WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Comité de lutte contre la répression au Maroc. Analyse d'une association centrée en Belgique 1972-1995.

( Télécharger le fichier original )
par ZIAD EL BAROUDI
Université Libre de Bruxelles - Master en Histoire 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

b.3.2 Les premières activités du Comité de Lutte contre la Répression de Bruxelles : 1977-1983

Les années comprises entre 1977 et 1983 ont représenté, pour le CCRM, une première période d'intense activité. Né d'un terreau syndical extrêmement fertile, le CCRM de Bruxelles a bénéficié d'une conjoncture relativement favorable au sein de la classe politique belge. Mobilisation, interpellation parlementaire et association de référence sur la répression au Maroc, le CCRM commence à multiplier ses participations aux missions juridiques et médicales au moment où la répression politique connait une croissance spectaculaire au Maroc. Cependant, cette séquence chronologique a été aussi agitée que difficile pour le CCRM, en effet, les Comités devaient, véritablement, jouer le rôle d'une presse sur les événements politiques au Maroc.

Depuis décembre 1977203, le CCRM de Bruxelles a dressé son premier bilan sur les événements politiques au Maroc. Le CCRM disposait déjà de 450 sympathisants. Face à un nombre croissant d'adhérents, le CCRM de Bruxelles et le CCRM de Charleroi cherchèrent, dès lors, à provoquer des sursauts de conscience parmi leurs membres adhérents en lançant un premier bulletin d'information. Jusqu'au début de l'année 1978, les CCRM belges avertissaient de leurs actions par des communiqués. Les CCRM de Belgique relayaient les bulletins d'information du CLCRM de Paris intitulés « Maroc Répression ». Le contenu de « Maroc Répression » était réparti en trois chapitres : une chronologie reprenant les dates les plus marquantes de la vie politique au Maroc (accords diplomatiques entre le Maroc et les pays étrangers, les procès politiques et rafles), les actions auxquelles le CLCRM a participé (renseignements obtenus sur la répression politique, correspondances avec les familles des détenus, et parfois la correspondance entretenue avec des représentants politiques belges et marocains), ainsi qu'une annexe qui reprend des témoignages des détenus politiques et des observateurs internationaux.

Dans un souci d'une meilleure efficacité, la première édition du bulletin d'information des CCRM de Bruxelles et de Charleroi va regrouper sous forme de compte rendu les actions passées des deux comités. Les bulletins d'information des CCRM de Belgique reprenaient dans l'intégralité le contenu du CLCRM de Paris en l'augmentant de ses propres activités. Avec le bilan des premières missions juridiques

202 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°392, Activités depuis le meeting de la Madeleine, Mission CCRM : Rapport médical sur la description de la vie carcérale au Maroc daté de 1980, pp. 2-8.

203 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°402, ASCLCRM - Communiqués : Assemblée générale du CCRM de Bruxelles datée du 24 janvier 1978.

67

émis par Paris, le premier bulletin publié par le CCRM de Bruxelles a relevé trois actions: la campagne de « séduction » entamée par les autorités marocaines en direction des responsables belges en vue d'accréditer un prétendu cours nouveau vers la démocratisation ; la menace d'extradition qui pesait sur le ressortissant marocain Ben Ayich ; la nécessité d'ouvrir sur certaines réalités du régime marocain, les yeux des touristes qui se ruent vers le soleil d'Afrique du Nord.

Premier bulletin des CCRM de Belgique : « Réalités Marocaines » paru en mars-avril 1978204

Le CCRM de Bruxelles fut informé sur la question de la campagne de « séduction » des autorités marocaines par une lettre revêtue de la mention « personnelle » et adressée par Ernest Davister, alors Président de la FGTB de Charleroi, au ministre de l'Emploi et du Travail, Guy Spitaels (PSB). Cette lettre faisait allusion à une tentative d'approche des autorités marocaines auprès de certains opposants marocains via Guy Spitaels. Le régime marocain cherchait, en plus, à faire les yeux doux à ses ressortissants en Belgique. Un extrait de cette lettre est fort révélateur à cet égard: « Le responsable de ce groupe (de militants marocains) me dit avoir rencontré l'Ambassadeur du Maroc qui lui a confirmé cette tendance, en attirant son attention sur la nécessité pour les immigrés acquis aux conceptions démocratiques, de rentrer chez eux, afin d'accélérer le processus de démocratisation en cours. Il se fait que cet Ambassadeur a cité votre nom (celui de Guy Spitaels) en évoquant les bonnes relations qu'il entretient avec vous et la haute estime en laquelle il vous tient. Dès lors, et voici ma demande, ne vous serait-il pas possible de provoquer

204 Couverture du premier bulletin du CCRM de Bruxelles, in Maroc Répression : Bulletin d'information de Bruxelles, organe bimestriel, mars-avril 1978.

68

une entrevue avec l'Ambassadeur, si courte soit-elle, à laquelle vous participeriez, ainsi que moi-même, accompagné de deux représentants du groupe d'immigrés précité ? 205».

Après l'échec du régime marocain qui n'a pas réussi à obliger ses ressortissants à renouveler leur passeport au Maroc entre 1978 et 1980 - grâce à une mobilisation commune des CCRM bruxellois et carolorégien, du RDM, de la FGTB et de la CSC - et dans le but de redorer son image auprès du monde politique européen dans le contexte du conflit saharien, le régime marocain cherchait par tous les moyens à gagner l'opinion internationale en sa faveur206.

Le rapprochement inopiné, par exemple, de l'ancien premier ministre Edmond Leburton (PSB, Gouvernement du 26 janvier 1973 au 19 janvier 1974), avec le régime marocain n'avait pas échappé à l'attention du CCRM. Edmond Leburton affirmait à l'issue d'un voyage au Maroc : « Que ce pays était entré dans la voie de la démocratie et que sa monarchie « constitutionnelle » présentait beaucoup d'analogies avec la monarchie belge207». Ces propos, appuyés par le Président du Sénat Robert Vanderkerckhove, visaient en outre, au resserrement des liens de coopération entre les deux pays. Conjointement à ce voyage diplomatique, le ministre marocain du Travail, Mohamed Bouamoud, effectua une visite en catimini en Belgique208. Ce voyage est significatif car, rappelons-le, la présidence officielle des Amicales est assurée par le ministre du Travail et de l'Emploi Professionnel. Alerté par le CCRM de Charleroi, Ernest Glinne* a posé une question écrite aux ministres du Travail et des Affaires Etrangères sur l'objet de l'entretien que le ministre marocain a eu avec son homologue belge, à savoir, sur la raison du caractère mystérieux de cette visite et sur un éventuel voyage du monarque chérifien en Belgique...

A Bruxelles, le CCRM respectait sa devise dans sa lutte contre les Amicales et prêtait main forte aux mouvements d'opposition marocains. En 1980, éclatait l'affaire Abdallah Dougna. Cet assistant social était engagé par la commune de Bruxelles-Ville, via l'ASBL « Aide aux familles bruxelloises »209. Abdallah Dougna avait été choisi comme assistant social traducteur entre les familles d'immigrés marocains et les autorités communales. Selon la CGSP secteur Enseignement210, Abdallah Dougna aurait été le traducteur principal auprès de plusieurs familles d'immigrés marocains en même temps qu'il fournissait des informations sur ces familles aux polices belge et...marocaine. Méfiant sur la présence policière marocaine en Belgique, Hervé Brouhon, sympathisant du CCRM - qui deviendra bourgmestre de la ville de Bruxelles entre 1983 et 1993 - avertit le CCRM de Bruxelles qui fit ébruiter cette affaire en

205 Maroc Répression, Bulletin bimestriel du CCRM section Bruxelles, cit., p. 4.

206 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°340, RDM-Regroupement Démocratique Marocain, RDM-Communiqués et notes internes : Communiqué du Regroupement Démocratique Marocain daté du 16 mars 1980.

207 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°388, CCRM-Communiqués de presse : Communiqué du CCRM dénonçant les propos d'Edmond Leburton et de Robert Vanderkerckhove daté du 2 mai 1978.

208 CEGES, Fonds Pierre Le Grève, AA 1936, Liasse n°72, Correspondance générale pour l'année 1978 : Lettre d'Ernest Glinne au CCRM de Bruxelles relative à la visite mystérieuse du ministre du Travail marocain, datée du 1er juin 1978.

209 Le Soir du 1er février 1980.

210 La Dernière Heure du 20 janvier 1980.

69

démontrant que l'assistant social n'était en réalité qu'un agent travaillant pour le compte des polices belge et marocaine. Face au tapage médiatique provoqué par le CCRM, et malgré la réponse du « Conseil Consultatif des Bruxellois n'ayant pas la Nationalité Belge », lequel affirmait que le rôle de Monsieur Dougna se situait au seul niveau de collaborateur de la police belge, l'assistant social a dû démissionner de son poste211.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984