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La pollution de l'air et le cadre de vie en droit international de l'environnement


par Patrick Bahati Ndeze
Université de Limoges - Master 2 2019
  

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Section 2. Les limites liées à la mise en oeuvre de la législation internationale en matière de pollution de l'air

Le caractère volontariste, caractéristique du droit international, affecte d'une manière significative la réglementation proposée sur la protection de l'environnement et du cadre de vie. Et cet état de fait n'est pas sans conséquences. Pendant que les Etats négocient la réduction de leurs émissions, les maladies respiratoires, la destruction des espèces et de leurs habitats naturels continue son cours normal. On arrive à penser qu'une meilleure solution serait l'adoption du modèle Européen dans lequel les Etats transfèrent une partie de leur souveraineté à une organisation supranationale dotée de pouvoirs coercitifs. En outre, même si les règles relatives à la pollution de l'air ne sont pas aussi bien appliqué par les Parties membre de l'UE, la pression exercée par les institutions communautaires produisent des solutions encourageantes.

Cette observation est complétement absente dans la communauté internationale en général, puisque les règles de l'Etat souverain tel que défini dans le traité de Westphalie reste applicable, rendant toute coercition illégitime, y compris dans le suivi des obligations qu'un Etat a pourtant accepté de suivre sans contrainte. Seules les pressions diplomatiques et les leviers commerciaux, aujourd'hui au coeur de l'actualité internationale, peuvent permettre de mettre une pression quelconque sur un Etat souverain. Selon les intérêts tirés de l'application d'une législation particulière, certains Etats choisissent d'une manière sélective de suivre leurs engagements.

Les principes du droit international coutumier applicable dans la lutte contre la pollution de l'air (§1) participent au renforcement de l'arsenal juridique international bien que dépourvue de la force obligatoire sur les Etats ; à moins d'être repris dans une convention internationale. En outre, l'observation montre que l'application des conventions internationales en vigueur (§2) est un autre défi qui requiert une attention particulière de la communauté internationale. Mais le fait que la plupart de ces accords ne prévoient pas de sanctions spécifiques contre les contrevenants, est un handicap important pour une protection solide de l'environnement et du cadre de vie.

§ 1. Les limites liées à l'application des principes du droit international coutumier dans la lutte contre la pollution de l'air

Les principes du droit international coutumier applicable à l'environnement sont nécessaires même s'ils n'en constituent pas la source primaire. Lorsqu'ils sont reproduits dans les traités internationaux, ils jouent un rôle de premier rang comme toutes les autres dispositions. Ces principes, même s'ils ne reflètent pas une certaine « régularité dans le comportement des Etats267(*) », manifestent leur importance dans la « régularité d'attitude entre les Etats et les autres acteurs internationaux 268(*)». C'est dans ce sens qu'ils reflètent des « aspirations collectives qui façonnent l'évolution du droit et servent à encadrer le débat ».269(*)L'absence d'un instrument juridique de portée mondiale en matière de pollution de l'air, permet une interprétation détaillée et spécifiques des principes du droit international de l'environnement mais pose aussi une limitation à leur application dans le cadre de la lutte contre la pollution atmosphérique.270(*)

Dans le cadre de son travail sur la codification des principes relatifs à la protection de l'atmosphère, la Commission du Droit International (CDI) cherche à codifier les principes suivants : l'obligation pour les Etats de protéger l'atmosphère, l'évaluation de l'impact sur l'environnement, l'utilisation durable de l'atmosphère, l'utilisation équitable et raisonnable de l'atmosphère, la modification intentionnelle à grande échelle de l'atmosphère, la coopération internationale et la relation entre les règles pertinentes.

En outre, la Commission exclue de son champ de codification d'autres principes à cause de leur caractère controversé dans les relations entre les Etats. Sa directive 2.1 stipule que « Le présent projet de directives ne traite pas de questions relatives au principe « pollueur-payeur , au principe de précaution, aux responsabilités communes mais différenciées, à la responsabilité de l'État et de ses ressortissants et au transfert de fonds et de technologie, y compris des droits de propriété intellectuelle, vers les pays en développement, mais est sans préjudice de ces questions ».271(*)

Le principe des responsabilités communes mais différenciées a du mal à s'appliquer dans la protection de l'air. Il est basé sur la responsabilité historique des pays développés dans émissions des polluants de l'air et la perturbation du cadre de vie international. Et pourtant, il s'agit d'un principe qui aurait pu prouver son efficacité s'il était mis en place, en particulier quand des pays comme la Chine et l'Inde se placent en premières positions de la liste des pays qui ont émis le plus des polluants climatiques de courte durée de vie (PCDV) qui sont le carbone noir, le méthane, l'ozone troposphérique et les HFC.

Selon un rapport publié en 2015 par la PNUE, « La contribution de la Chine aux émissions mondiales de carbone noir a varié de 20% à 24% entre 1990 et 2007, tandis que sa contribution aux émissions de méthane représentait environ 13% des émissions mondiales totales en 2010. Cela signifie que l'atténuation des émissions de carbone noir et de méthane en Chine peut contribuer à la fois à résoudre le problème de la pollution atmosphérique du pays et à atténuer le réchauffement régional et mondial ».272(*)

L'Inde vient en deuxième position avec les émissions de carbone noir estimé à 10% du taux mondial.273(*) C'est ainsi qu'il faut trouver un moyen de concilier la notion des responsabilités communes pour la protection de l'atmosphère avec la question de développement que posent les pays émergents et la réduction de leurs émissions. Dans son préambule, le projet d'article de la CDI se dit consciente de la « situation et des besoins particuliers des pays en développement » mais exclut du champ de ses travaux le principe des responsabilités communes mais différenciées et la question d'assistance financière y afférente.

De ce qui précède, il est clair que le principe qui prône des responsabilités communes mais différenciées est encore dans sa période embryonnaire en droit international de la pollution de l'air. Dans le cadre de la réglementation sur le climat et la protection de la couche d'ozone les discussions avancent, bien qu'une résolution nette de cette question n'est pas encore en vue. Dans le cadre des discussions sur le climat, ce principe a évolué en passant d'une approche stricte vers un approche souple qui se reflète dans l'architecture de l'Accord de Paris.274(*)

Au sujet de la réglementation sur la protection de la couche d'ozone, ce principe y joue un rôle de premier plan, y compris dans l'amendement au protocole de Montréal adopté à Kigali en 2016275(*). De la lecture de l'amendement de Kigali, il est clair que le protocole enjoint aux pays développés de prendre déjà les mesures de réduction des substances le plus tôt possible, tout en accordant plus de temps aux pays en développement. L'article 5 du protocole de Montréal traite de la « situation particulière des pays en développement » et de la réduction graduelle des substances qui appauvrissent la couche d'ozone ainsi que de l'obligation pour les pays développés de transférer des fonds et des technologies pour les aider à atteindre leurs objectifs de réduction.

Le principe de la responsabilité pour le dommage transfrontière dû la pollution de l'air a aussi du mal à être appliqué par les Etats. Il a été posé par la sentence arbitrale de la fonderie de Trail et repris dans le principe 21 de la déclaration de Stockholm. Mais il n'a pas un caractère d'application direct lorsqu'une pollution se produit. Dans son projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite adopté en 2001, la CDI établit dans son article 2 les éléments du fait internationalement illicite. Aux termes de cet article, on peut lire « il y a fait internationalement illicite de l'Etat lorsqu'un comportement consistant en une action ou une omission est attribuable à l'Etat en vertu du droit international ; et constitue une violation d'une obligation internationale de l'Etat ».276(*)

Dans le cadre de la pollution atmosphérique transfrontière, il est possible d'identifier l'Etat sur lequel les activités polluantes prennent place et ainsi engager sa responsabilité. C'est l'exemple de « l'agriculture sur brûlis et la production d'huile de palme en Indonésie qui ont causé du smog affectant le cadre de vie jusqu'en Malaisie et à Singapour ».277(*) Dans le cadre de la Convention international sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, il est spécifiquement mentionné à son article 8 (f) que « la [...] convention ne contient pas de disposition concernant la responsabilité des Etats en matière de dommages ». Et si la responsabilité n'est pas établie, il est difficile voire même impossible d'appliquer une sanction. D'où l'exemple du caractère « mou » des certaines conventions.

La question de responsabilité en droit international reste difficile à cerner dans le cadre des changements climatiques. En effet, il est presque impossible d'identifier le pays responsable d'un ouragan aux Philippines ou la montée des eaux aux Fiji. Et l'accord de Paris sur le climat a barré la route à une possible responsabilité des Parties en cas d'une action ayant un effet sur le climat. En effet, l'article 8 sur les pertes et préjudices a été démuni de sa force juridique par le paragraphe 51 de la décision de la conférence Paris qui stipule que « [...] l'article 8 de l'Accord ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation ».278(*)

Il s'agit pour les pays développés, d'éviter que l'article 8 soit interprété comme un aveu de responsabilité sur les effets des changements climatiques par les pays en développement.279(*) En outre, l'accord de Paris a opté pour les termes mou de la « coopération et la facilitation visant à améliorer la compréhension » dans le domaine relatifs au « système d'alerte précoce, la préparation aux situations d'urgence, les phénomènes qui se manifestent lentement et ceux susceptibles de causer des pertes et préjudices irréversibles et permanents, l'évaluation et la gestion complètes des risques, les dispositifs d'assurance dommages, la mutualisation des risques climatiques et les autres solutions en matière d'assurance, les pertes autres qu'économiques et la résilience des communautés, des moyens de subsistance et des écosystèmes ».280(*)

C'est pour palier à la difficulté d'imputation de la responsabilité individuelle dans le domaine de la dégradation mondiale de l'atmosphère et des changements climatiques, que les auteurs parlent plutôt de la « responsabilité collective ». La CDI précise que la question de la responsabilité individuelle des Etats « ...n'est pas encore établie dans le droit international et la pratique internationale. La notion de « responsabilités » (au pluriel) dans « responsabilités communes mais différenciées » peut renvoyer à une certaine « charge » que les États développés devraient assumer, mais il ne s'agit pas de la « responsabilité » (au singulier) au sens de « responsabilité des États »281(*).

Elle conclut sur ce sujet en soutenant que ses travaux « visent à établir un cadre de coopération pour la protection de l'atmosphère plutôt qu'à instaurer un régime d'imputation et de condamnation. La coopération internationale est au coeur du projet actuel. De ce point de vue, il est peut-être préférable de remédier aux manquements aux obligations autrement qu'en sanctionnant l'État en cause. De fait, faciliter le respect des normes en aidant les États défaillants servirait sans doute mieux l'objectif du présent projet de directives sur la protection de l'atmosphère »282(*).

* 267 D. BONDASKY, The Art and Craft of International Environmental Law, (Harvard University Press) 200, cité par Y. YAMINEVA & S. ROMPPANEN, Is law failing to address air pollution? Reflections on international and EU developments, in Review of European, Comparative & International Environmental Law, 2017, 26(3): pp. 89-200. [En ligne] [Consulté le 26 août 2019] [ https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/reel.12223]

* 268 Ibidem.

* 269 Ibidem.

* 270 Y. YAMINEVA & S. ROMPPANEN, Op.cit. p. 194

* 271 Commission du droit international, Protection de l'atmosphère, texte et préambule, 2018. [En ligne] [Consulté le 26 août 2019]. [ http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/L.909&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/8_8.shtml&Lang=F]

* 272 UNEP/PRCEE, The Climate and Environmental Benefits of Controlling SLCPs in P.R. China, 2015. [En ligne] [Consulté le 26 août 2019] [ https://www.unenvironment.org/resources/report/climate-and-environmental-benefits-controlling-slcps-pr-china-unep-prcee-synthesis]

* 273 Lesley SLOSS, Black carbon emissions in India, 2012, p.10. [En ligne] [Consulté le 26 août 2019] [ https://www.usea.org/sites/default/files/102012_Black%20carbon%20emissions%20in%20India_ccc209.pdf]

* 274 Y. YAMINEVA & S. ROMPPANEN, Op.cit., p. 195

* 275 A. BYRNE, Trouble in the air: Recent developments under the 1979 Convention on Long-Range Transboundary Air Pollution, in RECIEL. 2017 ;26:210-219. [En ligne] [Consulté le 26 août 2019] [ https://doi.org/10.1111/reel.12219].

* 276 Commission du droit international, Projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite et commentaire y relatif, 2001, p. 70-71. [En ligne] [Consulté le 26 août 2019]. [ http://legal.un.org/docs/index.asp?path=../ilc/texts/instruments/french/commentaries/9_6_2001.pdf&lang=EF&referer=http://legal.un.org/ilc/texts/9_6.shtml]

* 277 Fondation Asie Pacifique du Canada, La pollution atmosphérique transfrontière en Asie, in Fondation Asie Paficifque du Canada, [En ligne] [Consulté le 26 août 2019] [ https://www.asiapacific.ca/sites/default/files/cross_border_pollution_fr.pdf].

* 278 Rapport de la Conférence des Parties sur sa vingt et unième session, tenue à Paris du 30 novembre au 13 décembre 2015. [En ligne] Consulté le 26 août 2019] https://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/fre/10a01f.pdf

* 279 L. GERAUD, l'Accord de Paris sur le climat : quelques éléments de décryptage, In Revue Québécoise de droit international, volume 28-2, 2015. pp. 27-51. P. 34. [En ligne] [Consulté le 26 août 2019][ https://www.persee.fr/docAsPDF/rqdi_0828-9999_2015_num_28_2_2183.pdf]

* 280 Accord de Paris, article 8 alinéa 4.

* 281 S. MURASA, cinquième rapport sur la protection de l'atmosphère, 2018, p. 10. [En ligne] [Consulté le 26 août 2019 [ http://legal.un.org/docs/index.asp?symbol=A/CN.4/711&referer=http://legal.un.org/ilc/guide/8_8.shtml&Lang=F]

* 282 Ibídem.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote