais de créations prétoriennes. Un code aux mains du juge constitue un défaut en lui-même, pour autant il ne convient pas de nier la réalité. A cet effet, l'on peut sans conteste énoncer qu'aujourd'hui l'on est en présence d'une jurisprudence normative, autrement dit le juge civil est maître du Code civil (A). Cet argument doit inexorablement amener à s'interroger sur les solutions que l'on peut apporter à ce phénomène qui dénature substantiellement le Code civil : la solution au vieillissement demeure inévitablement dans sa modernisation (B).

A - Un droit civil aux mains du juge : une jurisprudence normative

78. « Un Code, quelque complet qu'il puisse paraître, n'est pas plutôt achevé, que mille questions inattendues viennent s'offrir au magistrat. Car les lois, une fois rédigées, demeurent telles qu'elles ont été écrites. Les hommes, au contraire, ne se reposent jamais ; ils agissent toujours », en ces termes, Portalis dans son Discours préliminaire énonce le principe selon lequel la loi ne peut pas tout prévoir. Cette locution viendrait alors contredire l'idée d'un Code vieillissant puisque par nature les lois seraient obsolètes, désuètes dès lors formulation108. Portalis laissait ainsi, après la construction de la loi, la place au travail des juges, au travail du droit : « De là, chez toutes les nations policées, on voit toujours se former à côté du sanctuaire des lois, et sous la surveillance du législateur, un dépôt de maximes, de décisions et de doctrine qui s'épure journellement par la pratique et par le choc des débats judiciaires, qui s'accroit sans cesse de toutes les connaissances acquises, et qui a constamment été regardé comme le vrai supplément de la législation ». Autrement dit, la loi, plus spécifiquement le Code civil, peut rester le même, tant que le droit vie sous l'impulsion du juge. Est-ce réellement au juge de faire le droit, plus précisément est-ce au juge de faire et refaire le Code civil ?

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79. Dès la fin du XIXème siècle, la société française a connu de profondes mutations, en raison du développement de l'industrie, de l'évolution de la bourgeoisie ou encore de l'accroissement de la population ouvrière109. Il est alors revenu à la jurisprudence d'intervenir avant que le législateur ne se saisisse du problème. Malheureusement, le législateur a parfois tardé à agir, si bien qu'en 2015, le Code civil français doit beaucoup aux juges de la Cour de cassation. Le juge a su s'adapter aux évolutions économiques et sociales ; à tous les changements qu'il s'agisse de changements de besoin ou de moeurs. Par le biais du juge, le Code civil s'est enrichi, complété, renouvelé et parfois modifié. Le juge a ainsi évité un vieillissement prématuré du Code. Pourtant, le vieillissement est bien réel.

80. C'est en raison de la fonction première du juge que la jurisprudence a pu jouer un rôle si important au sein du Code civil. En effet, c'est la fonction d'interprétation du juge, reconnue par l'article 4 du Code qui lui confère une place centrale. Cet article dispose que « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ». Autrement dit, le juge a une obligation de dire le droit, en contrepartie lui est conféré la possibilité de l'interpréter. Cela étant, l'interprétation est à distinguer de la création. Or le juge du XXIème siècle devient un juge créateur, en raison de l'immobilisme du législateur. L'on a ainsi pu parler de « jurisprudence législative »110, les exemples foisonnent.

81. Dans le domaine de la responsabilité civile, cette « jurisprudence législative » a donné toute sa mesure111. Au moyen d'un texte prétexte, l'article 1384, la jurisprudence a érigé une clause générale de responsabilité du fait des choses, anéanti le numerus clausus des responsabilités du fait d'autrui, fabriqué un nouveau régime de responsabilité des commettants ou encore modifié la responsabilité parentale. Toujours s'agissant de la responsabilité civile, l'article 1382 a fait l'objet d'une interprétation si extensive qu'elle ne peut être infinie. C'est pour cette raison que Geneviève Viney, que l'on rejoint, appelle à la suppression de ce fossé entre loi civile et droit positif112 : la suppression ne s'envisage qu'au moyen d'une réforme du Code civil.

82. A l'instar de la responsabilité civile, le droit des contrats n'est plus l'apanage du

109 Pour une vision détaillée de ce propos voir J. Hilaire, « Le Code civil et la Cour de cassation », in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., p. 155 et s.

110 V.F Zenati, La jurisprudence, coll. « Méthode du droit », Paris, Dalloz, 1991, p. 177 et s.

111 Sur la question, voir G. Viney, « Les difficultés de la recodification du droit de la responsabilité civile », in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., p. 255 et s.

112 G. Viney, art. préc., in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., p. 255 et s.

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Code civil, il s'est enrichit sous l'impulsion de la jurisprudence : la réticence dolosive déduite de l'article 1116 par exemple ou bien les articles relatifs à l'objet du contrat qui ne permettent pas de prendre pas en compte les évolutions en ce domaine. La jurisprudence conduit parfois à dénaturer la lettre même d'un article, ainsi l'article 1142 n'est plus aujourd'hui de droit positif : la lettre du Code est trompeuse au regard de l'interprétation faite par la Cour de cassation113. De façon plus générale, c'est l'ensemble du droit des contrats qui a été complété voire crée par la jurisprudence : les pourparlers, le régime de l'offre, le moment de la conclusion du contrat, autant de principes silencieux au sein du Code civil et résolus par le juge. Enfin, le Code ne nous dit rien sur le déséquilibre contractuel entre les parties alors même qu'aujourd'hui la liberté contractuelle est nuancée.

83. La jurisprudence dans sa fonction d'interprète peut sembler assez légitime. Or elle sort parfois de son rôle et crée de nouveaux principes, sans base législative. L'exemple fondamental est celui de l'enrichissement sans cause : par le biais d'un grand principe, l'équité, elle a interdit à chacun de s'enrichir au détriment d'autrui114. Un principe comme celui-ci a alors intégré naturellement le droit civil sans que le législateur vienne le consacrer. Son absence au sein du Code civil nourrit inévitablement le constat selon lequel le Code souffre d'un vieillissement accéléré. Le constat est identique s'agissant des troubles anormaux de voisinage115.

84. Le juge, selon Montesquieu, ne devrait être que la bouche de la loi, ici la loi est la bouche du juge, la jurisprudence en tant que source de droit deviendrait supérieure à la loi, au contenu même du Code civil. L'apport du juge est alors aussi important voire plus important que celui du législateur. Cependant, l'article 4 du Code civil lui confère un pouvoir d'interprétation. Les décisions des juges de la Cour de cassation devraient ainsi être plus que des décisions de justice mais revêtir moins d'autorité que la loi. Or le principe de jurisprudence législative contredit cette idée et de nombreux principes ont alors été créés en dépit de l'article 5 du Code civil, lequel interdit les arrêts de règlement. Portalis, dans le discours préliminaire, avait insisté sur la complémentarité des articles 4 et 5 « mais en laissant à l'exercice du juge, toute latitude convenable, nous lui rappelons les bornes qui dérivent de la

113 Voir sur la question, Th. Revet « Recodification, entre tentation et illusions », in Livre du Bicentenaire, ouvr. préc., p. 458.

114 Principe consacré par la Chambre des requêtes de la Cour de cassation le 15 juin 1892 dans un arrêt Boudier c/ Patureau-Mirand.

115 La formulation du principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » a été posée dans un arrêt de la Cour de cassation du 19 novembre 1986, Bulletin 1986 II N 172 p. 116.

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nature même de son pouvoir, un juge est associé à l'esprit de législation mais il ne saurait partager le pouvoir législatif. La loi est un acte de souveraineté ; une décision n'est qu'un acte de juridiction ou du magistrature. Or, le juge deviendrait législateur s'il pouvait, par son règlement, statuer sur des questions qui s'offrent à son tribunal ». En 2015, en dépit des recommandations de Portalis, le juge est devenu législateur.

85. Malgré leur interdiction, les arrêts de règlements sont malheureusement nécessaires : le vieillissement de la loi oblige les juges de la Cour de cassation à prendre de tels arrêts. En effet, une loi ancienne ne correspond plus à l'évolution de la société. Le législateur est alors passif, une réforme est pourtant nécessaire afin d'intégrer ces créations prétoriennes : il faut moderniser le Code civil.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein