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L'etat-actionnaire dans une société issue de l'OHADA. Cas de Congo Airways société anonyme avec conseil d'administration


par Anthony NTENDELE BIKELA
ISC - Liège - MBA 2021
  

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2.2.3.2. Le pacte d'actionnaires est différent de contrat de société

L'altérité s'impose avec la force de l'évidence dès que l'on évoque la proximité du pacte d'actionnaires et du contrat de société. Toute assimilation ou, plus spécifiquement, toute intégration du pacte d'actionnaires dans l'ensemble des instruments contractuels formant le « complexe statutaire » est en effet exclue. A ce sujet MONSALLIER (1998, p. 23)oppose ainsi le « complexe statutaire », qui comprend, à côté des statuts, le préambule, aux documents extra-statutaires, lesquels regroupent essentiellement les pactes d'actionnaires et le règlement intérieur. D'un côté, le contrat de société présente l'originalité de donner naissance à une personne morale distincte et lie l'ensemble des actionnaires. D'un autre, le pacte d'actionnaires a un domaine d'application réduit aux seuls actionnaires qui en sont signataires, dont il organise les relations inter-individuelles en marge du fonctionnement collectif de la société selon le point de vue de CUISINIER, (2008).

Il apparaît que la distinction du pacte d'actionnaires et du contrat de société tient à leur différence de nature. En l'état actuel du débat majeur qui anime le droit des sociétés, relatif à la nature de la société, on peut affirmer que cette dernière est un contrat présentant certaines caractéristiques de l'institution(BERTREL (1996, p. 595) ; MAY (2004) et GERMAIN (2009). Au contraire, le pacte d'actionnaires a une nature exclusivement contractuelle et présente, à ce titre, des qualités de souplesse et plasticité, en comparaison avec la rigidité qui affecte le contrat de société, décisives dans le choix des actionnaires de recourir à cette pratique. Le pacte d'actionnaires se distingue ainsi du contrat de société par sa nature exclusivement contractuelle, laquelle le dote en outre d'un atout de flexibilité. Le pacte d'actionnaires se distingue également du contrat de société au regard de l'intérêt dont la satisfaction est recherchée d'une part, et au regard du rayonnement de l'accord, d'autre part. La finalité du contrat de société est ainsi de faire prévaloir la volonté collective des associés par la satisfaction d'un intérêt commun aux membres du groupement. Au contraire, dans les contrats de droit commun, et singulièrement dans le pacte d'actionnaires, les parties sont animées par la satisfaction de leurs intérêts essentiellement égoïstes.

2.2.3.3. Les Finalités du pacte d'actionnaires

La poursuite par les actionnaires d'un intérêt qui leur est commun, lequel peut être défini comme la réalisation et le partage entre eux des profits de la société, constitue en effet la finalité de ce contratSCHMIDT (2004) ; CUISINIER (2008, p. 229). De cette finalité du contrat de société découlent des principes supérieurs parmi lesquels celui de l'égalité entre actionnaires, principe non expressément proclamé par la loi mais qui sous-tend plusieurs textes législatifs et consacré par le Conseil constitutionnel à diverses occasions(Cons. const., 7 janvier 1988, Rev. sociétés, 1988, 229, note GUYON ; Cour d'appel d'Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077, note CERATI-GAUTIER). La jurisprudence relative aux abus de majorité ou de minorité, lesquels ont pour effet de favoriser les intérêts de certains actionnaires au détriment de celui de la collectivité des actionnaires, en est une bonne illustration. Rappelons à ce titre que l'égalité entre actionnaires s'apprécie exclusivement dans les rapports que les actionnaires entretiennent collectivement avec la société, et non dans les rapports interindividuels des actionnaires(DONDERO (2008, p. 245)).

Pendant longtemps, cette finalité de poursuite d'un intérêt commun, de même que le principe d'égalité entre actionnaires, ont été absorbés, en droit positif, par la notion d'affectio societatis(CUISINIER (2008, p. 253)). La doctrine et la jurisprudence présentent en effet l'affectio societatis comme un élément constitutif et caractéristique du contrat de société, ne figurant pas expressément dans les textes, qui suppose que « les associés collaborent de façon effective à l'exploitation dans un intérêt commun et sur un pied d'égalité » (Cass. com. 3 juin 1986, Rev. sociétés, 1986, p. 585, note GUYON).

D'après CARBONNIER (1996), la notion d'intérêt commun a été redécouverte par la doctrine dans le cadre de la réflexion opérée en France autour du débat sur la corporategovernance, dont l'enjeu réside essentiellement dans la finalité à attribuer à l'exercice du pouvoir dans les sociétés selon la conception que l'on se fait de l'intérêt de la société : l'intérêt social. Plus précisément, cette réflexion a engendré une controverse au sein de la doctrine entre l'intérêt commun et l'intérêt social. La tâche consistant à définir et partant, à délimiter, l'une par rapport à l'autre, les notions d'intérêt commun des actionnaires et d'intérêt de la société est en effet ardue. Si la finalité de la société est l'intérêt commun des actionnaires, l'intérêt de la société coïncide-t-il nécessairement avec cet intérêt commun ? Dans la négative, quel intérêt faire primer ? Pour GERMAIN (2009), l'intérêt commun des associés, la réalisation et le partage des bénéfices, passe nécessairement, au moins à terme, par le succès de l'activité sociale. Mais à plus court terme, et surtout dans les sociétés de capitaux, la recherche de profits presque immédiats par les actionnaires est peut-être difficilement conciliable avec l'impératif de pérennité que commande l'intérêt social. Ce dernier semble ne pouvoir être appréhendé que comme une notion fonctionnelle permettant au juge, selon les circonstances, de privilégier l'intérêt des actionnaires ou celui de la société de la façon qui paraît être la plus opportune à ce dernier, compte tenu de la situation factuelle(MONSALLIER (1998, p. 324)).

Il est à préciser, dans l'optique d'une distinction avec les pactes d'actionnaires, que l'assimilation de l'intérêt social à l'intérêt de la société elle-même, prise en tant que personne morale, dotée d'un intérêt propre, distinct de celui des membres qui la composent, ne fait qu'accroître la particularité du contrat de société au regard des contrats de droit commun en général et du pacte d'actionnaires en particulier.

Selon CARBONNIER (2000), la poursuite d'un intérêt commun dans le contrat de société s'oppose ainsi à la logique contractuelle des pactes d'actionnaires dont la finalité, essentiellementégoïste, est purement et simplement fondée sur un échange d'obligations réciproques destinées à satisfaire des intérêts antagonistes.

Le recours aux pactes d'actionnaires se justifie par la présence, au sein d'une même société, d'actionnaires diversifiés, dont les mobiles personnels diffèrent. La poursuite d'un intérêt commun, condition inhérente au contrat de société, et qui s'impose aux actionnaires, n'implique évidemment pas que les actionnaires renoncent à leurs intérêts personnels. SCHMIDT (2004) affirme que l'intérêt commun, de nature objective, permet la coexistence au sein de la société, d'actionnaires diversifiés, dont les motivations subjectives sont diverses et divergentes, qu'il s'agisse, le plus souvent, de la recherche du pouvoir et donc d'une participation active et influente dans la prise des décisions sociales ou, au contraire, d'un investissement motivé exclusivement par le profit et désintéressé des affaires sociales.

Mais ces motivations personnelles des actionnaires ne sont pas au coeur du contrat de société. Le pacte d'actionnaires se situe sur un tout autre plan, extérieur au contrat de société, qualifié de para-statutaire, dès lors il peut intégrer et même avoir pour cause de telles considérations qui sont demeurées en dehors du champ contractuel des statuts.

Par la conclusion de pactes extra-statutaires, certains actionnaires recherchent précisément à satisfaire leurs intérêts personnels et particuliers, qu'il s'agisse principalement de contrôler l'évolution de l'actionnariat et assurer ainsi la stabilité du pouvoir d'une part, ou d'organiser la sortie de la société à des conditions privilégiées d'autre part. Les mobiles des signataires de pactes d'actionnaires peuvent ainsi être rassemblés dans ces deux grandes catégories d'objectifs, selon que ces derniers appartiennent au groupe majoritaire pour la première catégorie ou au groupe minoritaire pour la seconde.

Par exemple, les actionnaires du groupe majoritaire s'engageront ensemble à limiter la transmission des titres de contrôle en dehors du groupe au moyen de pactes de préférence réciproques. Si au cas particulier, leurs intérêts individuels convergent vers la conservation du contrôle conjoint, les partenaires demeurent essentiellement animés par des intérêts égoïstes qui diffèrent fondamentalement de l'intérêt commun qui gouverne le contrat de société.

La convergence d'intérêts égoïstes n'est pas un intérêt commun. Ainsi en va-t-il des clauses de sortie conjointe qui mettent en valeur les intérêts antagonistes qui président souvent à la conclusion de pactes d'actionnaires.

Au terme d'une telle convention, un actionnaire, en général majoritaire, s'engage à faire racheter par le cessionnaire de ses titres de contrôle, aux mêmes conditions, les actions d'un minoritaire, et faute pour le cessionnaire d'accepter, le partenaire débiteur s'expose à devoir racheter lui-même les titres du minoritaire. Un tel engagement des actionnaires majoritaires est souvent exigé par les investisseurs financiers, comme condition de leur prise de participation minoritaire dans le cadre d'opérations de capital-investissement, afin d'accroître la liquidité de leurs titres, d'échapper à toute décote de minorité et également d'éviter qu'ils se retrouvent bloqués dans une société qui va être dirigée par une nouvelle équipe qui leur est inconnue.

Les pactes d'actionnaires permettent ainsi d'introduire une dose d'intuitus personae dans les sociétés par actions dans lesquelles ce dernier est en général exclu. On peut qualifier en quelque sorte cet intuitus personae de « négatif » en ce sens qu'il s'explique par la volonté d'écarter certaines personnes en raison des défauts qu'elles présentent plutôt que d'en attirer d'autres pour leurs qualités déterminantes comme le note CUISINIER (2008). Il s'agit en effet souvent, par ces pactes, d'écarter de la société certaines personnes jugées indésirables au regard des intérêts égoïstes poursuivis par leurs auteurs ou, au contraire, de bloquer dans la société en les maintenant à un statu quo au moyen de la soumission à des obligations de ne pas faire, certains actionnaires dont la présence n'est pas forcément jugée indispensable mais tout au moins plus souhaitable que toute autre personne susceptible d'initier un changement. A ce titre, certains pactes, comme le dit CUISINIER (2008), peuvent devenir des « instruments de domination, de confiscation du pouvoir».

En somme, les pactes d'actionnaires sont l'expression de rapports de force entre différents groupes d'actionnaires. Ils visent la satisfaction des intérêts individuels et particuliers de certaines catégories d'actionnaires, signataires de ces pactes, et sont donc bien loin de la poursuite de l'intérêt commun des actionnaires qui anime le contrat de société. Mais cela ne signifie aucunement que les pactes d'actionnaires sont incompatibles avec la finalité du contrat de société. Bien au contraire, ces pactes permettent d'assurer une cohésion au sein de l'actionnariat en instaurant un équilibre entre les différents intérêts des acteurs qui font vivre la société. En ce sens, ils complètent le contrat de société et facilitent la poursuite de la propre finalité de ce dernier. A ce titre, CUISINIER (2008) renvoyant à Didier (2000, p. 240)relève à ce titre que la pratique des pactes d'actionnaires est « considérée par la doctrine contractualiste américaine comme le moyen le moins onéreux d'obtenir entre les majoritaires et les minoritaires une cohabitation efficiente ».

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld