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Comité de lutte contre la répression au Maroc. Analyse d'une association centrée en Belgique 1972-1995.

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par ZIAD EL BAROUDI
Université Libre de Bruxelles - Master en Histoire 2015
  

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b. Les Amicales des Travailleurs et Commerçants Marocains.

A partir de 1973, le régime marocain va chercher à « encadrer » ses ressortissants. Pour ce faire, il mettra en place les Amicales des Travailleurs et Commerçants (Al Widadiyyat). L'organisation des Amicales relevait du Ministère de l'Emploi et du Travail au Maroc117. Ce dernier maintenait les contacts avec les Amicales par l'intermédiaire des ambassades et consulats. Les Amicales avaient pour tâche d'interdire toute tentative de syndicalisation au sein des communautés marocaines et plus largement d'interdire aux Marocains de participer à la vie publique du pays d'accueil, en se posant comme les interlocuteurs incontournables118.

Elles pouvaient prendre plusieurs formes parmi lesquelles : des syndicats de travailleurs ou de commerçants, des ASBL ou encore des comités « patriotiques ».

Les Amicales sont d'abord apparues en France depuis leur Congrès constitutif tenu à Rabat durant le mois d'août 1973. Officiellement, les Amicales se présentent comme des associations soucieuses du dialogue interculturel entres les Marocains et les autochtones. Ainsi, en France : « L'Amicale a pour but la défense, l'assistance morale et matérielle de ses adhérents ainsi que le resserrement des liens de l'ensemble de la colonie marocaine119. »

Les Amicales de Belgique ont tenu leur Congrès constitutif à Tanger, en mars 1975120. Elles justifient leur présence par des motifs humanitaires et culturels : « Ces Amicales ont été constituées dans un but d'ordre social et humanitaire, visant surtout l'aide et l'assistance aux travailleurs et commerçants marocains dans leurs problèmes et difficultés journalières dans le pays d'accueil (...).C'est dans cet esprit

115 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Les Amicales : une officine policière, décembre 1977, p. 24.

116 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Le rôle des Amicales des ouvriers et commerçants en Europe, Paris, octobre 1975, p.7.

117 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, p. 4.

118 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles-Paris-Amsterdam, 1975, p. 27.

119 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°345, Association des travailleurs marocains en Belgique : Avis aux Travailleurs et Commerçants de la circonscription consulaire de Paris daté de 1974.

120 « 24h00 au Maroc - Tanger : Congrès constitutif de la Fédération des Amicales des Travailleurs marocains en Belgique », Le Matin du Maroc du 30 mars 1975.

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que des manifestations en vue de promouvoir les contacts avec la population belge, sont souvent organisées par nos Amicales, malgré les faibles moyens dont nous disposons, à la fois pour les Belges et pour les immigrés des autres nationalités, afin d'amener chacun de nous à une meilleure compréhension de l'autre à travers ses coutumes, son mode de vie et sa civilisation et enfin, en vue de l'établissement de relations véritablement fraternelles et d'une réelle solidarité121». Les Amicales sont apparues dans un contexte de crise économique galopante au Maroc ; aussi, elles devaient encourager les ressortissants marocains en Europe à investir leurs capitaux au Maroc. Cet encouragement se traduisait par plusieurs exonérations et privilèges parmi lesquels122: une facilité pour le rapatriement des corps de ressortissants marocains, une souscription auprès de certaines banques, dont la Banque Populaire du Maroc (Bank Chaâbi), des avantages pour l'achat des terrains au Maroc, une prime de transfert pour l'envoi d'argent au Maroc, des facilités dans l'accueil aux postes-frontière mais aussi en ce qui concerne des formalités douanières, et enfin, des avantages exclusifs en matière de réglementations concernant les soins de santé et les allocations familiales pour les familles des ressortissants au Maroc. Implantées en France, en Belgique, mais aussi aux Pays-Bas et en RFA, les Amicales n'hésiteront pas à organiser des pressions sur les ouvriers marocains syndiqués voire à utiliser la violence physique. Les pressions des Amicales pouvaient se traduire de la façon suivante : menacer les ressortissants marocains récalcitrants d'expulsion au Maroc.

Les Amicales cherchaient à obtenir un maximum d'informations sur les ressortissants marocains en investissant les lieux publics fréquentés par les Marocains comme les cafés, les mosquées, les boucheries

etc... Les Amicales investissent les milieux syndicaux, professionnels employant un grand nombre de Marocains, mais aussi les centres d'accueil sociaux des communes à forte implantation marocaine123. En ce sens, les Amicales jouent un rôle fort similaire à celui des naquibs vu plus haut pour le Maroc.

Dans divers pays européens, Les Amicales ont organisé plusieurs confrontations physiques contre des ouvriers marocains manifestant leur droit à se syndiquer. Jouant parfois de leurs relations avec le

patronat et avec certains syndicats français, les Amicales décident aussi si un ouvrier marocain syndiqué

peut ou non être engagé comme l'illustre l'exemple de l'usine Peugeot de Sochaux où Houari Ahmed, alors délégué de la Confédération Générale du Travail (CGT), s'est vu refuser sa demande d'embauche. Il a

été, en outre, arrêté en août 1973 à Ceuta. Détenu pendant 74 jours aux commissariats de Maârif et d'Aïn Sebâa au poste du 2e bureau de police à Casablanca, il y subira des tortures124. Quant à la RFA125, El

121 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Dossier constitué par les Amicales des Travailleurs et Commerçants Marocains en Belgique : En réponse à la conférence de presse tenue par certaines organisations belges, Bruxelles, Maison Internationale de la Presse, Le 8 décembre 1976, p. 5.

122 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, pp. 22-26.

123 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, pp. 13-14.

124 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Brochure de la CGT

« Révélation sur la CFT - La police marocaine apparait » le 15 mars 1974. L'Unité, Hebdomadaire du Parti socialiste, N°103, du 22 au 28 mars 1974.

125 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, p. 6.

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Ouazzani Ahmed est aussi arrêté en 1972 au Maroc. Les motifs de son arrestation étaient justifiés par son appartenance à l'UNFP, mais aussi à l'Union des Travailleurs Marocains d'Allemagne (MAB). Il a été condamné à 20 ans de réclusion. Les Amicales étaient utilisées parfois comme jaunes par le patronat pour casser les mouvements de grève. Ainsi, en janvier 1974, les Amicales ont tenté de briser la grève aux Câbles de Lyon à Gennevilliers en ranimant d'anciens conflits entre les ouvriers grévistes marocains et portugais126.

Le 15 novembre 1974, L'Humanité publiait une enquête relative à la relation entre le patronat français et les Amicales marocaines. Dans cette enquête, le journal rapportait une conversation intervenue le 8 octobre entre Mohamed Chahbounia, candidat marocain CGT aux élections du syndicat, et le Consul général marocain à Paris, Idriss El Felah : « Il (le Consul général marocain) m'a reçu en disant : vous savez pourquoi vous êtes ici. Vous êtes devenu un politicien, savez-vous que la CGT appartient au Parti communiste ? Pensez à votre famille. Je vous prie de quitter les rangs de la CGT, sinon un jour, la police viendra vous prendre à domicile et vous serez transféré en prison au Maroc. Je crois que tu as bien compris. Va-t'en et, si mes services de renseignement m'informent une deuxième fois, ce sera pour toi l'enfer127». Le 1er mai 1975, à Düsseldorf, éclata une grosse rixe entre les Amicales assistées du Consul général de la ville et de l'ambassadeur marocain à Bonn, et des ouvriers marocains syndiqués à la Deutscher Gewerkschaftsbund. Le slogan utilisé par les ouvriers marocains de la DGB était le suivant : « les ouvriers marocains se joignent à leurs camarades allemands, soutien des ouvriers marocains d'Allemagne à leurs camarades au Maroc, pour la démocratie et la justice, contre la dictature et le fascisme au Maroc !128».

Le 20 juin 1976, à Amsterdam, le domicile d'un membre du KMAN a subi une effraction de la part des Amicales129. Ces derniers ont volé des listes d'adresses des membres du KMAN, du comité d'aide au KMAN et plusieurs adresses de Marocains en séjour illégal. Aucun objet de valeur (bijoux et installation de musique) n'a été enlevé. Plus tard, en 1979, la section bruxelloise de l'UNEM a pris connaissance d'un communiqué publié par les Amicales de Bruxelles. Ce communiqué dresse une liste de militants marocains considérés comme « Traîtres à la patrie ». Ce type de communiqué, écrit en français et en arabe, devait jeter le discrédit sur l'opposition syndicale marocaine et avoir un effet dissuasif envers les sympathisants de cette opposition.

Communiqué du« Comité Exécutif pour la Défense de la Patrie » 130

126Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Les Amicales : une officine policière, décembre 1977, p. 25.

127 « SIMCA-CHRYSLER - A visage découvert la dictature du patronat », L'Humanité du 15 novembre 1974.

128 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains : Le rôle des Amicales des ouvriers et commerçants en Europe, Paris, octobre 1975, p. 5.

129 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne du RDM : Dossier relatif aux activités des Amicales Associations de Solidarité des Travailleurs et Commerçants Marocains, Bruxelles, 22 septembre 1976, pp. 10-11.

130 Archives Personnelles de Mohamed El Baroudi, Documents relatifs à la gestion interne de l'UNEM section Bruxelles : Communiqué du Comité Exécutif de la Défense pour la Patrie daté de 1979.

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