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Industrie 4.0, une revolution industrielle et sociale ?


par Vincent Kergueme
ESLI - Master 2 2020
  

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C. L'industrie 4.0 dans le contexte du développement mondial

Le débat sur l'Industrie 4.0 est jusqu'ici dirigé par quelques pays et régions. L'Europe a eu une grande influence, tant dans le monde universitaire qu'en politique, mais d'autres pays mettent en oeuvre des stratégies voisines, dont la stratégie « Fabriqué en Chine 2025 » est un exemple. Lancée en 2006 par l'Union européenne, la stratégie « Europe 2020 » a pour objectif « une croissance intelligente, durable et inclusive ». Cette stratégie ne se limite pas à la croissance économique : elle prend en considération un grand nombre de facteurs sociaux, l'adaptation nécessaire de l'UE et l'adoption de politiques nationales en matière d'éducation et d'aide sociale. Cela dit, les pays européens développés dirigent cette discussion en faisant peu de cas des effets que cette transformation risque d'avoir sur le monde en voie de développement. Or, il ne faut pas laisser l'Industrie 4.0 devenir, aux mains des pays développés, un nouveau moyen de punir les pays qui le sont moins.

Il est probable que la mise en oeuvre de l'Industrie 4.0 débutera dans chaque secteur par les industries où les coûts de cette transformation auront le plus de chance d'être rapidement compensés par des gains de productivité - et donc des hausses de bénéfices. Les premiers utilisateurs de ces technologies exerceront des pressions sur leurs fournisseurs et clients immédiats qui, à leur tour, exerceront des pressions sur leurs fournisseurs et clients respectifs, et ainsi de suite, tant vers le haut que vers le bas et d'un bout à l'autre de la chaîne de valeur, pour qu'ils emboîtent le pas. Leurs concurrents, ainsi que leurs propres chaînes de valeur, devront céder aux pressions et adopter les technologies de l'Industrie 4.0. L'adoption croissante ne sera donc pas un processus graduel ou linéaire. Elle s'étendra plutôt de façon exponentielle, une fois qu'elle sera pleinement lancée, et, grâce aux chaînes de valeur mondialisées d'aujourd'hui, elle ne demeurera pas bien longtemps un phénomène propre aux pays européens ou aux pays développés - ce qu'elle n'est déjà plus, en fait. La forme et l'orientation actuelles des chaînes d'approvisionnement mondiales et de la mobilité de la main-d'oeuvre seront de nouveau en harmonie.

L'Industrie 4.0 changera plus que les méthodes de production. Elle déplacera l'endroit où la plus grande valeur est ajoutée sur la chaîne de valeur. Les différentes étapes - conception, ingénierie et entretien - doivent être prises en considération au-delà de la fabrication industrielle d'un produit. Il faudra peut-être repenser les droits de propriété intellectuelle (brevets et droits d'auteur) et les droits relatifs aux mégadonnées. Les lois en vigueur dans ce domaine ont permis à un petit nombre de compagnies d'accumuler d'énormes richesses.

1. Au-delà de l'économie européenne - Menace pour les pays en développement

La façon dont les pays développés agissent dans cette transformation et la façon dont les gouvernements décident de subventionner ce changement socioéconomique ou d'assurer un soutien par d'autres moyens (p. ex., des réductions d'impôt) ont des effets marqués et très directs sur les pays en développement. Dans une économie mondialisée, les bas salaires versés dans les pays en développement sont l'un des principaux avantages compétitifs de ces derniers par rapport aux pays développés.

C'est d'ailleurs cet avantage qui est à l'origine de la désindustrialisation de certains pays développés, mais l'expression « relocalisation industrielle » serait plus appropriée pour décrire ce phénomène.

Bien que le travail précaire soit particulièrement répandu dans les pays du Tiers-Monde, de nombreux travailleurs, leur famille et leur collectivité ont vraiment besoin du (petit) revenu qu'ils tirent de ce travail industriel, même s'il est parfois insuffisant pour combler leurs besoins fondamentaux.

En somme, l'Industrie 4.0 rend possible la production en petits nombres de produits spécialisés à des prix relativement bas, même dans le monde développé. Les ressources et les matériaux sont utilisés d'une façon plus rationnelle, mieux réutilisés et mieux recyclés; la décentralisation de la production d'énergie et des réseaux de distribution d'électricité permet aux compagnies de produire elles-mêmes l'énergie dont elles ont besoin et de retirer un revenu supplémentaire en déversant leurs surplus d'énergie dans le réseau électrique qui dessert les collectivités avoisinantes. Et, bien sûr, les rationalisations et les réductions d'effectifs exercent elles aussi une tendance à la baisse sur les coûts de production, ce qui représente un immense avantage pour les compagnies. Pour certains chercheurs, ces changements sont un stimulant économique puissant, surtout pour l'Europe, car, associé à des produits de grande qualité, le sceau « Fabriqué en Europe » est très recherché sur le marché.

Toutefois, quand la fabrication de produits coûte de moins en moins cher dans les pays développés, les pays en développement commencent à perdre leur avantage compétitif et sont placés en concurrence directe avec eux - et cela se fait la plupart du temps aux dépens des travailleuses et travailleurs. Les technologies qui gravitent autour de l'Industrie 4.0 - il s'agit ici surtout de systèmes d'aide et de systèmes cyberphysiques - coûtent encore relativement cher et, en raison des bas salaires versés dans les pays en développement, elles ne sont pas près d'être appliquées dans ces pays. Cela dit, il s'ensuit que les travailleuses et travailleurs des pays en développement subissent des pressions directes quand les compagnies menacent de relocaliser leur production dans les pays développés qui offrent la fabrication numérisée.

Lasociété allemande Adidas illustre parfaitement cette réalité. À l'été de 2016, elle a annoncé la construction en Allemagne d'une usine numérique de pointe pour les chaussures de sport haut de gamme, où elle relocalisera une partie de la production qui était auparavant fabriquée dans ses usines situées en Asie orientale. Les pressions exercées sur les salaires versés aux travailleuses et travailleurs des pays du Tiers-Monde augmenteront, même si ces travailleurs sont déjà confrontés à des situations de travail précaire et à des salaires à peine suffisants pour assurer leur subsistance. Qui plus est, les pressions globales exercées sur les travailleurs pourraient toucher d'autres aspects, notamment le nombre d'heures de travail, la santé et la sécurité au travail, etc.

Les technologies de l'Industrie 4.0 sont encore relativement chères, mais lorsque les coûts de la robotique de pointe seront inférieurs aux coûts de la main-d'oeuvre, il y aura un risque élevé de réduction des effectifs, même dans le monde en développement. Selon la théorie du choix rationnel, on serait porté à croire que, parmi les pays du Tiers-Monde, ceux où les salaires sont les plus élevés seront les premiers à subir des réductions d'effectifs à la suite de l'automatisation de leurs usines par la robotique de pointe. Pourtant, l'exemple bien connu de Foxconn, un fabricant chinois de téléphones intelligents, prouve le contraire. Les salaires versés en Chine se situent dans la moyenne asiatique. Cela n'a pas empêché la société Foxconn d'effectuer d'importants investissements dans ce qu'elle appelle « son Foxbot », un robot, par lequel elle a déjà remplacé 30 % de ses effectifs - au total, quelque 300 000 travailleuses et travailleurs. Les effets de la numérisation sur les pays en développement peuvent paraître indirects, à première vue, mais c'est seulement parce que les pays développés peuvent les forcer à entrer dans une concurrence qu'ils n'ont tout simplement pas les moyens de soutenir dans la durée. Ils ne sont donc pas à l'abri des conséquences directes négatives de l'Industrie 4.0 sur les travailleuses et travailleurs - lesquelles pourraient n'être que reportées à plus tard. En fait, les pays en développement seront touchés beaucoup plus durement pour les raisons suivantes : problèmes actuels au sujet des bas salaires; soutien pratiquement inexistant en matière de santé; situations de travail précaire; faiblesse des systèmes d'aide sociale, surtout dans les pays où le travail informel et atypique est répandu. Pour toutes ces raisons, les travailleuses et travailleurs de ces pays courent un risque élevé de tomber en chute libre le jour où ils seront touchés par les rationalisations découlant de l'automatisation.

Enfin, il faut comprendre les objectifs et les répercussions des règles et des ententes commerciales. Une tendance récente consiste à donner à l'économie numérique un statut spécial au sein des accords commerciaux, ce qui rendra encore plus difficile pour les futurs gouvernements de contrôler le pouvoir de monopole et la concentration excessive de la richesse. Parmi les tendances politiques, mentionnons la protection accrue des brevets et des droits d'auteur (propriété intellectuelle) et la mise en place d'obstacles afin de bloquer le contrôle des données ou de la vie privée, lorsque les données sont stockées dans un autre pays. Ces tendances risquent d'empêcher la réalisation des objectifs en matière de développement durable. La délocalisation de la production contrôlée numériquement à partir d'un endroit éloigné; la production locale utilisant la technologie d'impression tridimensionnelle à l'aide de logiciels et de modèles qui sont protégés par des droits d'auteur, voilà d'autres nouveaux domaines qui ne sont pas encore bien compris.

Il faut souligner que les expressions « pays développés » et « pays en développement » ne sont pas absolues. Il existe tout un continuum de développement économique, selon le degré de dépendance à l'égard de l'exploitation des matières premières et de la production industrielle qui (dans de nombreuses régions) n'ont pas encore tout à fait incorporé les avantages et les leçons des révolutions industrielles précédentes. Ce qui est clair, c'est qu'il doit exister un chemin vers un meilleur avenir pour tout le monde. Les avantages de l'Industrie 4.0 doivent être partagés à la fois à l'intérieur des pays et entre les pays.

Les actions des gouvernements et des compagnies dans le monde développé, surtout en Europe, ont une incidence directe sur le monde en développement. C'est pourquoi les pays développés doivent prendre en compte ces actions quand ils prennent des décisions au sujet de l'Industrie 4.0.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand