WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La limitation des droits fondamentaux au nom de l'ordre public et de la sécurité nationale: cas des coupures d'internet en période électorale de décembre 2018


par Isambya Jean-Claude
Université Officielle de Bukavu - Licence en Droit 2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

AGNU  Assemblée Générale des Nations Unies

ANR  Agence Nationale des Renseignements

AR. P.T.C  Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications

Art.  Article

C.  Contre

CADHP  Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

C.E  Conseil d'Etat français

CEDH  Cour européenne des Droits de l'Homme

CIPESA Collaboration on International ICT Policy for East and Southern Africa

CSAC  Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication

DEA  Diplôme d'Etudes Approfondies

DG  Directeur Général

DEMIAP  Détection Militaire des activités Anti-Patrie

DUDH  Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

Éd.  Edition

EUI  Economist Intelligent Unit

FAI  Fournisseur d'Accès à Internet

IP  Internet Protocol

J.O  Journal Officiel

LGDJ  Librairie générale de droit et de jurisprudence

  Numéro

OCDE  Organisation de Coopération et de Développement Economique

ONU  Organisation des Nations Unies

P.  Page

PIB Produit Intérieur Brut

PIDCP  Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques

PUF  Presses Universitaires de France

RCADI  Recueil des Cours de l'Académie de Droit International de La Haye

RDC  République Démocratique du Congo

Rés.  Résolution

RFDC  Revue Française de Droit Constitutionnel

RLDI  Revue Lamy Droit de l'Immatériel

SMS Short Message Service

TIC  Technologies de l'Information et de la Communication

UIT Union internationale des télécommunications

1

0. INTRODUCTION

L'Ordre public et les libertés entretiennent une relation aussi essentielle que périlleuse1(*). Cette relation repose sur le postulat selon lequel les libertés ne sauraient prospérer sans la sauvegarde de l'ordre public qui, lui-même, a pour seul objet de protéger les libertés. L'ordre public freine l'émancipation des libertés, de même que la consécration des libertés restreint les exigences de l'ordre public. Il résulte de cette corrélation une tension, inhérente à l'exercice même des libertés. Le maintien de l'ordre public étant une nécessité pour l'exercice des libertés, il en découle que, dans certaines circonstances, les libertés peuvent être limitées pour sauvegarder l'ordre public.

Ce pouvoir de limitation appartient au législateur dès lors que l'article 122 de notre Constitution dispose que « sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, la loi fixe les règles concernant les droits civiques et garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques »2(*).

0.1 PROBLEMATIQUE

La coupure d'Internet est une « interruption intentionnelle d'Internet ou de communications électroniques, les rendant inaccessibles ou effectivement inutilisables, pour une population spécifique ou dans un lieu précis souvent pour exercer un contrôle sur la circulation de l'information »3(*). La coupure d'Internet présente des impacts considérables non seulement sur l'économie du pays mais aussi sur les droits et libertés fondamentaux des citoyens.

Sur le plan économique, la coupure d'Internet affecte l'économie de nombreuses façons, perturbant la productivité et générant des pertes monétaires dans les transactions urgentes. En effet, plusieurs études ont démontré qu'il y a un impact réel des coupures d'Internet sur les produits intérieurs bruts (PIB) des pays. Par exemple, une étude de la Brookings Institution4(*) estime qu'entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2016, les coupures délibérées d'Internet ont coûté au monde entier un total de 2,4 milliards de dollars, avec des pertes maximales encourues par l'Inde (968 millions de dollars). Selon un rapport de l'organisation Collaboration on International ICT Policy for East and SouthernAfrica, CIPESA en sigle, l'Afrique subsaharienne a perdu jusqu'à 237 millions de dollars suite aux coupures d'Internet depuis 20155(*).DELOITTE6(*) estime que même les pays ayant un faible niveau d'accès à Internet sont exposés à un impact moyen du PIB estimé à 6,6 millions de dollars par jour.

En matière des droits de l'homme, comme le souligne Internet Society, « l'accès à Internet ne peut être distingué de l'exercice de la liberté d'expression, d'opinion et du droit de réunion pacifique »7(*).En termes pratiques, les gens dépendent régulièrement d'Internet pour rester en contact avec leur famille et leurs amis, créer des communautés locales d'intérêt, rapporter des informations de nature publique, demander des comptes aux institutions, accéder et partager des connaissances. En tant que telles, les coupures d'Internet, en particulier celles qui désactivent tous les moyens de communication, devraient être considérées comme des violations potentielles des droits de l'homme.

Des coupures d'Internet ont eu lieu lors d'événements majeurs comme les élections et les manifestations de masse, alors que la surveillance active du contenu des messages des citoyens et l'intimidation de ceux qui expriment des opinions contraires aux vues gouvernementales sont également courantes. En RDC, les élections ont souvent été marquées par un accroissement significatif des violations des droits de l'homme et par la restriction de l'espace démocratique8(*). La présente période électorale ne fait malheureusement pas exception à ce constat. La question du calendrier électoral pour les élections à venir a accru les tensions politiques et sociales et s'est accompagnée d'un durcissement de l'autorité face à ses opposants et à toute voix considérée comme dissidente, notamment les défenseurs desdroits humains. En particulier, menaces, arrestations, détentions arbitraires, poursuites judiciaires abusives à l'encontre des défenseurs se sont multipliées depuis janvier 2015, après l'adoption par l'Assemblée nationale le 17 janvier, d'un projet de loi modifiant et complétant la loi électorale. Ce projet posait la condition d'un recensement national avant l'organisation des élections présidentielles et législatives prévues en 2016. Un tel recensement, manifestement impossible à organiser avant les échéances électorales, retardait le processus électoral dans son ensemble et permettait de fait au président de rester au pouvoir au-delà du terme de son mandat prévu le 19 décembre 2016.

Le lundi 31 décembre 2018 au lendemain des élections générales, présidentielle et législatives, l'accès à Internet a été coupé sur instruction du Gouvernement sur toute l'étendue du territoire de la République démocratique du Congo. Ces perturbations sont intervenues alors que la compilation des résultats des élections générales était en cours dans tout le pays. Les responsables des sociétés de téléphonie (Vodacom RDC, Airtel RDC, Orange RDC, etc.) avaient déclaré sur Jeune Afrique avoir reçu par téléphone une instruction consistant à couper la transmission des images et des vidéos sur Internet et à ralentir les autres services9(*). Les SMS10(*) indiquant ce qui suit atterrissaient dans les téléphones des utilisateurs : « Cher client, sur instruction du gouvernement, nos services Internet sont suspendus pendant une période indéterminée ».

Les droits fondamentaux visent l'ensemble des droits et libertés reconnus aux personnes physiques comme aux personnes morales de droit privé et de droit public en vertu de la Constitution, mais aussi des textes internationaux et protégés tant contre le pouvoir exécutif que contre le pouvoir législatif par le juge constitutionnel ou le juge international11(*).

Par essence conditionnel, le droit à la liberté d'expression et d'information est un droit consacré non seulement par les textes internationaux, tels la Déclaration universelle des droits de l'homme de 194812(*) et le Pacte international des droits civils et politiques13(*), mais aussi par les textes régional14(*) et national15(*) des droits de l'homme.

Le droit à la liberté d'expressionimplique la liberté d'exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l'écrit et l'image, sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs. Par liberté d'expression et d'information, il est ainsi consacré un droit de rechercher, d'obtenir et de communiquer les informations et les idées de son choix, sans ingérence et sans considération de frontière16(*).

Par-là, le droit à la liberté d'expression et d'information garantit à chacun une expression et une diffusion libres de ses opinions (liberté d'expression) et protège la recherche d'informations auprès des sources généralement accessibles, ainsi que la réception et la diffusion libres d'informations (liberté d'information)17(*).

Le droit à la liberté d'expression et d'information ne peut être restreint que si les conditions générales en matière de restrictions légitimes des droits fondamentaux sont remplies.Ces conditions générales de restriction des droits fondamentaux doivent être scrupuleusement observées par les pouvoirs publics afin de ne pas tomber dans l'arbitraire et l'abus de pouvoir.

Avec l'essor des technologies de l'information et de la communication, il est aisé de nos jours d'user de ses droits fondamentaux relatifs à la liberté d'expression et d'information sur un espace aussi large avec Internet. L'agence spécialisée des Nations Unies pour les technologies de l'information et de la communication, l'Union Internationale des Télécommunications (UIT), estime qu'il y avait en 2014 près de 3 milliards d'utilisateurs d'Internet dans le monde, soit 40 % de la population mondiale18(*). Près de la moitié d'entre eux sont inscrits en tant qu'utilisateurs d'un même service privé, Facebook.

Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, Franck La Rue, a considéré en 2011 que « supprimer l'accès à l'Internet et ce, quelle que soit la justificationfournie, [...] est excessif et constitue une violation » de l'article 19 § 3 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques. Quelques mois plus tard il précisera que « bien quel'accès à Internet ne soit pas encore un droit de l'homme en tant que tel », il est « indispensable non seulement à l'exercice du droit à la liberté d'expression mais aussi à celuid'autres droits, comme le droit à l'éducation, le droit de s'associer librement avec d'autres etle droit de réunion, le droit de participer pleinement à la vie sociale, culturelle et politique etle droit au développement économique ou social »19(*).

Au regard de ce qui précède, nous proposons d'orienter nos réflexions sur ces quelques interrogations :

v Peut-on considérer à l'heure actuelle, l'accès à Internet comme un droit fondamental ?

v L'ingérence de l'Etat congolais du fait d'avoir coupé Internetpendant la période électorale de Décembre 2018 était-elle une violation au droit à la liberté d'expression et d'information ?

0.2 HYPOTHESES

Avoir accès à Internet c'est avoir la possibilité d'être à la fois « client » pour recevoir les données envoyées par les serveurs interconnectés qui forment le réseau mondial, et « serveur » pour envoyer soi-même des données vers d'autres clients. Avoir pleinement accès à Internet nécessite de pouvoir communiquer librement avec l'ensemble des machines elles-mêmes connectées à Internet, qu'il s'agisse des serveurs de grands sites Internet mondialement connus ou du téléphone mobile de son voisin.

Dès lors qu'une restriction empêche de recevoir ou d'envoyer correctement tout ou partie des informations, l'accès à Internet devient vicié, et tous les droits fondamentaux qui dépendent de l'accès à Internet s'en trouvent fragilisés. En effet, que ce soit par la législation et la réglementation qu'il choisit de mettre en oeuvre dans le droit national, ou par des pratiques de ses organes, l'État congolais semblerait parfois être celui qui enfreint directement sa propre obligation de respecter les droits de l'homme sur Internet. On pourrait le voir notamment par la surveillance massive des communications électroniques qui ne respecte pas le principe de proportionnalité des restrictions nécessaires dans une société démocratique, et par des atteintes répétées à la liberté d'expression et d'information.

Pourtant, déjà en 1950, l'Organisation des Nations Unies a réalisé la jointure entre les droits de l'homme et le droit international des télécommunications en adoptant une résolution qui, citant côte à côte l'interdiction du brouillage imposée par la Convention Internationale des Télécommunications et la liberté d'expression affirmée dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, a « condamné les mesures de cette nature en tant que négation du droit de toute personne à être pleinementinformée eu égard aux nouvelles, opinions, et idées, sans considérations de frontières »20(*).

Des controverses persistent sur la nature (source) d'un droit fondamental d'accès à Internet. En effet, certains, en l'occurrence Michaël BARDIN, estiment que l'accès à Internet n'est ni un droit de l'homme ni un droit fondamental en lui-même. Pour cette école, l'Internet n'est et n'existe que comme moyen de concrétisation de la liberté d'expression et de communication. En définitive, le droit d'accès à Internet viendrait prendre sa juste place dans les moyens déjà connus et protégés que sont la presse, la radio ou encore la télévision21(*).

Tel n'est pas l'avis d'autres auteurs, dont LAURE MARINO, qui soutiennent que la liberté de communication et d'expression implique désormais la liberté d'accès à Internet. L'accès à Internet devient ainsi, en lui-même, un droit-liberté, en empruntant par capillarité la nature de son tuteur, la liberté d'expression. Il appert de souligner que la consécration de l'accès à Internet comme droit fondamental découlerait de la méthode d'annexion ; méthode qui aurait permis au Conseil constitutionnel français de décider que la liberté de communication et d'expression impliquait également la liberté d'accès à Internet22(*).

En ce qui nous concerne, estimons-nous que, bien qu'il n'y ait pas encore d'instrument juridique contraignant qui traite spécifiquement du droit fondamental d'accès à Internet, il n'en reste pas moins évident que, ce droit soit inclus dans celui de la liberté d'expression et d'information, tel que prévu par les articles 23 et 24 de notre Constitution, de même que par l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Il est d'une évidence que, définir l'ordre public constitue une tâche épineuse23(*). L'indétermination de la notion d'ordre public proviendrait des réalités diverses auxquelles elle renvoie. De manière générale, « est d'ordre public, ce qui est si important qu'est mise en question l'essence de la société ou de son droit »24(*).

La jurisprudence administrative témoigne de l'élargissement de l'ordre public au cours du XXèmesiècle25(*). En plus de « l'ordre matériel et extérieur »26(*)qui est, d'ores et déjà, hétérogènepuisqu'il comprend la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques mais aussi le bon ordre, l'ordre public vise de nouvelles exigences. Tel est le cas de la moralité publique, avec la reconnaissance de la dignité de la personne humaine comme composante de l'ordre publicet, plus largement, de la protection des individus contre eux-mêmes.

Dans la jurisprudence duConseil constitutionnel français, les considérations d'ordre public seraient d'abord saisies par la catégorie juridique des objectifs de valeur constitutionnelle. Ces objectifs constitueraient des impératifs liés à la vie en société, qui s'imposeraient au législateur et qui visent à mettre en oeuvre les droits et libertés de valeur constitutionnelle. Les impératifs d'ordre public seraient compris dans deux objectifs liés à la préservation de l'ordre public, à savoir : la sauvegarde de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions.

A l'exception de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui formellement ne prévoit aucune restriction possible pour le droit à l'information (mais qui en autorise pour le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions, ce qui revient sensiblement au même), et de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui n'a pas de portée juridiquement contraignante, tous les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme ouvrent grand la porte aux restrictions à la liberté d'expression et d'information, après avoir affirmé le principe de son respect. Le Pacte international relatif auxdroits civils et politiques permet ainsi aux États de soumettre ces libertés à des restrictions fixées par la loi et nécessaires au respect des droits ou de la réputation d'autrui, ou à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publique27(*). Ces aménagements du principe ne sont toutefois pas un blanc-seing qui permettrait aux États d'appliquer à volonté d'importantes restrictions au droit de s'exprimer et de s'informer, notamment sur Internet28(*).

Est-il que l'ordre de couper Internetait été reçu par le canal d'un appel téléphonique par les opérateurs des télécommunications de la part du Gouvernement. D'où l'intérêt même de s'interroger sur la valeur juridique d'un coup de fil et sur l'autorité habilitée à donner une telle injonction. En l'espèce, nous estimons que seule la loi entendue stricto sensu pourrait, conformément à l'article 19 § 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, limiter l'exercice de la liberté d'expression et d'information sur Internet en cette période électorale et comme en tout autre temps.

0.3 ETAT DE LA QUESTION

Diverses études présentant des traits avec notre travail ont été menées par différents auteurs et institutions, en l'occurrence, Guillaume CHAMPEAU, Pauline GERVIER, Marie BASTIANetla Collaboration on International ICT Policy for East and SouthernAfrica, CIPESA, en sigle.

v Guillaume CHAMPEAU :

Dans son mémoire de recherche en master 2 en Droit international et européen des droits fondamentaux, intitulé « Les intermédiaires de l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité de protéger », il s'intéresse à la responsabilité qui incombe aux intermédiaires d'Internet (tels les sociétés des télécommunications) dans le non-respect des droits de l'homme. C'est ainsi que, en vertu des Principes de Ruggie, les personnes morales qui proposentleurs services d'intermédiaire sur Internet doivent elles-mêmes veiller à respecter les droits del'homme lorsqu'elles sont en situation de pouvoir leur porter atteinte. C'est d'ailleurs cetteobligation de respect qui occupe le plus la doctrine, légitimement préoccupée par les atteintesportées directement ou indirectement par les intermédiaires de l'internet au droit à la vieprivée et à la protection des données personnelles, à la liberté d'expression, au droit depropriété intellectuelle, ou dans une moindre mesure à la liberté de réunion etd'association29(*).

v Pauline GERVIER :

Dans son ouvrage relatif à « La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public », cette auteure révèle la relation qui existe entre l'ordre public et les libertés fondamentales et met davantage l'accent sur la procédure à suivre pour pouvoir restreindre la portée ou l'exercice des dites libertés afin de sauvegarder l'ordre public. Car, cette relation repose sur le postulat que les libertés ne sauraient prospérer sans la sauvegarde de l'ordre public qui, lui-même, a pour seul objet de protéger les libertés. Leur union implique un équilibre, tenant à ce que l'ordre public encadre l'exercice des libertés seulement lorsque leur protection l'exige30(*).

v Marie BASTIAN :

Dans son article portant sur « La fragmentation d'un droit préexistant ou la fondamentalité par analogie : le cas du droit d'accès à Internet », Marie BASTIAN renseigne quele droit d'accès à Internet intègre aujourd'hui, indirectement, la grande famille des droitsfondamentaux, par un processus d'annexion au droit à la liberté d'expression et de communication. Toutefois, elle reconnait que si l'essentialité du droit d'accès à Internet, et, par conséquent, son universalité, paraissent incontestables et reconnues, c'est bien l'aspect multidimensionnel d'Internet, et en particulier de son accès, qui rend complexe son rattachement à un droit fondamental préexistant, l'enfermant dans un carcan juridique préétabli ne permettant pas de concevoir pleinement les nouveaux enjeux y afférent. Ainsi, l'analogie n'est sans doute pas toujours suffisante et adéquate s'agissant de la dimension virtuelle. Le droit d'accès à Internet doit pouvoir s'appréhender comme un exemple s'inscrivant dans une dynamique normative plus large, au-delà de sa stricte dimension infrastructurelle, à savoir un droit du cyberespace31(*).

v CIPESA :

Dans son rapport publié en 2016 sur l'état des lieux des libertés sur Internet en République démocratique du Congo, cette organisation s'inquiète d'une part de ce que le pays continue à enregistrer des violations croissantes des libertés sur Internet pendant que le nombre d'utilisateurs des TIC augmente et d'autre part, de l'état embryonnaire des lois en matière de communications numériques32(*).

0.4 DELIMITATION DU SUJET

Dans le cadre de ce travail, nos réflexions porteront sur le droit positif congolais et en particulier sur les instruments juridiques et les mécanismes de protection des droits de l'homme aussi bien nationaux qu'internationaux. Qui plus est, nous tenterons d'une part de rechercher les décisions de justice en rapport avec le sujet sous examen et d'autre part, les décisions du Gouvernement enjoignant aux opérateurs de téléphonie de couper l'Internet.

Le présent travail s'étale sur la période électorale de décembre 2018 qu'a connue la République Démocratique du Congo. Cette période a été caractérisée par divers faits susceptibles d'attirer l'attention de nombre des chercheurs. Néanmoins, notre étude se penchera sur l'effectivité de l'exercice du droit à la liberté d'expression et d'information pendant cette période.

* 1 P. GERVIER, La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, p. 13.

* 2 Constitution de la RDC du 18 Février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 Janvier 2011, J.O, Numéro spécial, 52e année, Kinshasa, 5 Février 2011, Art. 122 § 1.

* 3 www.accessnow.org/keepiton/, consulté le 5/4/2019.

* 4 https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/10/intenet-shutdowns-v-3.pdf, consulté le 5/04/2019.

* 5 https://cipesa.org/2017/09/economic-impact-of-Internet-disruptions-in-sub-saharan-africa/, consulté le 5/04/2019.

* 6 Est un des quatre plus importants cabinets d'audit et de conseil mondiaux.

* 7 Internet Society, Coupures d'Internet, Un exposé sur la politique publique de l'Internet Society, 14 novembre 2017, p. 2, disponible sur www.Internetsociety.org/fr/policybriefs/Internet-shutdowns, consulté le 5/04/2019.

* 8 CIPESA, « Etat des lieux des libertés sur Internet en RDC », 2016, p. 11.

* 9 https://www.jeuneafrique.com/697269//elections-en-rdc-Internet-coupe-au-lendemain-du-scrutin-du-30-decembre/, consulté le 5/04/2019.

* 10 En télécommunication, abréviation de l'anglais signifiant « Short Message Service », c'est-à-dire Service de messages courts ; système de communication sans fil permettant aux usagers d'envoyer et de recevoir des messages alphanumériques à partir de leur téléphone mobile, in Dictionnaire universel, 5e éd., Paris, Hachette-Edicef, 2008, p.1162.

* 11 L. FAVOREU, L'élargissement de la saisine du conseil constitutionnel aux juridictions administratives et judiciaires, Paris, RFDC, 1990, p.588.

* 12 Déclaration universelle des droits de l'homme, Adoptée et proclamée par l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 217 A (III) du 10 décembre 1948, Art. 19.

* 13 Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'AGNU dans sa résolution 2200A (XXI) du 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la RDC le 1er novembre 1976, Art 19 § 3.

* 14 Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Art. 9.

* 15Constitution de la RDC, Op. cit., Art. 23 et 24.

* 16Conseil de l'Europe, Liberté d'expression et d'information, disponible en ligne sur https://www.coe.int/fr/web/freedom-expression/freedom-of-epression-and-information, consulté le 14/04/2019.

* 17Humanrights, Liberté d'expression et d'information, disponible sur www.humanrights.ch/fr/service/droits-humains/liberte-d-039expression/, consulté le 14/04/2019.

* 18OCDE, The Role of Internet Intermediaries in Advancing Public Policy Objectives, 2011, p. 20. http://dx.doi.org/10.1787/9789264115644-en, cités par GUILLAUME CHAMPEAU, Les intermédiaires de l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité de protéger, Mémoire de recherche-Master 2 en droit international et européen des droits fondamentaux, Université de Nantes, 2014-2015, p. 7.

* 19F. LA RUE, Rapport établi par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, A/66/290, 10 août 2011, § 61, en ligne sur http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/66/290inGUILLAUME CHAMPEAU, Les intermédiaires de l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité de protéger, Mémoire de recherche-Master 2 en droit international et européen des droits fondamentaux, Université de Nantes, 2014-2015, p. 16.

* 20Résolution 424(V) de l'Assemblée générale des Nations Unies du 14 décembre 1950.

* 21M. BARDIN, «Le droit d'accès à Internet : entre «choix de société» et protection des droits existants»,RLDI, 2013, n° 91.

* 22L. MARINO, « Le droit d'accès à Internet, nouveau droit fondamental », Recueil Dalloz, 2009, p. 1.

* 23P. GERVIER,Op. cit., p. 19.

* 24 Y. MENY et O. DUHAMEL, Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 683. Cités par Pauline GERVIER, La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, p. 20.

* 25 M. HAURIOU, Précis élémentaire de droit administratif, Paris, Sirey, 1933, p. 549.

* 26 B. BONNET, « L'ordre public en France : de l'ordre matériel et extérieur à l'ordre public immatériel.Tentative de définition d'une notion insaisissable », Cité par Pauline GERVIER, La limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, Paris, LGDJ, 2014, p. 25.

* 27Pacte international relatif aux droits civils et politiques,Op. cit.,Art 19§3.

* 28G. CHAMPEAU, Les intermédiaires de l'Internet face aux droits de l'homme : de l'obligation de respecter à la responsabilité de protéger, Mémoire de recherche-Master 2 en droit international et européen des droits fondamentaux, Université de Nantes, 2014-2015, p. 41.

* 29G. CHAMPEAU, Op. cit., p. 11.

* 30P. GERVIER, Op. cit., p. 13.

* 31M. BASTIAN, « La fragmentation d'un droit préexistant ou la fondamentalité par analogie : le cas du droit d'accès à Internet », Revue des droits de l'homme, 2019, p. 13.

* 32CIPESA, Op. cit., p. 2.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo