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Comité de lutte contre la répression au Maroc. Analyse d'une association centrée en Belgique 1972-1995.

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par ZIAD EL BAROUDI
Université Libre de Bruxelles - Master en Histoire 2015
  

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Chapitre III : L'exil politique

Outre les procès expéditifs du régime marocain à l'encontre des oppositions à l'intérieur du pays, l'appareil répressif fonctionnait aussi à l'extérieur du pays. Plusieurs arrestations, enlèvements et démantèlements eurent lieu contre les cellules des oppositions marocaines. Plusieurs militants de l'UNFP, de l'ALM, des mutins des FAR, voire des militants marocains ne relevant pas des partis politiques marocains furent arrêtés en Algérie, à Gibraltar, en Tunisie, en Lybie, mais aussi en Belgique, en France et aux Pays-Bas entre 1970 et 1974. Dans ce chapitre, nous examinerons par quelques exemples les motifs des opposants à quitter le Maroc. Puis, nous étudierons le phénomène des Amicales de Travailleurs et Commerçants Marocains. Et enfin, nous survolerons les plus importants mouvements syndicaux marocains en Europe passés dans l'opposition politique. Avec l'histoire politique du Maroc contemporain, ce chapitre est capital dans la mesure où ces trois points permettront la compréhension des origines et activités des CLCRM généralement, et du CCRM de Bruxelles particulièrement.

a. Du Maghreb vers l'Europe : fuir le despotisme d'Hassan II.

Parmi les militants relevant essentiellement de l'UNFP, il y avait Mohamed Ajar. Militant de l'UNFP, il fut condamné à mort par contumace au procès de Rabat en mars 1964. Il fut arrêté à Madrid en janvier 1970 et livré après 15 jours à Rabat. Ahmed Benjelloun* alors lui aussi membre de l'UNFP et arrêté à Madrid au même moment subit un interrogatoire musclé de la part de la police politique de Franco.

111 Article 106 du Titre III de la Constitution belge. Article 29 du Titre II des Constitutions du Royaume du Maroc du 7 décembre 1962, du 24 juillet 1970 et du 15 mars 1972.

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Présenté comme « dangereux communiste proche des frontistes catalans » par des espions marocains auprès de la police espagnole, il fut immédiatement pris à partie par le commissaire lui montrant des photos compromettantes à son égard et face au silence de l'accusé, il lui tenait ces quelques mots: « On va t'envoyer chez Oufkir, il saura te faire parler, lui !112 ». Le premier dossier constitué par Me Alain Martinet pour le CLRM de Paris dresse un premier bilan des arrestations effectuées dans les rangs de l'UNFP113.

Ce dossier cite les cas de Merzak El Yazid et de Brahim Lachgar. Merzak El Yazid fut ouvrier ancien membre du FLN algérien, il rentra dans l'UNFP et sera enlevé en plein territoire algérien. Brahim Lachgar était ouvrier militant de l'UNFP. Il fut enlevé en Lybie en août 1974 et acheminé par le Sahara jusqu'au Maroc. Comme plusieurs victimes d'enlèvement, son sort reste inconnu... Jaaouani El Mokhtar était paysan et militant de l'UNFP. Il fut condamné à mort par contumace en janvier 1974. Enlevé sur le territoire algérien aussi, il sera détenu au centre de détention de Derb Moulay Chérif à Casablanca.

Parmi les mutins de l'armée, il y avait le Lieutenant-Colonel Amokrane et le Sous-lieutenant Midaoui, impliqués dans la tentative du coup d'Etat d'août 1972. Ils se sont réfugiés à Gibraltar et ont demandé l'asile politique à la Belgique. Ils seront livrés le jour suivant à Rabat. Puis, nous avons Houcine El Manouzi*, mécanicien à la SABENA en Belgique et membre de la Confédération des Syndicats Chrétiens (CSC). Il fut militant de l'UNFP et membre de l'ALM. Condamné à mort par contumace au procès de Marrakech du 14 juin 1971, il fut enlevé à Tunis et livré à Rabat en 1972. Evadé du PF2 le 13 juillet 1975, il sera repris une semaine plus tard. Le sort d'Houcine El Manouzi reste inconnu. Il y avait le cas de Mohamed Ramsis. Commissaire de police et militant de l'UNFP, il a demandé l'asile politique en Algérie et sera placé en garde à vue pendant une semaine par la police algérienne. Il est livré à Rabat suite à son inculpation au procès de Marrakech en 1971. Condamné à 20 ans de réclusion, il sera finalement libéré en novembre 1977.

A Paris, le président de l'Association des Marocains de France (AMF) Arsala Idir Ben Miloud a reçu une convocation du Ministère de l'Intérieur datée du 26 mars 1974. Le motif invoqué était le suivant114: « Activités politiques sur le territoire français ». La participation du président à une manifestation organisée par l'AMF, le 9 février précédent, a fourni le prétexte de son arrestation par la police. Déjà depuis 1971, le président de l'AMF a été sommé par la police française, lors de plusieurs interrogatoires, de signer des déclarations préfabriquées soulignant qu'il portait atteinte à « la neutralité politique en France ». Le refus d'Arsala Idir Ben Miloud de céder à ces intimidations est suivi d'un refus de la part de la préfecture de police du 6e arrondissement de Paris, et ce pendant trois ans, de procurer au président une carte de séjour, l'exposant ainsi à un risque momentané d'expulsion.

112 M. BENNOUNA, op. cit., p. 122. Par ailleurs, « Franco a fourni au pouvoir royal (marocain) les éléments d'un complot contre l'opposition marocaine », écrit L'Humanité du 3 juin 1971.

113 A. MARTINET, Dossier adressé au CLCRM de Paris relatif les procès et arrestations au Maroc, Paris, 1974, pp. 8-23.

114 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique : Communiqué de l'AMF daté du 10 avril 1974.

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En ce qui concerne les Pays-Bas, Ikhiche Houcine ouvrier et militant de l'UNFP, a été arrêté au Maroc en juillet 1972 et a été condamné à 30 ans de réclusion au procès de Kénitra du 25 juin au 30 août 1973. Le motif invoqué était son appartenance au parti115.

Enfin à Bruxelles, entre le 25 et le 26 décembre 1974, deux policiers marocains assistés d'un collaborateur du Consul marocain à Bruxelles sont sortis d'une Renault 16 de couleur blanche et ont tenté d'enlever un militant marocain de l'opposition au Boulevard Maurice Lemonnier. La victime, par ses cris, a pu alerter un chauffeur de taxi et ainsi mettre ses assaillants en fuite. Cependant, le militant, sévèrement battu, a dû être transporté à l'hôpital de Schaerbeek116.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon