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La blockchain et l'offre au public de titres financiers


par Lise Wantier
Université Paris Nanterre - Master 2 Droit des affaires 2017
  

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Section I. La qualification juridique des jetons en France

L'AMF a rejeté la qualification de titres financiers ( 1) pour celle de « biens divers », mais cette qualification est-elle satisfaisante (§2)?

§1. Le rejet de l'application de la législation relative à l'offre au public de titres

L'AMF définit les Initial Coin offerings comme des « opérations de levées de fonds effectuées à travers une technologie de registre distribué qui donnent lieu à une émission de jetons (« tokens »).38 » Les ICOs sont appelées ainsi du fait de leur similitudes avec les IPOs. Cependant la nature des droits acquis dans une ICO est variable et un jeton n'est pas équivalent à un titre de capital.

Une ICO sert à financer un projet, originellement dans l'orbite de la blockchain. En contrepartie de leur participation, les investisseurs ont un ou plusieurs jetons les faisant bénéficier de fruits, sous la forme de profits, ou du profit résultant d'une augmentation de la valeur du jeton (puisqu'ils sont fongibles et transférables ils peuvent être ensuite revendus dans une optique de

36 DG TREìSOR ET FINENT, « Consultation publique sur le projet de réformes législative et réglementaire relatif à la Blockchain», 24 mars 2017

37 S. SCHILLER, La Semaine Juridique Edition Générale n° 3

38 AMF, « Document de consultation sur les initial coin offerings (icos) », 26 octobre 2017, p.1

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spéculation). Ils peuvent également conférer aux investisseurs des droits de vote ou de gouvernance, et/ou un droit d'usage.

L'AMF distingue deux types de jetons : les jetons « d'usage » qui « octroient un droit d'usage à leur détenteur en leur permettant d'utiliser la technologie et/ou les services distribués par le promoteur d'ICO39 » et les jetons offrant des droits politiques ou financiers (qui pourraient donner lieu dans certains cas à une qualification de ces titres en instruments financiers).

Ainsi, comme le souligne l'AMF, et comme nous l'avons compris, les ICOs et les jetons peuvent être de différentes natures et aboutir à des droits ou prérogatives disparates.

Une clarification de la qualification applicable devenait nécessaire compte tenu de leur rapide expansion. Le président de l'AMF nous indique les raisons de cet engouement pour les crypto-actifs de par ses avantages. Ce phénomène peut selon lui réduire les coûts de certaines opérations financières (transferts, offre au public de titres...), accélérer les temps d'exécution de ces opérations, toucher une cible mondiale, financer des projets à un stade très précoce, financer le développement d'un service ou d'un produit par ses potentiels futurs utilisateurs, sans pour autant diluer le capital social de la société, et enfin, renforcer la sécurité des transactions40.

La plupart des émetteurs d'ICOs élaborent un « white paper » comprenant les informations relatives à l'émetteur, au projet, aux fonds nécessaires, la quantité de jetons offerte au public et les objectifs. Cependant, si des guides de bonnes pratiques préconisent quelles informations doivent y figurer, les émetteurs n'ont aucune obligation quant au contenu de ce document, ce contenu est donc très disparate d'une ICO à l'autre.

Dans sa consultation, l'AMF précise que la réglementation applicable aux ICOs ne peut être déterminée qu'au cas par cas du fait de leur caractère hétéroclite. Mais l'autorité analyse dans ce document si d'une manière globale les ICOs pourraient relever de la législation relative à l'offre au public de titres financiers, le financement participatif en titres, les placements collectifs ou l'intermédiation en bien divers.

L'AMF s'interroge dans un premier temps sur la possibilité d'appliquer la législation relative aux offres au public de titres financiers aux ICOs, ce qui impliquerait la rédaction d'un prospectus conforme à la législation. L'AMF reprend la définition des titres financiers de l'article L.211-1 du code monétaire et financier énumérant les trois types de titres financiers que nous avons vu dans l'introduction pour répondre à cette question.

L'AMF considère que les tokens ne peuvent être qualifiés de titres de capital car les émetteurs, rarement dotés de la personnalité morale ne possèdent pas de capital social et que tous les tokens n'y donnent pas accès. Pour être qualifié ainsi les tokens devraient conférer des droits politiques et financiers similaires à ceux que les actions octroient, et l'émetteur pourrait être qualifié en société créée de fait, afin de lui octroyer la personnalité morale. Cependant, si pour l'AMF cette qualification est envisageable, pour Thierry Bonneau, la société créée de fait n'a pas de personnalité morale et reste donc un obstacle à la qualification de titres financiers41.

En l'état actuel de la définition de titres de créance, la qualification des ICOs est rejetée par l'AMF. Cependant, elle précise que si la définition venait à évoluer en prenant en considération la possibilité que l'objet de la créance puisse être autre chose qu'une somme d'argent, la qualification des ICOs comme titres de créance pourrait être envisageable. Cette précision a toutefois pu être jugée inopportune42.

39 AMF, « Synthèse des réponses à la consultation publique», p.3

40 R. OPHELE, intervention devant la Mission d'information sur les « Monnaies virtuelles », 5 av 2018, p.3

41 T. BONNEAU, « « tokens », titres financiers ou biens divers ? », Revue de Droit bancaire et financier n°1, janv 2018, repère 1

42 Ibid

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La qualification en tant que parts ou organismes de placement collectif est également rejetée car les ICOs n'ont pas pour objet de gérer des portefeuilles de titres financiers et de dépôts pour le compte d'investisseurs. L'AMF analyse, en outre, si les ICOs peuvent correspondre au financement participatif, aux placements collectifs, et en conclut également par la négative.

Dès lors puisque les tokens ne peuvent être qualifiés de titres financiers, la réglementation relative à l'offre au public de titres financiers ne s'applique pas en l'état actuel de la législation et des droits que confèrent les ICOs aux investisseurs. Mais cette analyse est critiquée car l'article L.211-1 du Code monétaire et financier énumère les titres financiers mais ne les définit pas43.

§2. La qualification en bien divers

L'AMF analyse finalement si les ICOs pourraient être qualifiés de bien divers. Elle définit un bien comme « toute chose susceptible d'être appropriée et qui présente une certaine utilité économique permettant sa circulation44.» Ainsi, cette définition correspond aux tokens puisqu'ils « peuvent être appréhendés par leurs souscripteurs, lesquels les acquièrent à titre onéreux auprès d'un émetteur et peuvent les utiliser pour accéder à certains services ou les céder à un tiers45

L'AMF relève que les jetons sont susceptibles d'entrer dans les deux catégories d'intermédiaires en biens divers en prenant en compte la nature des jetons, or selon un auteur, même si cette qualification reste la plus pertinente, « c'est moins la personne de l'intermédiaire que les biens eux-mêmes qui doivent être pris en considération46.» L'article L.550-1 du code monétaire et financier ne définit pas de manière précise les biens divers et pourtant l'AMF fait entrer les ICOs dans cette catégorie sans démontrer la cohérence de cette qualification. Ainsi, pour cet auteur, « rien ne sert à forcer les catégories juridiques et à se mettre en marge de l'état de droit alors que l'adoption d'un nouveau texte ne devrait pas faire peur au législateur. » D'autres avis, figurant dans la synthèse des réponses à la consultation publique considèrent également cette qualification comme problématique ou relèvent son caractère inadapté47.

Ce régime semble toutefois inadapté car les ICOs se passent de tout intermédiaire en ayant recours à un smart contract48 et à l'inscription sur une chaîne de blocs pour émettre leurs jetons. Le régime des biens divers comprend deux volets : l'un relatif à l'obligation d'information du public49 et l'autre à l'encadrement de l'intermédiaire50. Pour que le régime soit adapté, il faudrait adapter les informations aux caractéristiques des ICOs et appliquer ces obligations à l'émetteur et non pas l'intermédiaire, puisque par principe il est absent lors d'une ICO. Le délai d'examen du document d'information devrait également être raccourci (actuellement de deux mois) afin de s'adapter au besoin de rapidité des ICOs. Mais, qu'en est-il du jeton qui ne répond ni à la qualification de valeur mobilière, ni à celle de bien divers ? En l'état actuel de la législation, il relèverait d'une qualification encore non envisagée, et si aucun régime juridique ne permet de le qualifier, d'aucun régime.

De plus, une qualification propre à chaque type de jeton n'est pas la meilleure solution comme le relève l'AMAFI, en effet, une ICO peut émettre différents jetons pour une même émission (les ICOs « multi-tokens ») et qu'un jeton peut également changer de nature et donc de forme juridique au cours de son existence. Nous verrons par la suite les solutions envisageables pour pallier ce problème.

43 ibid

44 AMF, « Document de consultation sur les initial coin offerings », p.9

45 Ibid

46 T.BONNEAU, Revue de Droit bancaire et financier n°1

47 AMF, « synthèse des réponses à la consultation publique», p.9-10

48 Contrat intelligent

49 C. mon. fin., art L.550-3 à L. 550-5 ; RG AMF, art 441-3 ; art 12 à 14 de l'instruction AMF (DOC- 2017-06)

50 C. mon. fin., art, L. 550-1 et L. 550-2 ; RG AMF, art 441-1 et 441-2

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault