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Les enseignements de seconde génération pour la formation des citoyens aptes à  promouvoir le vivre ensemble : cas de quelques établissements d'enseignement secondaires de Yaoundé


par Arnauld WANDJI
Université de Yaoundé I - Master en Management de l'éducation 2021
  

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2.3.2.6.1.1.1.2 Les postulats cognitivistes contemporains

Jusqu'à maintenant, il a été question de postulats, principes et règles béhavioristes et néo- béhavioristes dont l'évolution a conduit vers le développement d'un autre point de vue sur le fonctionnement du cerveau : le processus de traitement de l'information. Les béhavioristes se sont concentrés sur le comportement, les néo-béhavioristes ont constaté qu'il se passait quelque chose dans la boîte noire en analysant les écarts entre les stimuli et les réponses, les gestaltistes se sont intéressés aux phénomènes perceptuels, les neurologues au fonctionnement du cerveau et les linguistes aux phénomènes d'acquisition du langage.

2.3.2.6.1.1.1.3 Les théories évolutionnistes

Ces théories s'inscrivent clairement dans la perspective de la théorie de l'évolution de Darwin, en postulant que l'apprentissage est un ensemble de mécanismes qui assurent l'adaptation à l'environnement et que l'incroyable potentiel d'adaptation des humains à leur environnement réside principalement dans leurs mécanismes sophistiqués d'apprentissage et de développement cognitif, agissant dès la naissance (ou même avant) jusqu'à la vieillesse.

Ces théories proposent que les humains aient évolué pour acquérir un certain type des connaissances leur permettant de survivre et de s'adapter à leur environnement naturel et social. Ces connaissances biologiquement primaires concernent le monde naturel (la biologie folk biologyfolk physics'folk psychology (téluq, s. d.).

2.3.2.6.1.1.1.4 La théorie de l'apprentissage de Vygotski

Vygotski développe, on le sait, une théorie absolument originale des rapports entre développement et apprentissage. Il porte un intérêt tout particulier aux apprentissages que l'enfant effectue dans le cadre de l'institution scolaire. Nous allons pour notre part essayer de reformuler certaines de ses thèses. Ce qui est une manière pour nous de tenter de nous

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réapproprier sa pensée. Au cours de ce chapitre nous essaierons de montrer que ce cadre théorique qui est loin d'être d'un accès facile nous conduit à des questions tout à fait actuelles. Ces questions se rencontrent par exemple aujourd'hui dans le cadre des recherches conduites en didactiques des disciplines. Vygotski ne se contente pas « d'insister » sur le rôle que jouent les apprentissages dans le développement, il s'efforce en même temps d'élaborer une théorie du développement humain. On sait qu'il mettait le concept de développement au centre de la « pédologie », cette science née aux États-Unis que certains, et parmi eux Vygotski, voulurent développer en Russie entre les années 20 et les années 30 et qui fut réprimée, par les idéologues de l'orthodoxie stalinienne, puis stoppée nette par le Décret de 1936 (Fradkin 1990). On ne rencontre pas ce terme sous la plume de Vygotski. Notre réflexion sur les textes sera guidée par une question centrale : comment, tout en restant résolument « constructiviste », Vygotski peut-il affirmer que les apprentissages anticipent le développement ? Comment l'enfant peut-il maîtriser cognitivement un contenu qui lui est encore extérieur ?

Selon Van der Veer et Valsiner, ce fut au cours du Printemps 1933, lors d'une conférence donnée à l'Institut Pédagogique Herzen de Leningrad, que Vygotski aborda pour la première fois la question des rapports entre le développement et les apprentissages scolaires. Il devait l'aborder une dernière fois lorsqu'il écrivit le chapitre 6 de Pensée et Langage. Entre ces deux dates, il donna une demi-douzaine de conférences abordant ce problème autant à partir de préoccupations pratiques que de préoccupations théoriques. Il fit entre autres une conférence sur ce thème à l'Institut de défectologie expérimentale Epstein de Moscou (Van der Veer et Valsiner 1991).

Dans ces différents articles et conférences, il soumet à un examen critique trois positions théoriques que l'on rencontre dans le champ de la psychologie. Ainsi que nous allons le voir, cette confrontation avec des théories existantes n'est jamais chez Vygotski un exercice d'école car c'est entre autres en effectuant une lecture critique des théories existantes et au cours même de ses lectures que Vygotski élabore sa propre théorie.

La théorie piagétienne est parfaitement représentative des courants de pensée qui affirment la primauté du développement sur les apprentissages. Selon cette perspective, les apprentissages sont mis sous la dépendance du développement. C'est parce que l'élève a atteint un certain niveau de développement que l'école peut entreprendre un nouveau type d'enseignement. Un exemple bien connu de cette position concerne l'apprentissage du système numérique que l'enfant est supposé ne pas pouvoir maîtriser avant d'avoir construit les opérations de classification et de sériation. Dans de nombreux écrits, Piaget rappelle l'apport

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de la psychologie du développement aux problèmes de l'enseignement : les travaux portant sur la construction des structures cognitives mettent au premier plan le rôle de l'activité de l'enfant et s'intéresse essentiellement aux mécanismes internes de ces processus (Piaget 1969 ; p. 66).

Critiquant un enseignement à dominante verbale et mettant l'accent sur l'activité des élèves lors de l'appropriation de connaissances nouvelles, Piaget insiste sur la nécessité pour l'enseignant de s'interroger sur le niveau de développement cognitif atteint par les élèves avant d'entreprendre un nouveau programme. Mais à aucun moment, qu'il s'agisse de l'espace, du temps, de la causalité ou du hasard (pour ne prendre que ces quelques exemples dans l'oeuvre immense de Piaget) celui-ci ne s'interroge sur le rôle constructif au cours de la psychogenèse, des apprentissages scolaires et en particulier sur le rôle que pourrait avoir l'outillage intellectuel que l'école met à la disposition des élèves : cartes, plans, frises, tableaux synoptiques etc. Par opposition aux déséquilibres internes et aux processus de rééquilibration, les outils culturels n'ont pas un rôle structurant dans le développement cognitif de l'enfant. Les apprentissages culturels peuvent bien accélérer ou retarder ce développement, intervenir à titre de « facteurs », mais en aucun cas ils n'ont un rôle constitutif dans ce même développement.

De plus cherchant à connaître les processus cognitifs mis en oeuvre par l'enfant, Piaget se méfiait du biais que pouvaient introduire les apprentissages scolaires : l'élève étant soumis à l'autorité du maître est laissé rarement libre dans son fonctionnement intellectuel. Aussi dans plusieurs textes, Piaget conseille-t-il aux chercheurs en psychologie qui veulent explorer le fonctionnement cognitif de l'enfant, de choisir des domaines les plus éloignés possibles des contenus abordés à l'école. Pour qui veut appréhender le fonctionnement spontané de l'enfant, il est préférable de choisir des situations-problèmes éloignées des thèmes déjà travaillés dans le cadre scolaire. Les effets de l'enseignement (recours à la mémoire, soumission à l'autorité du maître...) risquent de masquer ce que le psychologue veut connaître, à savoir les processus cognitifs spontanément mis en oeuvre par les enfants. Bref Piaget ne pensait pas qu'un apprentissage réel puisse se produire avant que le développement ne soit prêt pour sa réalisation. Selon l'expression de Vygotski, Piaget met les apprentissages « à la remorque » du développement.

Il existe cependant un point d'accord fondamental entre Piaget et Vygotski, point sur lequel on insiste insuffisamment tant « cela va de soi », trop pressé que l'on est de marquer les différences. La critique en effet que Piaget adresse aux pratiques scolaires les plus couramment répandues (apprentissage verbal reposant essentiellement sur la mémorisation, oubli des activités propres par lesquelles un enfant s'approprie un contenu nouveau) critique rappelée

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récemment par Emilia Ferreiro (Ferreiro 2002). Cette critique pourrait être reprise à la virgule près par Vygotski. L'un et l'autre ont en commun le souci d'élaborer une théorie du développement des structures cognitives (pour Piaget), des fonctions psychiques supérieures (pour Vygotski). Pour l'un et l'autre les concepts d'activité et de développement sont au centre de leur approche. Par contre ce développement ne s'explique pas de la même façon pour ces deux auteurs : mécanismes internes d'équilibration pour l'un, reconstruction pour soi d'activités humaines historiquement élaborées et transformation au cours de ce travail des fonctions psychologiques déjà existantes pour l'autre. La tâche sera pour Vygotski d'expliquer les rapports complexes existant entre les apprentissages et le développement sans retomber dans une conception réductionniste du développement.

Ainsi en ce qui concerne les rapports développement - apprentissage, Vygotski partage la préoccupation exprimée par Piaget : lorsque le maître introduit un contenu nouveau, il doit prendre en compte le développement actuel de l'enfant c'est-à-dire les structures à partir desquelles l'enfant va s'efforcer de s'approprier ce contenu nouveau. Mais le projet même de Vygotski c'est de concevoir les fonctions psychiques supérieures comme étant d'essence culturelle - le conduit à poser une deuxième exigence : le bon apprentissage est celui qui « devance » le développement !

Les psychologues behaviouristes et plus généralement associationnistes refusent la distinction entre apprentissage et développement. Pour les auteurs qui s'inscrivent dans cette tradition, il n'y a pas d'activité organisatrice interne qui ressemblerait de près ou de loin à du développement. Tout ce que l'organisme fait ou dit est le fruit des apprentissages, c'est-à-dire le résultat de transformations de l'organisme par des stimuli externes ou internes. Les apprentissages scolaires ne relèvent pas d'une explication particulière. L'une des tâches de l'enseignant consistera à identifier et à contrôler les variables situationnelles qui permettront la mise en place des comportements attendus. Dans cette perspective, le développement ne peut être rien d'autre que « l'ombre portée des apprentissages » : de même que l'ombre suit le promeneur, le développement suivra le cours des apprentissages.

Une telle orientation n'est pas sans lien avec des conceptions d'ordre pédagogique. Les auteurs behaviouristes, Thorndike en particulier, sont amenés à s'opposer avec une certaine virulence aux partisans des « disciplines formelles ». Que faut-il entendre par là et en quoi consiste la critique behaviouriste ? Un détour est ici nécessaire. Leur représentant est le philosophe et pédagogue allemand Herbart (1776-1841). Selon ces auteurs, l'enseignement n'a pas pour but de former à un métier, mais doit permettre le développement de la personne. Or la

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personne - dans ce cadre philosophique et pédagogique hérité de Pestalozzi - est un ensemble de « dispositions naturelles » ou facultés (mémoire, attention, entendement...) qui sommeillent dans l'individu et dont l'éducateur doit permettre le plein épanouissement. C'est en fonction de cette préoccupation que l'on doit procéder au choix des disciplines à enseigner. On sait que le latin et les mathématiques étaient considérés comme des disciplines essentielles pour le développement des facultés intellectuelles. Une discipline n'est donc pas enseignée pour elle-même. Au travers de cette discipline ce sont les facultés d'attention, d'analyse, de réflexion que l'on cherche à développer. C'est en ce sens que ces disciplines sont dites « formelles ».

Selon cette conception, l'enseignement n'a donc pas de « valeur pratique » et n'a pas non plus de « valeur autonome » (selon les formulations de Vygotski résumant les conceptions de ces auteurs) : il ne vaut que comme moyen au service du développement intellectuel de l'enfant.

15C'est contre une telle conception de l'enseignement et de ses finalités que réagissent plusieurs courants de pensée parmi lesquels figurent les psychologues behaviouristes. N'oublions pas que dans plusieurs pays, l'industrialisation est en plein essor et qu'il s'agit de transmettre aux individus des capacités ayant une valeur pratique. Par sa théorie de l'apprentissage, et en prenant appui sur des données expérimentales qu'il juge indiscutables, Thorndike se propose de saper jusque dans ses fondements la conception de Herbart. Sa critique porte très précisément sur la croyance selon laquelle :

Concluons donc, l'hypothèse que nous formulons concernant la façon dont Vygotski conçoit les rapports entre apprentissage et développement est la suivante : ce serait lors de la construction des capacités qui s'effectuent entre autres lors des enseignements-apprentissages que les fonctions psychiques sont amenées à se transformer et à se réorganiser, donc à se développer. Les apprentissages lieu de construction des capacités ouvrent des voies, orientent et donnent formes au développement des fonctions psychiques. C'est en ce sens que l'on peut comprendre la thèse de Vygotski selon laquelle les apprentissages anticipent mais aussi suscitent et provoquent le développement. Cette remarque s'applique, pensons-nous, à certaines recherches contemporaines en didactique des disciplines. On comprend à partir de là que pour Vygotski, l'adulte ne saurait agir de l'extérieur sur le développement (comme ce jardinier qui voulait accélérer l'éclosion de ses roses en dépliant leurs pétales entre ses doigts grossiers). Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille concevoir le développement comme étant un royaume dans un royaume. L'action collaborative avec l'adulte peut, sous certaines conditions, ouvrir un espace à toute une série de processus internes de changements développementaux.

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Enfin il convient d'ajouter que ce développement n'est pas spécifique à la construction de telle ou telle capacité particulière.

Un rapport conscient et volontaire à ses propres processus rendu possible par certains apprentissages, sera également nécessaire pour la démonstration d'un théorème ou pour l'analyse d'une période historique. Voilà pourquoi ces apprentissages auront des retentissements allant bien au-delà de ce que l'enfant a appris. L'enfant a appris pour un penny et s'est développé pour vingt livres, commente Vygotski. La Gestalt Psychology, nous l'avons vu, avait bien vu ce phénomène mais, mettant toutes les structures sur le même plan, n'avait pu en fournir une explication. Thorndike pour sa part soumettant des sujets à des tâches d'apprentissage parcellaires et stupides ne pouvait démontrer autre chose sinon que ces apprentissages expérimentaux n'avaient aucune répercussion sur les performances des sujets dans des tâches voisines tout aussi parcellaires et stupides. Le degré de développement des fonctions psychiques supérieures atteint par un individu est donc rendu possible par l'appropriation des connaissances existant à un moment de l'histoire de la production de ces connaissances. Mais cette « correspondance », nous avons essayé de le montrer, n'est pas une correspondance directe, mécanique. Le développement psychologique n'est en aucun cas « déterminé » par le développement historique des activités humaines. C'est un développement sui generis. Enfin partant de là on comprend pourquoi l'on ne saurait s'en tenir à l'observation, aussi minutieuse soit-elle, des seuls phénomènes d'apprentissage. Les rapports entre apprentissages et développement doivent être examinés dans chaque cas dans la complexité de leurs entrelacs. Nous voyons que pour comprendre la thèse de Vygotski sur les rapports existants entre apprentissage et développement (thèse habituellement résumée par la simple formule « les apprentissages devancent et anticipent le développement »), il convient de prendre en compte la théorie historico-culturelle dans son ensemble. Mais il nous faut poursuivre notre investigation si nous voulons comprendre « du dedans » la dynamique de ces rapports.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci