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Perceptions de l'ethnicisation politique au Cameroun: cas dans l'arrondissement de Dschang


par Jonias KAMWA KAMDE
Université de Dschang Cameroun -  2019
  

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2.2.1 L'irruption et dichotomie des notions de « Tontinards » et de « Sardinards»

Le champ politique contemporain camerounais a été secoué durant la récente élection présidentielle d'octobre 2018. Cette périodefait resurgir pas mal de souvenirs dans les consciences individuelles et même collectives.Le tumulte entaché de part et d'autre du facteur identitaire né de cette échéance électorale, est la conséquence de l'irruption dans le champ politique de deux qualificatifs identitaires à savoir « Tontinards » et « Sardinards ». Tout tournait autour de ces qualificatifs au point où, à la réaction d'un individu, on pouvait immédiatement le ranger en fonction de ces notions. Vue sous cet angle, la quête d'une certaine unité nationale demeure problématique car comme le pense cet enquêté, « on a eu un débat tontinard et sardinard sur les réseaux sociaux du coup l'alliage de ces deux peuples est presque impossible, les clivages tribaux vont naitre »90(*). Ainsi, les attitudes de replis identitaires se remarquent à répétition limitant les chances d'une vie commune. Cet enquêté fait à peu près le même constat en affirmant que : « On a remarqué lors de la dernière période électorale que les débats étaient plus ethniques du genre les bamilékés ont fait quoi, ils n'ont rien fait ils ne peuvent pas prendre le pouvoir. Les bamilékés eux aussi de leurs côtés disent que les gens du centre ont trop tué le pays »91(*). Quoique les élections soient passées, la présente recherche révèle que ces deux qualificatifs continuent de rythmer la vie en société en ce sens que les uns sont encore perçus comme étant des « Tontinards » donc Bamilékés et d'autres comme « Sardinards » renvoyant au peuple Béti. Dans cette logique, ces deux concepts favorisent, quoiqu'étant de simples mots, l'émiettement du lien social tant recherché au nom des fractions ethniques et identitaires.

Photo 1: Présumé sardinard circulant sur internet

Source : réseaux sociaux92(*)

Cette image reflète la catégorie de personne taxée de « Sardinard » car on aperçoit un présumé sympathisant du parti RDPC ayant dans ses mains croisées derrière, un pain et une sardine

La vie commune implique l'acceptation de l'autre, ses idées et sa manière de percevoir les choses. La présente recherche à sa phase de collecte des informations, révèle que dans l'arrondissement de Dschang, les populations ne sont pas encore libéréesde la dichotomie « Tontinard » et « Sardinard ». De manière subtile, elle influence encore les populations et par conséquent, fragilise l'unité nationale tant proclamée. Dans le processus de cohabitation, l'autre est moins perçu comme un citoyen plutôt qu'un adversaire.Un enquêté dira que : « tontinard et sardinard résultent d'un manque de culture politique et de l'intolérance parce qu'on ne respecte plus l'autre, on ne respecte plus les idées de l'autre, on veut à tout prix adhérer à nos propres idées personnelles, les sardinards estiment qu'il ne faut pas soutenir les tontinards »93(*). Dans leur communication de Mars 2019, V NGOUYAMSA et T FOBASSO GUEDJO94(*) entrevoyaient déjà l'effet pervers de ces qualificatifs de « Tontinards » et de « Sardinards » lorsqu'ils affirment que : «  Or, ils sont lourds de sens et se réfèrent précisément aux habitus socioculturels et politique de deux identifiés sociales camerounaises. C'est donc l'histoire d'un conflit entre deux Régions (Ouest et Sud du Cameroun) ou deux ethnies (Bamilékés et Bétis) qui sont ici subsumée en ces concepts. »95(*).

Le vivre ensemble est au coeur des débats locaux, nationaux et même internationaux.C'est une préoccupation de tout État soucieux d'une paix intérieure, d'une harmonie et d'une bonne vie entre ses populations. Cela est d'autant plus le souci de l'État du Cameroun taxé d'Afrique en miniature en raison non seulement des richesses de son sol, de son écosystème mais aussi et surtout de sa diversité culturelle. Au regard de la réalité touchée des doigts dans la ville de Dschang, nous constatons qu'il y'a une véritable crise du lien social. Le mariage social considéré comme atout à la formation d'une société où règne la paix, est pratiquement une illusion. Tout ceci à cause des fractions identitaires et ethniques, du repli de chacun et de tous sur sa culture et son groupe d'appartenance. Cette crise du vivre ensemble, nous l'avons vu, se manifeste par un désenchantement de la communion des peuples en ce sens que les populations sont distantes les unes des autres, qu'une rivalité naît entre groupe. Plus loin encore, cette déchéance du vivre ensemble est perçue à travers le déséquilibre dans la redistribution des richesses, la montée du favoritisme au détriment de la méritocratie et la fragilisation de l'unité nationale. Que ce soit la distanciation entre les peuples et la fragilisation de l'unité nationale en passant par les rivalités ethniques et le déséquilibre remarqué dans le partage des richesses, nous voyons en eux les effets pervers du phénomène d'ethnicisation politique. Ces effets sont loin d'être des effets escomptés par la population ainsi que les Hommes politiques. En concordance avec les analyses de R-K MERTON96(*) qui prescrit dans l'analyse d'un phénomène sociale, de dégager le latent et le manifeste de celui-ci, nous pouvons dire que l'ethnicisation du champ politique contemporain, quelles que soient ses motivations, entraîne avec elle un certain nombre d'effets latents et indésirables qui peuvent sembler jusqu'ici inconnus par beaucoup.

* 90Propos de l'enquêté n°14, 22-4-2019.

* 91 Propos de l'enquêté n°13, 20-4-2019.

* 92NDAM NJOYA Nzoméné : « Opinion- Cameroun: "Sardinards" Vs "Tontinards" Quand Cabral Libii se
trompe volontairement de définition(s) », 2018, in http://www.cameroonvoice.com/news/article-news-
36251.html, consulté le 19/ 06/ 2019.

* 93 Propos de l'enquêté n°21, 30-4-2019.

* 94 NGOUYAMSA Valentin et FOBASSO GUEDJO Trésor : « Élection présidentielle au Cameroun : entre liberté d'expression et revendications ethniques », colloque international pluridisciplinaire du LAASSE, Université Félix Houphouët-Boigny, 6ème Edition, Mars 2019. PP.10-12.

* 95 Op.cit. P.11.

* 96 MERTON Robert-King., Éléments de théories et de méthode sociologique, paris, Plon, 1953, 2è Edition, 1965.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand