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Stratégies géoéconomiques des multinationales du pétrole au Gabon. Les cas de shell, total et sinopec.

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par Jean de dieu MINYEM
Université Omar Bongo de Libreville - Master 2 Géographie 2015
  

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CONCLUSION GENERALE

De façon générale, ce travail nous a permis d'analyser, dans une première partie, le domaine et le secteur pétroliers gabonais. Nous avons pu distinguer, dans le premier chapitre, le domaine on-shore et le domaine off-shore. Dans le deuxième chapitre, nous avons mis en relief les différents acteurs du secteur pétrolier gabonais et la dynamique de ce secteur dans l'économie globale du pays. Dans la seconde partie, nous avons ressorti, par mode comparatif, dans deux chapitres différents (le troisième et le quatrième), les stratégies élaborées par les multinationales que sont Shell, Total et Sinopec dans la conquête et le contrôle du marché gabonais de la production pétrolière. Dans un cinquième chapitre enfin, les conséquences desdites stratégies sur les trois multinationales et sur l'Etat gabonais, les principaux acteurs du secteur, ont été mises en lumière.

Au regard de l'analyse globale faite donc tout au long de ce travail, et pour répondre à la problématique posée à l'introduction, nous avons pu constater que si les trois multinationales, suscitées, élaborent des stratégies similaires, elles développent aussi, et en toute exclusivité, des stratégies différentes. C'est le cas de la stratégie de non-ingérence dans les affaires intérieures du Gabon, élaborée par la Chine via Sinopec ou de la stratégie protectionniste des Occidentaux (Total et Shell) développée par la France et la Grande-Bretagne. De façon subsidiaire, les conséquences de ces différentes stratégies se sont montrées multiformes sur les trois multinationales elles-mêmes et sur l'Etat gabonais.

Nous osons ainsi espérer que les objectifs de ce travail auront été atteints. Nous avons pu effectivement constater que :

· les Etats d'origine des multinationales influencent non seulement les politiques de leurs multinationales mais aussi les politiques des politiques gabonais ;

· les stratégies desdites multinationales ont abouti à des résultats mitigés pour les principaux acteurs du secteur pétrolier gabonais : d'abord les multinationales « major » Occidentales, Shell et Total ont perdu l'exclusivité du marché gabonais de la production pétrolière quoiqu'elles tiennent toujours le haut du pavé de ce secteur d'activité ; bien secondées par les autres sociétés indépendantes et les sous-traitants Occidentaux. Ensuite la multinationale chinoise (Sinopec) a su se faire une place sur ce marché qui lui est resté longtemps fermé quoiqu'elle reste encore loin des trois premières places qu'occupent les Occidentaux dans la production pétrolière gabonaise, et plus encore, elle reste talonnée par des « indépendants » occidentaux que sont Maurel et Prom, Vaalco etc. Quant à l'Etat gabonais, il a su tirer son épingle, à certains moments, de ce jeu d'échecs auquel se livrent les trois multinationales.

Les solutions à suggérer à l'issue de ce travail, sont tirées de certains auteurs ayant travaillé sur la question, notamment J. Ndoutoume Ngome qui énonce quelques solutions pour une meilleure gestion du pétrole gabonais. Il estime qu'il faut :

- « Lever tous les obstacles légaux et extra-légaux à la transparence et à la surveillance du secteur ;

- Abroger des clauses de confidentialité incluses dans les contrats de partage de production;

- Garantir le respect des droits de l'homme, y compris les libertés d'expression, d'association et de la presse ;

- Collaborer avec les organisations de la société civile engagées dans la surveillance de la gestion de richesse pétrolière.

- Rendre publics les résultats d'audits indépendant et réguliers des compagnies nationales dans les secteurs extractifs;

- Incorporer l'ensemble des revenus du secteur dans le budget national;

- S'abstenir de recourir à des emprunts gagés sur le pétrole jusqu'à à ce que des mesures efficaces en faveur de la transparence des revenus extractifs et du budget soient prises;

- Affecter les revenus extractifs aux secteurs sociaux prioritaires, et plus spécifiquement à l'éducation, à la santé et au développement d'institutions publiques compétentes;

- Considérer collectivement la transparence des revenus extractifs comme un facteur clef de bonne gouvernance.

- Soutenir la campagne internationale « Publiez ce que vous payez » en rendant public, de façon détaillée et régulière, le détail précis des impôts, redevances et autres paiement versés aux Etats africains, à n'importe quel niveau, ou aux communautés locales.

- Travailler de concert pour soutenir les processus qui permettront de déboucher sur une uniformisation des procédures suivies pour la publication des revenus afin de rendre les règles du jeu égale pour tous257(*)

F. Diangitukwa considère quant à lui que: « Les perspectives futures en matière de gestion des ressources naturelles doivent inciter les Etats africains à une plus grande coopération et à une plus grande interdépendance afin qu'ils réduisent les risques de conflits liés à l'approvisionnement des ressources naturelles et à leur contrôle, car les grandes puissances n'hésiteront plus à utiliser les moyens les plus rusés, voire les plus violents pour se procurer, partout où elles le pourront, le pétrole dont elles ont besoin en grande quantité. » 258(*)

En plus de ces auteurs, « pour mettre en oeuvre son ambitieux Projet de Société, « l'Avenir en Confiance », et garantir une équitable répartition des richesses, le président Ali Bongo et son gouvernement s'engagent à garantir une meilleure rentabilité et une meilleure gestion des recettes du secteur : [ce dernier affirme que] « Le Gabon sera maître de son industrie par le transfert des technologies. De la même manière que l'industrie s'efforce d'aller vers la bonne gouvernance, de la même manière l'administration s'attèle à employer les meilleures pratiques dans l'industrie pétrolière». Il s'agit d'ouvrir des perspectives sur un rééquilibrage et un recadrage des stratégies politiques et économiques de gestion pétrolière envisagées dans le sens d'un approfondissement du développement et de la croissance de l'Etat. Pour promouvoir l'exploration et l'exploitation, la mise en place d'un cadre réglementaire attractif pour les investisseurs ainsi qu'un contrôle renforcé des activités du secteur et du recouvrement des recettes sont à l'ordre du jour. [...] La diversification des partenariats internationaux (Afrique du Sud, Brésil, Canada, Chine) entretient également l'espoir d'une découverte de bonne envergure. [...] Il ne nous est plus désormais possible de dépendre uniquement de nos ressources pétrolières et gazières pour dynamiser la croissance économique. Nous devons nous diversifier sur un mode durable. Tel est l'objectif du « Gabon Emergent » qui guidera notre développement [...] L'augmentation de la valeur ajoutée dans le traitement de nos matières premières est primordial. Nous nous engageons à ce que ces matériaux soient traités au Gabon plutôt qu'exportés directement vers d'autres marchés. [...] nous avons lancé des projets dans ce sens dans les secteurs du bois et du manganèse. Nous continuerons à faire de même dans d'autres secteurs. »259(*)

Ces propositions du Président de la République Gabonaise ont le mérite de traiter des problèmes périphériques à la gestion de la manne pétrolière, mais non moins importants, à savoir : la diversification des ressources économiques, la promotion des explorations et des exploitations, la diversification des partenariats internationaux, la recherche du développement durable etc. Un bémol tout de même, c'est l'applicabilité de l'idée de la transformation sur le territoire national du brut gabonais. Cette question va au-delà des besoins d'optimisation des capacités de production de la raffinerie actuelle (la SOGARA). Elle touche aux problématiques géoéconomiques et géopolitiques du manque à gagner et du déficit de rayonnement des grandes puissances internationales, l'objet fondamental de notre travail. Les grandes puissances sont-elles prêtes à se départir de leur « arrière-cour » de plein gré ou leurs stratégies que nous venons d'étudier auront été contrecarrées par l'Etat gabonais ? Ce problème de la transformation du brut gabonais sur le territoire national prend également en compte les pertes drastiques que peuvent subir l'économie gabonaise eu égard, à titre comparatif, aux conséquences néfastes subites par le secteur bois après une telle décision dans ce secteur.

Au regard de tout ceci et au-delà de l'analyse des stratégies géoéconomiques des multinationales au Gabon, nous aboutissons aux questionnements sur la bonne gouvernance interne, la nécessité d'intégrer d'autres pays africains dans l'exploitation et la gestion de la manne pétrolière gabonaise, l'innovation260(*), la diversification des ressources économiques et énergétiques du pays, le déclin mondial de l'or noir, la volatilité des cours de son baril, la diversification des partenaires non africains et des contingences géopolitiques y afférant etc. Toutes ces questions demandent, non pas, la considération d'une seule d'entre elles pour la résolution de la problématique globale du pétrole gabonais au-delà de la problématique des stratégies des multinationales, mais leur mise en synergie pour une solution holistique, adéquate et efficace : une solution dite « multiscalaire ». Il s'agit d'une solution à plusieurs échelles de temps et d'espace. Une solution développée sur la base de la méthode d'analyse mise sur pied en géopolitique par Y. Lacoste, énoncée dans notre introduction et prenant en compte la diachronie et la diatopie. Dans le cadre de la problématique générale du pétrole gabonais, la diachronie prend en compte les problèmes internes à l'Etat gabonais, constatés à travers le temps, tels que la bonne gouvernance de la ressource pétrolière, la diversification des ressources économiques et énergétiques, l'intégration d'autres partenaires que ceux classiques dans le secteur pétrolier gabonais, le besoin de transformation sur son territoire de son brut, le besoin d'innovation etc. La diatopie quant à elle prend en compte non seulement quelques-uns de ces problèmes internes (la diversification des partenaires étrangers, la transformation sur son territoire de son brut etc.), mais aussi des problèmes internationaux en lien avec la problématique gabonaise de la production et de la gestion de sa manne pétrolière (la volatilité du cours du pétrole et toutes les contingences géopolitiques touchant l'activité pétrolière). Cette « diachronisation », c'est-à-dire cette prise en compte des questions internes et cette « diatopisation », c'est-à-dire la prise en compte des problématiques internationales liées à la question pétrolière gabonaise apportent à la problématique globale, une solution idoine dont les conséquences sont l'optimisation du profit de l'Etat gabonais dans l'exploitation de son pétrole et la fin de la dépendance de son économie du pétrole. Cette analyse « multiscalaire » commande donc de mettre ensemble les propositions faites par les uns et les autres en tenant compte des aléas internes et externes de la problématique pétrolière pour une « conquête de la souveraineté de l'Etat dans le secteur pétrolier»261(*); car « le pétrole dans moins de 30 ans ne sera plus suffisant pour tout le monde (il deviendra de plus en plus rare et cher). Alors on utilisera le pétrole pour les besoins les plus nécessaires et les énergies nouvelles pour les besoins y afférents. On assistera [...] à une augmentation considérable des prix au fur et à mesure que l'on se tournera vers des gisements de plus en plus difficiles et couteux à exploiter».262(*)

Pour la réussite d'un tel projet l'harmonisation de toutes les couches sociales gabonaises (les forces politiques, militaires, la société civile, 263(*)la masse populaire) est indispensable. L'Etat gabonais doit avoir la maîtrise de l'intégralité de son territoire, de sa force militaire, de ses politiques intérieure et extérieure, la maîtrise de ses jeux d'alliances économiques car « en cas de pénurie, la question du libre marché ne se pose plus : les acteurs les plus puissants se transforment en prédateurs pour maintenir leur niveau de vie. C'est cette perspective que le tandem Bush-Cheney a anticipé en ouvrant les voies de communication en Afghanistan, en Géorgie et en Ukraine, en tentant de renverser le gouvernement au Venezuela et en envahissant l'Irak » . Un besoin de « transformation des mentalités  pour sortir des zones de confort264(*) » s'avère indispensable.

Nelson Mandela affirmait que : « les longues et superbes côtes africaines et l'abondance des ressources marines dont dispose le continent peuvent l'aider à atteindre la sécurité économique, alimentaire et environnementale. Ces ressources côtières et marines, tout comme les autres ressources environnementales de l'Afrique, continuent d'être exploitées d'une manière qui ne profite pas à l'Afrique et à sa population. C'est là le paradoxe d'un peuple qui meurt de faim, de famine et de pauvreté alors qu'il est si généreusement pourvu.»265(*)

Notre travail, loin d'avoir épuisé la question des multinationales et les conséquences de leurs stratégies sur le secteur pétrolier gabonais, contribue aussi au renouvellement des interrogations sur des questions telles que l'intérêt supérieur de la nation, le bonheur du peuple, la « real politic », l'éthique dans la politique étrangère des Etats pour paraphraser Ariel Colomonos (2005) etc. Devons-nous convenir avec Cornélius Castoriadis qui affirme que « la fin de la politique n'est pas le bonheur qui ne peut être qu'une affaire privée ? [Qu'] il ne peut avoir de philosophie qui définisse ce qu'est le bonheur, et surtout qui veuille l'imposer par des décisions politiques266(*) » ?

* 257Jonathan NDOUTOUME NGOME « Le rôle de la société civile dans la mise en oeuvre et dans le suivi de l'Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE) », Libreville, 28 octobre 2014. Atelier sur le retour du Gabon à l'ITIE, hôtel Okoumé. « L' ITIE a été annoncée par le Premier Ministre britannique Tony Blair à l'occasion du sommet mondial sur le développement durable qui s'est tenu à Johannesburg en septembre 2002, le constat établi est qu'il existe une forte corrélation entre les pays riches en ressources naturelles et les pays présentant un fort niveau de pauvreté, un faible taux de croissance économique du fait notamment des problèmes de gouvernance. C'est dans ce contexte que le Gabon adhère à l'ITIE en 2004 pour être radié en 2013 du fait du non-respect des engagements souscrits et da le non observation des règles qui gouvernent cette initiative. »

* 258 F. DIANGITUKWA, op cit.

* 259 www.gabon-services.com/lepilier-gabon-industriel/les-enjeux-par-secteur/le-pétrole consulté le 02 07 15: « la perspective d'un nouvel âge d'or pétrolier ». voir aussi http://www.presidentalibongo.com/l-actualite/l-actualite/2328/le-gabon-la-7eme-position-des-reserves-de-petrole-en-afrique?destination=taxonomy%2Fterm%2F777 consulté le 02 07 15.

* 260 on peut lire sur le fronton du ministère gabonais du pétrole et des hydrocarbures que « Le pétrole s'amenuise l'innovation demeure ».

* 261 Titre du mémoire de géopolitique, présenté Nziengui Mombo Amour.

* 262 Revue Voltaire, op cit.

* 263 Dans son entendement le plus large : journalistes, ONG, associations, religieux etc.

* 264 Extrait discours d'ouverture de la cinquième édition du New York Africa forum du président gabonais Ali Bongo.

* 265 Bulletin de la sécurité africaine du centre d'études stratégiques de l'Afrique, no 10, février 2011, p. 32.

* 266 Cornélius CASTORIADIS, la montée de l'insignifiance : les carrefours du labyrinthe, le Seuil, 1996

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote