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Stratégies géoéconomiques des multinationales du pétrole au Gabon. Les cas de shell, total et sinopec.

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par Jean de dieu MINYEM
Université Omar Bongo de Libreville - Master 2 Géographie 2015
  

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5.2.1.2. CERTAINES ATTEINTES AUX INTERETS ECONOMIQUES DE L'ETAT GABONAIS

Le protectionnisme des Occidentaux a freiné, au Gabon, la diversification des partenaires pétroliers de grande envergure, créant ainsi une situation de monopole. Une situation qui ne pouvait être propice à la concurrence. « L'arrivée de la Chine sur le marché africain va très certainement changer le comportement et la conduite des Occidentaux en Afrique »233(*). En outre, la corruption active ou passive des acteurs du secteur, a participé et participe encore énormément à la dilapidation des intérêts économiques de l'Etat gabonais. « Les firmes multinationales, [...] dans les pays sous-développés, constituent le plus souvent, un pouvoir auquel il est difficile de se heurter. Ces firmes [...] contrôlent, dans la plupart des cas, une part importante de l'économie du pays [...] Si une de ces firmes estime que les choix du gouvernement, manifestés en particulier à travers les objectifs d'un plan, mettent en cause de façon grave ses marges bénéficiaires ou se traduisent par des conditions moins avantageuses que celles qui lui sont offertes dans d'autres pays, il existe pour elle de multiples façons de stopper ses investissements dans ledit pays, de rapatrier dans son pays d'origine ses bénéfices et une partie de son capital, sans que le pays sous-développé concerné puisse exercer d'actions bloquant ses décisions. Il en résulte une situation qui limite considérablement les possibilités de choix et d'action des gouvernements, si on se situe dans un cadre capitaliste, en dehors d'une entente de fait avec ces firmes. » 234(*) Par conséquent «malheureusement, le produit des intérêts pétroliers africains ne sert pas les Africains, mais certains Africains. Les clans ethniques au pouvoir dans les Etats [...] L'économie pétrolière africaine ne sert pas à la modernisation industrielle. Il ajoute que d'ailleurs si les Africains utilisaient l'argent de leur pétrole pour se développer, alors l'industrialisation et la croissance se mettraient à consommer du travail et du pétrole. » 235(*)

« La vache à lait dans cette histoire est l'Afrique, ou du moins les pays d'où l'or noir est tiré sans honte. Que revient aux pays africains producteurs de pétrole ? S'il est vrai que certains fortunés africains sont actionnaires dans ces multinationales, la quasi-totalité des dividendes revient aux actionnaires des pays dits développés qui construisent leur vie sur les ruines d'une Afrique en péril. Selon l'OMS dans le « classement global du système de santé », sur une échelle de 1 à 191, tous les pays africains se situent dans le bas du tableau : Tchad 178, Angola 187, Nigeria 187, République démocratique du Congo 188, Sierra Leone 191...il s'agit pourtant de pays riches en matières premières. Au Tchad, depuis l'extraction de la première goutte de pétrole, les compagnies anglo-américaines, françaises et malaisiennes ont perçu 653 milliards de dollars. Il n'est resté que 62 millions de dollars pour le Tchad. Au Nigeria, deuxième producteur de pétrole d'Afrique, avec des réserves de 2500 millions de barils, 80% de la population vivent avec moins d'un dollar par jour. Nous avons la honte chevillée au corps à l'idée de concevoir qu'un continent au sous-sol aussi riche et fertile soit humilié et violé.

La gestion du pétrole [...] donne lieu à des comportements claniques, voire d'allégeance féodale, de la signature des contrats d'exploitation (commissions) jusqu'à la répartition des fortes valeurs ajoutées dégagées lors des ventes sur le marché mondial. La gestion de la manne pétrolière au Gabon et en Angola en est une parfaite illustration. Sur ce continent, jamais il n'y a eu autant de « batailles », de pathologies, de pillage de l'économie et du sous-sol. Ces multinationales postcoloniales se sont mises en tête de contrôler tout le secteur productif et de commercialisation des pays en voie de développement »236(*).

Clément Yao affirme qu' « il suffit simplement de se rendre dans les pays de la zone CEEAC (Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale) qui regorgent de l'or noir en abondance pour se rendre compte que le pétrole ne fait pas forcément le bonheur des populations, sauf celui des dirigeants et des multinationales occidentales qui se partagent, à satiété, les réserves d'origine fossile dans cette partie du continent. Selon un rapport de la British Petreolum Review of World Energy (2007, p.91), sur les dix premières réserves pétrolières en Afrique, cinq sont situées plus précisément en Afrique centrale. Le Gabon avec ses 30 champs de production, 7e réserve de pétrole en Afrique (3,7 milliards de barils) devant le Congo (1,9), la Guinée Équatoriale (1,7) et le Tchad (1,5), est toujours inscrit, malgré ses potentialités, sur la liste des pays pauvres qui continuent de tendre la main à l'Occident pour boucler ses budgets de financement. Or, la plupart de ces pays de la CÉÉAC devrait récolter, selon les experts, chacun un peu plus de 200 milliards de dollars de revenus pétroliers pendant la prochaine décennie. Mais, en dépit de ces bons signes économiques, force est de constater que la rente pétrolière ne profite ni à leur développement encore moins aux populations qui se trouvent être d'ailleurs une des moins importantes par rapport aux autres régions d'Afrique, en terme démographique.

Il est incompréhensible qu'avec toutes ces richesses, le Gabon, avec ses 1,5 millions d'habitants, le Congo (4,3 M), la Guinée Equatoriale (720 000 hab.), le Tchad (11,5 M hab.) et le Cameroun (19,9 M hab.), pour ne citer que ces pays, ne soient pas en mesure d'offrir une qualité de vie meilleure et décente à leurs populations. Comment comprendre alors qu'un pays comme l'Île Maurice ou encore les Seychelles, dépourvus de richesses fossile et minière qui ont pour principale ressource que la rente du tourisme, sont des modèles économiques de réussite par rapport à ces cinq pays de l'Afrique centrale, pourtant gâtés par la nature ? » 237(*) Le Catholic Relief Services une association humanitaire de l'église catholique aux USA, membre de Caritas Internationalis, dans un rapport intitulé : Le fond du baril, boom pétrolier et pauvreté en Afrique, partage très entièrement cette thèse d'atteinte aux intérêts économiques de l'Afrique et du Gabon. Il constate que « L'Afrique sub-saharienne connaît une période de boom pétrolier sans précédent. Ce nouveau boom pétrolier de l'Afrique constitue à la fois une chance et un piège pour ces pays où la pauvreté reste endémique. Dans la plupart de ces pays, la présence de pétrole n'a en rien contribué à réduire la pauvreté, elle l'a plutôt exacerbée.» Le clou sera qu'en 2013, le Gabon sera radié de l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE). Rappelons encore que « lorsque Fu Chengyu prend les rênes de Sinopec en 2011, l'entreprise sort d'une série de scandales de corruption qui a culminé en 2006 avec l'arrestation de son président. Intercepté à l'aéroport de Pékin, Chen Tonghai s'apprêtait à fuir à l'étranger avec 30 millions de $. Il a été condamné à mort avec sursis. »238(*) Il faut comprendre que c'est à cette période de grande corruption de Sinopec que l'entreprise s'est installée dans le marché gabonais de la production (2009). La fameuse affaire Addax ne viendra pas pour arranger les choses. « C'est une première au Gabon : un opérateur étranger se voit retirer le droit d'exploitation d'un gisement pétrolier. Addax Petroleum, quatrième producteur du pays avec environ 23 000 barils par jour, soit 9 % du brut gabonais. Après l'avoir éjectée du champ d'Obangué fin 2012, les autorités ont signifié à la filiale du géant chinois Sinopec, début juin, que la licence d'exploitation de Tsiengui, son principal bloc, ne sera pas renouvelée après son expiration, en 2015. Les raisons de cette décision inédite ? Des cas de corruption, le non-respect des normes environnementales et des fraudes fiscales dans l'exportation de l'or noir, affirme-t-on au ministère du Pétrole » 239(*). Obangue, ce dernier champ a depuis été restitué à Addax Gabon après versement par Sinopec à l'Etat gabonais d'une indemnité transactionnelle240(*) estimée à hauteur de 400 milliards F CFA241(*). Quant à l'affaire dite Total "Il n'y a pas d'affaire Total", a déclaré le président gabonais, Ali Bongo Ondimba, à la sortie d'un entretien avec son homologue français, François Hollande, à Paris, le 8 avril 2014 ; une façon de refuser l'importance qu'accordaient les media au redressement fiscal dont l'entreprise française faisait l'objet au Gabon de façon inédite.242(*) Mais on peut retenir qu'« en application des dispositions du code général des impôts en ses articles 833 et suivants, relatives au droit de contrôle, la Direction Générale des Impôts a diligenté un contrôle fiscal de la société Total Gabon au titre des exercices 2008-2009... Ainsi le gouvernement réclame à la filiale locale de Total, le paiement de 805 millions de dollars (587,5 millions d'euros) d'impôts... Total considère ce recouvrement sans fondement et conteste tant les chefs de redressements que les montants associés à savoir 805 millions de dollars (environ 386 milliards F CFA) dont 387 millions de dollars (186 milliards F CFA) en recouvrement partiel, au motif qu'elle a toujours agi en conformité avec les lois de la république gabonaise. »243(*) Ces deux affaires ont eu le mérite de mettre au grand jour et de façon inédite les malversations fiscales dont peut faire l'objet l'Etat gabonais quelle que soit la hauteur des méfaits des uns ou des autres.

Mais L'affaire Elf244(*) reste l'affaire qui nous rappellera toujours les grands moments sombres de l'histoire pétrolière africaine car «Elf Aquitaine ou l'art de détrousser l'Afrique »245(*).

* 233 F. DIANGITUKWA, op cit p 51

* 234 Janine BREMOND et Catherine LIDSKY, 1976, les planifications économiques, Paris, pp.57-58 

* 235 Gyula Csurgai (d), 2006, les enjeux géopolitiques des ressources naturelles, Lausanne, l'âge d'homme, p. 120. Gyula Csurgai reprends ces termes d'Aymeric CHAUPRADE:

* 236 http://www.alterinfo.net/L-Afrique-entre-multinationales-et-privatisations-ce-que-pense-le-MLAN_a8393.html consulté le 02 11 14.

* 237 Clément YAO, « Le pétrole ne fait pas le bonheur en Afrique centrale », sur http://news.abidjan.net/h/459159.htm

* 238Sébastien BALZIC, op cit.

* 239 BALLONG S. (2013), « le Gabon reprend en main le secteur pétrolier », www. Jeune Afrique-Economie, 04 juillet. Op cit.

* 240 http://www.tresor.economie.gouv.fr/10211_le-secteur-petrolier-au-gabon-2013 op cit.

* 241 J. Ndoutoume Ngome « désaccord fiscal entre Total et l'Etat gabonais », potentiel hebdo no 0018, 13 mars 2014, p.7.

* 242 http://www.jeuneafrique.com/164468/politique/gabon-rencontre-hollande-bongo-ou-quand-l-affaire-total-s-invite-l-lys-e/ consulté le 23 08 15.

* 243 J. Ndoutoume Ngome « désaccord fiscal entre Total et l'Etat gabonais », potentiel hebdo no 0018, 13 mars 2014, p.7. op cit

* 244 L'affaire Elf, op cit.

* 245 Pierre LETHIER, 2001, argent secret : l'espion de l'Affaire Elf parle, Albin Michel 253p. Dans cet ouvrage, l'auteur intitule un des chapitres « Elf Aquitaine ou l'art de détrousser l'Afrique ».

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille