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L'émission d'obligations vertes: entre liberté et contrainte


par Lise Wantier
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 Droit bancaire et financier 2018
  

Disponible en mode multipage

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Master II Droit Bancaire et Financier

Année universitaire 2018-2019

L'émission d'obligations vertes : entre liberté et contrainte

Sous la direction de Madame Anne-Catherine Muller

Par Lise Wantier

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Sommaire

Partie I : Une réglementation souple 8

Titre I : Originellement, des initiatives privées basées sur le volontariat 8

Chapitre 1 : Le développement d'initiatives privées 8

Chapitre 2 : La nature de ces obligations justifie une certaine souplesse 14

Titre II : La transparence de l'information comme contrainte 18

Chapitre 1 : Un effet incitatif et une auto-régulation par la pratique commerciale 18

Chapitre 2 : Contraindre les acteurs à respecter les engagements auxquels ils ont

volontairement souscrit 26

Partie II : Les émetteurs, de plus en plus contraints ? 32

Titre I : L'initiative règlementaire européenne 32

Chapitre 1 : La reprise des idées fondatrices 32

Chapitre 2 : Le projet de règlement européen : vers une ingérence ? 37

Titre II : La réception du projet européen 44

Chapitre 1 : Les critiques 44

Chapitre 2 : La France souhaite aller plus loin 49

Bibliographie 55

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« L'université n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. »

« Nous avons compris que ce n'est qu'en mobilisant le monde des affaires que nous ferons de vrais progrès » Kofi Annan1. Cela pose une première question : jusqu'où va cette mobilisation ?

La Banque Centrale Européenne a rappelé récemment que les défis auxquels nous sommes confrontés en matière de changement climatique ne pourront être relevés avec succès, que si toutes les parties prenantes acceptent d'assumer leurs responsabilités2. Cela appelle une seconde question : assumer ses responsabilités, est-ce être responsable ?

Nous verrons que ce type de question est primordiale car les obligations vertes (ou Green Bonds) oscillent entre autonomie des acteurs et régulation.

Mais qu'est-ce qu'une obligation verte ? Ce sont tout d'abord des obligations, c'est à dire « des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale3». La spécificité d'une obligation verte réside dans l'affectation spécifique du produit de l'émission. Par exemple, selon l'ICMA4, c'est « une obligation dont le produit de l'émission est utilisé exclusivement pour financer ou refinancer, partiellement ou en totalité, des projets verts nouveaux et/ou en cours5».

Pour les émetteurs, ces obligations sont attractives. Elles le sont en termes de financement en permettant un accès complémentaire au marché, une diversification des produits et de la base des investisseurs. Elles permettent en effet de toucher des investisseurs qui n'auraient pas forcément investit sur le marché obligataire classique6. Elles sont également bénéfiques en termes de signal, par le financement de projets de développement dans un secteur porteur. Elles améliorent par ailleurs l'image de l'entreprise et réduisent donc le risque

1 Johannesburg Summit : Big Business Gets Green Light from Kofi Annan : The Earth Time, 2 sept. 2002.

2 European Central Bank, «Central Bankers, Supervisors and Climate-Related Risks», 17 avril 2019 https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2019/html/ecb.sp190417~efcf14da2a.en.html

3 Article L213-5 CMF

4 International Capital Market Association

5 ICMA, The Green Bond Principles, 2018, https://www.icmagroup.org/green-social-and-

sustainability-bonds/green-bond-principles-gbp/

6ATTAC, La «finance verte» est-elle vraiment verte ? » , p°12, Décembre 2017

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réputationnel7. Les émissions d'obligations vertes sont effectivement souvent relayées par la presse économique. Elles présentent également des avantages en termes de relation avec les obligataires, les green bonds étant basés sur des valeurs, l'émetteur peut espérer des relations plus durables et « apaisées » par rapport aux souscripteurs habituels8. Pour les investisseurs institutionnels, ces obligations peuvent également leur permettre de remplir leurs objectifs fondés sur les critères ESG (l'article 173 de la Loi de transition énergétique pour l'économie verte exige ainsi que les investisseurs institutionnels, les fonds de pension et les compagnies d'assurance évaluent les risques carbone et climatiques de leurs portefeuilles d'investissements9).

Les premiers green bonds ont été émis par des banques de développement10, des organismes dédiés au développement11, puis par des régions , provinces, ou municipalités.

12

Dès 2010 le champ des entités intéressées s'est diversifié et le marché a été saisi par les grandes entreprises13 puis progressivement par des entreprises de taille plus modeste .

14

Devant le potentiel de ce marché, des indices spécialisés sont apparus (S&P DJ Green Bonds Index, Barclays MSCI Green Bond Index) et la Bourse de Londres (LES) a crééì en juillet 2015 un compartiment dédié aux green bonds. Les états se saisissent également de ce nouvel instrument perçu comme prometteur. Par exemple, la France souhaitait être le premier pays à lancer un emprunt vert de taille standard, et ce, avec un taux d'émission similaire à celui

7 GADIOUX S.-E, Qu'est-ce qu'une banque responsable ? Repères théoriques, pratiques et perspectives » : Management & Avenir 8/2010 (n° 38) p°33 https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2010-8-page-33.htm « La gestion du risque de réputation peut inciter les entreprises à améliorer leurs pratiques, y compris en l'absence de réglementation contraignante. »

8

THOMAS Philippe, « Nature juridique des green bonds », Revue de Droit bancaire et financier n° 6,

9

Novembre 2015, étude 22

ATTAC, La «finance verte» est-elle vraiment verte ? », p°12

10 Banque mondiale, Banque Européenne d'Investissement

11

L'Agence française de développement

12 BARBIERE Cécile, « Les régions s'emparent des obligations vertes » EURACTIV.fr, 8 octobre 2015 https://www.euractiv.fr/section/politique-regionale/news/les-regions-s-emparent-des-obligations-vertes/

13

14

Air Liquide, Unilever, EDF, GDF Suez, Unibail-Rodamco Unibail-Rodamco ou Paprec

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d'une obligation assimilable du trésor classique15 mais elle fut devancée par la Pologne. Cette propagation, la multiplication des acteurs et des projets ont progressivement posé la question d'une régulation.

Les régulateurs se sont par ailleurs emparé du sujet. Plusieurs ont fait part de leur volonté de développer ce type d'instrument financier. La régulation des obligations vertes s'inscrit par ailleurs dans un débat plus étendu concernant la réglementation de la Responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises. Ainsi le Parlement européen énonçait déjà en 2013 « qu'il est nécessaire de situer le débat sur la RSE dans un contexte plus large qui, tout en préservant le caractère principalement volontariste, ouvre la porte à un dialogue sur des mesures réglementaires16».

Actuellement les principes applicables aux obligations vertes sont volontaires et relèvent du soft law. Le dictionnaire du droit international17 défini le soft law comme :

« Des règles dont la valeur normative serait limitée soit parce que les instruments qui les contiennent ne seraient pas juridiquement obligatoires, soit parce que les dispositions en cause, bien que figurant dans un instrument contraignant, ne créeraient pas d'obligation de droit positif, ou ne créeraient que des obligations peu contraignantes ».

En l'espèce, les règles ont une valeur normative limitée parce qu'elles ne sont pas juridiquement obligatoires. Pour cette situation, Jean-Michel Jacquet indique que dans certaines circonstances « la règle de droit souple s'imagine volontiers un «destin» et projette, ou, en tout cas, n'exclut pas de se dépouiller de sa souplesse18». Ainsi on pourrait se demander si les principes d'encadrement des obligations verte constituent « une vis sans fin

15 ROYAL Ségolène et SAPIN Michel, Communiqué de Presse N° 084, Paris, le 3 janvier 2017, http:// proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/21951.pdf

16 BALDASSARRE Raffaele, Rapport sur la responsabilité sociale des entreprises : comportement responsable et transparent des entreprises et croissance durable 2012/2098 (INI), point 4

17 SALMON Jean, Dictionnaire de droit international public, Broché, 1 novembre 2001

18 JACQUET Jean-Michel, « L'émergence du droit souple (ou le droit «réel» dépassé par son double) », Études à la mémoire du professeur Bruno Oppetit, Litec, Paris, 2009, p. 347

qui tourne à vide, ou une vrille qui peu à peu creuse son chemin19». On pourrait également analyser si les obligations vertes, de par leur nature et de par les caractéristiques de ce marché ont vocation à se voir appliquer des règles normatives, contraignantes.

La question de l'encadrement est primordiale. Trop faible, il mène à un flou quant aux pratiques admissibles, nuit à la lisibilité du marché, et peut même favoriser des abus de confiance. Trop fort, il va à l'encontre du principe de volontarisme sur lequel les obligations vertes sont initialement basées. Où situer le juste milieu ? Entre la vigilance dont doit faire preuve le législateur pour que ces pratiques ne deviennent pas illisibles et galvaudées, et l'ingérence de celui-ci dans une démarche qui se veut par essence et par définition volontaire, à la seule initiative des entreprises ? Une règlementation est-elle souhaitable ?

Nous étudierons dans un premier temps le cadre actuel, qui se caractérise par sa souplesse, pour ensuite analyser si cette souplesse a vocation à perdurer.

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19 DECAUX Emmanuel, « De la promotion à la protection des droits. Droit déclaratoire et droit programmatoire », La protection des droits de l'homme et l'évolution du droit international, Pedone, Paris, 1998, p°115

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Partie I : Une réglementation souple

Le cadre actuel se caractérise par sa souplesse. D'une part, par l'absence d'une règlementation contraignante car il est basé sur des initiatives privées. D'autre part, par les mesures étatiques très légères et fondées principalement sur l'information.

Titre I : Originellement, des initiatives privées basées sur le volontariat

En l'absence de règlementation, les initiatives privées se sont développées pour les émetteurs qui le souhaitent, afin de donner un cadre à leur émission.

Chapitre 1 : Le développement d'initiatives privées

On peut analyser les deux principales initiatives qui ont constituées un socle et ont permis le développement des labels et notations externes. Elles nous aideront à comprendre ensuite les initiatives règlementaires européennes.

Section 1 : Les deux initiatives privées majeures

Les Green Bonds Principles (GBP) et la Climate Bonds Initiative (CBI) sont les deux principales initiatives privées reconnues par les différents acteurs, notamment par l'AMF (Autorité des Marchés Financiers)20 et l'Union Européenne . Eprouvées, elles servent

21

désormais de base et de modèle pour les initiatives publiques qui se développent, c'est pourquoi il est intéressant de comprendre les méthodes utilisées et leur fonctionnement.

$ 1. Les Green Bond Principles sous l'égide de l'International Capital Market Association

Les Green Bonds Principles ont été rédigés et publiés par l'International Capital Market Association. Leur objectif est de renforcer le rôle des marchés obligataires dans le financement de projets qui concourent au développement durable, en contribuant à l'intégrité de ce marché. Ces principes permettent de réduire l'incertitude pour les émetteurs, et d'assurer l'accès à une information pertinente pour les investisseurs et les autres parties prenantes. Cet objectif a pu être atteint en s'accordant sur les meilleures pratiques. Ils sont mis à jour une fois

20 « Obligations vertes, environnement règlementaire et point de vue du régulateur de marché », conférence EIFR du 13 septembre 2018, compte rendu, p°10 à 12

21 COCHU Annica, GLENTING Carsten, HOGG Dominic, «Study on the potential of green bond finance for resource-efficient investments», p°57, http://ec.europa.eu/environment/enveco/pdf/ potential-green-bond.pdf

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par an afin de prendre en considération l'évolution et la croissance du marché mondial des obligations vertes22. Ils reposent sur quatre grands principes .

23

Le premier est l'utilisation des fonds levés pour financer des projets verts, avec un bénéfice environnemental clair. Plusieurs catégories d'éligibilité sont reconnues pour les projets verts contribuant à des objectifs environnementaux tels que « l'atténuation du changement climatique, l'adaptation au changement climatique, la préservation des ressources naturelles, la préservation de la biodiversité et la prévention et la maîtrise de la pollution24». Une liste de projets verts éligibles a été publiée, elle est non exhaustive et comprend par exemple les projets relatifs aux énergies renouvelables, à l'efficacité énergétique, la prévention et maîtrise de la pollution, la gestion durable des ressources naturelles, la préservation de la biodiversité, aux moyens de transport propres, à la gestion durable de l'eau, l'adaptation au changement climatique ou encore les produits écologiquement efficients et/ou adaptés à l'économie circulaire.

Le second concerne le processus de sélection et d'évaluation des projets. L'émetteur est vivement encouragé à communiquer aux investisseurs ses objectifs de préservation de l'environnement, la manière dont il détermine l'appartenance de son projet aux catégories éligibles et les critères d'éligibilité correspondants.

Le troisième concerne la gestion des fonds. Celle-ci doit être claire et peut être contrôlée par un cabinet d'audit.

Le quatrième concerne le reporting. L'émetteur doit informer chaque année les obligataires sur l'utilisation des fonds (communiquer la liste des projets dans lesquels les fonds ont été investis, les montants concernés, l'impact attendu de ces investissements et faire une description succincte de ces projets).

L'Union Européenne considère que toutes les obligations étiquetées vertes sont conformes à des cadres basés sur les GBP, faisant de ces principes la norme du marché de

22 ICMA, Green Bonds Principles, 2018

23 Ibid

24

Ibid

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fait25. Ils ont ainsi joué un rôle de catalyseur du marché . La future taxinomie européenne ne

26

sera donc probablement pas étrangère à ces dispositions.

$2. La Climate Bonds Initiative

La « Climate Bonds Initiative » se présente comme un trust caritatif international, centré sur les investisseurs et comme une organisation travaillant à la mobilisation du marché obligataire, pour apporter des solutions au changement climatique27. Ses principaux bailleurs de fonds sont des banques (Bank of America, HSBC), des fondations (Oak, Rockefeller, Gordon and Betty Moore), mais aussi les Nations unies et le programme Horizon 2020 de l'Union Européenne28. Il est également soutenu par le gouvernement français .

29

La CBI, qui intègre les Green Bonds Principles, fournit des critères d'éligibilité sectoriels plus détaillés que ces derniers et dispose d'un mécanisme de certification30. Elle développe ainsi des guidelines par secteur. Contrairement à la GBP, la CBI exclue certains secteurs tels que la capture et le stockage du carbone, les énergies fossiles ou l'extraction de l'uranium. Cela illustre déjà, les nuances possibles entre les différentes initiatives.

La CBI a établi des standards et a déterminé les exigences devant être suivies par les émetteurs. Ces exigences sont requises avant l'émission (choix des actifs/projets financés, désignation d'un vérificateur externe) et après l'émission (traçabilité des fonds, reporting annuel). Dès lors que l'émission est conforme à ces standards elle est «Climate Bond Certified». Cette certification vise à s'assurer que les actifs et projets contribueront à une

25 COCHU Annica, GLENTING Carsten, HOGG Dominic, «Study on the potential of green bond finance for resource-efficient investments», p°57, http://ec.europa.eu/environment/enveco/pdf/ potential-green-bond.pdf

26 KRAMER Doris et LAURENT Isabelle, «Impact reporting: enhancing the credibility of the green-bond market», 25 January 2019

27 Climate Bonds Initiative, «About us» https://www.climatebonds.net/about

28 Novethic, Climate Bonds Initiative, https://www.novethic.fr/lexique/detail/climate-bonds-initiative.html

29 WHILEY Andrew, «Le ministère français de la transition écologique et solidaire renouvelle son accord de partenariat avec l'association Climate Bonds Initiative», 17 juillet 2017, https:// www.climatebonds.net/2017/07/le-minist%C3%A8re-fran%C3%A7ais-de-la-transition-%C3%A9cologique-et-solidaire-renouvelle-son-accord-de

30 COCHU Annica, GLENTING Carsten, HOGG Dominic, «Study on the potential of green bond finance for resource-efficient investments», p°57

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économie à faible émission de carbone. Elle est basée sur un scénario de réchauffement climatique à 2°C. Afin d'obtenir le sceau d'approbation, un émetteur potentiel doit nommer un vérificateur agréé, qui fournira un rapport indiquant que l'émission de l'obligation satisfait aux exigences requises. La norme est fournie avant l'émission de l'obligation mais fait l'objet d'une confirmation après l'émission31.

La CBI élabore également un suivi et des études du marché obligataire vert, elle fournit des conseils et des modèles politiques aux gouvernements et industriels.

Section 2 : Les Labels et notations extérieurs

Il existe plusieurs mécanismes pour soumettre le caractère vert d'une émission d'obligations à un contrôle extérieur, tous ces mécanismes sont volontaires. L'ICMA encourage vivement ces revues externes pour contrôler si une émission d'obligations dite « vertes » respecte les Green bond Principles.

$1. Les services de vérification externes

L'émetteur peut soumettre son obligation à une certification, une notation, l'avis d'experts de seconde opinion, ou à un contrôle.

Ainsi, peuvent être certifiées les obligations vertes de l'émetteur, le cadre d'émission associé ou l'allocation du produit de l'émission. La certification va s'opérer au regard de normes externes admises, fixées par une norme ou un label et vérifiées par des tiers qualifiés, indépendants de l'émetteur.

La notation des obligations vertes peut être effectuée par un tiers qualifié, tel qu'un cabinet d'études ou une agence de notation spécialisée qui utilisera une méthode de classement ou de notation. Notons que cette méthode lui sera propre.

Ensuite, l'avis d'experts de seconde opinion peut être établi par une institution indépendante qui dispose d'une expertise dans le domaine de l'environnement. Celle-ci va émettre un certificat de conformité avec les Principes applicables aux obligations vertes.

31 Climate Bonds, «Certification», https://www.climatebonds.net/ certification#About%20certification

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Enfin « l'émetteur peut faire contrôler de manière indépendante un certain nombre de critères ayant généralement trait aux processus d'exploitation et/ou à l'environnement32».

Précisons que ce sont les émissions qui sont labélisées, contrôlées ou notées et non les émetteurs. Par exemple, Repsol, pourtant multinationale du pétrole, a émis une obligation labélisée verte. Ce choix peut se comprendre par la volonté de ne pas limiter le nombre d'acteurs dans une économie largement dominée par les énergies fossiles, également pour inciter les acteurs à opérer une transition progressive.

$2. De nombreux services proposés en pratique

On peut illustrer les mécanismes que nous venons d'énoncer par les labels, notations, et contrôles qui se sont développés ces dernières années, pour faire face à la demande des investisseurs, mais également des émetteurs.

Il existe des standards développés sur une base nationale. Ainsi, la Chine, l'Inde mais également la France ont développé des standards nationaux33. Le label Transition Energétique Climat (TEEC) développé par la France est destiné aux fonds d'investissement (cotés, non cotés et obligataires) renommé « France finance verte »34 . Plusieurs organismes certificateurs ont été retenus (Novethic, EY France et Afnor Certification) et contrôlent le respect à partir de quatre critères : la part verte, les exclusions (activités économiques contraires à la transition énergétique et écologique, ou actuellement controversées), les controverses ESG et l'impact effectif sur la transition énergétique et écologique. Le référentiel du label liste huit catégories d'activités entrant dans le champ de la transition énergétique et écologique et de la lutte contre

32 ICMA, Green bond Principles, 2018

33COCHU Annica, GLENTING Carsten, HOGG Dominic, «Study on the potential of green bond finance for resource-efficient investments», p°57

34 Décret n° 2019-568 du 7 juin 2019 remplaçant le nom du label « Transition énergétique et écologique pour le climat » par le nom label « France finance verte » dans le code de l'environnement

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le changement climatique35. La liste des fonds labellisés est disponible sur le site du Ministère de la Transition écologique et solidaire36.

On peut également citer le Label bas carbone37, le label ISR Novethic, fonds verts Novethic, Finansol, CIES.

L'Association Française de la Gestion financière (AFG) a également pris des positions sur les conditions requises pour justifier l'appellation Green bond, présentées dans un guide professionnel publié en mars 2015: « Obligations durables ou Sustainability Bonds. Caractéristiques minimales et bonnes pratiques recommandées pour les Fonds ISR38».

On peut également citer à titre d'exemple la norme ISO 14001 qui définit des éléments caractéristiques d'un système de gestion efficace et écologique de l'entreprise. Elle permet d'évaluer et de maîtriser les impacts des activités d'une entreprise sur le milieu où elle exerce, ses produits et services. L'entreprise souhaitant avoir la certification doit faire appel à un organisme certificateur accrédité. Deux audits sont requis et la certification dure trois ans39.

On comprend que la certification d'une obligation verte repose sur le volontariat. L'émetteur est libre de faire certifier ou non son obligation qu'il commercialise comme verte. Autrement dit, il est possible pour l'émetteur de commercialiser une obligation verte sous cette dénomination, sans respecter les principes que nous avons vus, ni même une revue externe. A contrario, si l'émetteur souhaite se conformer à des principes existants, il est également libre de choisir, entre les différentes initiatives proposées, celle qu'il souhaite respecter.

35 Ministère de la Transition écologique et solidaire, «Label Transition énergétique et écologique pour le climat», octobre 2017, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/ Le%20label%20transition%20%C3%A9nerg%C3%A9tique%20et%20%C3%A9cologique%20pour%20le%20cli mat%20pour%20les%20investisseurs%20qui%20s%27engagent.pdf

36Site du Ministère de la Transition écologique et solidaire: https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/label-transition-energetique-et-ecologique-climat#e1

38

37 Décret n°2018-1043 du 28 novembre 2018 créant un label « Bas-Carbone » NOR: TRER1818757D PARIS EUROPLACE, « Green bonds, l'engagement et l'expertise des acteurs français », 22 mai

2015, http://www.paris-europlace.net/files/europlace greenbonds.pdf

39

« La norme iso14001 », site ISO14001, http://www.iso14001.fr/la-norme-iso14001/

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Chapitre 2 : La nature de ces obligations justifie une certaine souplesse

De par leur nature les obligations vertes justifient un encadrement souple. D'une part, la volonté d'émettre une obligation verte est très souvent associée à un engagement écologique de l'entreprise, engagement d'initiative volontaire. D'autre part, d'un point de vue plus pragmatique, un encadrement trop rigide pourrait s'avérer moins efficace.

Section 1 : Le choix d'émettre un green bond repose sur des valeurs, des principes auxquels l'entreprise adhère volontairement

Les initiatives étudiées ci-dessus, reposent nécessairement sur le volontariat, mais ce volontariat est également lié à la nature des obligations vertes.

$1. Le volontariat comme fondement des initiatives privées

Pour toutes les initiatives que nous venons de citer, l'adhésion des émetteurs est libre. Ils n'ont aucune obligation juridique d'adhérer à ces différents standards.

La démarche de certification est volontaire, le vocabulaire utilisé par les associations renforce ce caractère facultatif. Par exemple, pour les principes applicables aux obligations vertes de l'ICMA, dans le titre même des lignes directrices figure la mention « d'application volontaire40». Est également indiqué que « les GBP n'ont pas de caractère contraignant » et que « les émetteurs, publics ou privés, adoptent et mettent en oeuvre les Principes volontairement et en toute indépendance ».

Par ailleurs, en l'absence d'intervention législative, la base volontaire de ces initiatives était évidente, puisqu'elles sont émises par des associations.

$2. Le volontariat rendu nécessaire par la nature intrinsèque des obligations vertes

Cette liberté peut également s'expliquer par la nature même de l'engagement sur lequel repose l'émission d'une obligation verte. L'engagement environnemental relève actuellement d'une conviction, il est encore largement perçu par les entreprises comme un engagement associatif. Emettre un Green bond est l'occasion pour l'entreprise de faire connaitre au marché son engagement en faveur de l'environnement.

40

ICMA, Principes applicables aux obligations vertes - Lignes directrices d'application volontaire

pour l'émission d'obligations vertes, juin 2018 https://www.icmagroup.org/green-social-and-sustainability-bonds/green-bond-principles-gbp/

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Cette liberté est chérie par les émetteurs, qui pour la plupart ne souhaitent pas se voir imposer de normes contraignantes dans ce domaine « militant » mais ne souhaitent pas non plus voir leurs obligations augmenter. L'AMF et l'autorité des marchés financiers néerlandaise (l'AFM)41 ont par exemple indiqué que les émetteurs sont réticents à inclure des informations additionnelles dans le prospectus, déjà conséquent. Les autorités indiquent que si inclure ces informations dans un prospectus permettrait d'assurer une plus grande transparence, cela ne constitue pas une réponse appropriée, car cette obligation amènerait à surcharger les émetteurs d'obligations vertes, et menacerait un marché naissant en rendant les obligations vertes plus couteuses que les traditionnelles. Une information périodique ou des vérifications extérieures ont un cout pour les émetteurs42. D'ores et déjà, certaines structures ne peuvent parfois se le permettre43. Un équilibre est primordial entre améliorer l'intégrité et la transparence des obligations vertes et veiller à ce que les obligations d'information ne soient pas trop onéreuses44. Obliger les émetteurs d'obligations vertes à respecter certains standards pour pouvoir les qualifier ainsi, empêcherait certains acteurs de qualifier leurs obligations en tant que telles quand bien même elles le seraient.

De plus, cette pratique a l'avantage d'être souple, et de permettre une adaptation rapide à un niveau international. Dans le domaine de la protection de l'environnement cette flexibilité est primordiale. Se soumettre volontairement à des obligations permet aux entreprises de jouir d'un choix normatif dont le contenu et la portée sont définis par elles-mêmes, de ne s'obliger que par ce qu'elles ont décidé. Cela leur permet de « choisir » leurs combats, les domaines qu'elles affectionnent particulièrement en fonction des valeurs de l'entreprise. Également de permettre aux principes édictés d'être pleinement acceptés par les entreprises.

41 AMF and AFM, «Green bond Prospectus», Position Paper, Avril 2019

42 AMF and AFM, «Green bond Prospectus», Position Paper, Avril 2019

43 Gestion d'actifs /Table ronde « ISR : de la gestion à la distribution, les défis à venir », 1 avril 2019 - N°54 - Edition Hors Série, p°28

44 KRAMER Doris et LAURENT Isabelle, «Impact reporting: enhancing the credibility of the green-bond market», 25 January 2019

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Section 2 : La mise en oeuvre de règles normatives contestée

Le deuxième facteur expliquant cette flexibilité peut relever de la vocation bien souvent internationale des émissions obligataires. Ce caractère international met en doute l'effectivité de normes contraignantes dans ce domaine.

$1. La critique de l'effectivité des règles internationales

Pour Isabelle Daugareilh, « l'entreprise transnationale jouit d'une double liberté, de faire ou de ne pas faire de choix normatifs45» autant vis-à-vis du droit international, que du droit national. Ainsi « les entreprises transnationales sont devenues des acteurs majeurs dans la scène internationale en échappant à tout contrôle étatique grâce à la liberté de circulation des capitaux et des investissements46». Un exemple peut être donné avec l'application de la loi sur le devoir de vigilance. Les ONG ont récemment dressé un « constat inquiétant » de son application, entre les entreprises qui ne respectent pas l'esprit de la loi et celles qui ne publient pas de plan47.

Sandrine Maljean-Dubois partage également cette conception, selon cette auteur les normes juridiques ont un impact limité sur les entreprises, notamment celles qui agissent à l'international. Elle démontre que l'entreprise a tendance à identifier les failles de la régulation internationale et à s'y glisser (montages juridiques lui permettant d'éviter d'avoir à rendre compte de ses comportements, délocalisations vers des régions moins réglementées). Elle partage également l'analyse de O. Godard et T. Hommel48 selon laquelle les entreprises

45 DAUGAREILH (I.), « La responsabilité sociale des entreprises transnationales et les droits fondamentaux de l'homme au travail : le contre-exemple des accords internationaux », Mondialisation, travail et droits fondamentaux, éd. Bruylant, 2005, p. 379.

46 MANTILLA MARTINEZ Marcela Ivonne, Thèse de doctorat, « La responsabilité des entreprises transnationales en droit international des droits de l'homme et en droit international humanitaire : le cas du secteur énergétique » 24/09/2014

47 HERAUD Béatrice, « Devoir de vigilance : les entreprises jouent la montre », Novethic, 25 mars 2019, https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/devoir-de-vigilance-les-entreprises-jouent-elles-la-montre-146948.html

48 GODARD Olivier et HOMMEL Thierry, « Les multinationales, un enjeu stratégique pour l'environnement et le développement durable ? », Revue internationale et stratégique, n° 60, hiver 2005-2006, p. 101.

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ont tendance à freiner le développement de la coopération internationale et à s'opposer à une gouvernance internationale plus forte, susceptible de la menacer49.

On ne peut dénuer le droit international de tout impact en droit de l'environnement50 (où l'état s'est même vu imposer une obligation positive de prendre des mesures pour éviter les atteintes à l'environnement51) et encore moins en droit social. Toutefois cet impact reste limité. Le rapport de Ruggie évoque que « l'incapacité à faire appliquer les lois existantes qui régissent directement ou indirectement le respect des droits de l'homme par les entreprises constitue souvent une importante lacune juridique dans la pratique des États52». Pour Peter Herbel la « hard law » est même vouée à l'échec dans le cadre du droit international, pour étayer sa thèse il donne l'exemple de la violation des Droits de l'Homme, non éradiqués par les états.

$2. L'utilisation du soft law dans le cadre international

L'entreprise a un rôle de plus en plus important à jouer en matière de protection environnementale. Sandrine Maljean-Dubois a procédé à une analyse comparée de trois déclarations ayant rythmé l'histoire du droit international de l'environnement. Elle montre ainsi qu'à Stockholm, en 1972, l'entreprise est presque absente, on parle davantage de « l'homme », des « pays » et des « peuples ». La Déclaration est imprégnée d'une vision relativement planificatrice, étatiste et dirigiste de l'économie. À Rio, en 1992, l'entreprise n'a guère pris davantage de place, selon cette chercheuse, « l'entreprise est alors encore suspecte. Elle est perçue plutôt comme une menace pour la protection de l'environnement. Elle n'est saisie qu'à travers l'État». En revanche, à Johannesburg, en 2002 où l'industrie a été très

49 MALJEAN-DUBOIS Sandrine, La portée des normes du droit international de l'environnement à l'égard des entreprises, 4 octobre 2012

50Arrêt (Argentine c/ Uruguay), « Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay » du 20 avril 2010, § 101, « l'État est tenu de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter que les activités qui se déroulent sur son territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction, ne causent un préjudice sensible à l'environnement d'un autre État » cet arrêt a également consacré l'« obligation de procéder à une évaluation de l'impact sur l'environnement lorsque l'activité industrielle projetée risque d'avoir un impact préjudiciable important dans un cadre transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée »

51 HAUMONT F., « Le droit fondamental à la protection de l'environnement dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », Aménagement-Environnement, 2008, n° spécial, p. 25.

52 RUGGIE John, "Protect, Respect and Remedy: a Framework for Business and Human Rights", 7 avril 2008

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présente, l'entreprise est perçue comme un acteur essentiel pour insuffler le changement et l'initiative privée est encouragée, plutôt qu'encadrée. Or aucune des deux visions ne triomphe réellement, elles se complètent, s'entrecroisent.

Francis Snyder a mis en exergue la multitude de formes et régimes juridiques de notre siècle, le mode de gouvernance n'est plus uniquement stato-centré, plus uniquement contraignant mais vise à l'incitation, à l'inclusion du secteur privé. On parle donc de plus en plus de co-régulation, voire d'auto-régulation. Ainsi selon Hervé Synvet, « dans le sens d'un jugement favorable, les maitres-mots [du soft law] sont : souplesse, flexibilité, adaptabilité, efficacité53».

L'intervention de l'Etat peut ainsi devenir superflue dans la mesure où les entreprises satisfont aux exigences de l'intérêt public54. Ce comportement peut être perçu comme une stratégie d'autorégulation qui permet aux entreprises de se soustraire à la régulation étatique, ou du moins de la retarder. Tout l'enjeux pour les régulateurs est donc de permettre au secteur privé de s'auto-réguler en un sens vertueux et d'intervenir dès lors que les dérives mettent en péril ce système.

Titre II : La transparence de l'information comme contrainte

Toutefois, si le volontariat et l'absence d'obligations légales ressortent de ces initiatives privées, est-ce à dire que les engagements pris par les acteurs sont dénués de tout caractère contraignant ?

Chapitre 1 : Un effet incitatif et une auto-régulation par la pratique commerciale

Comme nous avons pu le comprendre, le soft law est un outil essentiel lorsqu'il s'agit des entreprises que l'on envisage dans un cadre international. Le recours au soft law n'est pas dénué d'efficacité, notamment de par son caractère fortement incitatif. Cependant, cela est-il suffisant ?

53 SYNVET Hervé, « Le soft law en matière bancaire et financière », Revue de droit bancaire et financier n°1, janvier 2012, dossier 8

54 DILLER Janelle, « Responsabilité sociale et mondialisation: qu'attendre des codes de conduite, des labels sociaux et des pratiques d' investissement? » Revue internationale du Travail, vol. 138, 1999 http://www.ilo.org/public/french/revue/download/pdf/diller.pdf

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Section 1 : Un contrôle par le marché

Les pratiques commerciales et le fort pouvoir incitatif de certaines entités, ainsi que la crainte du risque réputationnel, font de la transparence de l'information une arme redoutable.

$1. La pratique commerciale comme incitation

Une prise de conscience et un changement des comportements est en cours. Les entreprises considèrent de plus en plus le risque réputationnel lié aux droits de l'homme et au climat. La société civile est, plus qu'hier, sensible aux questions de réchauffement climatique, et a surtout davantage les moyens, notamment avec le développement d'associations, d'avoir connaissance des violations aux droits de l'Homme pratiqués à l'autre bout de la planète. Pour Sandrine Maljean-Dubois « Le droit qui incite en arrive à véritablement enserrer et contraindre l'entreprise, en complément des règles et instruments plus classiques, et sous la pression des citoyens-consommateurs-syndicats-actionnaires-investisseurs55». Par exemple, Total s'est récemment engagé à inclure le changement climatique dans son prochain plan de vigilance sous la pression d'un collectif d'associations et d'élus56. Le risque réputationnel est d'ailleurs pris en considération par le juge lui-même57.

Il n'est pas exclu que le secteur privé puisse connaitre une forme de régulation interne, notamment par le jeu du choix des partenaires commerciaux. Peter Herbel plaide en faveur de la soft law qui selon lui aurait un réel impact sur les entreprises. Il cite ainsi les Principes d'Equateur auxquels ont adhérés la Banque Mondiale et les banques privées. Ces dernières demanderaient aux entreprises avec qui elles traitent, la preuve qu'elles se conforment à ces principes. Si l'entreprise ne le prouve pas, aucun financement ne lui sera accordé. Cela constitue pour cet auteur une menace plus efficace que celle constituée par l'approche judiciaire classique.

55 MALJEAN-DUBOIS Sandrine, La portée des normes du droit international de l'environnement à l'égard des entreprises, 4 octobre 2012

56 HERAUD Béatrice, « Devoir de vigilance : le cas de Total, attaqué sur le changement climatique, fera-t-il jurisprudence ? », Novethic, 19 février 2019, https://www.novethic.fr/actualite/ entreprise-responsable/isr-rse/devoir-de-vigilance-le-changement-climatique-doit-il-etre-integre-dans-le-plan-des-entreprises-146931.html

57 Cour d'appel, Paris, Pôle 1, chambre 2, 8 Novembre 2012 - n° 12/13430

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A titre d'exemple la Banque européenne d'investissement est d'ores et déjà impliquée dans le développement durable. Elle s'est dotée de normes relatives aux performances sociales et environnementales58. Et cela a un impact non négligeable, car elle requiert également de ses partenaires, un respect des normes environnementales et sociales auxquelles elle a souscrit59. L'IFC conditionne, elle aussi, son aide au financement à des exigences renforcées en matière de risques environnementaux et sociaux. Cet élan est de plus en plus partagé par les entreprises privées. Par exemple, l'utilisation de la norme ISO 14001 permet aux entreprises d'augmenter leur attractivité. En effet, certaines entreprises ne souhaitent désormais contracter qu'avec d'autres entreprises certifiées ISO 1400160. Une étude a par ailleurs démontré que les entreprises certifiées ISO 14001 ont pu gagner en compétitivité et parts de marché à la suite de leur certification61. Cela peut donc constituer une incitation non négligeable pour les entreprises. Ou encore, l'approche « Best-in-class » qui consiste à privilégier les émetteurs qui présentent le meilleur profil selon les critères ESG dans chaque secteur d'activité62. Des entreprises excluent de leurs investissements les entreprises ayant les moins bonnes notes ESG, et vont même jusqu'à prôner une forme d'activisme envers leurs partenaires, en les incitant à corriger leurs comportements négatifs d'un point de vue ESG63.

58 TRÉBULLE François-Guy, « La prise en compte de la RSE par les banques », Environnement n° 2, Février 2014, étude 2

59 BERD (Banque Européenne pour la Reconstruction et le développement), « La BERD Investir pour des vies meilleures », mars 2014, https://www.ebrd.com/downloads/research/factsheets/ aboutf.pdf?

60FOURNIER Clément, « Les entreprises certifiées ISO14001 sont plus compétitives et plus performantes », E-RSE, 5 septembre 2016, https://e-rse.net/certification-iso14001-performance-competitivite-benefices-21413/#gs.7cdzp9

61 British Assessment Bureau, « ISO 14001 Environmental Management » https://www.british-assessment.co.uk/services/iso-certification/iso-14001-certification/

62CM-CIC Asset Management, « De l'intégration ESG au « Best-in-class » : les différentes approches de gestion » https://www.cmcic-am.fr/fr/institutionnels/nos-expertises-et-services/finance-responsable/isr-et-integration-esg/les-differentes-approches.html

63 Gestion d'actifs /Table ronde, ISR : de la gestion à la distribution, les défis à venir, option finance, 1 avril 2019 - N°54 - Edition Hors Série

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$ 2 : Le risque réputationnel lié au greenwashing considéré par le juge

Cette vision de l'auto-régulation et de l'impact réputationnel n'est pas uniquement doctrinal64. La Cour d'Appel de Paris a pu reconnaitre que des accusations de greenwashing

65

étaient susceptibles de porter atteinte à l'honneur et à la réputation d'une banque.

Dans cet arrêt, étaient en cause les allégations faites par l'émission Cash investigation à l'encontre du Crédit Agricole. Il était affirmé dans l'émission que « le grand gagnant dans la catégorie greenwashing est le Crédit Agricole ». Était également indiqué que la banque était impliquée dans plusieurs financements polluants à divers endroits sur la planète.

La cour d'appel considère ainsi que:

«L'émission accrédite manifestement la thèse que le Crédit Agricole, qui fait croire qu'il est attaché au financement d'entreprises concourant au développement durable, dissimule, en réalité, des financements qui en font l'un des plus grands pollueurs de la planète, ce qui manifestement caractérise des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur et à sa réputation au sens de l'article 6 de la loi du 29 juillet 1982 ; que M. Z et la société France Télévisions ne peuvent valablement invoquer la nécessité d'informer le public et le fait que les propos incriminés ne portant pas sur des faits précis pouvant faire l'objet d'une preuve ou d'un débat contradictoire relève des juges du fond.»

Le juge lui-même prend donc en considération le risque réputationnel lié au greenwashing. Cet arrêt relève également le rôle des médias dans les dénonciations qui relaient souvent les enquêtes réalisées par les associations (on peut par exemple citer le « prix Pinocchio » qui a pour but de dénoncer les impacts environnementaux négatifs des entreprises multinationales, et le greenwashing).

64 Cette conception n'est pas à l'abris de critiques. Par exemple, cette analyse fonctionne parfaitement pour les entreprises pour lesquelles l'image et la réputation sont des composantes intégrées dans leurs stratégies et politiques. Mais il peut paraitre utopique, sans avancer de preuve, que toutes les entreprises agissent de la sorte. Car bon nombre de drames viennent contredire cette analyse (par exemple le Rana Plazza en 2013 : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/ drame-de-dacca-au-bangladesh-les-forcats-du-textile_1248230.html https://www.francetvinfo.fr/ monde/asie/sous-payes-les-ouvriers-du-textile-du-bangladesh-laissent-exploser-leur-

colere 3070979.html

65 CA Paris, 1, 2, 08-11-2012, n° 12/13430

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Section 2 : Un auto-contrôle insuffisant

Ces initiatives privées correspondent aux attentes des émetteurs quant à leur flexibilité, et nous venons de comprendre qu'elles ont une réelle influence sur le marché. Toutefois, ces dernières posent certains problèmes pour des investisseurs mais également pour le marché à un niveau macro-économique.

$1. Une absence de définition unanime et de contrôle efficace

Deux problèmes peuvent être relevés quant à l'application de ces initiatives.

Premièrement, il n'y a aucune définition unanime de ce qu'est une émission d'obligations vertes, ou du moins ce que « vert » représente exactement.

On ne peut trouver aucune définition légale d'une « obligation verte ». Dès lors comment savoir qu'une obligation l'est ? Est-ce une obligation qui finance un projet qui ne pollue pas ? Dans ce cas comment qualifier de manière exacte la pollution ? Est-ce une obligation qui finance un projet à retombées positives sur l'environnement ? Dès lors quelles sont-elles ?

Ce flou laisse une très grande marge de manoeuvre pour les émetteurs. La qualification est laissée à leur appréciation66. D'ailleurs, dans une position, l'AMF et l'AFM relèvent que certains émetteurs n'expliquent pas dans le prospectus en quoi l'obligation émise peut être qualifiée de verte67. Dès lors on perçoit aisément le risque d'une utilisation abusive de la qualification « green », car celle-ci relève d'une auto déclaration. Cette opacité peut mener à une méfiance des investisseurs68, nuisant au marché dans sa globalité.

Ce flou législatif peut être intentionnel, par exemple en matière d'investissement socialement responsable, la Commission a indiqué en 2011 qu'elle ne souhaitait pas donner une définition normative qui déboucherait sur un corset réglementaire. Qu'au contraire, elle préférait proposer une description ouverte, reposant sur des principes communs à la plupart

66AMF, Recommandation - DOC-2016-13 « Responsabilité sociale, sociétale et environnementale », 28 novembre 2016, p°4

67

68

AMF and AFM, Position Paper, «Green bond Prospectus», avril 2019

MOULIN Jean-Marc, « Obligations vertes - Green bonds - Principes des Obligations Vertes (Green

Loan Principles) » Revue de Droit bancaire et financier n° 3, Mai 2018, comm. 83

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des Etats membres afin de respecter la diversité des choix politiques, économiques et sociaux, ainsi que la capacité d'innovation des entrepreneurs sociaux69.

Est lié à ce problème la profusion de normes/labels et possibilités de contrôle, qui peut être source de confusion pour les investisseurs. D'autant que tous ne se valent pas, ou n'analysent pas les mêmes données. Par exemple, les agences de notations extra-financières établissent leurs notations à partir de documents publics, de questionnaires, d'informations fournies par les entreprises, ou de rencontres avec les dirigeants. Chaque agence a sa propre méthodologie, ce qui ne simplifie pas la comparaison des notations70. Certaines évaluations et contrôles restent très opaques, or cette opacité constitue un risque voire un indice71 de l'absence d'examen impartial.

Il peut également exister un certain flou du fait de la prise en compte des projets qui polluent mais polluent moins que leurs analogues, et qui pourront être certifiés comme étant verts au même titre que des projets ne polluant pas du tout.

La volonté de la Commission européenne de développer un label européen pour les obligations vertes, plus précisément « développer une labellisation fiable72 » fait écho au manque de fiabilité des labels existants.

Deuxièmement, cette absence de définition a pour corollaire une absence de contrôle. Actuellement aucun contrôle n'est par exemple assuré par L'AMF, qui ne garantit que la transparence de l'information et le suivi de la cotation, elle ne peut pas effectuer de contrôle sur le fond du caractère vert et sur l'usage des fonds. C'est d'ailleurs pourquoi l'autorité « recommande aux émetteurs de veiller à la transparence de l'information donnée aux

69 Communication de la Commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, « Initiative pour l'entrepreneuriat social Construire un écosystème pour promouvoir les entreprises sociales au coeur de l'économie et de l'innovation sociales » /* COM/2011/0682 final https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX: 52011DC0682

70 ROUX Michel, La Finance responsable, Broché, 18 avril 2018, p°113

71 MARRET (J-L.), « Acteurs privés et questions sociales transnationales, l'exemple des initiatives et enjeux en matière de codes de conduite, de labels sociaux et d'investissement », Annuaire Français de Relations Internationales, 2001, vol. 2, p. 997

72Communication de la Commission, « Initiative pour l'entrepreneuriat social Construire un écosystème pour promouvoir les entreprises sociales au coeur de l'économie et de l'innovation sociales » /* COM/2011/0682 final, p°6

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investisseurs tant à l'occasion de l'émission des obligations (É) que pendant leur durée de vie73». L'AMF et l'AFM relèvent que si certains émetteurs souscrivent volontairement aux standards des associations telles que les Green Bond Principles, les informations se situent en dehors du prospectus, donc rien ne permet de s'assurer que l'émetteur continue de se soumettre à ces obligations durant toute la maturité de l'obligation. Ainsi l'absence d'information obligatoire dans le prospectus augmente le risque de greenwashing car rien n'empêcherait l'émetteur de d'arrêter le reporting périodique ou la vérification par un tiers à tout moment74.

$2. L'exemple de ces dérives illustré par le greenwashing

Les problèmes que nous avons relevés s'illustrent notamment par la pratique dénommée « greenwashing ».

Le « Greenwashing » ou l'écoblanchiment peut être défini comme « la pratique consistant à commercialiser comme respectueux de l'environnement un produit financier qui en réalité, ne satisfait pas à des normes environnementales de base, afin d'obtenir un avantage concurrentiel indu75».

Dans rapport publié en 2017, l'OCDE rappelle ce risque et requiert une plus grande transparence pour l'éviter. WWF fait également état de la réalité du greenwashing76.

Les obligations vertes certifiées ne représentent qu'une petite part des obligations vertes émises 77 . « Dans le cas de la Chine, seulement 10 % des obligations vertes vendues l'an dernier ont fait l'objet d'une vérification indépendante de l'utilisation du produit78

73 AMF, Recommandation Responsabilité sociale, sociétale et environnementale - DOC-2016-13, p°4

74 AMF and AFM, Position Paper, «Green bond Prospectus», avril 2019

75Proposition de règlement du parlement européen et du conseil sur l'établissement d'un cadre pour favoriser les investissements durables, COM/2018/353 final, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52018PC0353

76

WWF, Rapport « Les obligations vertes doivent tenir leurs promesses ! », p°8, 2016 https://

www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2017-07/160610 rapport les obligations vertes.pdf

77ATTAC, La «finance verte» est-elle vraiment verte ? » Décembre 2017, https://france.attac.org/ IMG/pdf/rapportfinancevertevf.pdf?pk campaign=Infolettre-1183&pk kwd=france-attac-org-img-pdf

78 MILHENCH Claire, REUTERS, «Emerging climate bonds boom, but are they really green?» 18 aout 2017 https://www.reuters.com/article/us-emerging-bonds-green/emerging-climate-bonds-boom-but-are-they-really-green-idUSKCN1AY1F4

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L'émission obligataire de la Chine fût par ailleurs critiquée car elle autorisait le financement de centrales électriques au charbon, même si les nouvelles installations sont plus propres que les précédentes. La perception de ce qui est vert diffère79. De telles disparités peuvent étouffer les flux transfrontaliers de capitaux verts.

Même lorsque les obligations sont certifiées, le doute peut subsister. En témoigne en 2012 le label ISR de Novethic fustigé après un reportage révélant la présence de compagnies pétrolières au sein de fonds labellisés ISR80.

Les dénonciations opérées par les associations mettent également en lumière la véracité de cette pratique. Comme on a déjà pu le citer, le « prix Pinocchio » a pour but de dénoncer les impacts négatifs des entreprises multinationales, notamment celles qui pratiquent le Greenwashing81. Par exemple, l'émission obligataire lancée par GDF Suez de 2,5 milliards d'euros a été vivement critiquée car des soupçons portent sur l'utilisation des fonds levés qui auraient servis à financer des barrages en Amazonie ayant des conséquences désastreuses pour les populations et les écosystèmes locaux82. Les critiques portent notamment sur les critères d'éligibilité que GDF Suez a mis au point en collaboration avec l'agence de notation sociale Vigeo, lesquels couvrent cinq domaines formulés de manière générale et peu précise 83, l'agence de notation ne s'appuie par ailleurs que sur les informations fournies par GDF Suez et ses actionnaires84.

79 PRONINA Lyubov, «What Are Green Bonds and How `Green' Is Green?» Bloomberg Businessweek https://www.bloomberg.com/news/articles/2019-03-24/what-are-green-bonds-and-how-green-is-green-quicktake

80

81

ROUX Michel, La Finance responsable, p°115

« Qui sommes-nous? » Prix-pinocchio.org, http://www.prix-pinocchio.org/qui-sommes-nous/

82ATTAC, La «finance verte» est-elle vraiment verte ? » Décembre 2017, p°13, et, OBSERVATOIRE DES MULTINATIONALES, « Quand la finance verte détruit l'Amazonie », 12 novembre 2014, http:// multinationales.org/Quand-la-finance-verte-detruit-l-Amazonie

83 A savoir, la protection de l'environnement, la contribution au développement local et au bien-être des communautés locales, le respect des principes éthiques et d'équité envers les fournisseurs et sous-traitants, la gestion des ressources humaines et la gouvernance des projets sélectionnés.

84 VIGEO EIRIS, «Second party opinion on the sustainability of engie's green bond issued in September 2017», p°10, http://www.engie.com/wp-content/uploads/ 2017/09/20170917 engie green-bond second-opinion vf.pdf

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Ces doutes mettent en péril la crédibilité du marché obligataire vert, et les pratiques de greenwashing sont autant dénoncés par les associations environnementales que les émetteurs d'obligations vertes, soucieux de ne pas perdre la confiance des investisseurs.

Chapitre 2 : Contraindre les acteurs à respecter les engagements auxquels ils ont volontairement souscrit

Face aux risques de greenwashing, pourrait-on utiliser les outils juridiques déjà existants afin de contraindre les émetteurs à respecter les obligations auxquelles ils ont volontairement souscrit ?

Section 1 : La responsabilité pour manquement aux engagements contractuels

Serait-il envisageable d'invoquer la responsabilité pour faute, et plus précisément le non-respect de la condition pour la levée de fonds afin de sanctionner l'émetteur indélicat ?

$1. La responsabilité pour faute

La responsabilité pour faute pourrait permettre d'engager la responsabilité d'un émetteur en cas d'utilisation frauduleuse des fonds. Le préjudice serait ainsi caractérisé par la tromperie et l'abus de confiance.

En cas de tromperie intentionnelle de l'émetteur, l'escroquerie pourrait même être caractérisée si l'investisseur parvenait à prouver cette intention85.

En théorie le souscripteur pourrait intenter une action en nullité contre l'émetteur de l'émission pour vice du consentement, notamment pour absence de cause. Philippe Thomas86 relève toutefois qu'établir la preuve du vice de consentement pourrait être très difficile, tout comme la démonstration d'un préjudice.

Il ne ressort pas de la jurisprudence que ces griefs fondés sur une responsabilité pour faute aient déjà été invoqués dans le cadre d'une émission d'obligations vertes.

85

THOMAS Philippe « Nature juridique des green bonds », Revue de Droit bancaire et financier n° 6,

86

Ibid

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$2. Levée de fonds sous condition d'utilisation

La raison de s'engager des obligataires repose sur la promesse de l'émetteur d'utiliser ces fonds en faveur d'une cause climatique. Ainsi ces promesses peuvent s'analyser comme des levées de fonds sous condition d'utilisation.

Selon Philippe Thomas « en pratique, c'est parce que l'émetteur a pris ces engagements qu'il obtient les capitaux, ce qui correspond bien à une levée de fonds sous condition d'utilisation». Selon cet auteur, le consentement des investisseurs est fondé sur le caractère vert de l'émission. C'est ce caractère qui fut décisif lors de la décision d'investissement, ainsi si l'émission n'était pas verte, ils auraient investi dans d'autres titres. C'est donc une condition à l'investissement. Il évoque également le reporting spécifique auquel l'émetteur peut se conformer ou l'intervention d'auditeurs jusqu'à la maturité comme des points qui renforcent cette idée d'engagement pris par l'émetteur87.

Un rapport de WWF évoque une « promesse » verte. Selon ce rapport, « la crédibilité de ces promesses vertes est l'un des éléments les plus importants d'une obligation verte, au même titre que le degré de solvabilité de l'émetteur pour titre de créance. Les obligations vertes doivent posséder ces deux caractéristiques88».

Cette vision est partagée par d'autres auteurs qui relèvent l'importance des valeurs lors de l'investissement de la clientèle privée, de l'impact de celles-ci sur le choix entre plusieurs investissements89.

Section 2: Outils juridiques additionnels

Par ailleurs, pourrait-on envisager l'utilisation du droit de la consommation ou une

sanction administrative ?

$1. L'utilisation du droit de la consommation

Si cette promesse d'utilisation des fonds pour un projet favorable à l'environnement figure uniquement dans les documents publicitaires, ne pourrait-on pas envisager l'application

87

88

THOMAS Philippe « Nature juridique des green bonds », Revue de Droit bancaire et financier n° 6,

WWF, Rapport 2016

89 Gestion d'actifs /Table ronde, ISR : de la gestion à la distribution, les défis à venir, option finance, 1 avril 2019 - N°54 - Edition Hors-Série, p°8

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du droit de la consommation relatif aux pratiques commerciales trompeuses ? L'article L. 121-2 2° du code de la consommation dispose qu'une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur:

« Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service90

Dans ce cas, l'investisseur devra prouver que les engagements en faveur de l'environnement ne sont pas tenus. Cela n'est applicable que dans l'hypothèse où l'investisseur a la qualité de consommateur, mais également si cette promesse figure dans un document publicitaire.

La Cour de Cassation91 a confirmé la prise en considération juridique des engagements pris dans le cadre des publicités. Aux Etats-Unis cette pratique est également sanctionnée, dans un arrêt rendu par la Cour Suprême des États-Unis en 2003 opposant Nike à un militant californien, cette dernière a estimé que l'entreprise de chaussures américaine pouvait être poursuivie pour ses publicités où elle affirme que ses employés asiatiques travaillent dans de bonnes conditions alors que ces conditions de travail sont très controversées.

$2. Sanction administrative

Une sanction administrative serait-elle envisageable ? L'AMF peut-elle sanctionner sur les principes RSE ? Pour Thierry Bonneau si les émetteurs ne remplissent pas leurs obligations en matière d'information, une sanction administrative prononcée par l'AMF est envisageable92.

90

91

Article L121-2, 2°,b du Code de la Consommation

Civ. 1ère, 20 nov. 1963, Bull. civ., I, n°507, p.427

92 BONNEAU Thierry, «Réflexions sur la porosité du droit financier aux enjeux de la RSE Énergie », Environnement - Infrastructures n° 2, Février 2018, étude 4

Concernant les émissions obligataires, l'article 212-14 du règlement général de l'AMF prévoit qu'une attestation est signée par les personnes physiques ou morales qui assument la responsabilité du prospectus précisant qu'« à leur connaissance, les données de celui-ci sont conformes à la réalité et ne comportent pas d'omission de nature à en altérer la portée ».

L'article 212-7 du Règlement Général de l'AMF précise les informations que doit contenir le prospectus. Y sont comprises les informations nécessaires « pour permettre aux investisseurs d'évaluer en connaissance de cause le patrimoine, la situation financière, les résultats et les perspectives de l'émetteur (É), ainsi que les droits attachés à ces titres financiers et les conditions d'émission de ces derniers. Ces informations sont présentées sous une forme facile à analyser et à comprendre». Les objectifs environnementaux du projet ne sont pas des informations à faire obligatoirement figurer dans le prospectus. L'article 212-14 du Règlement Général de l'AMF a donc une importance moindre dans ce domaine car les émetteurs évitent, en pratique, de rendre contractuel ce type d'engagement en l'incluant dans le prospectus.

Par ailleurs si le caractère vert du projet est rédigé comme une aspiration, de manière vague, aucune responsabilité ne peut être engagée. Des engagements moraux sont en effet trop flous pour pouvoir engager la responsabilité civile93.

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93 BONNEAU Thierry, « Réflexions sur la porosité du droit financier aux enjeux de la RSE » Environnement et développement durable

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« L'épargne est disponible. Les épargnants souhaitent, dans une large majorité, soutenir la transition écologique. Il est temps que la finance se mette à l'écoute des besoins de notre société et y réponde94

Si les obligations vertes ne sont régies que par du soft law, les principes établis par celui-ci ne sont toutefois pas dénués d'impacts. Mais devrait-on aller plus loin ? Pour Alain Pellet le soft law est un « processus à finalité normative » il pose des « jalons normatifs»95.

Le changement climatique est une source de changements structurels dans l'économie et le système financier. Il relève dès lors du mandat des banques centrales et des autorités de surveillance96. Une régulation est en conséquence envisageable. La Place de paris , la

97

Banque de France98, la Banque centrale , l'OCDE , la doctrine , et d'une manière

99 100 101

générale, les différents acteurs102, appellent à une régulation. La Banque Centrale Européenne a appelé de ses voeux à définir clairement les paramètres politiques du financement vert et les risques liés au changement climatique pour les banquiers centraux et superviseurs. Elle regrette l'absence de définitions et de taxonomies communes, ainsi que de données et de

94 ZAOUATI Philippe, « Comment orienter l'épargne des ménages vers la transition écologique ? » Supplément Revue Banque n°833, juin 2019

95

PELLET Alain, « Le «bon droit» et l'ivraie - Plaidoyer pour l'ivraie (Remarques sur quelques

problèmes de méthode en droit international du développement) », Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes - Méthodes d'analyse du droit international, Pedone, Paris, 1984, p. 482.

96 NGFS Central Banks and Supervisors, « A call for action Climate change as a source of financial risk», Avril 2019, https://www.banque-france.fr/sites/default/files/media/2019/04/17/ ngfs first comprehensive report - 17042019 0.pdf

97 PLACE DE PARIS, Rapport green bonds, p°20

98 BANQUE DE France, Communiqué, « Le NGFS appelle à l'action les banques centrales, les superviseurs et toutes les parties concernées pour le verdissement du système financier », 17/04/2019, https://www.banque-france.fr/communique-de-presse/le-ngfs-appelle-laction-les-banques-centrales-les-superviseurs-et-toutes-les-parties-concernees-pour

99 European Central Bank, «Central Bankers, Supervisors and Climate-Related Risks», 17 avril 2019

100 OCDE, «Green Finance and Investment», OECDilibrary, https://www.oecd-ilibrary.org/ environment/green-finance-and-investment 24090344

101

THOMAS Philippe « Nature juridique des green bonds », Revue de Droit bancaire et financier n°

6,

102Gestion d'actifs /Table ronde, ISR : de la gestion à la distribution, les défis à venir, option finance, 1 avril 2019 - N°54 - Edition Hors Série

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mesures103. Certaines banques ont également demandé des directives plus claires aux organismes de réglementation, ou de plus amples renseignements sur les pratiques exemplaires 104.

Agir semble nécessaire, mais encore faut-il trouver comment. Autant le greenwashing est perçu comme une menace pour le marché, autant un durcissement de la règlementation l'est tout autant105.

103 European Central Bank, «Central Bankers, Supervisors and Climate-Related Risks», 17 avril 2019

104

Ibid

105 EIFR, « Obligations vertes, environnement règlementaire et point de vue du régulateur de marché », conférence du 13 septembre 2018, compte rendu, p°8

Page 32 sur 62

Partie II : Les émetteurs, de plus en plus contraints ?

Si dès l'origine ces projets se sont développés dans un environnement flexible et volontaire, nous allons analyser si ce développement pourrait connaitre un tournant plus contraignant pour les émetteurs.

Titre I : L'initiative règlementaire européenne

La principale initiative législative qu'il convient d'analyser est celle de l'Union européenne. Si elle reprend le coeur des initiatives privées, nous verrons qu'elle n'en est pas moins dénuée de tout caractère contraignant.

Chapitre 1 : La reprise des idées fondatrices

Le plan européen reprend les idées développées par les initiatives privées que nous avons précédemment étudiées.

Section 1 : L'une des mesures phare du plan d'action européen repose sur le volontariat

L'une des principales mesures du plan, à savoir un label européen pour les obligations vertes, a un fondement volontaire. Par ailleurs, la prise en considération de l'opinion des différents acteurs concernés rappelle la forte prégnance de ce principe.

$1. Une règlementation avec les acteurs

La Commission a lancé un plan d'actions « qui s'inscrit dans le soutien général à l'innovation sociale et facilitera la mise en place d'un écosystème adapté, en étroit en partenariat avec les acteurs du secteur et les Etats membres106». L'idée d'un partenariat avec les différents acteurs est prépondérante dans le plan, et la volonté de les contraindre est écartée.

Si l'on observe plus attentivement les différentes actions prévues, l'idée du volontariat est primordiale : le plan vise à mettre en place un label volontaire et une taxinomie, à « favoriser » l'investissement dans des projets durables, ou à élaborer des indicateurs de

106

Communication de la Commission, « Initiative pour l'entrepreneuriat social Construire un

écosystème pour promouvoir les entreprises sociales au coeur de l'économie et de l'innovation sociales » /* COM/2011/0682 final

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référence en matière de durabilité. On remarque la place prépondérante laissée aux acteurs par la nature même de ces mesures.

La Commission souhaite également intégrer la durabilité dans les exigences prudentielles107, clarifier les devoirs des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs et atténuer le court-termisme des marchés des capitaux108. Lorsqu'elle énonce ce type d'objectif, elle n'exclue pas les entreprises sur la décision des moyens mis en oeuvre pour y parvenir. Elle annonce par exemple procéder à des analyses et consultations afin d'évaluer la nécessité d'imposer certaines obligations aux entreprises ou sur la nécessité de clarifier certaines règles. Une logique de discussion prévaut donc entre les régulateurs et les différents acteurs. La première étape de l'élaboration du label européen sera mise en oeuvre par un groupe d'experts techniques, qui se fondera sur les résultats d'une consultation publique et les « meilleures pratiques » constatées109. Pour l'élaboration du règlement délégué MiFID II concernant l'intégration des préférences des investisseurs en matière de protection de l'environnement110, de nombreuses consultations ont été menées.

$2. Le label : un choix laissé aux émetteurs

Comme nous avons pu le voir succinctement, la Commission a indiqué vouloir mettre en place un « système volontaire de labellisation à l'échelle de l'UE111». Le projet consiste à établir un label volontaire, fondé sur les meilleurs pratiques ainsi que l'avis d'un groupe d'experts techniques112.

107 Ibid, p°11

108 ibid, p°13

109 ibid, p°6

110 Draft Commission delegated regulation (EU) amending Delegated Regulation (EU) 2017/565 as regards the integration of Environmental, Social and Governance (ESG) considerations and preferences into the investment advice and portfolio management

111

Communication de la Commission, « Initiative pour l'entrepreneuriat social Construire un

écosystème pour promouvoir les entreprises sociales au coeur de l'économie et de l'innovation sociales », p°6

112 ibid, p°6

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Le choix de mettre en place un label est révélateur de cette volonté de laisser une grande liberté aux émetteurs, et leur laisser la possibilité de se soumettre aux exigences que celui-ci requiert.

La mise en place d'un système de labellisation est fondée sur la volonté des acteurs de se positionner et se distinguer les uns par rapport aux autres dans un champ concurrentiel donné. Cela permet au législateur de les diriger, de manière souple, vers des comportements qu'il considère comme favorables à l'environnement, sans les contraindre.

La mise en place d'un label permet donc d'encourager les acteurs à agir dans un sens déterminé. Pour les obligations vertes, cela inciterait les émetteurs à se conformer aux normes européennes dans ce domaine. Mais cela peut également donner envie aux acteurs qui n'en émettent pas à bénéficier de l'aura d'un tel label.

Ainsi les émetteurs ne sont pas obligés de respecter toutes les obligations mises en oeuvre pour favoriser la protection de l'environnement, ils choisissent ou non de s'y soumettre. La seule différence avec les initiatives privées semble donc reposer sur l'uniformisation des conditions existantes, la clarté et la sécurité qu'un label européen offrirait aux investisseurs.

Section 2 : L'amélioration de la transparence de l'information au coeur du projet

Une autre mesure phare du plan, si ce n'est la mesure phare, concerne l'amélioration de la transparence. Au coeur des marchés financiers, cet objectif découle également des initiatives privées étudiées.

$1. La transparence, un objectif central

Déjà en 1977 la Commission faisait état de l'importance de l'information sur les marchés. Dans le code de conduite européen élaboré cette année-là, le second principe vise l'information complète et correcte des épargnants, car l'ignorance est toujours une source

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d'imperfections dans un marché, quel qu'il soit113. Dans le plan d'action pour la finance durable, la Commission rappelle l'importance de cette transparence114.

Dès lors, c'est tout naturellement que l'action n°1 du plan vise à établir un système européen de classification unifié des activités durables qui sera intégré dans la législation européenne. La Commission précise par ailleurs qu'« à ce stade, il s'agit de la mesure la plus importante et la plus urgente prévue dans le plan d'action115».

Etablir cette taxinomie vise à protéger l'intégrité et la fiabilité du marché des obligations vertes et à la rendre plus accessible et compréhensible pour les investisseurs. Elle constitue une base pour l'élaboration d'un label fiable116. Du point de vue de l'Union Européenne, définir une norme permettrait de renforcer la crédibilité des obligations vertes et permettre au marché européen d'arriver à maturité117. Mettre en place un système de classification unifié favorisera une plus grande sécurité juridique.

$2. Le projet de taxinomie

C'est dans la lignée de cet objectif de transparence que la Commission propose d'élaborer une taxinomie pour les projets qualifiés comme « verts ». La Commission propose de procéder par étapes, du fait de la complexité de la tache mais également de l'évolution des objectifs des politiques de l'Union Européenne, du marché, de l'environnement et des technologies118. Il est ainsi prévu qu'un groupe technique d'expert publie sur la base d'une consultation de toutes les parties prenantes, un rapport proposant une première taxinomie.

113 Recommandation de la commission du 25 juillet 1977 portant sur un code de conduite européen concernant les transactions relatives aux valeurs mobilières, exposé des motifs

114

Communication de la Commission, « Initiative pour l'entrepreneuriat social Construire un

écosystème pour promouvoir les entreprises sociales au coeur de l'économie et de l'innovation sociales », p°4

115

116

117

Ibid, p°4

Ibid, p°5

COMMISSION EUROPENNE, « Obligations vertes », 28.02.2019 https://ec.europa.eu/newsroom/

fisma/item-detail.cfm?

item id=645336&utm source=fisma newsroom&utm medium=Website&utm campaign=fisma&utm content=Green%20bonds%20&lang=fr

118

Communication de la Commission, « Initiative pour l'entrepreneuriat social Construire un écosystème pour promouvoir les entreprises sociales au coeur de l'économie et de l'innovation sociales », p°5

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L'objectif étant « d'intégrer la future taxinomie européenne dans le droit de l'UE 119». La Commission souhaite recenser les activités qui peuvent être qualifiées comme durables en procédant étape par étape. Cela permettra aux investisseurs de savoir exactement quelles activités sont considérées comme durables et ainsi, de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause. L'une des membres du comité d'expert pour l'élaboration de cette taxinomie évoque que l'objectif est « de fournir des mesures communes fondées sur une base scientifique robuste et de fixer ensuite des règles ad hoc120». Selon le rapport HLEG121, cette taxinomie ne devrait pas être un standard, ni une liste obligatoire dans laquelle investir, mais un système de classification. En effet, un standard nécessiterait un système de seuils, de rapports, de gestion et de surveillance. L'objectif de cette taxinomie serait plutôt une utilisation par les organismes de normalisation de celle-ci afin d'éclairer leurs normes respectives122.

L'objectif du HLEG serait par ailleurs que cette taxinomie fournisse un cadre suffisamment neutre pouvant s'appliquer à une variété d'instruments financiers, y compris, mais sans s'y limiter, le financement de projets, les obligations et les actions123. Elle ne comprendra que des activités vertes mais ne prétendra pas être exhaustive même si des mises à jour régulières seront effectuées. Ainsi des activités n'y figurant pas ne devront pas être systématiquement considérées comme polluantes.

De plus, la taxinomie inclura des activités de secteurs ayant un impact négatif sur l'environnement dans la mesure où celles-ci réduisent de manière significative leurs impacts. L'objectif de la taxonomie étant de favoriser la transition vers des modes de fonctionnement plus favorables à l'environnement, et pas uniquement des activités déjà reconnues comme

119 Ibid, p°5

120 VINES FIESTAS Helena, «Un effort à court terme pour un grand bénéfice à long terme », Supplément Revue Banque au n°833, juin 2019

121 High-Level Expert Group on Sustainable Finance

122 HLEG « Financing a Sustainable European Economy, p°17 Final Report, 2018

123 Ibid

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telles, cela fait sens d'y inclure des secteurs qui améliorent leurs pratiques124. On retrouve ici la même idée qui avait était développée par les initiatives privées (Green Bond Principles).

Cette taxinomie apparait toutefois comme un premier jalon, on peut en effet lire dans le projet de règlement que :

« La définition d'exigences juridiques uniformes pour considérer un investissement comme durable sur le plan environnemental, sur la base de critères de durabilité environnementale des activités économiques eux aussi uniformes, est nécessaire pour servir de référence à la future législation de l'Union visant à permettre ces investissements 125

Un rapport intermédiaire a déjà été publié concernant les délibérations avec la désignation des premières activités prises en compte. Un rapport final sera publié fin juin, suivi d'une consultation officielle pour un travail achevé fin 2019126.

Chapitre 2 : Le projet de règlement européen : vers une ingérence ?

Toutefois, au-delà de ces mesures n'y aurait-il pas davantage de contraintes pour les émetteurs ? Le législateur européen n'irait-il pas trop loin ?

Section 1 : Le label européen, une fausse liberté ?

Le label, d'application certes volontaire va toutefois entrainer une réduction de la marge de liberté dont disposaient autrefois les émetteurs.

$1 : Les émetteurs, contraints de respecter le label européen pour émettre des obligations vertes

Précisons au préalable que le champ d'application de la proposition de règlement est large puisqu'il comprend les entreprises d'investissement, les entreprises et intermédiaires d'assurance ainsi que les acteurs des marchés financiers qui fournissent des conseils en

124 LA FRANÇAISE, « Stratégies & durabilité », Newsletter n°2, 11/03/19 https://www.la-francaise.com/fileadmin/docs/Publications/StrategieEtDurabilite032019.pdf

125 Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL sur l'établissement d'un cadre pour favoriser les investissements durables, COM/2018/353, considérant 13

126 VINES FIESTAS Helena, «Un effort à court terme pour un grand bénéfice à long terme », Supplément Revue Banque au n°833, juin 2019

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investissement127. Tous ces acteurs voient s'ajouter à leurs obligations de transparence les informations extra-financières portant sur l'environnement.

L'article 4 du projet de règlement « Application des critères de durabilité environnementale des activités économiques » prévoit que:

« Les États membres appliquent les critères de détermination des activités économiques durables sur le plan environnemental énoncés à l'article 3 aux fins de toute mesure imposant aux acteurs des marchés des exigences relatives à des produits financiers ou à des obligations d'entreprises qui sont commercialisés comme étant « durables sur le plan environnemental ». »

Cela aboutira à ne plus pouvoir commercialiser et émettre sous l'appellation « obligation verte » une obligation qui ne respecterait pas les critères établis à l'article 3 du règlement.

A la lecture de l'article 3, une activité économique est durable sur le plan environnemental si elle respecte tous les critères suivants :

(a) Elle contribue substantiellement à un ou plusieurs des objectifs environnementaux (à savoir l'atténuation du changement climatique, l'adaptation au changement climatique, l'utilisation durable et la protection des ressources hydrologiques et marines, la transition vers une économie circulaire et la prévention et le recyclage des déchets, la prévention et le contrôle de la pollution et la protection des écosystèmes sains).

(b) Elle ne cause de préjudice significatif128 à aucun des objectifs environnementaux énumérés.

(c) Elle est exercée dans le respect de garanties minimales. C'est-à-dire dans le respect des procédures que l'entreprise met en oeuvre pour faire en sorte que soient respectés les principes et les droits fixés par les huit conventions fondamentales citées dans la déclaration de

127 Proposal for a regulation of the European parliament and of the council on disclosures relating to sustainable investments and sustainability risks and amending Directive (EU) 2016/2341, article 1

128 ibid, article 12

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l'Organisation internationale du travail relative aux principes et droits fondamentaux au

travail129.

(d) Elle est conforme aux critères d'examen technique définis par la Commission.

Ainsi la marge de manoeuvre des émetteurs va être réduite, la taxinomie élaborée par l'Union Européenne permettra une connaissance précise des activités acceptées comme favorables à l'environnement ou non. Chaque objectif est précisément défini dans le projet de règlement, laissant peu de place une marge de manoeuvre des émetteurs, et permettant une clarté sans équivoque pour les investisseurs.

Par ailleurs, le rapport HLEG a établi une comparaison entre les Green Bond Principles et le futur label européen130. Il en ressort un suivi plus prononcé du côté européen avec des éléments obligatoires alors que les Green Bond Principles ne faisaient que les recommander. Par exemple, la divulgation de la proportion du produit utilisée pour le refinancement, le suivi de l'impact et l'établissement de rapports, certaines exigences en matière d'examen externe et la publication de cet examen sont obligatoires sous le label européen alors qu'ils n'étaient que recommandés par les Green Bond Principles.

$2 : Des propositions de modification réduisant la marge de liberté des émetteurs L'article premier du projet de règlement européen prévoit que :

« 1. Le présent règlement définit les critères permettant de déterminer si une activité économique est durable sur le plan environnemental, aux fins d'établir le degré de durabilité environnementale d'un investissement.

2. Le présent règlement s'applique :

(a) aux mesures adoptées par les États membres ou par l'Union et qui imposent des exigences aux acteurs du marché en ce qui concerne les produits financiers ou obligations d'entreprises qui sont commercialisés comme durables sur le plan environnemental ;

129 à savoir: le droit de ne pas être soumis au travail forcé, la liberté d'association, le droit des travailleurs de s'organiser, le droit de négociation collective, l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale, la nondiscrimination, en termes de chances et de traitement, en matière d'emploi et de profession, ainsi que le droit des enfants à ne pas être astreints au travail des enfants.

130 HLEG « Financing a Sustainable European Economy, p°32 Final Report, 2018

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(b) aux acteurs des marchés financiers qui proposent des produits financiers comme étant des investissements durables sur le plan environnemental ou comme étant des investissements aux caractéristiques similaires131

Lors de la première lecture, a été proposé132 d'exclure du champ du règlement les acteurs déclarant expressément que leur produit ne poursuit pas des objectifs en faveur de l'environnement dans leur prospectus. Or entre annoncer qu'une obligation ne poursuit pas un tel objectif et ne rien dire, l'impact est différent. L'un des amendements133 proposait par ailleurs d'ajouter un article permettant de poser des critères afin de déterminer les activités économiques ayant un impact négatif significatif sur l'environnement. Mais cet amendement a été rejeté.

L'amendement n°39 va plus loin en prévoyant un contrôle des informations données par les états membres et les autorités européennes de surveillance, avec une obligation de correction des informations communiquées par l'acteur si celles-ci ne sont pas approuvées par l'état membre134. Également via l'inclusion d'un nouvel article 4a, est prévu un véritable contrôle du marché135. A ce titre on peut remarquer l'indication donnée dans l'amendement n°2088 à la loi PACTE :

« De même, dans un souci de protection des épargnants et des investisseurs et notamment en vue d'une harmonisation des labels de fonds verts envisagée dans le cadre du plan d'actions de la Commission européenne, une réflexion pourrait être menée sur le rôle de l'AMF dans la régulation et le contrôle des véritables labels « verts ».»

Ainsi la surveillance du marché des produits financiers qui sont commercialisés, distribués, ou vendus dans l'Union, est accrue via les amendements. Finalement, le texte tel

131 Proposition de règlement du parlement européen et du conseil sur l'établissement d'un cadre pour favoriser les investissements durables, COM/2018/353

132 Amendments 35, 55, 59, 87 and 96 http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/ TA-8-2019-0325 EN.html?redirect

133

134

135

Ibid, amendement 38 Ibid, amendement 39 Ibid, amendement 40

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qu'adopté par le parlement va plus loin que la proposition de la Commission136. En effet, l'Autorité européenne de surveillance compétente peut, en cas de violation du règlement, interdire ou restreindre temporairement dans l'Union la commercialisation, la distribution ou la vente des produits financiers. Aussi, le parlement européen a exclu l'énergie nucléaire (ainsi que les combustibles fossiles et l'infrastructure gazière) de sa classification des actifs durables. La volonté d'aller plus loin des parlementaires est aisément perceptible.

Section 2 : Des obligations indirectes favorisant l'investissement vert

Le plan d'action prévoit également des mesures, indirectement liées aux obligations vertes, mais ayant pour effet de les favoriser. Cela, en contraignant d'autres acteurs que les émetteurs.

$1. Intégration d'obligations pour le conseil financier

Le rapport HLEG préconisait la prise en compte des préférences environnementales dans l'investissement. Le rapport indique que la directive MiFID II exige déjà des conseillers qu'ils proposent des produits adaptés aux besoins de leurs clients, mais qu'il est difficile de voir comment cette exigence peut être satisfaite si les conseillers ne sont pas tenus de s'enquérir des préférences d'investissement de leurs clients en ce qui concerne les impacts sur l'environnement. C'est pourquoi, il énonçait utile qu'une révision de l'acte délégué de la directive MiFID II intègre explicitement les préférences des investisseurs concernant l'impact sur l'environnement dans les exigences d'adéquation associées aux conseils financiers137. Cette préconisation fut reprise dans le plan d'Action138. La Commission précise que :

« Toutes les entités financières qui gèrent des investissements pour le compte de leurs clients ou bénéficiaires devront désormais les informer de l'impact de leurs activités

136 LEGISLATIVE OBSERVATORY, Text adopted by Parliament, 1st reading/single reading, 2018/0178(COD), 28/03/2019 https://oeil.secure.europarl.europa.eu/oeil/popups/summary.do? id=1580252&t=e&l=en

137

138

HLEG « Financing a Sustainable European Economy, p°28 Final Report, 2018

Communication de la Commission, « Initiative pour l'entrepreneuriat social Construire un écosystème pour promouvoir les entreprises sociales au coeur de l'économie et de l'innovation sociales », p°7

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sur l'environnement. Ce faisant, ces règles donneront plus de choix aux investisseurs qui souhaitent investir dans l'avenir de la planète tout en obtenant un rendement139

Le 4 janvier 2019, un projet de règlement délégué140 a ainsi été publié afin de mettre en application cet objectif. L'article 1er de ce règlement vise à préciser que les entreprises d'investissement fournissant des conseils financiers et des services de gestion de portefeuille doivent procéder à une évaluation obligatoire des préférences ESG de leurs clients dans un questionnaire qui leur est adressé. Ces entreprises d'investissement devraient alors tenir compte de ces préférences ESG dans le processus de sélection des produits financiers proposés. En outre, l'article 1er exige des entreprises d'investissement qu'elles établissent un rapport à l'intention du client expliquant comment la recommandation qu'elles lui adressent répond à ses objectifs d'investissement, à son profil de risque, à sa capacité à supporter des pertes et à ses préférences ESG (divulgation des informations ex post)141.

$2. Obligations des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs en matière de durabilité

La Commission rappelle dans le plan d'actions que plusieurs instruments législatifs de l'Union Européenne imposent aux investisseurs institutionnels et aux gestionnaires d'actifs d'agir dans l'intérêt supérieur de leurs investisseurs et/ou bénéficiaires finaux. C'est notamment le cas des directives MiFID II, OPCVM et AIFMD. Cependant, la Commission relève que les règles actuelles de l'Union sur le devoir des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs, de prendre en compte les facteurs et risques de durabilité dans leurs décisions d'investissement ne sont pas suffisamment claires ni cohérentes, d'un secteur à l'autre. Elle relève également que les facteurs de risque et de durabilité ne sont pas suffisamment pris en considération dans le processus d'investissement, privant les

139 COMMISSION EUROPEENE, Press release «Sustainable finance: Making the financial sector a powerful actor in fighting climate change», 24 Mai 2018 http://europa.eu/rapid/press-release IP-18-3729 en.htm?locale=FR

140 Amending Delegated Regulation (EU) 2017/565 as regards the integration of Environmental, Social and Governance (ESG) considerations and preferences into the investment advice and portfolio management

141 Commission Delegated Regulation (EU) É/É of XXX amending Delegated Regulation (EU) 2017/565 as regards the integration of Environmental, Social and Governance (ESG) considerations and preferences into the investment advice and portfolio management, p°5

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investisseurs de ce type d'information. L'action n1/4 7 du plan d'action vise ainsi à « clarifier les devoirs des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d'actifs ».

En fonction des résultats de l'analyse d'impact, la Commission présentera une proposition législative dans le but de remplir cet objectif. Cette proposition visera dans un premier temps à exiger explicitement des investisseurs institutionnels et gestionnaires d'actifs qu'ils intègrent la durabilité dans leurs décisions d'investissement. Et dans un second temps, à accroître la transparence à l'égard des investisseurs finaux sur la manière dont ces prestataires intègrent les facteurs de durabilité dans leurs décisions d'investissement, notamment en ce qui concerne leur exposition aux risques en matière de durabilité.

La France a déjà anticipé ces modifications dans la loi relative à la croissance des entreprises. Un amendement de l'article 23 de la loi PACTE avait été adopté, prévoyant l'ajout de ces deux alinéas :

« 26° Le premier alinéa de l'article L. 621-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : [L'AMF] veille à la qualité de l'information fournie par les investisseurs sur leur stratégie bas carbone et de gestion des risques liés aux effets du changement climatique, notamment en évaluant et proposant des méthodologies uniformes liées au climat142. »

L'objectif de cette modification est de préciser les fonctions de veille et de pilotage de l'AMF en matière d'évaluation de la stratégie bas-carbone des investisseurs et des risques liés aux effets du changement climatique. Ceci dans la continuité de ses missions traditionnelles auprès des investisseurs et des acteurs financiers. Également, en anticipation de la transposition de la règlementation européenne.

Cette modification de l'article L. 621-1 du Code monétaire et financier permet de

formaliser

« La compétence de l'AMF dans la prise en compte du risque climat dans les décisions financières en lui permettant d'évaluer et de proposer, en tant que régulateur, selon les normes et standards internationaux (normes ISO, Rapport de la TCFD) des méthodologies uniformes

142

Amendement n 2088 loi PACTE

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de prise en compte des critères climat par les investisseurs dans leurs décisions

d'investissement143

Il s'agit donc d'octroyer un pouvoir beaucoup plus large à l'AMF, elle pourra ainsi évaluer les méthodologies utilisées par les différents acteurs.

À la suite des diverses modifications, cet ajout figure à l'article 77 de la loi PACTE, « Le premier alinéa de l'article L. 621-1 est complété par une phrase ainsi rédigée concernant l'AMF : « Elle veille à la qualité de l'information fournie par les sociétés de gestion pour la gestion de placements collectifs sur leur stratégie d'investissement et leur gestion des risques liés aux effets du changement climatique». On comprend que le champ a été réduit, passant des « investisseurs » aux sociétés de gestion de placements collectifs. La précision relative à l'évaluation et la proposition de méthodologies uniformes liées au climat a également disparu du texte final.

Titre II : La réception du projet européen

Ce projet, entre vigilance est ingérence est perçu différemment par les acteurs. Certains se positionnant contre, du fait de l'augmentation des contraintes, d'autres au contraire, souhaitent aller plus loin.

Chapitre 1 : Les critiques

L'utilité d'une action législative est certaine, toutefois celle-ci peut être perçue comme une ingérence pour certains acteurs.

Section 1 : Une initiative saluée, mais insuffisante ?

Le projet semble répondre aux principaux problèmes soulevés par les obligations vertes. Toutefois, pour être efficace, l'action semblerait devoir être internationale.

$1. Un projet permettant de pallier les problèmes posés par les obligations vertes

Le considérant 9 de la proposition de règlement sur l'établissement d'un cadre pour favoriser les investissements durables indique que, du fait des accords de Paris ainsi que des engagements pris au niveau européen, les états membres seront de plus en plus nombreux à souhaiter mettre en place des labels ou des mesures contraignants les acteurs pour qu'ils se

143 Ibid

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conforment aux nouvelles exigences environnementales. Or si chaque état met en place sa propre taxinomie pour déterminer ce qui est durable et ce qui ne l'est pas, l'absence de critère uniforme rendrait la comparaison des offres entre les différents états membres plus complexe, et en plus d'alourdir les couts, pourrait décourager les investisseurs à investir dans d'autres États membres que le leur144. Ceci illustre l'un des problèmes que la proposition de règlement vise à résoudre. Et cette uniformisation est très bien accueillie par les différents acteurs, à la suite de la consultation sur le rapport, 80% des participants se sont déclarés en faveur d'un standard européen volontaire concernant les Green bonds. Les réponses au questionnaire détaillé sont globalement favorables au travail effectué145.

L'AMAFI s'est déclarée très favorable à la création d'une taxonomie européenne pour promouvoir les activités et pratiques durables. Elle estime que cette taxinomie est primordiale pour faciliter la transition climatique, car elle permettra aux investisseurs d'obtenir plus de certitude quant au caractère vert de leurs investissements et éviter l'écoblanchiment. L'AMAFI précise toutefois que le cadre réglementaire doit rester suffisamment souple pour inclure les innovations futures. Dans sa position, elle s'est également déclarée très favorable à la proposition de l'Autorité Européenne des Marchés Financiers d'une approche fondée sur des principes pour l'intégration des facteurs ESG dans les processus de gouvernance des produits et de conseil en investissement.

$2. Une incitation qui doit être suivie

Cette initiative européenne est primordiale, mais à l'échelle mondiale elle ne sera pas suffisante. Comme le soulignait la Commission, « L'UE, cependant, n'y arrivera pas seule. Il est indispensable de coordonner les efforts au niveau mondial146» ainsi la Commission « en appelle également aux autres acteurs, y compris les États membres, les responsables de la surveillance, le secteur privé et les grands pays hors UE, pour qu'ils prennent des mesures

144 Proposition de règlement du parlement européen et du conseil sur l'établissement d'un cadre pour favoriser les investissements durables, considérant 9

145 COMMISSION EUROPEENNE, Invitation for feedback on the TEG preliminary recommendations for an EU green bond standard, 6 mars 2019, https://ec.europa.eu/info/publications/190306-sustainable-finance-interim-teg-report-green-bond-standard fr

146

Communication de la Commission, « Initiative pour l'entrepreneuriat social Construire un

écosystème pour promouvoir les entreprises sociales au coeur de l'économie et de l'innovation sociales »

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concluantes qui encourageront et orienteront les transformations dans leurs domaines respectifs147».

Le projet européen est un pas vers la lutte contre le réchauffement climatique, il intègre la finance dans ce combat, mais doit, pour être efficace se propager à un niveau international. Si l'on prend par exemple en considération la proposition de label, avec l'interdiction de nommer une obligation verte en tant que telle sans respecter les normes européennes, les obligations vertes européennes pourraient se retrouver face à des obligations vertes étrangères qui ne respectent pas les mêmes obligations mais qui portent la même dénomination. L'ONU avait par ailleurs relevé que l'une des limites au développement des green bonds est notamment l'absence d'un standard international, d'un « langage commun148». Toutefois, on peut également considérer que les obligations européennes seront réputées de meilleure qualité, ou du moins seront moins soumises à une défiance des investisseurs, ce qui pourrait permettre à l'Europe de s'imposer comme pionnier dans ce domaine. Proposer un label optionnel peut en effet permettre à l'Europe de proposer une réglementation constituant un avantage compétitif, et non une contrainte.

Notons toutefois l'effort de l'Union européenne pour inciter les autres acteurs internationaux à suivre son sillage. La Commission européenne a organisé une conférence pour présenter ses travaux et y a invité les représentants d'autres pays. Ainsi des représentants de la Banque d'Angleterre et la Banque Centrale de hollande étaient présents149. L'Europe souhaite faire figure de précurseur mais est suivie de près par l'Asie. N'oublions pas que le marché Chinois est d'ors et déjà régulé. Chaque émetteur devant en amont de son émission, la faire valider par un régulateur sectoriel. Même si ce système semble assez flou pour les investisseurs du fait que chaque régulateur sectoriel définit son propre catalogue d'activités vertes 150 .

147

Communication de la Commission, « Initiative pour l'entrepreneuriat social Construire un

écosystème pour promouvoir les entreprises sociales au coeur de l'économie et de l'innovation sociales », p°15

148 UNO environment, Shifting Gears, the FC4S 2019 State of Play Report, p°9

149 VINES FIESTAS Helena, «Un effort à court terme pour un grand bénéfice à long terme », Supplément Revue Banque au n°833, juin 2019

150 CREHALET Erwan, « La dynamique du marché reste très dépendante des nouveaux émetteurs », Supplément n°833 Revue Banque, juin 2019

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On peut relever que pour certain, le projet de règlement manque d'ambition. Ils regrettent le rejet de l'amendement sur les énergies « marrons » car la classification permise par l'Union Européenne ne permettra de révéler que les activités économiques positives sans savoir dans quelle mesure certaines activités sont nuisibles.

Section 2 : Quelques ombres persistantes

Qu'ils soient internes ou externes, des problèmes persistent.

$1. Les critiques intrinsèques au projet

Certains acteurs se positionnent contre le projet européen. Selon Novethic, certains lobbies, ne souhaitent pas voir une telle classification apparaître151. A également été évoqué par le conseiller politique principal « pour une finance verte, durable et responsable » à la Commission européenne qu'« À l'issue de la publication du plan d'actions de la Commission européenne sur la finance durable, les oppositions des acteurs de l'industrie se sont manifestées avec force152».

L'AMAFI « tient à souligner qu'il est important d'éviter d'être trop prescriptif sur un sujet aussi tourné vers l'avenir étant donné que l'industrie n'a pas encore atteint sa maturité sur les questions ESG153». Elle préconise dès lors des délais d'application suffisants (18 mois au moins) afin que les entreprises puissent mettre en oeuvre ces nouvelles pratiques. Elle recommande également une souplesse suffisante dans la détermination des critères ESG154. La proposition de règlement sur l'établissement d'un cadre pour favoriser les investissements durables précise dans le considérant 34 que :

151

HUSSON-TRAORE Anne-Catherine, « L'Europe peut-elle devenir le phare de la finance durable

mondiale? », 25 mars 2019, Novethic, https://www.novethic.fr/actualite/finance-durable/isr-rse/l-europe-peut-elle-devenir-le-phare-de-la-finance-durable-mondiale-147068.html

152 EDME Robin, « Finance durable, finance verte : quels enjeux pour l'économie? » - synthèse de la séance du 18 octobre 2018

153 Texte original: «Nevertheless, the Association would like to underline it is important to avoid being over-prescriptive on such a forward-looking topic given the industry has not yet reached maturity on ESG issues.»

154 AMAFI, «AMAFI position paper EU sustainable finance policies: enabling the ecological transition of EU economies and societies», 1er avril 2019

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Pour que les acteurs concernés aient suffisamment de temps pour se familiariser avec les critères d'identification des activités économiques durables sur le plan environnemental définis dans le présent règlement et pour se préparer à les appliquer, les obligations prévues dans le présent règlement devraient commencer à s'appliquer, pour chaque objectif environnemental, six mois après l'adoption des critères d'examen technique concernés 155.

$2. Des problèmes extrinsèques au projet

On a ainsi pu comprendre la difficulté d'encadrer un tel engagement. Mais on peut également remarquer que le développement de l'émission d'obligations vertes devra faire face à d'autres difficultés.

Dans un premier temps, pour financer un projet « vert » le projet doit exister. Et là réside le principal problème. Les projets « verts » sont finalement moins nombreux que la demande d'investissement. Il y a donc un déficit où d'une part, les financeurs pointent une insuffisance du flux de projets (« pipeline ») suffisamment rentables, et de l'autre par les porteurs de projets identifient une insuffisance de financements abordables ou adaptés156. Pour développer les obligations vertes, les projets devront donc tout autant s'amplifier. Or l'émission obligataire est destinée à des acteurs disposant de fonds suffisants, cela ne permet pas aux petites et moyennes entreprises d'y participer, ce qui limite d'autant plus les projets.

Par ailleurs dans l'un de ses rapports ATTAC pose une question intéressante : « la transition énergétique, et plus largement écologique, qui nécessite des investissements appropriés et très localisés, est-elle vraiment compatible avec un tel processus de standardisation157 ? »

155 Proposition de règlement du parlement européen et du conseil sur l'établissement d'un cadre pour favoriser les investissements durables, considérant 34

156 CANFIN Pascal et ZAOUATI Philippe, Rapport « Pour la création de France transition »

157

ATTAC, La «finance verte» est-elle vraiment verte ? », p°23

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Chapitre 2 : La France souhaite aller plus loin

La France a fait part de sa volonté de développer ce marché, forte d'acteurs en faveur de ce développement et d'un cadre juridique propice à celui-ci.

Section 1 : La finance durable figure parmi les objectifs de la Place de Paris

Autant les différents acteurs, que le régulateur, ont manifestés leur volonté de développer la finance durable sur la Place de Paris.

$1. Une volonté des acteurs de la Place de Paris

Les différents acteurs français souhaitent faire de la Place de Paris un précurseur dans le domaine de la finance durable, la marque « Finance for tomorrow » a été lancée afin de porter cette ambition. La Caisse des dépôts s'est fixé une feuille de route « 2 degrés » dans la gestion de ses actifs financiers158. Le label TEEC a été créé afin de « porter l'excellence écologique française au plan européen159».

Les acteurs privés partagent cette volonté. Le Luxembourg est la première place de cotation des obligations vertes160, mais les banques françaises sont parmi les premières en termes de placements avec un quart des opérations et les entreprises et institutions françaises représentent 25 % du total des émissions d'obligations vertes161. Si la France a souhaité lancer la première obligation verte souveraine162, elle s'est fait devancer par la Pologne mais a toutefois tenu sa promesse. Ainsi, l'agence France Trésor a levé 7 milliards d'euros à travers l'émission d'obligations vertes. Trois grands objectifs étaient énoncés lorsque la France a affirmé sa volonté d'émettre le premier green bond étatique. Premièrement, favoriser le

158 CANFIN Pascal, LEMAS Pierre-René, MESTRALLET Gérard et ZAOUATI Philippe, « Paris, une place majeure dans le domaine de la finance verte », 15 juin 2016 https://www.lemonde.fr/idees/ article/2016/06/16/paris-une-place-majeure-dans-le-domaine-de-la-finance-verte_4951754_3232.html

159MINISTERE DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE ET SOLIDAIRE, « Le label transition énergétique et écologique pour le climat », 7 mai 2019, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/label-transition-energetique-et-ecologique-climat

160 BEI, « 10ème anniversaire des « émissions vertes » célébré au Luxembourg » 5 juillet 2017, https://www.eib.org/fr/press/all/2017-184-10eme-anniversaire-des-emissions-vertes-celebre-au-luxembourg

161

ATTAC, La «finance verte» est-elle vraiment verte ? », p°10

162 http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/21352.pdf Communiqué de presse Paris, le 2 septembre 2016 N° 004 FINANCEMENT DE LA TRANSITION ENERGETIQUE La France confirme l'ambition d'émettre la première obligation "verte" souveraine

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développement de ce marché. Deuxièmement contribuer à la mise en oeuvre d'un meilleur cadre pour ce marché grâce à une approche innovante sur l'évaluation environnementale163 et enfin, confirmer le leadership de la place de Paris dans ce domaine. Le gouvernement annonçait que « L'État français accélère son développement pour faire de Paris l'une des places financières de référence dans le soutien à la transition écologique et énergétique164».

$2. Une volonté partagée par l'AMF

Au premier plan, l'AMF supporte cet objectif. Elle intègre ainsi progressivement la finance durable dans ses missions et activités165, elle en a fait un « axe structurant de sa vision à 5 ans166». La finance durable était l'une des huit priorités d'action de l'AMF pour 2018 .

167

Ainsi, elle a créé une unité « Stratégie et Finance durable » et a également lancé une « Task Force Finance Durable » afin de mettre en oeuvre cette politique168. Dans sa stratégie 2018 - 2022, l'autorité des marchés financiers a rappelé que le « financement de la transition climatique et l'émergence d'une finance durable constituent des enjeux d'aujourd'hui et non plus de demain ». Ses pouvoirs ont par ailleurs vocation à se renforcer, à l'occasion du dépôt d'un amendement a été annoncé qu'elle :

« Entend renforcer ses compétences techniques pour permettre une meilleure appréciation des enjeux climatiques dans les décisions financières, notamment de l'application de l'article 173 de la loi pour la transition énergétique et la croissance verte dont les méthodes d'évaluation sont encore trop souvent hétérogènes et déclaratives169».

163 Un « Conseil d'Évaluation de l'Obligation Verte », conseil scientifique et économique composé de personnalités indépendantes de réputation internationale, sera chargé d'évaluer la performance environnementale des dépenses vertes éligibles de la France.

164 ROYAL Segolène et SAPIN Michel, « La France confirme l'ambition d'émettre la première obligation "verte" souveraine » 7 septembre 2016, https://www.economie.gouv.fr/premiere-obligation-souveraine-verte

165 AMF, « Finance durable : quel rôle pour le régulateur ? », p°8, novembre 2018

166 Ibid, p°7

167 Ibid, p°3

168 Ibid, p°11

169

Amendement N°2088 loi PACTE

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C'est par ailleurs cet amendement qui a accru ses compétences en cette matière. Ses compétences ont donc vocation à être élargis. Afin de protéger davantage les épargnants « une réflexion pourrait être menée sur le rôle de l'AMF dans la régulation et le contrôle des véritables labels « verts »170».

Le 2 avril 2019, l'AMF et l'autorité des marchés financiers néerlandaise (Autoriteit Financiële Markten) ont pris position en faveur d'une plus grande transparence des obligations vertes. Les autorités prônent un schéma permettant aux investisseurs de prendre une décision éclairée, sans nuire au développement du marché. Ainsi, le prospectus d'une obligation verte devrait contenir des informations additionnelles concernant l'utilisation des fonds levés, leur gestion et la sélection des projets financés. Ces informations doivent rester suffisamment légères pour les émetteurs, mais suffisantes pour contribuer à la confiance des investisseurs. En pratique, ces autorités préconisent dès lors que l'émetteur précise s'il souhaite se conformer à des standards en matière de d'obligations vertes, rendre compte de l'utilisation des fonds levés à l'occasion de l'émission, ou encore demander une évaluation externe171.

Ainsi l'hypothèse d'établir une annexe complète au prospectus, jugée trop contraignante pour les émetteurs a été écartée or les autorités relèvent que l'absence de règle nuit au marché. Incorporer les informations au sein du prospectus semble essentiel pour ces deux autorités qui précisent qu'il est préférable pour les investisseurs d'avoir accès à toutes les informations cruciales dans un seul et même document. Cela permet de faciliter la comparaison entre plusieurs offres mais également d'identifier rapidement le degré de transparence que chaque investisseur offre. Pour Benoit de Juvigny et Julie Ansidei, « le régulateur doit contribuer à faire évoluer les pratiques et veiller à préserver les conditions de la confiance pour les investisseurs, notamment vis-à-vis des risques de greenwashing172. »

170

ibid

171AMF, « Dossiers thématiques Sociétés cotées & opérations financières : Zoom sur l'obligataire Finance durable : l'AMF et l'AFM publient une position commune sur le contenu du prospectus pour les obligations vertes », 2 avril 2019 et AMF et AFM Green bond Prospectus, Position Paper, Avril 2019

172 DE JUVIGNY Benoit et ANSIDEI Julie, « Le rôle du régulateur et les défis à relever » Suplément au n°833 Revue Banque, juin 2019

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L'AMF agit d'ores et déjà et a indiqué porter son attention sur plusieurs points. Le premier est la transparence (accessibilité et fiabilité de l'information donnée à l'émission et en cours de vie des titres). La seconde est l'information suffisante pour permettre à l'investisseur de juger de la compatibilité de l'émission avec sa stratégie d'investissement socialement responsable. En l'absence de cadre réglementaire sur ce sujet, l'AMF formule ces points au cas par cas aux émetteurs173.

Section 2 : Un cadre juridique déjà propice

En plus de cette volonté de développer le cadre dans lequel s'inscrivent les obligations vertes, la France dispose d'un écosystème et d'un cadre juridique favorable à ce développement.

$1. Un écosystème favorable

Selon la Place de Paris elle-même, celle-ci dispose d'un écosystème très favorable au développement des Green bonds, résultant de nombreuses années de recherche et de pratiques en matière d'investissement socialement responsable, et de la présence de grandes entreprises engagées de longue date dans des démarches prenant en compte les dimensions environnementales174. L'AMF a également fait état des atouts de la Place de Paris pour faire figure de pionnier dans le domaine de la finance durable175.

De plus le cadre juridique semble propice à ce développement, notamment en matière de Responsabilité Sociale et Environnementale, selon la Place de Paris, ce cadre aurait favorisé en France « une culture du reporting environnemental et sociétal176».

La progression de la France dans l'industrie des Fintechs représente également un point d'attraction pour les investisseurs internationaux souhaitant investir dans les nouveaux produits de la finance responsable177.

173 Obligations vertes, environnement règlementaire et point de vue du régulateur de marché, conférence EIFR du 13 septembre 2018, compte rendu, p°13

174 PLACE DE PARIS, Green bonds, p°18

175 AMF, « Finance durable : quel rôle pour le régulateur ? », p°7

176 PLACE DE PARIS, Green bonds, p°19

177 ROUX Michel « La finance responsable », p°19 MA editions

$2. Une règlementation favorable

La loi PACTE opère une modification de l'article 1833 du code civil. L'alinéa suivant est ajouté : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité178». Le premier alinéa de l'article L. 225-35 est également modifié en ajoutant : « conformément à son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». De nombreux articles sont ainsi modifiés afin d'inscrire dans la loi, la prise en considération des enjeux environnementaux par l'entreprise.

C'est également par l'article 173 de la Loi de transition énergétique pour l'économie verte que la France dispose d'ores et déjà d'un cadre juridique précurseur. Cet article exige que les investisseurs institutionnels, les fonds de pension et les compagnies d'assurance évaluent les risques carbone et climatiques de leurs portefeuilles d'investissements179. Pour Jean Laville « les exigences de transparence formulées par la France dans son fameux article 173 sont considérées comme les plus avancées au niveau mondial180». Développer le marché des obligations vertes permettrait aux entreprises de se conformer plus facilement à cet article.

178

179

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Article 169 de la loi PACTE

ATTAC, La «finance verte» est-elle vraiment verte ? », p°12

180 LAVILLE Jean, « Gérants d'actifs et analystes financiers: simple conversion ou nouveau paradigme? » Supplément n833, Revue Banque, juin 2019

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Ainsi d'un cadre très souple, les obligations vertes vacillent vers une réelle règlementation avec le plan d'action de la Commission et le projet de règlement. L'équilibre semble en sortir changé, mais non rompu.

Le champ de progression des obligations vertes est encore large. Par exemple, récemment a été mis en place des financements dont la rémunération est indexée aux performances sociales et environnementales de l'entreprise, et non plus d'un seul projet. Cela permet de valoriser la stratégie globale de l'entreprise et pas seulement un portefeuille. D'autres obligations spécialisées se sont développées comme les social bonds, les sustainable bonds (combinant objectifs sociaux et environnementaux) ou même un blue bond pour financer des projets basés sur la protection de l'océan.

La proposition de règlement prévoit que le réexamen de celui-ci « devrait aussi inclure une évaluation du champ d'application du règlement visant à déterminer s'il devrait être étendu à des objectifs de durabilité sociale181». Cette phrase est intéressante car elle illustre l'effet cliquet. Ainsi on peut considérer que l'encadrement des obligations vertes est désormais enclenché, l'intérêt de celles-ci pleinement compris, et l'Union européenne, sur le point de conclure ce point, en envisage d'autres.

181 Proposition de règlement du parlement européen et du conseil sur l'établissement d'un cadre pour favoriser les investissements durables, considérant 35

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Amending Delegated Regulation (EU) 2017/565 as regards the integration of Environmental, Social and Governance (ESG) considerations and preferences into the investment advice and portfolio management

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Décret n°2018-1043 du 28 novembre 2018 créant un label « Bas-Carbone » NOR: TRER1818757D

Décret n° 2019-568 du 7 juin 2019 remplaçant le nom du label « Transition énergétique et écologique pour le climat » par le nom label « France finance verte » dans le code de l'environnement

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Amendement N°2088 de la loi PACTE

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand