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La protection spéciale de l'enfant exposé à la mendicité: etat des lieux et perspectives


par Timothée KITAMBALA
Université de Kinshasa - Licence en Droit 2019
  

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Section 1 : Ineffectivité de la protection de l'enfant exposé à la mendicité

Nous disons que la protection de l'enfant exposé à la mendicité est ineffective parce que nous ne voyons pas les effets réels de cette protection d'autant plus que les enfants sont régulièrement dans les lieux publics, en train de pratiquer la mendicité qui d'après KELLENS et BIHAIN, est le fait de demander un secours pour soi-même ou pour ses proches, sans contrevaleur appréciable.40 Et dans ce secours que les enfants recherchent aux passants, cela les expose en même temps au danger.

C'est pourquoi, dans cette section nous allons porter notre attention sur les formes d'oppressions subies par les enfants exposés à la mendicité (§1) et les conséquences de ces oppressions (§2)

39 MINAS (RDC), « Normes et standards de prise en charge des enfants vulnérables en République Démocratique du Congo » septembre 2014, p. 13.

40 KELLENS G. et BIHAIN L., Protection de la jeunesse, Université de Liège, faculté de droit, 1995, p. 133

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§1. Les formes d'oppressions subies par les enfants exposés à la mendicité

Nous pouvons distinguer généralement deux formes d'oppression, d'après les effets qu'elles entrainent sur les jeunes : les formes d'oppression physique et les formes d'oppression morale. Mais il faut auparavant décrire un peu le mode de vie de ces enfants de la rue, en vertu de quoi, notre regard a été porté sur ceux qui s'exposent à la mendicité.

Yves MARGUERAT et Danièle POITOU donnent la description exacte de ces enfants de la rue comme nous les avions également trouvés lors de notre descente sur terrain. Il importe de signaler qu'à ce niveau l'attention est plus donnée à l'égard des enfants qui se sont séparés de façon définitive de leurs parents ou leurs personnes responsables.

La vie quotidienne des enfants et jeunes de la rue se déroule dans une insécurité permanente. Cette situation semble être à l'origine de leur solidarité, qui aboutit à la formation de bandes. Chaque matin, ils se dispersent pour vaquer à leurs multiples occupations. La journée, ils se regroupent momentanément pendant les temps de repos. Le soir, ils forment des attroupements importants, pour se raconter leur journée et chercher ensemble les lieux de sommeil. Les enfants de la rue sont deux catégories.

Les premiers sont sans activité lucrative : oisifs, vagabonds et mendiants, ou voleurs. Les seconds, par contre, exercent des activités régulières : nettoyer, vider les poubelles, faire la vaisselle, porter des colis et des vivres, cirer les souliers, pousser des charrettes, etc. (non sans recours eux aussi, parfois, à la mendicité ou au vol). Une de leurs plus grandes difficultés, dans la rue, c'est le manque de logement. Ils dorment sous ou sur les hangars, sous les vérandas, dans des bâtiments inachevés ou abandonnés, etc.

Souvent, ils passent la nuit dehors, parfois sous le froid et la pluie, et dans la crainte des agents des forces de l'ordre, des bandits etc. Ces enfants sont parfois particulièrement sales, de la tête aux pieds, dans l'habillement comme dans l'hygiène corporelle, et sentent mauvais. Il y a parmi eux des galeux, des malingres, et chacun a au moins une plaie. Ils sont soit échevelés, soit le crâne mal rasé. Cet état général de santé

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montre que non seulement ils manquent de moyens, mais aussi qu'ils se sous-estiment et se négligent.41

A. Les formes d'oppression physique

Les formes d'oppression physique sont les contraintes qui portent atteinte à l'intégrité physique de l'individu. Elles utilisent la violence comme arme de base. L'oppression est « un acte par lequel on impose à quelqu'un ou on le contraint d'agir contre sa volonté, en employant la force ou l'intimidation »42

Les formes de contrainte portant atteinte à l'intégrité physique des enfants de la rue sont nombreuses et variées.

1. L'application de produits nocifs

Les produits nocifs en usage dans la rue sont le poivre et le machacha, utilisés dans le but de nuire.

- La pratique du poivre

C'est une technique qui consiste à faire mâcher et avaler un ou deux grains de poivre, ou à les frotter sur les yeux, la bouche, les oreilles, le sexe ou le recrum de la victime. Le remède contre le chatouillement du poivre est, disent les jeunes, de mâcher ou de frotter de la poussière de braise partout où a été appliqué le poivre.43

Voici ce qui a été recueilli à ce sujet : « pour la première fois qu'on m'a frotté ces grains de poivre aux yeux, je ne pouvais imaginer que ça pouvait me faire aussi mal, je pleurnichais car c'était parmi mes premiers jours dans la rue, j'avais autant pensé à ma famille mais je ne pouvais pas retourner là en ce moment parce qu'à la maison, mes parents ne sont même pas là, mon père est au Kasaï et ma maman n'est pas très souvent présente,

41 MARGUERAT Y. et POITOU D., A l'écoute des enfants de la rue en Afrique noire, Université catholique de Louvain, faculté de droit, Fayard 1994, pp. 361-362

42 Idem, p. 364

43 Ibidem.

44 Enfant exposé à la mendicité X, communication personnelle, lieu d'entretien à Lemba (UNIKIN), à 11 heures

45 Enfant exposé à la mendicité Z, communication personnelle, lieu d'entretien à Lemba, (UNIKIN), à 10 heures

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quand je rentre le soir, je ne vois que ma grand-mère maternelle avec d'autres membres de la famille élargie ».44

- La pratique de machacha

Employé moulu, il suffit d'en souffler une petite poussière en direction de celui qu'on veut châtier ou de la lui frotter sur le corps, provoquant des démangeaisons et des chatouillements qui peuvent disparaître en se formant avec du sable.

Voici ce qui a été recueilli à ce propos : « vivre dans la rue, il faut être vigilant. C'est seulement dans la rue que j'ai appris à supporter la douleur, même si je pleure qui va m'écouter ? - il n'y a pas de pitié ici dans la rue, il faut seulement être prudent à certains moments. Moi-même par mon imprudence, j'ai été victime plusieurs fois de frottement de machacha dans le corps. Oups ! une fois c'était sur mon dos, ça me chauffer comme pas possible, pour que ce chatouillement s'arrête, il me fallait enlever vite le polo et commencer à tourner au sol pendant que mes amis étaient là en train de me rire »45

2. Les brulures

Beaucoup de plaies vues sur le corps de jeunes sont des brulures. Plusieurs techniques sont utilisées, souvent exercées pendant les heures de repos ou de sommeil. Le but visé serait de punir les oisifs, les paresseux, ou seulement de satisfaire son sadisme, qui a pour base la haine, la jalousie ou la vengeance. Ces pratiques sont :

a. L'usage du corps de la victime comme cendrier, c'est-à-dire éteindre une cigarette sur sa peau nue ;

b. Fixez entre les lèvres d'un jeune endormi la bouche entrouverte un mégot de cigarette (dont on a détaché le filtre). Dans ce cas, ce sont les lèvres qui se brûlent,

c. Enfoncer une allumette allumée dans la bouche d'un jeune endormi la bouche ouverte. Ici, on se brûle l'intérieur de la bouche ;

d. Appliquer un tison ou une braise allumée sur le corps de quelqu'un.

Voici quelques propos recueillis à ce sujet : « j'éteins souvent ma cigarette sur les jeunes mendiants. Quand les autres travaillent, eux dorment ou jouent pour enfin aller

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mendier. Alors qu'ici chacun doit vivre de son effort » « cette brulure sur le dos, c'est le feu de la cigarette éteinte par D. quand je dormais, alors que j'étais malade. Après son acte, il s'est mis à rire. Je me serais vengé si j'avais été plus fort que lui » « actuellement, je suis devenu sage, je dors comme le boa un oeil ouvert, un oeil fermé. Car je risque encore une brulure aux lèvres. »46

3. Autres formes de torture

- Le pincement de nez ou d'oreilles

Cette forme de torture consiste à pincer le nez ou les oreilles d'un enfant pendant une durée déterminée, allant d'une à cinq minutes. Tous les jeunes interrogés à ce sujet reconnaissent avoir subi cette forme de torture et ses conséquences : « les oreilles chauffent et bourdonnent, et entrainent les maux de tête. On peut en devenir fou » « quand on m'a pincé le nez, le sang a coulé, les yeux ont rougi, et j'avais mal à la tête »47.

- Donner des coups contre les objets durs

Cette pratique consiste à imposer aux enfants de « faire la boxe avec l'environnement matériel », tel qu'administrer des coups de tête ou de poings aux murs ou aux arbres. « La tête me fait toujours mal depuis que l'on m'a obligé de la cogner contre un mur, il y a deux ans »48

- Faire le landoi

C'est obliger un enfant à enfoncer un doigt dans un petit trou dans le sol, incliner la tête au sol, puis tourner sur place en vitesse, en décrivant un mouvement de rotation autour de soi-même, pendant une à cinq minutes. Cette pratique est dénommée « la danse zekete-zekete » par les jeunes. « Un jour, j'ai tournoyé de vertige. En voulant me redresser, j'ai cogné la tête contre le coin d'un mur. Voici les cicatrices »49

46 Enfant exposé à la mendicité Z, communication personnelle, lieu d'entretien à Lemba, (UNIKIN), à 10 heures, p. 365-366

47 Enfant exposé à la mendicité E, communication personnelle, lieu d'entretien à Lemba super, à 11 heures

Enfant exposé à la mendicité K, communication personnelle, lieu d'entretien à Lemba super, à 11 heures

49 Enfant R, communication personnelle, lieu d'entretien à Lemba

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51 Enfant M, communication personnelle, lieu d'entretien à Lemba

52 Enfant W, communication personnelle, lieu d'entretien à Lemba

50 MARGUERAT Y. et POITOU D., op. cit., p. 367

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Notons que toutes les formes de torture décrites ci-dessus ont été observées chez les jeunes entre eux. Ce sont les jeunes adultes et les plus forts qui les exercent sur les cadets et les faibles. Les circonstances qui peuvent être à l'origine de ces tortures sont nombreuses : la désobéissance, l'entêtement, la revendication des droits etc. Ceux qui en sont les auteurs les font subir par haine, jalousie ou sous l'effet de la toxicomanie50.

4. Faire manger des mouches

Quand certains enfants dorment la bouche ouverte la journée, les oppresseurs tuent des mouchent ou prennent d'autres saletés pour les leur enfoncer dans la bouche. Puis on les réveille brutalement en leur révélant ce qu'ils ont avalé. Cette pratique remplace certaines formes de brulures. « J'en ai déjà avalé une fois. Et puis j'ai eu une diarrhée durant trois jours... on m'a dit que ce sont les asticots des mouches qui s'étaient développés et qui me rongeaient les intestins et l'estomac »51.

1) Les coups

Certains de ces enfants qui s'exposent à la mendicité sont battus. Il s'ensuit de notre observation dans une descente sur terrain, deux groupes d'enfants exposés à la mendicité, parmi eux les uns étaient un peu âgé que les autres. Cherchant de parler avec l'un de ces groupes qui était déjà sur le lieu, l'autre groupe n'était pas content, d'après lui, les enfants du premier groupe avaient occupé la zone qui n'était pas la leur, après quelques instants ils ont commencé de se quereller le lieu. A la suite de ces querelles, au moment que nous cherchions à les calmer, un garçon du deuxième groupe lança un coup de poings dans le corps de garçon du premier groupe. Après avoir réussi à les calmer le deuxième groupe des enfants quitta le lieu car tout le monde parler en mal d'eux. L'un des garçons dit : « nous vivons ce genre de lutte presque chaque jour et si nous sommes moins forts, il arrive que nous soyons tous battus et, c'est pire encore quand je suis surpris seul sans mes amis. Nous sommes obligés de marcher en vue de trouver des gens qui vont nous donner quelque chose, sinon, nous crèverons de faim, nous manquerons de quoi s'acheter des petits trucs à manger pendant la journée »52

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway