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Interdependance entre juge et procureur


par Dreaming Venerosy de FLORE
Université de La Réunion - Master 1 droit 2013
  

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CHAPITRE 1 : A LA RECHERCHE D'UN EQUILIBRE DU

STATUT DES MAGISTRATS DE LA PROCEDURE PENALE

10

Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

SECTION 1 : LE RESPECT DES PRINCIPES D'IMPARTIALITE ET D'INDEPENDANCE DES MAGISTRATS IMMANENT A LEUR STATUT

Les deux piliers de l'équilibre du statut des magistrats sont les principes d'impartialité et d'indépendance des magistrats. Après avoir expliqué et confronté l'interdépendance des magistrats au principe d'impartialité, Il conviendra de confronter cette interdépendance au principe d'indépendance des magistrats.

SOUS SECTION 1 : L'INTERDEPENDANCE DU JUGE DINSTRUCTION ET DU PARQUET LORS DE LEUR RECRUTEMENT ET DE LEUR GESTION DE CARRIERE

L'interdépendance entre ces deux magistrats sera envisagée ici sous l'angle d'une solidarité organique. Après avoir mis celle-ci en évidence il sera opportun de la confronter au principe d'indépendance des magistrats.

§1) L'existence d'une solidarité organique entre ces deux acteurs judiciaires

Les textes ne prévoient pas deux systèmes différents pour recrutement et la formation du juge d'instruction et du parquet. Ces derniers sont traités comme faisant partie d'un même corps de magistrat. Leur statut est interdépendant. On peut même traduire cette interdépendance comme une solidarité organique qui existerait tant au moment de leur recrutement que durant leur carrière.

A) Une solidarité organique au niveau du recrutement du juge d'instruction et du Parquet

11

Le recrutement des ces deux magistrats est régis par les mêmes textes.5. Ainsi deux concours sont ouverts pour le recrutement de magistrats du second et du premier grade de la hiérarchie judiciaire. Le texte ne distingue pas encore à ce niveau si les candidats vont devenir juge d'instruction ou parquetier. Il est prévu que les candidats aux fonctions du second grade de la hiérarchie judiciaire soient âgés de trente-cinq ans au moins au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours et qu'ils justifient d'au moins dix ans d'activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social: une activité les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. De la même manière les candidats aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire doivent être âgés de cinquante ans au moins au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours et justifier d'au moins quinze ans d'activité professionnelle dans le domaine juridique, administratif, économique ou social, les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires. Ensuite, les candidats admis suivent une formation probatoire organisée par l'École nationale de la magistrature comportant un stage en juridiction. Là encore, ils suivent la même formation dans des conditions identiques. On s'aperçoit ici que le juge d'instruction et le Parquetier sont recrutés dans des conditions identiques et objectives. Rien au moment de leur recrutement ne les prédestine à devenir plutôt magistrat du siège ou du Parquet. Le juge d'instruction et le Parquet ont une origine commune. Ils naissent magistrats. Il y a donc une solidarité organique entre eux dès leur naissance.

D'ailleurs préalablement à toute activité, ils prêtent serment devant la cour d'appel en ces termes : "Je jure de conserver le secret des actes du parquet, des juridictions d'instruction et de jugement dont j'aurai eu connaissance au cours de mon stage." Là encore ils prêtent le même serment. Ils sont donc liés par ce même serment. Même lorsqu'ils s'individualisent plus tard en juge d'instruction ou en Parquetier ils sont toujours liés par ce serment qui fait d'eux des magistrats solidaires de par leur statut même si leurs fonctions sont différentes par la suite.

Le directeur de l'École nationale de la magistrature établit, sous la forme d'un rapport, le bilan de la formation probatoire de chaque candidat et adresse celui-ci au jury prévu à l'article 21. Les candidats sont donc soumis à un jury identique quelle que soit leur vocation à devenir juge d'instruction ou Parquet. On retrouve ici l'idée d'une égalité dans leur recrutement et dans leur formation. Enfin, après un entretien avec le candidat, le jury se prononce sur son

5 Article 21-1 de l'ordonnance de 1958 précitée

12

aptitude à exercer les fonctions judiciaires. Le fait qu'ils soient tous deux soumis à un jury participe de leur impartialité à priori. On remarque que cette solidarité organique se retrouve aussi tout au long de la carrière du juge d'instruction et du Parquet.

B) Une solidarité organique durant la carrière du juge d'instruction et du Parquet

Tout magistrat, lors de sa nomination à son premier poste, et avant d'entrer en fonctions, prête serment en ces termes : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. » 6 Ici un deuxième serment est prêté. Là encore le juge d'instruction et le Parquet renouvelle leur solidarité organique. Ils sont liés de par leur qualité de magistrat.

Cette solidarité organique rend les magistrats interchangeables entre eux. Ainsi tout magistrat a vocation à être nommé, au cours de sa carrière, à des fonctions du siège et du parquet7. Au cours de sa carrière le procureur par exemple peut, à l'occasion d'une mutation, quitter le Parquet pour rejoindre le siège et inversement. Même après avoir exercer le métier de parquetier ou de juge d'instruction, la permutation est possible. Il est même arrivé qu'un magistrat du parquet ayant fait toute sa carrière au ministère public finisse premier juge du siège, c'est-à-dire premier président de la Cour de cassation. Cette interchangeabilité est encore un signe de l'interdépendance statutaire, de cette solidarité organique du juge d'instruction et du Parquet. C'est la marque d'une certaine neutralité et d'une flexibilité intellectuelle que doit faire preuve ces magistrats tout au long de leur carrière: en effet, il ne faut plus réfléchir comme un procureur si l'on devient juge d'instruction et inversement. Après avoir exercé le métier de procureur pendant dix ans par exemple peut-on exercer le métier de juge d'instruction et oublier les reflexes d'accusateur de son ancienne fonction? Cela ne doit pas être une mince à faire. On voit aussi que le législateur a prévu des hypothèses particulières qui vont dans le même sens: Par exemple, lorsqu'il est procédé à la suppression d'une juridiction, les magistrats du siège et les magistrats du parquet reçoivent une nouvelle affectation. Neuf mois au plus tard avant la suppression de la juridiction, les magistrats du siège font connaître au ministre de la justice s'ils demandent leur affectation dans les mêmes fonctions dans la ou l'une des juridictions qui seront compétentes dans tout ou partie du ressort de la juridiction supprimée. Ici encore le juge d'instruction peut devenir et

6 Article 6 de l'ordonnance de 1958 précitée

7 Art 1 § II de l'ordonnance de 1958 précitée

13

inversement. Si cette présentation montre bien la solidarité organique du juge d'instruction et du Parquet, il faut savoir que quelques problèmes subsistent en réalité.

§2) Des magistrats impartiaux ?

Cette solidarité organique et partant cette interchangeabilité des magistrats respecte-t-elle le principe d'impartialité des magistrats? La règle de base est qu'un juge d'instruction ne peut, à peine de nullité, participer au jugement des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de juge d'instruction. 8 Cette règle se comprend aisément: le moins qu'un justiciable peut s'attendre de la justice c'est que ses magistrats soient impartiaux. C'est-à-dire qu'un magistrat qui a déjà connu d'une affaire au niveau de l'enquête ou de l'instruction ne peut siéger ensuite en tant que magistrat dans la formation de jugement ce cette même affaire. Mais ne pourrait-on pas par analogie appliquer cette même règle au juge d'instruction et aux membres du Parquet? Que se passe-t-il lorsqu'un Procureur ayant entendu un prévenu se retrouve en face de ce même prévenu cette fois-ci en tant que juge d'instruction? Sera-t-il totalement impartial? Comment pourra-t-il instruire à charge et à décharge en toute objectivité sachant qu'il connait le passé criminel de ce prévenu le cas échéant? Cette question n'est pas sans intérêt. Certes il y a toujours la possibilité de récuser ce magistrat mais on s'aperçoit ici que l'impartialité objective des magistrats n'est pas assurée en amont par les textes. L'hypothèse qui se produit en pratique n'est pas celle ou le juge d'instruction se retrouve à entendre un prévenu dans la même affaire. C'est plutôt la situation ou quelles années après un juge d'instruction est saisi d'un affaire dans laquelle est concernée une ou plusieurs personnes qu'il avait déjà entendu quelques années au par avant alors qu'il était procureur de la République. On peut s'interroger sur le préjugé qu'il a nécessairement sur ces personnes. Le juge d'instruction pourra-t-il faire preuve d'une impartialité subjective? Aura-t-il des difficultés à se défaire du passé de délinquant de cette personne? Prenons le cas d'un récidiviste par exemple. Ainsi, on peut s'interroger ici sur la question de savoir si cette solidarité organique ne porte pas atteinte à l'impartialité objective des magistrats.

Cependant on pourrait opposer donner estimer que dans cette hypothèse les magistrats fassent preuve d'impartialité. On peut alors penser que les magistrats sont dotés d'une flexibilité intellectuelle leur permettant de passer d'une fonction à l'autre tout en restant neutre. En effet, le statut des magistrats fait apparaître une identité dans la formation du juge

8 49 cpp

14

d'instruction et du Parquet. Les magistrats ont les mêmes enseignements, la même compétence. Ils n'ont pas été endoctrinés pour être plutôt procureur ou plutôt juge d'instruction. C'est à dire il n'y a pas de magistrat qui aurait suivi une formation plus orientée vers l'autorité que d'autre. Il n'y a pas de magistrat plus orienté vers la liberté que d'autre. La formation initiale est la même pour les deux. A la sortie de l'enm, ils sont censés être à même d'exercer aussi bien la fonction de juge d'instruction que celle de Parquetier. En effet ils auront eu la même formation à l'enm . D'autres dispositions renforcent l'idée que cette solidarité organique des magistrats n'est pas favorable à leur impartialité objective. Il est prévu qu'en cas de manque d'effectif dans une juridiction, des magistrats peuvent être temporairement affectés dans ces juridictions pour exercer les fonctions afférentes à un emploi vacant de leur grade. Ils peuvent aussi être temporairement affectés dans un tribunal de première instance, ainsi qu'à la cour d'appel pour les magistrats du premier grade, pour renforcer l'effectif d'une juridiction afin d'assurer le traitement du contentieux dans un délai raisonnable. L'affectation de ces magistrats, selon qu'ils appartiennent au siège ou au parquet, est prononcée par ordonnance du premier président de la cour d'appel ou par décision du procureur général, qui précise le motif et la durée du remplacement à effectuer ou de l'affectation temporaire.9 Là encore des magistrats peuvent se retrouver confrontés à des situations ou leur impartialité objective peut être remise en cause. Cette solidarité organique comporte donc des limites. Ainsi cette interdépendance des magistrats peut porter atteinte à l'impartialité objective des magistrats. En cela on peut affirmer que l'équilibre de notre procédure s'en trouve affecté.

SOUS SECTION 2 : LINTERDEPENDANCE DU JUGE DINSTRUCTION ET DU PARQUET QUANT AU PRINCIPE D'INDEPENDANCE DES MAGISTRATS

§1) Le principe de l'indépendance des magistrats

Le corps judiciaire se compose des magistrats du siège et du Parquet, des magistrats de la Cour de cassation, des cours d'appel et des tribunaux de première instance ainsi que les

9 art 3-1 ord 58

15

magistrats du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice.10 Ainsi il existe un seul corps de la magistrature. Ces magistrats sont en principe indépendants face au pouvoir exécutif. C'est une conséquence directe du principe de la séparation des pouvoirs11

Le principe d'indépendance des magistrats est un principe garanti par la Constitution selon lequel les magistrats doivent pouvoir exercer leur fonction sans aucune pression du pouvoir exécutif.12 Ils doivent pouvoir agir librement et en leur âme et conscience et trancher selon leur propre et intime conviction. Tous les magistrats sont soumis à ce principe. Ainsi le juge d'instruction et le Parquet sont, en tant que magistrats, soumis au principe d'indépendance.

Certains textes concernant le juge d'instruction et le Parquet sont fait pour garantir l'indépendance des magistrats. Ainsi on sait que l'exercice des fonctions de magistrat est incompatible avec l'exercice d'un mandat au Parlement, au Parlement européen ou au Conseil économique, social et environnemental, ainsi que de membre du congrès ou d'une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie, de représentant à l'assemblée de la Polynésie française, de membre de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, de conseiller territorial de Saint-Barthélemy, de conseiller territorial de Saint-Martin, de conseiller général de Mayotte ou de conseiller territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon ou avec la fonction de membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou du gouvernement de la Polynésie française.13 Ce texte permet d'éviter des conflits d'intérêts entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire. D'autre part nul ne peut être nommé magistrat ni le demeurer dans une juridiction dans le ressort de laquelle se trouve tout ou partie du département dont son conjoint est député ou sénateur.14 Il est aussi prévu que l'exercice des fonctions de magistrat est également incompatible avec l'exercice d'un mandat de conseiller régional, de conseiller général, de conseiller municipal ou de conseiller d'arrondissement, de conseiller de Paris ou de membre de l'Assemblée de Corse dans le ressort de la juridiction à laquelle appartient ou est rattaché le magistrat.15 Entre autres nul ne peut être nommé magistrat ni le demeurer dans une juridiction dans le ressort de

10 Art 1 ord 58

11 Montesquieu, L'esprit des lois 1769

12 Article 64 de La Constitution

13 . (Art9 ord 58)

14 Art9 ord 58)

15 (Art9 ord 58)

laquelle il aura exercé depuis moins de cinq ans.16 Il serait des lors excessif d'affirmer que le principe d'indépendance n'est pas respecté par le système procédural français. Les textes sont faits de manière à instituer une imperméabilité entre le monde politique et le monde judiciaire. De la même manière, nul ne peut être nommé magistrat ni le demeurer dans une juridiction dans le ressort de laquelle se trouve tout ou partie du département dont son conjoint est député ou sénateur. Les textes permettent aussi une indépendance vis-à-vis du pouvoir législatif.

Les textes prévoient aussi une certaine neutralité du magistrat quant à ses opinions politiques. Ainsi toute manifestation d'hostilité au principe ou à la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions.

Les magistrats ont également l'interdiction d'agir de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement des juridictions.17 C'est ici le droit de grève qui peut être remis en cause. Indirectement c'est l'indépendance des magistrats face aux mouvements syndicaux.

D'ailleurs il est prévu que toute délibération politique est interdite au corps judiciaire.

Les textes permettent donc en théorie de garantir l'indépendance des magistrats. L'intrusion du politique dans le système judiciaire semble difficile. D'ailleurs, les juges d'instruction n'hésitent pas à mettre en examen les hommes politiques. 18 Cependant des difficultés persistent.

§2) La distinction entre magistrat du siège et du Parquet

« Napoléon a inventé une construction dans laquelle le cheval de Troie du gouvernement sera le parquet, organisé selon une hiérarchie toute militaire et dépendante de lui. Le ministère public est intégré dans un corps unique avec les juges du siège. » Il existe donc un seul corps de magistrature en France. A l'intérieur de corps de magistrature il existe une distinction entre magistrat du siège et ceux du Parquet. Cette distinction pose des difficultés. En effet, le fait que le Parquet ait la qualité de magistrat au même titre que les magistrats du siège est délicat. On constate par exemple que le l'avancement de grade des deux types de magistrat est le même. Les textes instituent une commission chargée de dresser et d'arrêter le tableau

16 (Art9 ord 58).

17 (Art 10 ord 58).

16

18 Voir les instructions du juge Van Ruym bec et recemment un le precednet chef de l'etat

17

d'avancement ainsi que les listes d'aptitude aux fonctions. Cette commission est commune aux magistrats du siège et du parquet.19

La procédure prévoit que le tableau d'avancement est communiqué à chacune des formations du Conseil supérieur de la magistrature avant d'être signé par le Président de la République. Ce dernier peut alors refuser de signer. C'est un moyen pour l'exécutif de faire pression sur les magistrats. Si les magistrats pourraient être contraints de ne pas poursuivre une enquête ou une instruction sous la menace d'une entrave à leur carrière. Indirectement le principe d'indépendance des magistrats se trouvent affaibli. Des lors qu'il s'agit d'un magistrat du siège tel qu'un juge d'instruction par exemple c'est d'autant plus grave.20

Dailleurs à l'occasion de quelques arrets remarqués21, la cedh a critique la qualité de magistrat du parquet. La cour considère que le parquet n'est pas une autorité judiciaire au sens de la Convention parce qu'il n'est pas indépendant à l'égard de l'exécutif. En effet, l'article 6§1 de la CESDH dispose que les personnes dés lors qu'elles sont arrêtées doivent rencontrer au plus vite un magistrat de l'autorité judiciaire. Or les textes français prévoient par exemple qu'une personne placée en détention provisoire doit comparaître devant le procureur de la République territorialement compétent au plus tard le troisième jour ouvrable suivant.22 Ainsi cette dernière disposition n'est pas conforme au regard de l'article 6§1 de la CESDH.

Ces arrêts entraineront nécessairement une réforme du de notre système procédural. La France n'a pas encore entrepris une véritable réforme du Parquet pour mettre la législation française en conformité avec la jurisprudence de la CEDH.

Cette question de l'indépendance des magistrats n'est pas nouvelle. Déjà en 1997 un rapport affirmait que " l'indépendance de la justice à l'égard du pouvoir politique et partant, les liens du parquet avec le ministre de la justice faisaient l'objet d'une suspicion de l'opinion publique préjudiciable à la démocratie "23 Sur le plan des solutions certains auteurs ont préconisé une dissociation du statut des magistrats du parquet. L'idée consisterait à admettre une part de responsabilité du garde des sceaux devant le parlement spécifiquement lors qu'il exerce sa fonction de supérieur hiérarchique du ministère public.24

19 Art34 ord 58

20 rapport de la commission Truche de 1997

21 arret moulin ou meyedvef?)

22 80 §2 Cpp

23 (Rapport de la commission de réflexion sur la justice française, 1997)

24 (Thierry Renoux, Le conseil constitutionnel et l'instruction pénale, Justices RGDP, DALLOZ 1998)

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SECTION 2 : LE RESPECT DES INTERETS FONDAMENTAUX DE LA PHASE

PREPARATOIRE DU PROCES PENAL

Tout d'abord le respect des interets fondamentaux de la société exige un équilibre entre les interets de la societe et les libertés individuelles (Sous-section1). Ainsi peut-on penser que le respect de ces interets passe par une repartition de l'enquete et de l'instruction entre le juge d'instruction et le Parquet (Sous-sestion2).

SOUS-SECTION 1: L'EQUILIBRE ENTRE LA DEFENSE DE LA SOCIETE ET LE RESPECT DE LA LIBERTE INDIVIDUELLE

§1:La défense de la société et les libertés individuelles des valeurs antinomiques ?

Depuis la naissance même de la justice pénale une dualité entre les intérêts privés et ceux de la société existe. La procédure pénale poursuit donc des intérêts à priori contradictoires. L'exemple même de protection de la société c'est l'interdiction de tuer une personne. Les personnes n'ont pas un droit à tuer, une personne n'est pas libre de tuer. Pourtant l'article 5 de la ddhc ne précise pas que la liberté individuelle doit être la règle et l'interdiction l'exception. En réalité, la vie en société exige de poser l'interdiction comme principe et la liberté devient l'exception. Ceci est vrai concernant les actes les plus graves. Ces actes sont considérés comme grave à un moment donné de l'histoire d'une société et de son évolution. C'est le processus de civilisation qui fait que de nos jours la vie humaine est une valeur fondamentale dans les sociétés occidentales notamment. Ainsi la France comme la plupart des pays a eu depuis une période relativement récente considéré certains objectifs comme ayant une valeur supérieure. Certaines valeurs sont plus protégées que d'autres. Il y a une hiérarchie. Ces

19

valeurs sont donc inscrites dans la constitution sur le plan interne et sont protégées par les conventions internationales aussi.25

Sur le plan interne c'est à travers la loi pénale et la procedure penale que la protection de ces valeurs fondamentales se materialisent. Ainsi la loi penale prevoit la sanction de l'atteinte portée à ces valeurs sous la forme de délits qui sont classés selon leur gravité en contravention, delit et crime. La procédure pénale permet de ne pas laisser impunie la commission de ces infractions. Cela consiste en un cadre juridique et en un ensemble de moyens légaux qui doivent permettre de constater ce qui s'est effectivement passé et d'établir la verité. Certains affirment parfois que la procedure penale est faite pour les honnetes gens et le droit pénal pour les malandrins. 26 Ce qui n'est pas exact car le respect des interets fondamentaux de la procedure penale comprend aussi la garantie des libertes individuelles. Qui sont elles-aussi régies des droits fondamentaux27. Ainsi la procedure penale doit prevoir des regles qui protegent aussi bien les interets de la societe que ceux des personnes impliquées dans une affaire penale. On peut des lors affirmer que ces objectifs fondamentaux doivent profiter tant à la société qu'aux individus. On a l'exigence de la defense sociale et en face il y a la garantie de la liberté individuelle. Ainsi certains auteurs ont pu dire « qu'un innocent peut être injustement poursuivi mais la pp doit lui donner les moyens de faire éclater aux yeux de tous son innocence »28 . En pratique, les magistrats rencontrent parfois des difficultés pour concilier ces objectifs.

§2: La conciliation de ces deux paramètres

A) L'efficacité de l'enquête: une finalité commune au juge d'instruction et au Parquet

Il faut respecter un équilibre entre l'efficacité de la phase préparatoire au procès pénal et le respect des droits de la défense.

Un procès doit être bien préparé afin que le procès pénal se déroule dans les meilleures conditions. Cela permet de répondre aux exigences d'une bonne administration de la justice.

25 Par exemple dans la CESDH

26 Thierry Renoux, Le conseil constitutionnel et l'instruction pénale, Justices RGDP, DALLOZ 1998

27 Les droits fondamentaux sont garantis essentiellement par la CSEDH et la DDHC

28 Thierry Renoux, Le conseil constitutionnel et l'instruction pénale, Justices RGDP, DALLOZ 1998

20

La finalité d'une enquête est de rechercher la vérité et de connaître ce qui s'est passé. Cette finalité concerne aussi bien le juge d'instruction que le Parquet. Une enquête efficace est une enquête qui tend vers la manifestation de la vérité. Une enquête efficace est aussi une enquête certaine, elle doit aboutir. Ainsi le juge d'instruction et le procureur des lors qu'ils ont connaissance d'une infraction doivent tout faire pour que ces infractions ne restent pas impunis. Mais en même temps ils ne peuvent pas poursuivre des infractions vouées à l'échec faute d'éléments suffisants. Il en va de la cohesion sociale. Les citoyens doivent avoir le sentiment qu'une infraction ne reste pas impunie. Ainsi le rôle du juge d'instruction et du Parquet est important à ce niveau. Leur diligence va permettre qu'un acte de délinquance soit ou non sanctionné.

Une enquête efficace est aussi une enquête qui est exempt de tout vice, qui n'est pas contestable: c'est la sécurité de la procédure. Là encore le juge d'instruction et le Parquet doivent veiller à l'application des règles de procédure. Pour cela, ils doivent mettre en commun les moyens légaux qui sot mis à leur disposition afin que l'enquête se déroule au mieux.

B) La célérité de la procédure: une exigence commune au juge d'instruction et au Parquet

Comme dans toute procédure les actes ne peuvent pas être pris immédiatement. Il y a toujours un délai pour le faire. Un délai a pour particularité qu'il ne doit pas être trop long. Il faut qu'il soit raisonnable. Ainsi, le juge d'instruction et le Parquet doivent aussi agir dans un délai raisonnable conformément aux exigences de la cedh29. L'inverse serait dommageable pour les justiciables. Un délai trop long pénaliserait le prévenu. Ces chances de se défendre s'affaiblissent à mesure que le temps passe. Les preuves s'effacent dans le temps. De la même manière les chances de voire une enquête ou une instruction aboutir se après de longues années sont faibles. Certaines instructions ont duré prés de quinze années.30

Un procès est fait aussi pour les victimes ainsi que leurs proches. Elles ont besoin de ce procès pour reconstruire leur vie. Une attente trop longue rendrait le procès sans intérêt. Plus tôt un lieu procès a lieu mieux la répression pénale a du sens. C'est ici précisément qu'intervient le juge d'instruction et le parquet qui doivent mettre tout en oeuvre pour

29

30 Affaire du sang contaminé

21

accélérer au plus vite la procédure. Pour cela il faut une parfaite coordination dans l'action de ces deux organes. Si le parquet décide de poursuivre et qu'il considère qu'une instruction est nécessaire en matière de délit ou des lors qu'un crime est porté à sa connaissance, il ne doit pas tarder à saisir un juge d'instruction. Cette saisine est importante pour plusieurs raisons. D'une part, le juge d'instruction ne peut instruire que sur des faits objet d'une saisine du parquet. Il ne peut pas s'autosaisir: il ne peut pas se saisir d'office. On voit ici l'importance de cette interdépendance entre le juge d'instruction et le parquet qui a une incidence sur la célérité de la procédure. Si pour des raisons diverses et variées le parquet ne saisit pas le juge d'instruction, celui-ci ne peut pas agir. Ainsi, l'instruction ne peut pas débuter tant que le juge d'instruction n'est pas saisi. Les actes qui seraient pris avant saisine sont en principe susceptibles d'encourir la nullité.

Un autre aspect concerne l'hypothèse ou le juge d'instruction ne prend pas les mesures adéquates pour faire avancer la procédure. Dans ce cas, le procureur peut enjoindre le juge d'instruction à prendre les mesures qu'il juge nécessaire. Ici encore on s'aperçoit que l'interdépendance entre le juge d'instruction et le parquet est important pour accélérer la procédure. En réalité des problèmes persistent.

Combien de temps peut durer une procédure? Aucun texte ne fixe la durée d'une instruction. En effet certaines instructions durent très longtemps. L'affirmation d'un délai raisonnable de la phase préparatoire n'est récente.31 La cedh n'a eu de cesse de rappeler les critères d'appréciation du caractère raisonnable d'une instruction préparatoire que sont la complexité de l'affaire, le comportement des requérants et celui des autorités judiciaires32. Ainsi la cour avait retenu une conception large du délai raisonnable. Une instruction qui avait durée plus de 4 années a été jugé raisonnable pour une procédure préparatoire.

La répartition des pouvoirs d'enquête entre le juge d'instruction et le Parquet est-ce un facteur d'équilibre de la procédure pénale.

SOUS SECTION 2: LA REPARTITION DES POUVOIRS D'ENQUETE ET D'INSTRUCTION

Le fait de répartir les rôles permet-il d'atteindre un certain équilibre? Encore faut-il une répartion elle-même équilibrée.

31 ( tomasi 1992

32 CEDH 21 nov. 1995)

22

Des lors, Le parquet joue un role important dans l'enquete (§1) et le role du juge d'intruction est plus important au niveau de l'intruction (§2)

§1) Les pouvoirs d'enquête au procureur de la République ?

Nul ne peut contester que les pouvoirs du Parquet dans l'enquête sont plus importants que ceux du juge d'instruction. De plus, le parquet dispose de l'iniative des poursuites. Certains auteurs évoquent l'idée d'un "procureur roi."33 C'est cette concentration des pouvoirs d'enquete dans les mains du parquet qui fait l'objet de débats reccurents. Ce debat est relançé a chaque fois qu'un proces emeut le public. A chaque erreur judiciare on remet en question l'ensemble du système judiciaire. Le procureur aurait trop de pouvoirs. D'autres pensent à l'inverse que c'est le juge d'instruction qui pose problème. Des esprits moins radicaux soulève la possibilite d'un contreblancement de ces deux organes qui contribuent à un certain equilibre34.

Il est vrai que notre système procedural actuel concentre beaucoup de pouvoirs dans les mains du procureur. Celui-ci a l'initiative de l'enquete. Ainsi, dans son réquisitoire introductif, et à tout moment de l'information par réquisitoire supplétif, le procureur de la République peut requérir du magistrat instructeur tous actes lui paraissant utiles à la manifestation de la vérité et toutes mesures de sûreté nécessaires. Il peut également demander à assister à l'accomplissement des actes qu'il requiert. Il peut, à cette fin, se faire communiquer la procédure35. On voit bien ici l'influence du procureur dans l'enquete. On peut même y voir un empiétement du procureur sur le juge d'instruction.

On remarque aussi que le procureur supplée parfois le juge d'instruction. Ainsi en matière criminelle, lorsqu'il requiert une cosaisine, le procureur de la République près le tribunal de grande instance au sein duquel il n'y a pas de pôle de l'instruction est compétent pour requérir l'ouverture d'une information devant les magistrats du pôle territorialement compétents pour les infractions relevant de sa compétence, y compris en faisant déférer devant eux les personnes concernées.36

Le procureur de la République près ce tribunal de grande instance est seul compétent pour suivre le déroulement des informations visées aux alinéas précédents jusqu'à leur règlement. Le Procureur a des prérogatives qui dépassent le simple cadre d'enquête.

Néanmoins s'il requiert le placement ou le maintien en détention provisoire de la personne mise en examen, ses réquisitions doivent être écrites et motivées. Si le juge d'instruction ne

33 Jérôme Bachou, Thèse, De la mort programmée du Juge d'instruction à celle du "procureur-roi"

34 Elodie Armbuster, Des alternatives à la suppression radicale du juge d'instruction

35 Article 82 code de procédure pénale).

36 Art 80 §2 du code de procedure penale

23

suit pas les réquisitions du procureur de la République, il doit notamment rendre une ordonnance motivée dans les cinq jours de ces réquisitions.37 L'interdépendance entre le juge d'instruction est ici flagrante.

A défaut d'ordonnance du juge d'instruction, le procureur de la République peut, dans les dix jours, saisir directement la chambre de l'instruction. Il en est de même si le juge des libertés et de la détention, saisi par le juge d'instruction, ne rend pas d'ordonnance dans le délai de dix jours à compter de sa saisine. On s'aperçoit ici encore du poids du procureur dans l'enquête, ce qui laisse une marge de manoeuvre faible au juge d'instruction en réalité.

Le juge d'instruction est très dépendant du procureur en matière d'initiative relative à l'enquête. Ainsi, lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent. Le procureur de la République peut alors soit requérir du juge d'instruction, par réquisitoire supplétif, qu'il informe sur ces nouveaux faits, soit requérir l'ouverture d'une information distincte, soit saisir la juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit décider d'un classement sans suite, soit transmettre les plaintes ou les procès-verbaux au procureur de la République territorialement compétent. Si le procureur de la République requiert l'ouverture d'une information distincte, celle-ci peut être confiée au même juge d'instruction. Les textes laissent donc une place au juge d'instruction dans l'enquête. Est-ce donc souhaitable de dire que le procureur est roi? Cette affirmation est peut-être un peu excessive. Donner l'initiative d'enquête au juge d'instruction pourrait entrainer des dérives telles que la poursuite arbitraire d'une multitude d'affaires. Les plus radicaux craignent un "gouvernement des juges".

L'instruction serait-elle réservée au juge d'instruction?

§2) Les pouvoirs d'instruction au juge d'instruction ?

En principe, le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République.38 C'est-à-dire que le juge d'instruction doit attendre d'être saisi par le procureur des faits délictueux. On peut affirmer que c'est le procureur qui a le premier mot. Le parquet saisit le juge d'instruction in rem c'est-à-dire des faits précis. Ensuite c'est au juge d'instruction de décider quelle personne il souhaite mettre en examen. Mais il y a une

37 Article 82 du code de procédure pénale

38 L'art 80 §1 cpp).

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limite: le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.39 Toutefois, les textes prévoient que le juge d'instruction peut être saisi par une plainte avec constitution de partie civile. Dans ce cas, le juge d'instruction ordonne communication de la plainte au procureur de la République pour que ce magistrat prenne ses réquisitions. 40 De la même manière si des faits non visés au réquisitoire introductif sont portés à la connaissance du juge d'instruction, il doit aussi les communiquer au procureur afin de les faire constater. Dans ces deux cas le procureur reste libre de poursuivre ou non. Dès lors qu'il est saisi, le juge d'instruction peut soit refuser d'informer en rendant une ordonnance de refus d'informer, soit poursuivre l'information. Ensuite, à la cloture de l'information, il devra communiquer les éléments de l'instruction au parquet qui pourra prendre un réquisitoire. Dans tous les cas le juge d'instruction ne sera pas tenu de suivre ce réquisitoire. Le juge d'instruction pourra prononcer soit une ordonnance de non-lieu, soit une ordonnance de renvoi devant une juridiction de jugement. Dans l'hypothèse ou le juge d'instruction prononce une ordonnance de non lieu le procureur sera obligé de s'incliner. Ainsi à partir du moment où il a été régulièrement saisi, le juge d'instruction a le dernier mot. On s'aperçoit ici du jeu procédural qui se met en place entre le juge d'instruction et le procureur. Cela fait partie prenante de l'interdépendance qui existe entre eux. Le rapport de force est relativement équilibré avec une tendance plus favorable pour le Procureur.

Une limite doit cependant être apportée à tout ce qui précède: Il faut savoir que l'instruction préparatoire est obligatoire en matière de crime41. Cela veut dire que le procureur à qui on dénonce un crime est obligé de requérir une instruction. Il ne peut pas directement classer sans suite par exemple. Le crime est un exemple incontestable de l'interdépendance du juge d'instruction et du Parquet. De la même manière, si le procureur requiert l'ouverture d'une information judiciaire a propos d'un crime, le juge d'instruction ne peut refuser d'informer. Cela s'explique par la gravité de cette infraction. La société ne peut pas laisser un crime impuni.

Un premier probleme concerne l'initiative de l'enquete. En matiere de crime ce système ne soulève pas de grandes difficultés car il y a obligation d'instruire. Mais en matiere de délit, le fait de confier l'initiative des poursuites dans les seules mains du procureur peut poser des

39 Art 80-1 cpp;).

40 art 51 du code de procédure penale

41 Art 79 cpp

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difficultes. Il est vrai que le legislateur a confié l'initative des poursuites au parquet afin de permettre au gouvernement d'orienter sa politique pénale dans un sens plus ou moins securitaire en fonction du type d'infraction qu'elle veut réprimer en priorité. Mais la crainte est que le pouvoir exécutif exerce des pressions sur le parquet. En effet, Ce dernier est hiérarchiquement soumis au ministre de la justice. Certaines affaires politico-financières sont parfois classées sans suites sans raison objectives apparentes. La qualification délictuelle qui incrimine ces affaires-là entraine que leur poursuite est facultative et est laissée au bon vouloir du procureur. Ce dernier peut recevoir une injonction écrite de ne pas poursuivre à laquelle il est tenu. D'ailleurs un projet de loi est actuellement déposé afin d'interdire à un membre du gouvernement de " donner des instructions individuelles dans un procès déterminé".42 Cette loi de circonstance sera-t-elle vraiment efficace? Il est permis d'en douter. N'est-ce pas une réforme en profondeur qu'il faudrait encvisager?

Un second problème réside dans la repartition même des pouvoirs du juge d'instruction et du Parquet entre enquête et instruction. Les auteurs sont partagés sur cette répartition. Certains auteurs vont critiquer le statut du procureur en mettant en evidence qu'il a trop de pouvoirs en matiere d'enquête. Repousser à l'extrême ce raisonnement reviendrait à cantonner le procureur dans un role restreint de veiller à la bonne application de la loi dans l'interet de la societe. Ce serait un système un peu réducteur. Il faut observer que notre systme actuel prevoit une interaction entre le juge d'instruction et le Parquet qui semble être plutôt favorable à l'equilibre de notre procedure penale dans l'ensemble.

D'autres auteurs s'opposent farouchement au juge d'intruction. Certains veulent même la suppression du juge d'instruction. Ces derniers considèrent que le juge d'instruction a trop de pouvoirs notamment lorsqu'il est saisi d'office par les faits à l'origine d'un crime. En réalité c'est surtout l'émotion suscitée des affaires graves ayant conduite à des erreurs judiciaires qui inspire l'idée de reformer à tout va. Souvenons-nous du séisme judiciaire qu'a suscité l'affaire d'outreau. Depuis cet evenement, le juge d'instruction est devenu l'organe responsable de tout le déséquilibre supposé de la procédure pénale. D'ailleurs pense-on que le legislateur légifére trop souvent à vif. A-t-on réellement mesuré ce déséquilibre? Est-il aussi significatif qu'on veut bien le prétendre? Les erreurs judiciaires ne résultent-elle pas plutôt d'une défaillance humaine? Il est vrai qu'avant l'instauration de la collégialité du juge d'instruction, celui-ci se retrouvait souvent dépourvu face à des affaires trop complexes. Cette collégialité du juge d'instruction semble fonctionner mais on oublie parfois que les pouvoirs du juge d'instruction

42 Projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique

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ont toujours été contrebalancés par ceux du parquet.43 Un certain équilibre existait déjà entre juge d'instruction et le parquet bien avant cette réforme. Le fait de supprimer le juge d'instruction n'apporterait rien de positif à l'equilibre procedure penale française.44 En réalité, c'est justement dans cette articulation des pouvoirs entre juge d'instruction et le Parquet que l'on peut trouver un certain équilibre. Finalement, ce sont aux personnes physiques qui exercent ces pouvoirs à qui revient la charge d'optimiser le potentiel des moyens qui sont mis à leur disposition. Ils doivent aussi faire preuve de prudence quant à l'exercice de leur fonction. Avant de remettre en cause tout un système, ne faudrait-il pas d'abord exploiter au mieux celui qui existe déjà? Parfois lorsque que l'on touche à un point de la procédure pour regler un probleme on aboutit sans le vouloir par bouleverser un autre coté et on crée finalement d'autres problèmes. Il serait donc peut-être préferable de garder ce système avec un juge d'instruction et un parquet interdépendant.

Certains auteurs ont preconisé de remplacer le juge d'instruction par le parquet45 A-t-on envisagé les conséquences qu'une telle réforme pourrait avoir sur l'équilibre de la procédure pénale? L'idée consisterait à transferer les prerogatives du juge d'intruction au parquet. Cette idée qui a l'air seduisante ne peut pas se faire sans une refonte globale du statut du parquet afin de le rendre plus independant vis-à-vis de l'excutif.46

CHAPITRE 2 : A LA RECHERCHE D'UN EQUILIBRE FONCTIONNEL ENTRE LES PARTIES DE LA PROCEDURE PENALE

43 Elodie Armbuster,

44 Elodie Armbuster

45 Jerome bachou

46 arrets moulins et medvedyef

27

28

SECTION 1 : LE RESPECT DES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCEDURE PENALE PAR LE JUGE D'INSTRUCTION ET LE PARQUET

Ici l'équilibre est envisagé sous l'angle des deux principes importants qui guident les magistrats dans la façon de traiter les parties tout au long de la procédure pénale. l'interdépendance se traduit ici par la mutualisation des moyens mis en oeuvre par le juge d'instruction et le parquet afin de respecter et de faire respecter ces principes. Nous envisagerons l'interdépendance et l'equilibre sous l'angle du principe du contradictoire (§1) avant la présomption d'innocence (§2)

SOUS-SECTION 1 : LE RESPECT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE

L'article préliminaire du code de procédure pénale rappelle que la procédure pénale doit être contradictoire. Sa mise en oeuvre par le juge d'instruction et le Parquet contribue-t-elle à l'équilibre de la procédure pénale.

§1) Le principe du contradictoire

Le principe du contradictoire vient du latin audiatur et altera pars qui signifie le droit d'être entendu.

Ce principe est rappelé dans l'article prelimiaire du code de procédre pénale. Dans la cedh le principe du contradicotire découle de l'interpretation de l'article 6§1 relatif au droit à un proces equitable. Il est aussi évoqué dans les articles 10 et 11 de la declaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen. Aussi dans la convention américaine relative aux droits de l'homme de 1969. On peut dire que ce principe a une valeur universelle. penal Le principe du contradcitoire a un champ d'application tres etendu, on constate par exemple que la ddhc prévoyait déjà que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial47. Le mot "entendu" est important dans cet article. Le droit le plus primaire qu'il puisse exister c'est que le prévenu puisse connaître et

47 Article 10 de la declaration des droits de l'homme et du citoyen

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s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. De la même manière, le Pacte international relatif aux droits civils et politique prévoit dans ce droit d'être entendu par l'autorité judiciaire48. La CESDH prévoit aussi que toute personne arretée doit etre conduit devant une autorité judicaire compétente afin de s'expliquer.49 Mais en réalité on peut s'interroger de savoir si le principe du contradictoire s'applique uniquement à la phase de jugement ou si elle s'applique aussi à la phase préparatoire du procès? La procedure penale n'est-elle pas censée être secrete dans notre système inquisitoire actuel? Ainsi pourquoi devrait-on alors informer le prevenu des element des l'enquete? C'est pourquoi certains auteurs ont pu affirmer :

"Ce n'est lorsque le juge d'instruction agit à la requête du ministère public et que l'instruction assume donc un caractère accusatoire, qu'on peut parler d'un vrai contradictoire".50 Cette affirmation laisse cependant perplexe. En quoi le contradictoire ne s'appliquerait pas à la phase preparatoire de la procedure penale?

L'analyse de la jurisprudence de la cedh permet de bien comprendre cette question51

Les principaux arguments visent 'article 6 §3 de la CESDH qui utilise le terme de "personne accusée". Le gardé à vue 'est pas accusé il est prévenu. Le mis en examen n'est pas lui non-plus accusé puisqu'il est présumé innocent.

Certains auteurs estiment que dans la phase préparatoire ce qui est fait c'est une confrontation des preuves et qu'il ne s'agit pas vraiment d'un contradictoire proprement dit 52. Il a donc pu être affirmé par ces mêmes autres que "ce n'est que dans la phase de jugement que le contradictoire se présente dans toute son ampleur"

D'autres arguments consistent à dire qu'il faut un adversaire pour qu'il y ait contradictoire. Ainsi le juge d'instruction et le Parquet ne seraient-ils pas des veritables adversaires du prévenu. ce qui est vrai en partie compte tenu de l'objectivité inhérente à tout magisrat.

D'autres auteurs considerent que le principe du contradictoire est limité dans la phase de préparation d'un procès pénal. Ils expliquent « qu'on ne peut pas parler d'un contradictoire proprement dit, mais plutôt d'une anticipation celui-ci »53

48 paragraphe premier de article 14 du Pacte

49 5 §3 de la cedh

50 Olivier Bachelet, Revue des droits de l'Homme,

51 .( voir opinion dissidente Pettiti, Arret Imbrioscia/CH 24.11.93 A/275, § 36)

52 Olivier Bachelet, Revue des droits de l'Homme

53 »( Franz Matscher (né le 19 Janvier 1928 juriste autrichien bien connu, surtout de 1970 à 1996, il était professeur de droit de la procédure de droit civil à l'Université de Salzbourg et ancien juge a la cedh)

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En depit de ce que peuvent penser certains auteurs, permis de penser qu'il existe bien un veritable contradictoire dans la phase préparatoire du proces. Ainsi d'autres arguments plaident en la faveur de l'application du contradictoire dans la phase preparatoire.

Par exemple, la CSEDH enonce « le droit de tout accusé d'être informé dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui »54

Un prevenu doit avoir le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense

En réalité on s'aperçoit qu'un prévenu ne pas être laissé dans l'obscurité des charges que l'on porte contre lui. En effet, à partir du moment ou l'enquêteur ou le juge d'instruction prend contact avec lui, il est necessaire qu'il puisse s'expliquer sur ce qui lui est reproché.. Certains auteurs expliquent dans ce sens que "c'est lors de la phase de l'instruction qu'on jette la base de l'accusation et il est plus difficile de démolir celle-ci durant l'audience"55

La situation est plus claire en cas de détention provisoire. Le contradictoire ne fait pas de doute ici. La CESDH prévoit que le détenu a droit à être informé dans le plus court délai et dans une langue qu'il comprend des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre lui et, d'après l'al. 3, il a droit d'être aussitôt traduit devant un magistrat afin de combattre les motifs qui ont conduit à son arrestation...

§2) Sa mise en oeuvre

La mise en oeuvre du contradictoire par le juge d'instruction et le Parquet se concretise par L'obligation d'informer le prevenu des elements de l'enquete Ce droit se materialise par la possilbilite de faire des demandes d'investigations, confere au prévenu l'accès au dossier de la procédure, donne au prevenu le droit de connaitre l'état d'avancement de la procédure. Il y a aussi le droit à la discuter les elements de la procéure a travers l'avocat notamment. D'ailleurs en renforçant le contradictoire c'est role de l'avocat qui s'accroit de plus en plus.. le juge d'instruction et le Parquet sont tenus de faire appliquer ce principe. Ils commencent par

54 l'art. 6, al. 3 de la CESDH

55 Olivier Bachelet, Revue des droits de l'Homme

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convoquer des personnes s'il apparait des indices laissant penser qu'elles aient pu participer à la commission d'une infraction. Concretement, le contradictoire consiste à entendre la ou les personne(s) soupçonnée(s) de faits delictueux ainsi que les personnes qui sont plus ou moins concernées par l'affaire en cause. Le but etant de leur permettre de s'expliquer voir de contester ce qu'on leur repproche, de contredire les faits.

. On s'aperçoit alors de similitudes entre la convocation des personnes par le juge d'instruction et par le parquet. En effet, dans le cadre des enquetes de polices judiciaires des personnes sont aussi convoquées pour s'expliquer. Leur qualité est evolutive en fonction des ce qu'ils rapportent et du leur degré d'implication dans l'affaire en cause. Ces personnes pevent être entendues au commisariat comme prévenu et plus tard être mis en examen par le juge d'instruction par exemple. En outre, ces personnes doivent être en mesure de s'expliquer qu'elles soient convoquées par le juge d'instruction ou par le Parquet: le contradictoire s'applique donc tant au juge d'instruction qu'au Parquet. Dans une affaire donnée les personnes convoquées vont être mis au courant des mêmes éléments de l'enquête par le juge d'instruction et par le Parquet: Par exemple un juge d'instruction ne peut pas omettre d'informer un mis en examen ou un témoin assisté sur certains éléments de l'enquête sans consulter le procureur de la République. Cette personne pourrait avoir déjà pris connaissance de ces éléments lors des ses convocations avec les opj ou le procureur. Ces deux magistrats sont donc obligés de se tenir informés des proces verbaux dressés suite à l'audition d'une

personne dans l'enquete ou l'instruction. Il faut une cohérence de l'action de ces deux
magistrats. Ainsi il se crée une sorte d'obligation pour le juge d'instruction et le Parquet de coordonner leur stratégie. Ils doivent communiquer en permanence entre eux.56 Ce qui sera evoque devant le juge d'instruction devra correspondre à ce qui sera evoqué devant le Parquet. Ce que le juge d'instruction apprendra de nouveau devra etre communiqué au Parquet et inversement. Cette stratégie commune dans la revelation et la recherche d'information est necessaire pour l'avancement de la procedure et participe donc de son equilibre. En realité cette stratégie commune n'est pas facile à mettre en oeuvre. Il faudrait ameliorer les textes afin de rendre cette collaboration plus effective et plus efficace. Il se pose alors la question du manque de contraditoire dans la phase preparatoire du proces notamment lors de la garde à vue.

56 D'ailleurs on observe que les procureurs sont parfois équipés d'un casque avec micro plus pratique pour répondre aux nombreux appels téléphoniques qu'il reçoit

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SOUS-SECTION2: LE RESPECT DU PRINCIPE DE LA PRESOMPTION

D'INNOCENCE

§1) Le principe présomption d'innocence

Ce principe a des origines tres anciennes. La paternité de ce principe peut être attribuée à Beccaria57. A son époque, la procedure était particulièrement barbare vis-à-vis des personnes suspectées. On garde en mémoire les ordalies qui étaient des procédés barbares pour etablir la verité: pour prouver son innocence il fallait en survivre. Beccaria est l'un des premiers a avoir dénoncés ces injustice de la procédure pénale. De nos jours le principe de la presomption d'innocence est consacré notamment par la declaration des droits de l'homme et du citoyen qui fait partie du bloc de constitutionnalité et qui confere ainsi une valeur constitutionnelle a la presomption d'innocence. Ce principe a toute sa quintessence en matiere de preuve.58

Ce texte prevoit que tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ; s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Ce principe signifie qu'une personne doit être considéré comme innocent des lors qu'il fait face à la justice. C'est un principe qui a une grande utilité en matiere de preuve. Ainsi la personne suspectée n'aura pas faire la preuve de son innocence. C'est la partie poursuivante c'est a dire le Parquet a qui revient la charge de prouver la culpabilité du prévenu. Ce principe vaut aussi pour la phsae de jugement que pour la phase preparatoire du proces. Ainsi la loi est tenue de garantir l'effectivité de ce principe. C'est pourquoi dans la procedure qui precede le jugement il est prévu une phase d'enquette et d'instruction. Ce sont les moyens dont disposent la societe pour tenter d'etablir ce qui s'est vraiment passé, la vérité. Ensuite il s'agira d'etablir si la personne suspectée est vraiment celle à qui on doit imputée l'infraction commise. Tous les organes qui interviennent lors de la procédure doivent respecter ce principe. Ce principe a une valeur constitutionnelle. On retrouve ce principe dans l'article preliminaire du code de procedure ainsi que dans la convention européenne.59 Il est donc possible d'affirmer que le principe de la presomption d'innocence est un principe fondamental. Ce principe a une portée assez large.

57 Beccaria, Traité des Délits et des Peines

58 Artcle 9 de la DDHC

59 Article 6 §2 cedh

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§2) Son application

Le prévenu doit être considéré comme un innocent quel que soit le lieu et dans tous les cas.

Le prévenu doit être considéré comme un innocent tout au long de la procédure. On peut dire aussi que le prévenu doit être considéré comme un innocent aussi bien par le parquet que par le juge d'instruction. Cela entraine une obligation d'enquêter et d'instruire à charge et à décharge dans le chef du Juge d'instruction et du Parquet.

Par exemple, le prévenu doit pouvoir refuser ou contester ou donner son avis sur les actes du juge d'instruction et du Parquet.

Ce principe fait naitre des obligations a la charge des uns et autres.

On sait que Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge.60

Le juge d'instruction peut procéder ou faire procéder, soit par des officiers de police judiciaire, conformément à l'alinéa 4, soit par toute personne habilitée dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État, à une enquête sur la personnalité des personnes mises en examen, ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale61. on constate ici que les textes prevoient la possiblilité pour les juge d'instruction et le parquet de travailler ensemble à la recherche de la verité . L'enquete et l'instruction auraient eu tendance à être défavorable au prévenu s'il n'y avait pas le principe de la presomption d'innocence. Ce principe de la presomption d'innocence guide l'enquete et l'instruction et partant toute l'action du juge d'instruction et du parquet. Ces deux magistrats doivent prouver l'implication du prévenu . Mais certains probleme subsistent.

On repproche parfois aux juge d'instruction d'etre dans l'impossiblité d'instruire a charge et a decharge en même temps. Certains auteurs parlent d'une schizophrenie du juge d'instruction.62 En effet, cette opération intellectuelle qui consiste à intruire tantôt à charge et tantôt à décharge est difficile. On repproche à ces magistrats une tendance à n'instruire qu'à charge. Cette hypothese, si elle etait verifée, serait une entorse au principe de la presomption d'innocence: en effet, le presumé innocent ne doit pas etre accablé par une procedure qui, ayant été effectué uniquement à charge, réduirait à néant ses chances de faire admettre son innocence et partant viderait de tout sens le principe de presomption d'innocence.. Ces auteurs

60 (Art 81 al 1 cpp

61 . (Art 81 al 6 )

62 Elodie Armbuster,

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vont même jusqu'à soutenir qu'il faudrait cantonner le juge d'instruction à un simple organe de contrôle de l'enquete qui serait confiée exclusivement au parquet.63le probleme est bien réel la solution proposée n'est-elle pas un peu excessive? En effet, C'est peut-être justement cette interdépendance existante entre le juge d'instruction et le Parquet qui permet ce genre de dérives : Ces deux magistrats doivent se contrôler mutuellement et veiller à ce que la procédure ne soit pas seulement à charge.

SECTION2 : LE RESPECT DES DROITS DE LA DEFENSE PAR CES DEUX INTERVENANTS JUDICIAIRES GARANTIE PAR LEUR CONTROLE

Plus que les droits de la défense dans la phase préparatoire (ss1), les prévenus n'ont-ils pas avoir un droit de se défendre contre le juge d'instruction et le parquet, ces derniers peuvent être considérés comme de véritables adversaires judiciaire ?

SOUS-SECTION 1 : LES DROITS DE LA DEFENSE LORS DES ACTES JUDICIAIRES PRECEDANT LE PROCES

L'article préliminaire du code de procédure pénale dispose que la procédure pénale doit préserver l'équilibre des droits des parties. Effectivement, les prévenus ne doivent pas voir leurs droits complètement anéantis par l'ouverture d'une procédure. Les droits de la défense doivent être respectés tout au long de la procédure pénale.

§1: Les caractéristiques des droits de la défense

L'analyse des textes montre que les droits de la défense peuvent être regroupés en deux catégories: les droits relatifs à l'intimité de la vie privée et les droits relatifs à la liberté d'aller et venir .La défense est une partie au même titre que le ministère public et la partie civile.

Les textes montrent aussi que les droits de la défense doivent être respectés dès le début de l'ouverture d'une procédure, depuis l'arrestation d'un individu et même aussi lors d'un simple contrôle d'identité. Ainsi dès le stade l'enquête une personne doit pouvoir faire valoir ses droits. Par exemple une personne gardée à vue doit être informée immédiatement des des ses droits 64

L'analyse des textes ainsi que l'étude de la loi pénale française permet de dégager un premier ensemble de règles relatives à l'intimité de la vie. Ainsi, par exemple, la mise sous

63 Jérôme Bachou

64 63-1cpp).

35

écoute téléphonique est strictement très encadrée par la loi. Cette mise sous écoute est possible uniquement dans des cas graves. On peut remarquer aussi la protection du domicile des personnes. Ainsi ni un juge d'instruction, ni un procureur ne peut ordonner une perquisition ou une visite domiciliaire avant 6 heures le matin et après 21h le soir. Ce principe subit quant même des exceptions lorsque des infractions graves sont concernées notamment en matière de terrorisme.

Il y a très longtemps que le principe des droits de a défense est exprimé. Ainsi le conseil constitutionnel avait déjà considéré en 1977 comme contraire à l'article 16 de la Constitution une loi qui permettait aux enquêteurs de décider d'office de fouiller des véhicules en cas de risque de troubles à l'ordre public. Le Conseil constitutionnel avait alors précisé qu'il fallait avoir recours à un magistrat pour cela. Ensuite, Il avait souligné que de telles perquisitions ne pouvaient être décidées par un enquêteur en raison de l'atteinte à la vie 65et qu'elles devaient être décidées par le juge des libertés et des détentions(JLD).

Par la suite une loi du 18 mars 2003 est venue officialiser cette jurisprudence.

Il se pose aussi la question des moyens qui permettent la protection de ses droits. Ainsi l'avocat est très important dans ce rôle en raison du manque de connaissances juridiques des prévenus. On parle de l'omniprésence de l'avocat tout au long de la procédure. C'est ainsi que la loi permis désormais que le prévenu peut être assisté d'un avocat dès la première heure de sa garde à vue. Pour mieux faire valoir les droits de son client l'avocat doit être en relation avec le juge d'instruction et Parquet. Par exemple, le juge d'instruction et le Parquet sont tenus d'informer l'avocat des actes qui sont pris à l'encontre de son client. L'avocat dispose même de la possibilité de demander tant au juge d'instruction qu'au parquet la prise de mesures pour assurer la protection des droits de son client.

Il doit y avoir une certaine communication, une certaine information et une véritable réflexion commune entre le juge d'instruction, le parquet et d'entamer une négociation lorsqu'il est question de prendre des mesures attentatoires à la liberté du prévenu. Un problème a récemment fait intervenir le conseil constitutionnel en matière de droits de la défense. Il s'agit de la question de l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires. 66 les septièmes alinéas des articles 64-1 et 116-1 du Code de procédure pénale sont censurés. Ces articles excluaient, en principe, tout enregistrement audiovisuel des interrogatoires du suspect lorsque celui-ci avait été placé en garde à vue ou mis en examen du chef de l'un des crimes

65 privée (CC 16/07/1996),

66 Décision constitutionnelle du 6 avril 2012

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prévus par l'article 706-73 du code pénal que sont la criminalité organisée, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ou le terrorisme.

L'enregistrement audiovisuel est un droit de la défense relativement récent. il a été institué par la loi de 2007 sur le renforcement de l'équilibre de la procédure pénale et permettait d'enregistrer les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue. Cette loi avait été étendu aux majeurs mis en garde a vue ou mis en examen dans des affaires criminels. L'objectif du législateur était à la fois de limiter les contestations relatives à l'authenticité des procès-verbaux d'interrogatoires et de prévenir les éventuelles dérives policières. Ceci au bénéfice des droits de la défense.

§2) L'observation des droits de la défense

L'une des premières mesures qui peuvent être prononcées à l'encontre d'une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction est la garde à vue. on constate que ni le juge d'instruction ni même aucun autre magistrat du siège n'intervient à ce stade67. Les acteurs sont les officiers de police judicaire et le procureur68Deux cadres d'enquête sont possibles en principe: l'enquête préliminaire et l'enquête de flagrance. Ainsi, une personne doit être informée de la nature des infractions qui lui sont reprochées dés le début d'une garde à vue à son encontre ainsi que de ses droits69. Sous peine d'une nullité de la procédure, le gardé à vue doit être mis au courant qu'il peut prévenir ou faire prévenir « une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son employeur» de la mesure dont elle est l'objet.70Ce n'est pas un droit absolu: le procureur peut s'y opposer. On peut se demander si cette opposition ne porte pas atteinte aux droits de la défense en raison du manque d'indépendance du parquet ? Un magistrat du siège, par exemple le juge d'instruction ne devrait-il pas être informé d'une telle décision?

Un autre droit important est celui de demander à être examiné par un médecin 71 Là encore ces décisions sont prises sans l'intervention d'un magistrat du siège. On encore se demander si le juge d'instruction n'a pas un rôle a joué à ce stade. Il y a ici un manque d'interdépendance ente le juge d'intruction et le Parquet. Sans remettre en question l'intégrité des personnes qui

67 Le juge des libertés et de la détention ne devrait-t-il pas avoir un rôle à jouer au stade de la garde à vue ?

68 .( art 63 cpp)

69 (art 63-1)

70 (art 63-2).

71 (art 63-3).

37

occupent la fonction de parquetier, ne serait-il pas plus soucieux des droits des prévenus qu'un magistrat plus neutre intervienne dans ce genre de décisions? Si on prend par exemple le droit à l'assisatance d'un avocat72, on constate que le prevenu n'a droit qu'à un entretien de 30 munutes. Cet entretien a une durée est trop courte pour qu'un prevenu puisse enmagasiné la strategie que l'avocat veut mettre en place sauf à le conseiller de se taire, ce qui n'est pas forcemment la meilleure strategie en dans certaines affaires. Outre un entretien tres court, on comprend que le gardé a vue n'a pas acces continuellement à l'avocat. C'est pourquoi la presence d'un magistrat du le chahutage de certains prevenus. Souvenons-nous de la phrase d'un film célèbre sur la garde à vue73 : « Ne le bousculez pas trop quand même », cette phrase avait été prononçée par le commissaire divisionnaire Jean-Claude Penchenat s'adressant à l'inspecteur Gallien (Lino Ventura) pour évoquer le passage à tabac dont venait d'être victime Jérôme Martinaud (Michel Serrault), notaire, gardé à vue dans le cadre d'investigations portant sur le viol et l'assassinat de deux fillettes. Cette fiction est-elle vraiment éloignée de la réalité ? Peut-être faudrait-il garantir que cela ne puisse pas se produire en rélité? Une solution serait alors de faire intervenir un magistrat du siege lors de la garde à vue. Un magistrat qui travaillerait en étroite collaboration avec le procureur et les officiers de police judiciaire à l'image de ce qui se fait devant le juge d'instruction. C'est dans ce sens que certains auteur ont posé la question d'un cadre unique dans lequel l'enquête et l'intruction serait confondus.74 Sans aller jusque là, on peut envisager la presence du juge d'instruction uniquement en matiere de garde a vue pour garantir les droits individuels. Ce débat est à rapprocher de la question portée devant le cedh75. En effet, la Cour impose le droit pour un prevenu d'être présenté à un magistrat de l'autorité judiciaire et elle considere que le procureur français ne repond à ces criteres.

Ces questions ne sont pas anodines. Les droits de la defense doivent aussi être respectés lorsque le prévenu fait l'objet d'une mise en examen. Ainsi le juge d'instruction peut informer une personne par lettre recommandée qu'elle est convoquée, dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à deux mois, pour qu'il soit procédé à sa première comparution. Cette lettre indique la date et l'heure de la convocation. Elle donne connaissance à la personne de chacun des faits dont ce magistrat est saisi et pour lesquels la mise en examen est envisagée, tout en précisant leur qualification juridique. Elle fait connaître à la

72 .( 63-3-1),

73 « gardé à vue » (1981)

74 Jérôme Bachou

75 dans les affaires moulin et medveyf

personne qu'elle a le droit de choisir un avocat ou de demander qu'il lui en soit désigné un d'office, ce choix ou cette demande devant être adressé au greffe du juge d'instruction. Elle précise que la mise en examen ne pourra intervenir qu'à l'issue de la première comparution de la personne devant le juge d'instruction. 76

Les droits des prevenus ne seraient-ils pas mieux garantis si la presence d'un magistrat du siege était obligatoire des le debut d'une enquete? A supposer que l'on attribue ce role au juge d'instruction, ne peut on pas imaginer un juge d'instruction qui pourrait se saisir lui-même d'office en cas de refus du rpocureur de poursuivre une affaire?

De son coté le mis en examen peut, sans préjudice de son droit de demander l'annulation de la mise en examen dans les six mois de sa première comparution, demander au juge d'instruction de revenir sur sa décision et de lui octroyer le statut de témoin assisté si elle estime que les conditions prévues par les premier et troisième alinéas de l'article 80-1 ne sont plus remplies. Ainsi le juge d'instruction statue sur cette demande après avoir sollicité les réquisitions du ministère public.77). Là encore on voit apparaitre l'interdépendance du juge d'instruction et du Parquet

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SOUS SECTION 2: LE CONTROLE DES DEUX PROTAGONISTES ET DE LEURS ACTES

§1) Un contrôle disciplinaire

Les textes sont clairs en la matière: « Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire. 78 Ainsi

76 (80-2 cpp)

77 (Article 80-1-1

78 Article 43 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée par loi organique n° 2010-830 du 22 juillet 2010

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la violation grave et délibérée par un magistrat d'une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties constitue un manquement aux devoirs de son État à condition que cette violation soit constatée par une décision de justice devenue définitive. Cette disposition vaut aussi bien pour les magistrats du siège que du parquet. On voit bien ici encore que même au niveau de leur sanction ces deux magistrats sont liés statutairement.

Leur régime de sanction qui est identique. En effet, pour le juge d'instruction comme pour le parquet les sanctions disciplinaires peuvent aller du simple blâme avec inscription au dossier jusqu' la révocation.79 En revanche, l'exercice du pouvoir disciplinaire est différent. Il est exercé, à l'égard des magistrats du siège par le Conseil supérieur de la magistrature tandis qu'à l'égard des magistrats du parquet ou du cadre de l'administration centrale du ministère de la justice c'est le garde des sceaux qui le met en oeuvre80. Concrètement, le ministre de la justice peut proposer au csm de sanctionner le magistrat du siège ensuite c'est le csm qui décide. En sens inverse seul un avis du csm est demandé lorsque le garde des sceaux enclenche la procédure de sanction disciplinaire d'un magistrat du parquet. Généralement c'est avis est suivi par le ministre de la justice.

Les choses ne sont pas si simples. Il y a une procédure précise à suivre si l'on veut mettre en oeuvre une sanction disciplinaire d'un magistrat du siège. Au début, le ministre de la justice est soit saisi d'une plainte soit informé de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. Le texte ne le précise pas mais la plainte peut provenir de tout justiciable. Cela fait référence à une personne qui aurait eu à faire à la justice et qui aurait subie des faits pouvant faire l'objet d'une qualification disciplinaire.81 Ainsi le ministre de la justice peut, s'il y a urgence et après consultation des chefs hiérarchiques, proposer au Conseil supérieur de la magistrature d'interdire au magistrat du siège faisant l'objet d'une enquête administrative ou pénale l'exercice de ses fonctions jusqu'à décision définitive sur les poursuites disciplinaires82. On dit à ce moment là que le Conseil supérieur de la magistrature est saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adresse le garde des sceaux83. Ensuite ce sera le csm qui prononcera la sanction le cas échéant. S'agissant de la mise en oeuvre de la sanction disciplinaire des magistrats du Parquet c'est un peu différent. Ce n'est pas le csm qui prononce la sanction, il ne donne qu'un avis simple c'est-à-dire un avis qui ne lie pas le garde des sceaux. Généralement, le ministre de la justice suit cet avis. Les deux procédures

79 Article 45 de la même ordonnance

80 Article 48 de la même ordonnance

81 Cette possibilité est offerte aux justiciables depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008

82 Article 50 de la même ordonnance

83 Article 50-3 de la même ordonnance

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présentent néanmoins des similitudes. Par exemple le garde des sceaux peut lui aussi interdire au magistrat du parquet faisant l'objet d'une enquête administrative ou pénale l'exercice de ses fonctions jusqu'à décision définitive sur les poursuites disciplinaires. Cette possibilité est prévue aussi pour les magistrats du siège. C'est là encore une marque de l'identité de régime de sanction disciplinaire du juge d'instruction et du Parquet. En revanche ce sont les procureurs généraux près les cours d'appel et les procureurs de la République près les tribunaux supérieurs d'appel qui peuvent, dès lors qu'ils sont informés de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires contre un magistrat du parquet et s'il y a urgence, saisir la formation compétente du csm pour obtenir leur avis sur le prononcé de cette interdiction par le garde des sceaux. Ici aussi la dénonciation du comportement indisciplinés des parquetiers peut provenir des justiciables par plainte adressée au Ministre de la Justice. Le fait que les justiciables eux-mêmes peuvent être à l'initiative d'une éventuelle sanction disciplinaire tant du juge d'instruction que Parquet est important pour l'équilibre de notre procédure pénale. En effet, cette initiative est respectueuse des droits de la défense du justiciable. Il a un droit supplémentaire contre les principaux acteurs de la procédure pénale. Mais ce n'est pas suffisant.

Globalement on s'aperçoit que le csm joue un rôle important dans la sanction disciplinaire des magistrats du siège et du Parquet. Il faut savoir aussi que si le csm se réunit comme conseil de discipline des magistrats du siège ces décisions sont alors susceptibles d'un recours en cassation devant le Conseil d'État tandis que si c'est le ministre de la justice qui prend des décisions disciplinaires relatives aux magistrats du parquet, après avis de la formation compétente du csm, ses décisions peuvent alors faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Là encore on s'aperçoit de l'importance du rôle du csm. Le csm est un dénominateur commun au juge d'instruction et au Parquet quant à leur sanction disciplinaire. Ce qui n'est pas rien car l'on sait qu'en pratique l'avis du csm est généralement suivi par le ministre de la Justice concernant la sanction disciplinaire du Parquet. Dès lors on peut se demander pourquoi ne pas faire un régime unique de sanction des magistrats du siège et du Parquet? Un régime unique serait plus respectueux des droits de la défense. Les droits de la défense ne sont pas seulement des droits processuels restreints à être utilisés par le justiciable lors d'une procédure. Il s'agit aussi pour le législateur de créer des institutions qui soient démocratiques. C'est pourquoi certains ont pu proposer une démocratisation du csm en intégrant des personnalités qualifiées au sein de la composition des membres du csm notamment lorsque ce

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dernier siege en formation disciplinaire84. Cela aurait le mérite de renforcer la confiance des citoyens dans l'institution judiciaire. En effet, le csm actuel laisse persister des doutes quant à une politisation de ces membres, ce qui n'est pas compatible avec l'indépendance des magistrats.

§2) Un contrôle juridictionnel

A) un contrôle des actes judiciaires

Les droits de la défense c'est aussi la possibilité de contester les actes pris par le juge d'instruction et le Parquet. Les actes du juge d'instruction peuvent faire l'objet d'une contestation devant la chambre de l'instruction. Tandis que la contestation des actes du procureur se fait en principe en intentant un recours auprès son supérieur hiérarchique c'est-à-dire le Procureur général. La chambre de l'instruction est une formation de jugement de la Cour d'appel. Elle se prononce essentiellement sur les appels contre les décisions des juges d'instruction et des juges des libertés et de la détention. Il est possible par exemple d'annuler un acte pris par le juge d'instruction. Une telle annulation est plus difficile concernant les actes du procureur. Par exemple si le procureur classe une affaire sans suite. Il est possible de contester cet acte en saisissant le procureur général qui est le supérieur hiérarchique du Procureur de la République. Mais si celui-ci refuse la seule possibilité sera de se constituer partie civile. C'est un moyen de contourner la décision du Parquet mais ce n'est pas un véritable recours contre l'acte. Ici c'est le manque d'interdépendance qui fait débat. Il faudrait rendre le statut du juge d'instruction et du Parquet plus interdépendant sur ce point. Ainsi certains auteurs ont envisagé de soumettre les actes du Procureur de la République au contrôle de la chambre de l'instruction. Ce qui serait là aussi un coup d'arrêt de l'ingérence du Parquet dans la procédure pénale. Mais dans un même temps cela contribuerait à affaiblir les pouvoirs du Parquet. Et puis cela entrainerait nécessairement la modification de la composition de la chambre de l'instruction. En effet, un membre du Parquet siège à la chambre de l'instruction. Sinon il y aurait une impartialité de ce dernier. Cela étant, peut-on envisager une responsabilité civile du juge d'instruction et du Parquet?

B) Le renforcement de la responsabilité des magistrats en perspective

84 Rapport n° 387 (2007-2008) de M. Jean-Jacques HYEST, fait au nom de la commission des lois, déposé le 11 juin 2008

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« La réflexion centrale que vous n'avez pas menée assez loin est celle de la responsabilité du juge, contrepartie du pouvoir exceptionnel que vous détenez.»85 En effet, un magistrat a le pouvoir porter atteinte à la liberté des individus, à leurs biens, à leurs sentiments, à leur vie familiale, et même à l'exercice de leur activité professionnelle. Ainsi les magistrats sont susceptibles, par leur faute, de causer des préjudices matériels et moraux aux justiciables. C'est pourquoi la question de leur responsabilité civile pour faute personnelle se pose. Les textes prévoient cette responsabilité.86 Mais les magistrats ne répondent pas de leurs fautes personnelles face aux justiciables. C'est par l'intermédiaire de l'État que cela se fait. Ainsi la responsabilité civile des magistrats qui ont commis une faute personnelle se rattachant au service public de la justice ne peut être engagée que sur l'action récursoire de l'État. Finalement c'est l'État qui supportera les fautes personnelles des magistrats. C'est la responsabilité de l'Etat du fait des ses agents. C'est une responsabilité objective de l'Etat pour disfonctionnement du service public de la justice qui sera mis en jeu dans un premier temps. l'etat pourra ensuite engager une action recursoire à l'encontre de l'agent. En effet, le magistrat un fonctionnaire. Cette action récursoire doit être exercée devant une chambre civile de la Cour de cassation. 87 Les magistrats du siege et du Parquet peuvent donc voir leur responsabilité engagée dans les mêmes conditions. Là encore une manifestation de l'interdépendance de leur statut (lato sensu). Cette responsabilite des magistrats presente donc des limites, elle est plutôt source d'un déséquilibre de notre système procedural. En effet,

la responsabilité des magistrats participe d'une bonne administration de la justice. Il faut savoir que la bonne adminstration de la justice a été érigé en objectif à valeur constitutionnelle. 88 Il en va de l'équilibre de notre prcédure que d'avoir des magistrats vétitablement responsables de leurs actes. Surtout que le juge d'instruction et le Procureur de la République ne sont pas les magistrats les moins exposés. Certaines affaires ont parfois entrainées de vives réactions de la population et des médias89. Dans ces affaires le juge d'intruction fût désigné comme le seul bouc-émissaire. N'était-ce pas plutôt une responsabilité commune du juge d'instruction et du Parquet qu'il aurait fallu recherché. Peut-on imaginer n système dans lequel ces deux magistrats seraient des coresponsables dans le cadre d'une procédure? En dépit de nombreuses tentatives, les magistrats demeurent l'acteur social dont la

85 Robert Badinter, Ministre de La Justice, Congrès d'un syndicat de magistrats, 1981

86 Article 11-1 de l'ordonnance de 1958, op.cit.

87 Cf note 12

88 Décision du Conseil constitutionnel n° 2009-595 DC du 03 décembre 2009

89 Affaire d'Outreau et affaire Patrick Dils

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responsabilité personnelle ne peut pas être engagée dans les conditions classiques. Cela protège les personnes physiques qui exercent la fonction de magistrat et c'est peut-être là tout l'équilibre de cette spécificité.

Conclusion:

En définitive, il est permis d'affirmer qu'il existe bien une interdépendance des statuts du juge d'instruction et du Parquet. Cette interdépendance entre ces deux magistrats est observable dans les statuts mêmes de ces magistrats mais innervent toute la procédure pénale depuis son organisation jusqu'à la fin de son déroulement. Tantôt cette interdépendance est nécessaire, tantôt on pourrait dire que c'est un manque d'interdépendance qui existe. Cela étant, C'est tout l'équilibre de notre système procédural qui repose entre les mains des ces deux organes. En définitive on pourrait même affirmer que le juge d'instruction et le Parquet sont complémentaires dans l'équilibre de la procédure pénale française.

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