WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Crise d'histoire dans le roman "canicule glaciale" d'Amin Zaoui approche sémiologique et sociocritique


par Nabil Kerkar
Université 20 août Skikda Algérie - Master 2 2021
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre 1 : Etude sémiologique

Avant d'entamer l'étudesémiologique des personnages, nous avons jugé judicieux, pour la compréhension de l'ensemble de notre travail, de faire une analyse du titre et de l'incipit.

1.1. La titrologie :

Le titre remplit essentiellement la fonction d'information et d'identification, il nya pas de livre sans titre, c'est ici que commence « la relation du lecteur au texte »30

Selon G. Genette31, il existe deux types de titre à savoir :

? Le titre thématique : qui désigne le contenu du texte, il peut être de plusieurs sortes : les titres littéraux, les titres métonymiques, les titres métaphoriques et les titres antiphrastiques.

? Le titre rhématique : qui désigne la forme du texte.

Le titre du roman, objet de notre travail Canicule glaciale, est de type thématique/métaphorique, il contient une figure de style qui est l'oxymore qui consiste à allier deux mots de sens contradictoire. En effet « canicule » désigne une période de grande chaleur, « glaciale » est un adjectif du mot glace grand froid, donc un titre formé de deux mots contradictoires qui suggèrent un récit plein d'oppositions et de contrastes mais qui forment, plus ou moins, un ensemble cohérent à l'image de la nation algérienne qui est très riche dans sa diversité culturelle, il peut suggérer un paradoxe d'histoire entre avant l'indépendance et aprèsl'indépendance.

1.2. L'incipit :

L'incipit est parmi les éléments paratextuels qu'il importe d'analyser, car c'est un élément qui accomplit le contrat de lecture et précise la nature du roman ; ce sont les premières lignes du récit « l'incipit remplit précisément trois fonctions ; il informe, intéresse et propose un pacte de lecture »32

1.2.1. La fonction d'informer :

Répondre aux questions ; qui ? Où ? Quand ? Dans l'incipit de notre roman l'auteur enseigne le lecteur sur les personnages, le lieu et l'époque de l'action.

30 Vincent Jouve, La poétique du roman, Arman Colin, Paris, 2006, p : 13

31 Ibid., p : 14

32 Op.cit. p: 19

Chapitre I Etude sémiologique

? Les personnages sont : Afulay, Levy et Augustin : « je regarde les yeux d'Afulay ou hadj Mohammed (...) un déserteur courageux qui a choisi son camp comme Hadj Levy et moi »33

? Le lieu une caserne à Oran : « mon ancien compagnon de caserne à Oran »34

? L'époque d'action : à la veille et pendant la guerre : « mon frère de maquis, pendant plus de quatre ans »35

1.2.2. La fonction d'intéresser :

« Intéresser consiste à susciter la curiosité du lecteur, à le prendre au piège du récit »36, intéresser, c'est aussi laisser prévoirun conflit et annoncerune thématique. Dans notre incipit, l'écrivain annonce la thématique de la guerre ; caserne, maquis, déserteur..., la thématique de la femme « maison de tolérance », « je pense à cette belle jeune femme » « Aicha » « Léa », la thématique de religion « elle lit des versets coraniques » « psalmodies ».

Mais ce qui tient plus l'attention du lecteur est le commencement du récit par la fin du roman ou la situation finale, à la manière des films policiers, de sorte que la page 10 et la page 132 sont identiques, c'est la scène d'égorgement d'Augustin par son ami Afulay ou Hadj Mohammed. Ensuite, l'auteur commence le récit en utilisant la rétrospection, une méthode qui consiste à narrer l'évolution chronologique d'un fait du passé jusqu'à son aboutissement, ce que G. Genette appelle « analepse »37, cet inversement de situation laisse le lecteur sur sa faim pour connaitre la réponse à la question ; pourquoi on en est arrivé là ? Et c'est le but de l'auteur pour focaliser le regard du lecteur sur cette étape de la décennie noire.

1.2.3. Nouer le contrat de lecture :

L'auteur informe le lecteur sur le type de texte et comment il doit le lire. Amin Zaoui cite dans le premier paragraphe du roman : « sa vie se déroule devant ses yeux comme les images d'un film en mode speed », le roman est fragmenté en épisodes à la manière cinématographique, une lecture simple et rapide avec économie de langage comme nous l'avons vu dans l'introduction.

33 Amin Zaoui, Canicule glaciale, p ; 10

34 Ibid, p ; 10

35 Ibid, p; 10

36 Vincent Jouve, La poétique du roman, Arman Colin, Paris, 2006, p : 20 37Gérard Genette, Figure 3, Ed seuil, 1972, P : 90

Chapitre I Etude sémiologique

2. La sémiologie des personnages :

Philippe Hamon a voulu revaloriser la notion de « personnage » en évitant la vision traditionnelle qui consistait à le limiter à son « faire », le personnage est un acteur mais il a aussi un nom et un portrait, c'est-à-dire un être.

En ce sens, l'approche de Ph. Hamon consiste àconsidérer le personnage comme un signe linguistique qui a un signifiant et un signifié, cette étude a à voir avec la linguistique de F. de Saussure et sa théorie du signe linguistique : « en tant qu'unité d'un système, le personnage peut en une première approche, se définir comme une sorte de morphème doublement articulé, manifesté par un signifiant discontinu, à un signifié discontinu »38

? Le signifiant : le personnage est représenté dans le texte par un pronom ; je, me, il, se ..., ou par un nom propre ou une dénomination ; jean, julien ...

? Le signifié : le prénom du personnage a un sens voulu par l'auteur, Philippe Hamon précise : « ainsi, le prénom (...) est déjà porteur d'information sur le sexe du personnage (...) voire sa nationalité »39

Ph. Hamon propose de retenir trois champs pour l'analyse ; l'être (nom, dénomination, portrait), le faire (rôle et fonction), l'importance hiérarchique (statut et valeur) selon le schéma suivant :

23

38 Ph. Hamon, Pour un statut sémiologique du personnage, in littérature N'6, 1972, p : 96

39 Vincent Jouve, La poétique du roman, Arman Colin, Paris, 2006, p : 63

Chapitre I Etude sémiologique

Le personnage

24

L'être Le faire l'importance hiérarchique

- le nom - Les rôles thématiques - La distribution

- les dénominations - les rôles actanciels - L'autonomie

- le portrait :

- le psychologique

- le biographique

- le corps

L'analyse se portera principalement sur les personnages principaux ; Augustin, Afulay, Levy.

2.1. L'être du personnage :

2.1.1. Augustin Girer :

Il est le premier qui commence à raconter son histoire, il est médecin et continue d'exercer cemétiermêmeaprès l'indépendance, on peut le considérer comme un témoin sur le sort de ses deux amis (Levy et Afulay) puisque c'est lui aussi qui termine la narration.

? Le nom :

Le nom propre est l'outil le plus efficace de l'effet du réel, le personnage s'identifie à son nom. Le prénom « Augustin » vient du latin « Augustinus » dont il tire son histoire Augustin est dérivé d'un ancien prénom : Augustinus. Ce dernier puise lui-même son origine d'un terme latin qui signifie « vénérable » ; « le prénom Augustin est apparu dès la fin du 1ersiècle dans le monde latin et s'est rapidement propagé à travers l'Europe, c'est notamment grâce à Saint Augustin,

25

26

27

28

29

Chapitre I Etude sémiologique

évêque d'Hippone au IVe siècle, considéré comme l'un des plus grands théologiens chrétiens de tous les temps »40

Dans le récit, lorsque le nom propre existe on pourra s'interroger sur sa motivation, le prénom cité ci-dessus a une consonance religieuse grâce au grand théologien chrétien, fils de Souk-Ahras, « Augustin d'Hippone ou Saint Augustin », il est né dans la Numidie, ancienne appellation de l'Algérie et de l'Afrique du nord, en 354 et mort en 430 à Hippone (actuelle Annaba), il est l'un des quatrepères de l'église occidentale, donc ce nom est un indice qui reflète une personnalité historique très connue dans l'histoire de l'humanité et ce choix n'est jamais fortuit. Sans aucun doute, ce choix vise à donner une dimension chrétienne et plurielle à l'histoire de notre pays, c'est également mettre l'accent sur les interactions et diverses échanges entre le nord et le sud du bassin méditerranéen, ces échanges n'ont jamais cessé et ne cesseront pas, de ce fait nous sommes condamnés à vivre ensemble malgré nos divergences. « Augustin Girer » n'a pas d'autres désignations dans le récit.

? Le portrait :

Concernant le portrait d'Augustin, on n'abordera que le côté psychologique et le cote biographique puisque l'habit et le corps ne sont pas signalés.

- Le psychologique :

Selon la définition de V. Jouve, la psychologie du personnage est fondée sur les modalités, « le lien du personnage au pouvoir, au savoir, au vouloir et au devoir qui donne l'illusion d'une vie intérieure »41.

Tout au long du récit, Augustin est possédé par l'image de son père qu'iln'a jamais vu, il essaie de le dessiner d'après la description de sa mère, il ressent profondément cet absence du père et la place vide dans le lit de sa mère, c'est cette quête du père « l'homme soleil » qui le dote d'une intériorité profonde puisque « il veut plus qu'il ne peut », d'autre part il sait des choses sur les relations amoureuses de sa mère, « il sait plus qu'il ne doit », il devait quitter la maison pour ne pas tuer sa mère. La personnalité d'Augustin est complexe, car elle passe de l'adoration à la haine soudaine. En tant que médecin, il est accablé de devoirs ; durant la révolution il devait assister les moudjahidines et après l'indépendance il devait rester au pays pour aider la

40www.madame.lefigaro.fr consulté le 18/04/2021

41Vincent Jouve, La poétique du roman, Armand Colin, p : 38

Chapitre I Etude sémiologique

population. L'intérêt du portrait psychologique d'Augustin c'est qu'il pourrait susciter l'admiration du lecteur.

- le biographique :

En l'absence du père « l'homme soleil », l'éducation d'Augustin est confiée à ses grands-parents, son grand-père Nicolas et sa grand-mère Irena. L'action révolutionnaire (l'engagement au cote des opprimés) d'Augustin pourrait êtreinterprétée par le penchant communiste de son grand-père, cela tient del'hérédité. Nicolas lisait beaucoup le journal l'Humanité et adorait Marx, Engels et Lénine.

2.1.2. Afulay Rochdi :

Le deuxième personnage qui raconte représente l'algérienindigène, le berbère natif de cette terre. ? Le nom :

Afulay est le nom que lui a donné Izilda, la femme d'Antonio Gomez ; pour sa scolarisation, c'est le nom amazigh d' « Apulée », le premier romancier du monde qui a écrit son chef d'oeuvreL'âne d'or.« Apulée de Madaure » est né vers 125 à Madaure actuel M'daourouch à Souk-Ahras. A l'instar du nom Augustin, le nom « Afulay » s'enracine dans l'histoire antique de l'Algérie, l'antique Numidie berbère.Afulay a d'autres désignations dans le roman comme « kenzi », « chitane » mais surtout le surnom « Hadj Mohammed Afulay », après l'indépendance, qui a une connotation idéologique.

? Le portrait :

- La psychologie :

Il parait que Afulay est quelqu'un de sans ambitions et de caractère naïf, mais sa connaissance (le savoir) des exactions du Caïd Ramdane et le mépris du père de Sandrine envers lui, le dotent d'une volonté (le vouloir) de rejoindre l'armée pour porter le pistolet et se venger, donc « il ne veut que ce qu'il peut et il ne sait que ce qu'il doit ». Afulay aimait Sandrine mais a été choqué par l'attitude méprisant de son père « hier soir, après la projection du film, mon père m'a confié que les arabes et les berbère ont des queues d'âne qui poussent sur leur derrière »42. Il ne pouvait supporter l'humiliation, il intériorise ce sentiment « tout le monde savait que j'étais

42 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 167

Chapitre I Etude sémiologique

un âne avec une queue excepté moi »43. Il quitte la maison et l'école surtout après avoir vu son père en train de trahir sa mère avec Izilda Gomez.

- La biographie :

Le portrait biographique faisant référence au passé ou à l'hérédité du personnage sert à conforter le vraisemblable psychologique. Afulay est kabyle autochtone, il est l'indigène et fils d'indigène, objet de mépris du Caïd Ramdane et du colonel, le père de Sandrine. Sa déception amoureuse l'a marqué dans la profondeur « ...cette image apocalyptique, Sandrine me hantait, je tentais de l'effacer (...) son image collait »44, cet état de fait le pousse à la violence « je rêvais d'un jour où je posséderais un pistolet ou une kalachnikov »45. Dans la société kabyle, on donnait beaucoup d'importance aux valeurs et à la dignité et c'est pour cela qu'il n'a accepté de voir son père entre les bras d'Izilda, cette image a bouleversé son été d'âme : « j'ai senti une douleur dans le ventre et un frémissement dans les genoux »46

- Le physique :

Le physique d'Afulay est signalé une seule fois : « enfant, j'étais fragile, chétif et pieux »47, toute cette enfance difficile est reflétée dans son corps faible. L'habit n'est pas cité parce que l'auteur focalise le regard sur la psychologie en relation avec le côté identitaire.

2.1.3. Levy Al N'qaoua :

Levy est un personnage primordial dans le récit, il représente la communauté juive en Algérie qui a souvent été objet de toutes les accusations et du racisme. Comment l'auteur rend-t-il hommage à cette composante indéniable dans l'histoire algérienne ?

? Le nom :

Levy est un prénomhébraïque en provenance de l'hébreu « Lewi » qui signifie « reclus » quelqu'un qui vit en réclusion. Le nom Al N'qaoua renvoie au grand rabbin Ephraïm Al N'qaoua ce grand théologien qui est arrivé à Tlemcen en 1392 et est devenu la figure emblématique de la communauté juive de l'Afrique du nord durant presque tout le XVe siècle, Tlemcen était appelée « Jérusalem de l'Afrique du nord », à cause de l'épanouissement économique et spirituel de

43 Ibid, p ; 115

44 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 175

45 Ibid, p ; 152

46 Ibid, p ; 173

47 Ibid, p ; 138

Chapitre I Etude sémiologique

toutes les confessions qui coexistaient dans la paix et le respect mutuel, les juifs, notamment, formaient une communauté considérable à côté des chrétiens et musulmans, ce vivre-ensemble s'est poursuivi jusqu'à l'indépendance date de leur départ massif d'Algérie, et ce malgré l'appel lancé par le FLN durant la révolution et les assurances données qu'ils auront tous leurs droits comme citoyens algériens après la victoire sur la colonisation. Levy n'apas d'autres désignations dans le récit.

? Le portrait :

- La psychologie :

Levy parait un personnage timide et reclus comme son nom l'indique, il se suffit de décrire c qu'il voit en utilisant les verbes de sensation ; aimer, sentir.... La mort de sa mère a totalement chamboulé la quiétude qui régnait à la maison, son père est devenu de plus en plus solitaire et finit par quitter la maison définitivement, après avoir emmené Levy à la caserne d'Ain Sefra pour le faire engager dans l'armée. Il était profondément touché par la mort de son cheval « Guibour ». Après le déclenchement de la guerre de libération, Levy voyait que c'est de son « devoir » de déserter et derépondre à l'appel lancé par le FLN : « nous aussi il faut que nous regagnions le maquis »48, une action paraissait peu probable du capitaine Levy mais c'était de son « pouvoir » « il ne veut que ce qu'il peut », sa fonction de capitaine lui facilite la tâche d'accomplir l'action « le savoir » « il ne sait que ce qu'il doit ».

- La biographie :

L'amour de la mère est enraciné dans l'âme des juifs, elle a une place sacrée dans la famille, elle est le pilier dans la construction de l'unité familiale juive,ceci explique qu'on voit cetteatmosphère de tristesse qui a envahi la maison après la mort de Rachel, ensuite Levy a transposé cet amour de la mère à son cheval « Guibour » dont il ahérité l'adoration de son père qui était un éleveur de chevaux, on sent que Levy est d'une âme sensible et généreusehéritée de sa famille qui aimait l'art et la musique, il était aussi d'une grande spiritualité chose qui l'incite à choisir le coté des opprimés dans la lutte anticoloniale : « nous sommes du côté du mal, nous sommes avec le diable ! C'est maintenant qu'il faut changer de camp » (p : 202).

L'intrigue du récit se concentre dans le rôle actantiel de Levy puisque c'est lui le plus gradé parmi ses amis, aussi lui-même qui a concrétisé sur le terrain l'idée de déserter l'armée

48 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 220

Chapitre I Etude sémiologique

française. Il n'y a pas d'indications sur le physique et les vêtements de Levy puisque l'auteur s'est focalisé sur les actions

2.2. Le faire des personnages :

Nous remarquons que dans ce roman il y a un brouillage presque complet des repères habituels du récit, l'intrigue est un peu floue. Il parait que l'auteur est trop influencé par les romanciers du nouveau roman. Pour analyser le « faire » des personnages, Philippe Hamon retient deux notions fondamentales ; rôles thématiques et rôles actantiels.

? Les rôles thématiques :

Cela consiste à relever des axes préférentiels dans lesquels s'opposent les personnages, ces thèmes généraux sont identifiables grâces aux critères suivants :

- la fréquence(les actions les plus fréquentes)

- la fonctionnalité (les actions les plus déterminantes)

« Ces ressemblances et ces différences se mettent en place par rapport à un certain nombre d'axes sémantiques distinctifs, caractérisés par leur récurrence, et auxquels renvoient, ou ne renvoient pas, les personnages, par exemple (...) la beauté, la richesse, la jeunesse... »49

L'intrigue du roman Canicule glaciale présente trois axes préférentiels : la politique, la religion et l'origine géographique.

Sur le plan politique, le capitaine Levy s'est montré engagé et convaincu de la lutte armée contre le « camp du mal »50, Afulay aussi, par souci de vengeance et Augustin, puisqu'il est médecin et humaniste, il est en faveur des opprimés.

Sur le plan religieux, les deux personnages (Augustin et Levy) s'opposent à Afulay qui se mettra sur la voie de la radicalisation religieuse et refusera que l'on enterre Levy dans le cimetière musulman pourtant il (Levy) est tombé martyr sur le champ de combat pour la liberté de l'Algérie. Afulay finit par égorger son ami Augustin par motivation toujours religieuse ; « du sang »51

49Ph. Hamon, Pour un statut sémiologique du personnage, p : 99

50 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 202

51 Ibid, p ; 233

30

Chapitre I Etude sémiologique

Sur le plan géographique : la mention d'autochtone est citée à l'égard d'Afulay et de Levy qui se différencient d'Augustin qui, lui, vient de la France. On peut résumer ces constatations dans un tableau :

Axes retenus

Personnages

Politique (engagé)

Religion (musulman)

Origine

géographique (autochtone)

Levy

+

-

+

Afulay

+

+

+

Augustin

+

-

-

Commentaire du tableau :

On remarque que le plan politique a réuni les trois personnages dans un même volet « engagé » servant l'objectif d'accomplir l'action centrale du récit, vient ensuite le plan géographique qui définit Levy et Afulay comme autochtones, ces deux critères étaient plus décisifs que le plan religieux qui n'était un motif commun dans le déclenchement de la guerre de libération. En effet la révolution algérienne était hétérogène.

? Les rôles actantiels :

« Quel est le programme narratif du personnage étudié (programme détectable à travers son devoir, son pouvoir, son vouloir et son savoir) ? »52. Interrogation de V. Jouve et dont la réponse explicite tout un chapelet de compétences.

On voit que Levy, de par son statut de militaire (le savoir), est de son (devoir) de déserter les forces du mal qui sont les forces coloniales et pour réaliser cet objectif il en a les moyens et la capacité d'agir (le pouvoir) tant il est capitaine (responsable).

Afulay et Augustin jouent le rôle d'adjuvants tant ils ne s'opposent pas et même encouragent l'action de Levy en prenant la fuite avec lui et emportant les armes avec eux. Mais le rôle actantiel d'Afulay se nuancera après l'indépendance à cause de son (savoir) erroné qui le mènera à se voir obligé (devoir) d'appliquer une idée religieuse extrémiste et fausse et

52 V. Jouve, La poétique du roman, Arman Colin, p : 61

31

Chapitre I Etude sémiologique

dangereuse même car il termine son parcours par devenir un égorgeur. Cela rappelle les tragiques moments de la décennie noire où la société a été infectée par des idéologies fondamentalistes intolérantes.

2.2.1. Commentaire sur le faire des personnages :

A travers les rôles thématiques et actanciels on peut connaitre la valeur et la signification des personnages. Dans la page 209 le FLN a fait appel aux israélites d'Algérie les exhortant à choisir leur camp, Levy le juif d'Algérie a été du côté de la révolution et il est tombé comme martyre dans le champ d'honneur, Augustin, l'européen, qui a sympathisé et participé à la guerre contre son pays la France et resté fidèle à ses principes mêmeaprès l'indépendance ; il continuera d'assister la population médicalement dans des moments très difficiles de l'après-guerre. Afulay, l'algérien autochtone a totalement changé d'idéologie et devenu inconnaissable aux yeux de son ami de combat Augustin. Le rôle d'Afulay peut symboliser le système politique algérien qui a chassé les frères de combat (départ massif des juifs et des colons juste après 5 juillet 1962), le nouveau pouvoir était ingrat,maisil faut quand même dire que leur départ était volontaire et par peur de représailles. L'Algérie a renié ensuite sa diversité culturelle et linguistique ce qui a entrainé des conflits idéologiques interminables, ce qui laisse supposer un échec dans la construction d'un nouveau pays basé sur la modernité. Le modèle sémiotique de Greimas nous éclaire plus :

32

Chapitre I Etude sémiologique

1 2

Manipulation

 

Compétence

Transmission du vouloir/faire et Acquisition du savoir/faire

devoir/faire l'origine de l'action et du pouvoir/faire

Programme narratif

3

Performance

4

Sanction

Accomplissement de l'action clôture de l'action

Evaluation et interprétation

1. Manipulation : Levy transmet le (vouloir/faire) de l'intention de rejoindre la révolution et le (devoir/faire), il faut quitter la force du mal.

2. Compétence : Augustin et Levy (médecin et capitaine) ont le savoir/faire et le pouvoir/faire pour agir.

3. Performance : les héros ont quitté la caserne par la nuit, ont aidé la révolution jusqu'à l'indépendance.

4. Sanction : succès de la révolution mais échec de l'indépendance car tous les sacrifices de Levy et d'Augustin ont été reniés.

33

Chapitre I Etude sémiologique

Le schéma sémiotique de Greimas consolide nos résultats trouvés dans les rôles actantiels et thématiques des personnages du roman.

2.3. L'importance hiérarchique :

Ce volet qui a rapport au personnage/héros est brouillé par l'auteur, car, en appliquant les critères d'héroïsme dePhilippe Hamon, qui sont ; la qualification, la distribution, l'autonomieet la fonctionnalité, on pourrait déduire que chaque critère peut s'appliquer aux trois personnages au même temps, de ce fait il n'y a pas d'hiérarchie, mais il n'en demeure que Levy joue un rôle un peu plus important en proposant l'action de déserter l'armée à ses amis.

Chapitre II Etude sociocritique

34

Chapitre 2 : Etude sociocritique 2.1. Définition :

Après avoir conduit dans le chapitre précédent une analyse sémiologique assez exhaustive des personnages, il nous est aisé maintenant d'aborder le côté social et historique ou la sociocritique du roman, car nous l'avons vu, tous les acteurs principaux du récit entretiennent des rapports connotatifs et sont sujets aux diverses interprétationsidéologiques, sociologiques...

L'approche sociocritique qui se veut comme un « entre-deux » pour reprendre l'expression de Claude Duchet dans son texte fondateur Pour une approche sociocritique, il nous donne une première approximation : « un entre-deux parait ouvert, pour elle et non par elle, entre la sociologie de la création, à laquelle le nom de Lucien Goldman demeure attaché, et la sociologie de la lecture (...) dont se préoccupentégalement des sociologues de la production littéraire »53, cet « entre-deux » est nommé « le texte » par Claude Duchet, ainsi il définit la sociocritique comme : « une sociologie des textes, un mode de lecture du texte »54, donc la sociocritique met l'accent sur la socialité du texte, elle analyse le statut du social dans le texte et non le statut social du texte, sa procédure va du texte vers le « hors-texte » c'est-à-dire le sémiosis social : « l'oeuvre n'est lue, ne prend figure, n'est écrite qu'au travers d'habitudes mentales, de traditions culturelles, de pratiques différenciées de la langue qui sont les conditions de la lecture »55.

Pour l'autre sociocritique Pierre Zima, il rapproche les études des sociologues allemands de l'école de francfort (Adorno, Horkheimer, Habermas, Schmidt) de celles de Roland Barthes, Goldman et Greimas de l'école pratique de France, Pierre Zima aboutit, à travers cette collaboration philosophique, sociologique et sémiotique, à définir la sociocritique comme : « une théorie critique de la société qui ne s'oriente pas seulement vers le texte littéraire, mais tient compte de tous les discours qui coexistent et interagissent dans le cadre d'une formation sociale»56. Cette définition résume le discours social développé par Marc Angenot de l'école de Montréal dans sa contribution le discours social ; problématique d'ensemble, il le définit comme suit : « le discours social : tout ce qui se dit, tout ce qui s'écrit dans un état de société donné (tout ce qui s'imprime, tout ce qui se parle aujourd'hui dans les media électronique), tout ce qui

53 Claude Duchet, pour une sociocritique ou variations sur un incipit, In Littérature n°1, 1971, p : 6

54 Ibid. p : 6

55 Ibid. p : 8

56 Pierre Zima, texte et société, Ed ; Harmattan, 2011, p : 86

Chapitre II Etude sociocritique

35

se narre et s'argumente ; le narrable et l'argumentable dans une société donnée »57, il le relie à l'idéologie et lui donne une autre définition : « ensemble de la matière idéologique propre à une société donnée à un moment donné de son développement »58.Régine Robin l'a développé ainsi : « il s'agit de regarder lesidéologèmesrécurrents qui traversent toutes les zones du discours sociale : le discours médicale, le discours juridique, le discours de la scène politique parlementaire, le discours journalistique, le critique littéraire... »59.

La littérature est constituée essentiellement de divers discours sociaux ou d'aspects discursifs, on ne peut jamais occulter le référent social dans le texte littéraire : « la littérature est une pratique langagière qui s'investit d'un contenu social »60, c'est à partir du texte qu'on doit retrouver le hors-texte.

»61

A travers ces définitions, nous devons faire la différence entre la sociocritique et la sociologie de la littérature, cette dernière : « cherche à mettre en valeur les rapports de causalité et d'effet de retour entre la société, les structures économiques du marché, la dynamique sociale et l'oeuvre, le produit, le texte (...)

Le social et l'histoire vont de pair dans leur appartenance à l'objet d'étude de la sociocritique, car l'histoire est un élément produit par la société : « l'histoire est un produit social »62, la sociocritique doit s'interroger sur le dit et le non-dit de l'histoire contenu dans le texte, sur l'explicite et l'implicite, les traces des pressions culturelles, on peut se demander, par exemple, pourquoi un tel contexte historique a été omis dans un roman quelconque ? Il s'interroger aussi sur le discours marginal d'un personnage ou le discours dominant qui marque le récit (sociolecte et stéréotype).

Globalement la sociocritique est définie par Popôvic : « analyser, comprendre, expliquer, évaluer ce sont les quatre temps d'une herméneutique, c'est pourquoi la sociocritique- qui s'appellerait tout aussi bien socio-sémiotique- peut se définir de manière concise comme une herméneutique sociale des textes »63, c'est une interprétation plus centrée sur le caractère social du texte en puisant toujours dans les traditions, habitus et cultures de la société.

57 Marc Angenot, le discours social problématique d'ensemble, 1984, p : 20

58 Ibid. p : 20

59 Régine Robin, de la sociologie de la littérature à la sociologie de l'écriture, In ; Littérature, n°70, 1988, p : 105

60 Yasmina Abbes. Kara, recherche sémiotique, n°2, 2006, p : 27

61 Régine Robin, de la sociologie de la littérature à la sociologie de l'écriture, p : 99

62 Thomas Kuhn, revue de la recherche scientifique, n°1, 2003, p : 7

63 Pierre Popovic, la sociocritique, définition, histoire, concepts, voies d'avenir, 2011, p : 17

Chapitre II Etude sociocritique

36

2.2. Concepts de bases : 2.2.1. Le sociogramme :

Pour aborder la sémantique historique, on lui rattache ce que Claude Duchet appelle le sociogramme, car ils sont liés l'un à l'autre, il le définit comme : « ensemble flou, instable, conflictuel de représentations partielles, centrés autour d'un noyau, en interaction les unes avec les autres »64, ce noyau est au coeur du sociogramme, il contient un oxymore autour duquel gravitent des oppositions multiples, par exemple « pauvre mais honnête » est au coeur du sociogramme du pauvre au 19esiècle, mais Hugo pousse l'oxymore à sa limite et devient « forçat mais juste » c'est une opposition mais qui a sa valeur dans le roman, on peut relever plusieurs oxymores tel ville/cité, révolution/guerre ...

Le terme sociogramme est utilisé par C. Duchet pour remplacer celui de reflet idéologie qui jadis évoquait la domination et l'univocité, son but était d'exprimer la nature entre littérature et réalité sociale, quant à la sémantique historique, elleétudie : « le devenir en longue durée de la signification des mots et leur circulation dans la parole publique »65

Ces définitions appellent, pour être comprises, les notions d'information, d'indice et de valeur qui sont impliqués directement dans la texualisation ou la mise en texte, c'est-à-dire la transformation par l'écriture des indices en valeurs, cela a pour effet de transformer le domaine des idéologies et l'univers des discours et le réelsémitisé (indice) en unités qui prennent une charge sémantique discrète qui se différencient les unes des autres (valeur). Notons que valeur devrait être pris au sens saussurien.

2.2.2. Le sociolecte :

Pierre Zima donne le nom de sociolecte et le définit : « comme langage collectif et comme système modélisant secondaire, dont le répertoire lexical, pertinences et taxinomies rendent possible la production d'un certain type de discours que l'on reconnait sur les plans lexical et sémantique »66, en d'autres termes le sociolecte est un type de discours et un conglomérat de langages spécifique à une collectivité déterminée en interaction dynamique, ces sociolectes permettent à chaque groupe de se définir et de critiquer explicitement ou implicitement les autres groupes, un sociolecte humaniste, religieux, révolutionnaire, idéologique...

64 Claude duchet cité par R. Robin op.cit. p : 106

65 Pierre Popovic, la sociocritique, définition, histoire, concepts, voies d'avenir, p : 17

66 P. Zima, texte et société, Harmattan, p : 90

Chapitre II Etude sociocritique

37

Dans une autre définition P. Zima clarifie : « un sociolecte peut ainsi être défini comme un langage collectif marqué par un lexique, une sémantique et un faire taxinomique particulier qui peuvent engendrer des parcours narratifs ou discours plus ou moins cohérent »67, le sociolecte entre dans le fond de la discipline sociolinguistique à laquelle l'écrivain se confronte continuellement, il est défini par opposition à idiolecte qui est l'utilisation individuelle d'un certain langage. Dans notre travail, nous traitons le sociolecte en tant que parler spécifique qui indique sur une idéologie manifeste dans le texte.

2.2.3. L'idéologie dominante :

La classe dominante impose sa domination à travers un langage diffusé via les outils de socialisation comme les media, les lieux de culte, l'université...etc. C'est une sorte d'hégémonie discursive, on peut la définir comme : « la doctrine, directement liée à des enjeux politiques par laquelle la fraction de classe la plus proche du contrôle des appareils d'Etat justifie sa domination »68. L'écrivain peut adopter cette idéologie dans son écriture ou il peut carrément la contredire dans le cas où il veut corriger ou contester certaines réalités historiques masquées et faussées oudans le cas où il défend les intérêts des groupes dominés étant donné que ces derniers subissent les aspects négatifs de l'hégémonie discursive tels les tabous, les interdits, et la censure.

La proposition marxiste nous résume cet état des faits : « des idées dominantes d'une époque sont des idées de la classe dominante »69

2.2.4. L'intertextualité :

L'approche sociocritique traite l'immanence du texte mais s'intéresse aussi à son entour (le hors-texte parlé ou écrit ; le texte entre en relation dialogique ou intertextuelle avec les autres textes, le concept d'intertextualité introduit par Julia Kristeva qui se réclame de la théorie dialogique du langage développé par le groupe de M. Bakhtine. Selon eux : « le texte littéraire ou non littéraire n'est pas une monade : (...) il entre en dialogue. Un tel dialogue peut prendre la forme d'un pastiche, d'une parodie, d'une polémique ouverte ou latente ou d'une critique »70, naturellement, l'écrivain, avant tout, est un grand lecteur, quelqu'un qui est imprégné, sans le vouloir, des traces des écrits des autres, le chercheur doit chercher ces interactions.

67 P. Zima cité par Popovic op.cit. p : 21

68 M. Angenot, le discours social problématique d'ensemble, p : 29

69 Ibid. p : 31

70 Pierre Zima, texte et société, Harmattan, p : 76-77

Chapitre II Etude sociocritique

38

2.2.5. Le stéréotype :

Il y a une grande présence du stéréotype dans la littérature contemporaine. Les idéesreçues, les clichés façonnent notre vision du monde ; c'est une représentation figée, vraie ou fausse, sur l'autre, on préjugeait le citoyen indigène de « paresseux » et le juif de « avare » ....La thématisassions de la pensée stéréotypie pourrait se faire en substituant le stéréotype à la personne concerné dans le récit.

Dans son analyse du stéréotype, Henri Boyer le définit comme : « une sorte de représentation que la notoriété, la fréquence, la simplicité ont imposé comme évidence à l'ensemble de la communauté (...) il s'agit donc d'une structure sociocognitive figée »71. Généralement les groupes sociaux utilisent le stéréotype à des fins dévalorisantes à l'autre. C'est une idée qui n'a, bien sûr, aucun fondement logique, mais le public aime les raccourcis et les jugements aléatoires.

2.3. Analyse sociocritique du roman :

En guise de simplification, Vincent Jouve a établi un plan d'analyse qui se résume en trois champs à savoir : l'explicite, l'implicite et l'oblique.

2.3.1. L'explicite :

Dans ce champ on doit s'interroger essentiellement sur les références historiques qui parsèment la surface du roman, le référent social, le dit et le non-dit (le tu) du roman.

? Le dit du roman :

? Les structures sociales :

Le roman Canicule glaciale est directement impliqué dans l'Histoire de l'Algérie colonisée et l'Algérie indépendante, il existe deux grandes étapes représentées par les actions des personnages qui ont un point commun symbolique à savoir la caserne d'Oran où ils se sont rencontrés pour accomplir une action commune ; dans la première étape d'avant-indépendance est surtout marquée par la relation amicale de la famille d'Afulay avec le couple de colons « Gomez », mais conflictuelle teintée de haine et de mépris avec le père de Sandrine « le colonel Christophe Bigard ».la question posée est ; y a-t-il des bon colons et de mauvais colons ?

71 Henri Boyer, stéréotype, emblème, mythe, ENS-Editions, 2008, p : 5

Chapitre II Etude sociocritique

39

La France a encouragé les migrants européens de diverses nationalitésà s'installer en Algérie et d'accaparer les terres agricoles et moderniserle secteur économique qui était archaïque jusque-là : « entre les années 1830 et 1880, l'Etat s'efforce d'installer des colons sur les terres qu'il accapare, achète ou libère. Il s'agit d'une petite colonisation (...) les premiers colons se consacrent surtout à la culture des céréales.»72. Cette politique de colonisation était surtout bénéfique pour l'Etat français et pour ses citoyens, au contraire de l'indigène qui était vu comme un paresseux, qui ne travaille pas, qui passe toute sa journée dans le jeu de carte et boire le thé et café à l'image du père d'Afulay « Daoud Rochdi » il est dépeint dans le roman : « recroquevillé sur lui-même, le regard pensif, englouti dans sa carapace »73 , mais après l'arrivée du couple Gomez sa vie a changé « depuis l'installation des Gomez dans notre village Hab L'Mlouk, mon père a décidé de quitter l'ombre »74 , ce changement étrange et soudain s'explique par le besoin du travail de l'indigène et la nécessité de sortir de sa marginalisation et de son état d'aliénation. Souvent l'autochtone travaillait comme « khammès » ou métayer chez le colon. Le sociologue français P. Bourdieu a réalisé une étude sociologique sur la sociétéalgérienne durant la colonisation où il décortique profondément ce statut de l'indigène : « le khammès est lié au patron qui dicte les clauses et s'assure seul contre le risque ; il abdique liberté et initiative et ne reçoit qu'une très faible part de la récolte (1/5)»75. Cette situation s'assimile à une sorte de servage visible et apparente, mais cela n'empêche pas que de bonnes relations naissent de ce contrat de travail, des intérêts communs consolident cette coopération. La politique de répression était sévèrement menée par l'armée française, elle est représentée par la figure du colonel « Christophe Bigard » à travers son caractère rustre et méprisant envers Afulay, il insinuait que les indigènes ont « un queue par le derrière », c'est une image stéréotypée qui a marqué le parcours narratif d'Afulay et l'a nourri de rancune et de volonté de vengeance du colonel, l'armée coloniale imposait une violence inouïe à l'égard des populations autochtones notamment durant les insurrections qui se déclenchaient çà et là sporadiquement dont les évènements du 8 mai 1945 en est le plus bel exemple. Bourdieu nous en donne une belle analyse : « à mesure que la colonisation s'implante et s'installe la sociétéalgérienne se désagrège, donnant au colon une justification supplémentaire pour éviter et mépriser »76, cette distanciation entre indigènes et françaissème les premières semences de la révolte générale des autochtones contre la colonisation. Dans sa volonté absolue de domination, l'armée coloniale a créé une nouvelle entité qui s'appelait « caïd », historiquement connue comme intermédiaire entre l'administration

72 Pierre Bourdieu, la sociologie de l'Algérie, Que sais-je ?, p : 95

73 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 14

74 Ibid, p ; 21

75 Pierre Bourdieu, Op.cit. p ; 59

76 Ibid. p : 99

Chapitre II Etude sociocritique

40

coloniale et la population locale, cette position des « caïds » était généralement mal utilisée pour imposer des injustices et extorquer les biens des groupes dominés. Ce fait colonial est présenté par A. Zaoui dans le portrait du caïd Ramdane Laouedj : « un village où les habitants sont à la merci du caïd Ramdane Laouedj, boiteux, violeur et voleur »77, c'est l'image type d'un agent indigène mis au service des classes dominantes européennes. Soit un double mépris auquel est exposé l'autochtone, d'abord par l'administration coloniale puis par ses agents de l'autorité française qui étaient les « caïds ». Ces derniers usent et abusent de leur pouvoir dans le sens d'exactions, cette situation de plus en plus insupportable a engendré les premiers indices de l'explosion révolutionnaire.

? Oran, cadre d'une vie idéale :

En imaginant un cadre de vie idéale en accord avec ses pensées de tolérance et de vivre-ensemble, l'écrivain a perçu Oran une cité féconde, très significative en terme de coexistence, une ville méditerranéenne accueillant toutes sortes de confessions, car il y a la joie, la musique et les belles femmes européennes et arabes, les lieux du culte se côtoient sans aucun problème, toutes les langues y sont parlées et comprises. Naturellement, Oran était toujours aimée à cause de la sympathie de ses habitants, les différents conquérants qu'elle a connus (espagnoles, français, ottomans) l'ont donné un caractère cosmopolite, mais surtout à cause des écrivains illuminés qui y passaient souvent leur vacance ou en profitaient dans le cadre de leur travail à l'image d'Albert Camus. A. Zaoui fait l'éloge d'Oran en disant : « dans cette ville ouverte cohabitent les musulmans, les juifs, les chrétiens et les autres »78 et dans un autre passage il dit : « très vite, le sentiment d'appartenir à cette ville bleue a germé dans les tréfonds de ma mémoire »79.

La deuxième étape représentée dans la fiction de Zaoui réfère à l'après indépendance qui est caractérisée par deux thèmes majeures ; le coup de force de 1962 et la décennie noire.

? Le coup de force de l'été 1962 :

C'est une escale très cruciale dans l'histoire de l'Algérie, qui a basculé dans des moments de doute juste après le départ de la puissance coloniale après 132 ans d'occupation. Les combattants de la liberté étaient placés devant le fait accompli et ils devaient construire leur pays comme ils l'avaient tant rêvé et espéré. Malheureusement les évènements qui ont suivi le

77 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 16

78 Ibid, p ; 86

79 Ibid, p ; 90

Chapitre II Etude sociocritique

41

cessez-le-feu, le 19 mars 1962,étaient des plus désolantset ont mis le nouvel Etat dans une crise dont les effet pervers se ressentent jusqu'à nos jours, et pour cause les conflits internes entre les frères d'hier se sont déclenchés avec violence ; « les jours de l'indépendance courent, se suivent à toute vitesse, les nouvelles de violence et de guéguerre déclarées entre les frères d'hier »80, ainsi l'espoir de bâtir un pays moderne se dissipe peu à peu : « les camarades de la révolution, se propagent, elles nous attristent. L'espoir de construire un pays moderne, démocratique et pluriel sombre dans la haine et le clanisme »81, la fraternité d'hier a laissé place aux luttes intestines. Cet été 1962 était le théâtre d'affrontements entre l'armée des frontières et l'armée de l'intérieur, une lutte fratricide autour de l'accession au pouvoir. L'historien Charles Robert Ageron auteur du livre Histoire de l'Algérie contemporaine nous rapporte des faits : « Des fusillades meurtrières opposèrent à Alger même les partisans des deux camps ; des accrochages sanglants eurent lieu dans divers secteurs (...) Alger fut démilitarisé ce qui permit aux forces de Boumediene.d'entrer sans coup férir dans la ville le 10 septembre assurantainsi la victoire définitive de M. Ben Bella »82. Ainsi est née une crise historique, le premier coup d'Etat, selon l'auteur, contre la légitimité a instauré la suspicion au sommet du pouvoir. Smail Goumeziane nous relate sa version des faits : « le 9 septembre, l'armée des frontières baptisée ANP (armée nationale populaire) commandée par le colonel Boumediene qui avait tout organisé, entra dans la capitale »83. Cette période d'anarchie et de règlements de compte a vu l'exode massif des Européens et juifs et même les harkis ou les musulmans pro-françaisaprès que leur vie s'est avérée en danger. La primauté du civil sur le militaire n'est plus valable puisque l'Assemblée nationale constituante, qui proclama la naissance de la République algérienne démocratique et populaire, « n'y figurait aucun membre du dernier G.P.R.A ; en revanche, cinq militaires, dont le colonel Boumediene, occupaient les postes-clés »84, cette situation avait des conséquences sur le plan politique mais surtout idéologique car les nouveaux maitres du pays sont majoritairement inspirés du nationalisme arabe nassérienlui-même proche des frères musulmans d'Egypte de l'époque. Cette contiguïté idéologique s'affirmera par le choix du Parti unique comme système de gouvernance, ce parti-pris pour la force militaire entrainera l'exclusion de toute opinion opposante, la censure et autres formes de dictature. A ce climat d'incertitudes s'ajoutent le taux de chômage élevé qui dépassait : « deux millions de chômeurs et 2 600 000 personnes sans ressources »85, ces difficultés sociales sont entrainées par le manque de cadres administratifs et

80 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 214

81 Ibid, p ; 214

82 Ch. Robert Ageron, histoire de l'Algérie contemporaine, Ed ; que sais-je, 1964, p : 116

83 S. Goumeziane, Algérie l'histoire en héritage, p : 330

84 Ch. Robert Ageron, Histoire de l'Algérie contemporaine, Que sais-je ?, p : 117

85 Ibid. P : 119

Chapitre II Etude sociocritique

42

techniques qui pouvaient gérer les secteurs en faillite après le départ des colons. Une autre politique appliquée par les dirigeants avait approfondi les déchirures entre les population est celle de l'arabisation ; par souci de conquérir une indépendance totale, la révolution avait voulu tout arabiser sans tenir des conséquences néfastes comme l'a montré Smail Goumeziane : « Taleb El Ibrahimi créa des sections en langue arabe au côté des sections en langue française plutôt que d'arabiser progressivement module par module, il fut ainsi à l'origine du clivage artificiel entre « arabophones » et « francophones »86, et de poursuivre, toujours selon ses analyses : « à partir de là, le ver de l'islamisme politique entrait dans la pomme »87. Amin Zaoui cite dans le roman : « le pouvoir vient au secours des islamistes »88 En effet, les arabophones ont l'habitude de traiter les francophones de traitres et de fils de la France, les francophones à leur tour ripostent par qualifier leurs adversaires de bédouins, d'arriérés et d'obscurantistes. Ce clivage est visible surtout chez les intellectuels, avec l'arrivée des parties politiques aux années 80's les choses se sont aggravées, les insultes sur la télévision sont devenues un menu quotidien.

? L'extrémisme religieux :

Par suite d'accumulation de crises, de conflits et d'échecs économiques et éducatifs, mais surtout suite au clivage linguistique entre arabophones et francophones que le fondamentalisme religieux est apparu, encouragé par l'arrivée massive des enseignants orientaux dans le cadre de la politique d'arabisation. Dans le récit d'Amin Zaoui, il fait endosser la responsabilité de cette radicalisation idéologique sur le régime politique qui a tendu, selon lui, la main aux extrémistes religieux pour contrecarrer les courants démocratiques et avant-gardistes dans les campus universitaires : « le pouvoir du colonel Boumediene cherche un allié saisonnier, il vient au secours des islamistes afin d'écraser les forces politiques de la gauche »89. Amin Zaoui decrit le profil de l'extrémiste : « une barbe indisciplinée, sauvage »90 , La suite de ces dérapages est catastrophique sur les pays et le future des jeunes générations dont la majorité ira s'exiler pour fuir la mort durant la « décennie noire » ou « rouge » sanglante où le pays était sur le point de s'écrouler sous les coups du terrorisme islamiste.

? Le « tu » du roman :

? Le discours de la famille :

86 S. Goumeziane, Algérie Histoire en héritage, P : 374

87 Ibid. P : 374

88 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 216

89 Ibid, p ; 216

90 Ibid, p ; 218

Chapitre II Etude sociocritique

43

L'auteur a certes mis au premier plan les raisons idéologiques qui ont mené Afulay à la radicalisation, mais d'aprèsnotre analyse de son parcours narratif que nous avons fait dans la partie sémiologique le personnage (narrateur) a vécu une enfance difficile, ayant un père fainéant qui menait une vie monotone avant l'arrivée du couple Gomez qui allait tout changerpour lui. Ce père, irresponsable, était entré dans une relation amoureuse avec Izilda sous les yeux de son fils et de sa femme qui est devenue folle de rage et de jalousie. Face à cette situation compliquée, Afulay décide de quitter la maison et l'école définitivement : « abandonner définitivement les bancs de l'école »91. Il y a aussi sa volonté de vengeance de Ramdane Laouedj le caïd qui réprimait le village. Donc le récit met en évidence une enfance perturbée et difficile de l'enfant autochtone à l'opposé de ses deux collègues Augustin et Levy. Dans le processus de radicalisation, le discours de la famille joue un rôle essentiel dans l'équilibre psychologique du radicalisé, un rôle négligé par l'auteur.

? Le facteur économique :

Le discours économique a été négligé dans la formation d'un extrémiste, la force des groupes terroristes tient dans sa capacité de récupération des marginaux sociaux en leur promettant le paradis dans l'au-delà, mais surtout en aliénant ici-bas avec la promesse de l'argent et une belle situation pour le « candidat au martyr » et pour sa famille. La plupart des extrémistes viennent des couches sociales défavorisées et pauvres, chose négligée par l'auteur.

? La problématique identitaire :

Dans la composition plurielle de l'identité algérienne il existe des berbères, des chrétiens, et des juifs, mais aussi les arabes qui se sont implantés notamment après les conquêtes consécutives de l'Afrique du nord. En lisant le roman d'Amin Zaoui on découvre l'identité juive et chrétienne aisément, à l'inverse il y a une confusion quand il s'agit de l'identité arabe et berbère, l'écrivain assimile les deux composantes à l'instar de l'Arabe tué par meursault dans L'étrangerd'Albert Camus, or il faut distinguer entre Arabe et Berbère. M. Arkoun, repris par notre professeur Abdellah Bakouche dans sa contribution sous le titre M. Arkoun et le Maghreb pluriel : pour une approche scientifique,constatait que contrairement à la conception islamiste réductrice de l'identité maghrébine à deux dimensions, arabe et islamique : « M. Arkoun postule l'existence de trois cultures au moins, correspondant à trois langues qu'il conviendrait de déterminer par des enquêtes sociologiques (...) à savoir le berbère (...) la langue arabe (...)

91 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 117

Chapitre II Etude sociocritique

44

enfin le français que l'auteur qualifie de langue des super-élites »92. Notre identité est multiple, africaine avec une dimension méditerranéenne, dans ce sens M. Arkoun invite à : « explorer la dimension méditerranéenne de la personnalité maghrébine (...) pour ainsi restaurer la solidarité des Maghrébins avec le monde méditerranéen »93

2.3.2. L'implicite :

Dans ce volet on procèdera à identifier les rapports textuels du roman ainsi que l'idéologie dominante, l'homologie du processus historique avec le récit romanesque.

? L'intertextualité :

Nous avons vu dans l'analyse sémiologique que l'auteur avait brouillé les normes classiques du roman en vertu d'une imitation des écrivains du nouveau roman, ce brouillage qui caractérisait le nouveau roman est un signe de l'inquiétude qui régnait dans les années 50's et 60's en France, A. Zaoui s'en est inspiré pour contester l'ordre social. Nous pouvons suggérer aussi l'existence d'une analogie thématique entre notre roman et celui de Rachid Mimouni le fleuve détourné (1984) dans la mesure où le fleuve qui a été détourné de son cours a fait allusion à l'indépendance qui a été dévié de ses principes initiales à savoir la diversité culturelle, le partage des biens, la dignité et l'égalité des chances entre citoyens,

Le fleuve détourné raconte l'histoire d'un maquisard qui a été porté disparu dans le maquis, mais à la surprise générale il a réapparuaprès de longues années du cessez-le-feu et là il sera témoin de l'Algérie indépendante où la corruption, le vol, le népotisme et toutes sortes de maux y régnaient.

Il y a aussi une grande ressemblance entre Canicule glaciale et lepremier homme (1994) d'Albert Camusdont le thème de la quête du père occupe une place essentielle, dans les deux romans le héros cherche désespérément à restituer l'image du père qu'il n'a jamais vu ou connu. Amin Zaoui a imité en pastichant ces deux ouvrages précités en en empruntant le thème principal.

? La grande Histoire et histoire du récit :

Il y a une homologie apparente entre le temps du récitet la grande Histoire dans la mesure où les personnages, Augustin, Levy Al N'qaoua et Afulay, évoquaient directement des grandes

92 A. Bakouche, M. Arkoun et le Maghreb pluriel : pour une approche scientifique, In ; Insaniyat n°43 ; 2009, P : 70

93 Ibid. P : 71

Chapitre II Etude sociocritique

45

figures historiques de l'Afrique du nord et de l'Algérie en particulier, c'est un message implicite voulu par l'auteur pour signifier l'existence d'une diversité culturelle, ethnique et linguistique depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours que le pouvoir politique a voulu effacer et escamoter.

M. Arkoun toujours repris par Dr. A. Bakouche a livré une analyse pertinente : « parmi les obstacles épistémologiques qui ne cessent de retarder l'avènement d'une ère de « réévaluation/critique » (...) l'auteur met en cause les dérives vers un islam militant et un arabisme abstrait et intolérant accentués après les indépendances »94

L'auteur du roman évoque la vie idéale de l'Andalousie à travers l'image d'Averroès, le grand philosophe qui se situe dans le confluent de la pensée orientale et occidentale, sachant que c'est lui qui a introduit l'interprétation de la philosophie d'Aristote à l'occident : « je suis l'arrière-petit fils d'Averroès commentateur d'Aristote »95

? L'idéologie dominante :

Selon une expression marxiste, une idée dominante n'est que l'effet d'une classe dominante. Durant l'occupation l'idéologie dominante fut celle de la colonisation, cette dernière imposait des lois coercitives et légiférait pour le besoin de sa survie, elle censure et punit. En contrepartie le discours marginal est porté par les indigènesqui revendiquent leur autonomie par rapport à la classe dominante. Après l'indépendance c'est le nouveau régime politique qui impose sa domination et son hégémonie langagière en employant les média, l'université, les lieux du culte ...etc. Cette idéologie issue de l'alliance entre nationalisme et islamisme dominait toutes les sphères, les persécutions des opposants et des minorités linguistiques en sont les conséquences. Cette idéologie est représentée dans les paroles d'Afulay après sa radicalisation : « c'est un juif, c'est haram de lire la fatiha sur son âme »96

? La polyphonie : (voix dialogiques)

C'est Michail Bakhtine (1895-1975) qui a jeté les bases de la théorie dialogique, cette notion désigne : « l'existence et la concurrence de plusieurs voix dans un texte où s'expriment les points de vue idéologiques ou sociaux divergents, voire incompatibles »97

Pour Bakhtine « le langage est un medium social et tous les mots portent les traces, intentions et accentuations des énonciateurs qui les ont employés auparavant »98.

94 Ibid. P : 72

95 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 54

96 Ibid, p ; 221

97 A. Viala, P. Aron, le dictionnaire du littéraire, PUF, 2002, P : 181

Chapitre II Etude sociocritique

46

Dans la proposition de Levy où il y dit : « nous aussi, il faut que nous regagnions le maquis »99, il y a un discours dialogique là-dedans puisque cette phrase est une réponse à une voix intérieure, une voix dans l'esprit de locuteur, comme s'il répond à cette injonction intérieure : « vous devez agir, vous devez faire quelque chose », cette voix interne est celle de la communauté, du groupe social auquel il appartient. Ce discours dialogique est révélégrâce à la théorie du dialogisme de Bakhtine. De la même manière on découvre cette voix tierce dans l'expression : « moi aussi un indigène, ould l'blad, fils du bled »100, Levy utilisait un discours implicite en se référant à un stéréotype doxique qui déniait aux juifs d'Algérie le statut autochtone, les considérant comme étrangers. Levy essayait de convaincre son interlocuteur que, lui aussi,il a le droit de défendre son pays.

2.3.3. L'oblique :

Dans ce volet de sociocritique, on fera l'analyse du stéréotype et du sociolecte.

? Le stéréotype :

Comme nous l'avons déjà défini, le stéréotype est une idée reçue sur l'autre, cette idée est révélatrice sur certains traits de l'idéologie. Dans sa discussion avec Afulay, Sandrine a utilisé un stéréotype révélateur : « est-ce que toi aussi, à l'image de tous autres Arabes, tu as une queue comme celle d'un singe ou d'un âne »101, or le fait qu'un Arabe est imaginé comme ayant une queue cela entretien un stéréotype dévalorisant qui exprime l'idéologie raciste des colonialistes qui mettent les indigènes et les animaux à égalité, dans le même sac. Par ailleurs, la dénomination « Mohammed » attribuée à Afulay ainsi qu'à Duval, le religieux français, est un stéréotype collé au dos des hommes arabes en les appelant tous par ce nom et les femmes par le nom « fatma ». Les autochtones également utilisent la dénomination « roumi » pour designer l'européen ou le chrétien particulièrement.

Chaque groupe social portait des préjugés sur l'autre, ce qui a fait naitre ce grand fossé qui séparait les deux communautés autochtone et européenne.

98 Ibid. p : 182

99 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 202

100 Ibid, p ; 177

101 Ibid, p ; 114

Chapitre II Etude sociocritique

47

? Le sociolecte :

Etant donné que le roman est essentiellement chargé de faits historiques, naturellement, les personnages emploient le sociolecte qui a trait à l'histoire tel le sociolecte révolutionnaire utilisé par Levy dans la caserne. Le sociolecte idéologique est utilisé par Augustin dans son exposé sur le passé de ses grands-parents notamment son grand-père qui lisait souvent L'Humanité l'organe de presse des communistes français il disait : « il n'y a pas de guerre juste. Toutes les guerres sont sales »102 . Afulay après sa radicalisation utilisait le sociolecte religieux pour défendre sa nouvelle idéologie : « c'est un grand péché intolerable et impardonnable d'enterrer les ossements d'un Levy dans le cimetiere des martyrs (...) il est juif, il est sale »103

En appliquant une lecture sociocritique à ce roman nous avons pu identifier le hors-texte sur lequel est bâti la fiction du roman et les différents groupes sociaux qui forment la communauté indigène ainsi que la communauté européenne en Algérie, également les différents discours qui occupaient l'imaginaire de la société du roman, mais le plus essentiel dans cette analyse est l'identification de la source de toutes les crises de l'Algérie actuelle et qui réside, selon l'avis de l'auteur, dans le coup de force de l'été 1962.

102 Amin Zaoui, Op.cit. p ; 61

103 Ibid, p ; 223

48

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984