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Gestion de la pollution azotée de la ressource en eau en milieu agricole: Influence des dispositifs agri-environnementaux territorialisés dans le bassin versant de la Seille

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par Romain BOURGUE
Université du Maine - Faculté de Géographie et d'Aménagement  - Master 2 Politiques Territoriales du Développement Durable 2013
  

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Partie 1 : Etat des lieux de la relation Eau-

Agriculture en France

1. Evolution de l'agriculture en France

1. Intensification des pratiques agricoles

Portée par la Politique Agricole Commune de 1958, l'agriculture française a connu une intensification sans précédent s'inscrivant dans les nouveaux enjeux de la seconde moitié du XXème siècle. Parfois qualifié de « révolution agricole », ce processus a profondément modifié les pratiques agriculturales françaises : rendement, taille et fonctionnement des exploitations, mais aussi hausse des pressions sur l'environnement. L'évolution des techniques agriculturales - appuyée par la mécanisation des exploitations, le développement de l'irrigation et le recours à des substances phytosanitaires et intrants de synthèse - a permis d'augmenter la productivité de manière considérable. Les rendements en blé ont ainsi été

Figure N°1 : Evolution des rendements
annuels français moyens (source Agreste)

quintuplés et la surface de travail de chaque agriculteur décuplée. Cette évolution s'est

accompagnée de deux mutations majeures du

monde agricole : la spécialisation des exploitations et des territoires ruraux d'une

part, et l'aggravation de la vulnérabilité des

paysages ruraux aux activités anthropiques. La spécialisation des exploitations a permis

d'accroitre la productivité et s'est faite au détriment du système « polyculture-élevage » plus « traditionnel ». Ce dernier offrait un équilibre entre le nourrissage du cheptel par le fourrage produit sur l'exploitation et la fertilisation de ses parcelles par les déjections animales produites. Ce système rompu, certains espaces ruraux se sont orientés vers l'élevage intensif avec des densités de cheptel permises par l'achat de fourrage supplémentaire, mais saturant le sol en déjections animales soumises au lessivage. D'autres se sont tournés vers la céréaliculture, consommatrice d'eau et d'intrants de synthèse à leur tour lessivables.

La vulnérabilité des milieux aquatiques et terrestres aux perturbations d'origine anthropique trouve son origine dans l'évolution des systèmes de production dont découle la modification des paysages ruraux. A titre d'exemple, la spécialisation des exploitations en grandes cultures entraine des rotations plus courtes qui favorisent l'invasion par les plantes adventices et incitent à la lutte chimique par les pesticides. De même, la raréfaction progressive des prairies au profit des cultures fourragères implique une absence de couvert végétal en hiver qui favorise l'écoulement, le lessivage des intrants et l'érosion des sols. A plus grande échelle, les opérations foncières de remembrement du parcellaire agricole initiées par les pouvoirs publics

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Première partie :

Relation Eau-Agriculture au niveau national La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

dans les années 1960 et poursuivies jusqu'en 1980 ont participé à l'intensification de l'agriculture. En favorisant la mécanisation sur de très grandes parcelles, cette politique a bouleversé les paysages agricoles par l'arrachage de nombreuses haies, le recul des prairies et des zones humides, et l'enterrement des cours d'eau (jusqu'à 30% de perte de linéaire d'un affluent de la Moselle en 40ans par exemple). Ces éléments paysagers constituent autant de milieux de rétention qui font obstacle aux flux de polluants vers les cours d'eau. L'imperméabilisation croissante des sols, le curage des fossés et l'augmentation des taux de drainage dans les bassins versants constituent à l'inverse des « corridors de transfert des polluants ».

En ce sens, l'évolution de l'agriculture française est intimement liée à l'évolution de la qualité de l'eau. Avec 14 % des volumes d'eau douce prélevés en 2001 et 1,9 millions d'hectares irrigués en 2000, le secteur agricole est un utilisateur peu performant, peu efficace et hautement subventionné de cette ressource.

2. Eléments de contexte de la relation Agriculture - Pollution de l'eau

Outre une pression environnementale accrue par le recours massif aux fertilisants azotés et la facilitation de leur transfert vers les cours d'eau, l'intensification de l'agriculture n'a pas été sans conséquences sociales et économiques sur la filière et les choix stratégiques des agriculteurs pour leurs exploitations.

Une contrainte majeure réside dans le fait que l'agriculteur doit pouvoir vivre de son activité, c'est-à-dire optimiser sa production par la gestion d'un ensemble de facteurs complexes et aléatoires en interaction, tout en diminuant ses charges et ses coûts d'exploitation. Le contexte économique incite l'agriculteur à raisonner en termes de marges. Dans ce schéma, le recours aux intrants trouve une certaine légitimité. Il rend le système de production moins complexe et moins aléatoire pour l'exploitant, qui trouve un intérêt à rationaliser ses achats d'intrants face à la variabilité des prix de vente du marché. Un système entretenu, d'une certaine façon, par une forme de lobbying des firmes phytosanitaires.

L'interdépendance entre les consommateurs - urbains pour la plupart et guidés principalement par le prix des biens de consommation - et les agriculteurs soucieux de la rentabilité de leur exploitation, est déséquilibrée par les nombreux intermédiaires qui s'interposent en effectuant des marges à l'achat et à la revente des produits. Le pouvoir grandissant de la grande distribution, mais aussi des consommateurs dans l'orientation du marché vers l'essor de produits respectueux de l'environnement, n'est pas encore assez fort pour orienter définitivement et à grande échelle les agriculteurs dans leurs pratiques.

Les choix des exploitants sont régis par les politiques publiques et les incitations financières qu'elles induisent. Les conditions d'attribution des primes dans le cadre de la PAC déterminent souvent les choix culturaux, comme en témoigne la réforme de la PAC 1992 : dans certains départements, le montant des primes de l'Etat pouvait atteindre 200 €/ha pour du maïs irrigué au détriment du maïs non irrigué. L'association du gain de productivité et des montants des primes a eu pour conséquence l'équipement massif des exploitations en matériel d'irrigation. Jusqu'au verdissement de la PAC en 2003 et la suppression des aides spécifiques, l'incitation à l'irrigation, et donc indirectement au transfert des polluants vers les cours d'eau, était financière et publique.

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D'autre part, l'exploitant est souvent confronté à la complexité du système administratif français. La multiplicité des interlocuteurs rend toute démarche particulièrement lente. Pour de nombreux agriculteurs, il est ainsi plus simple d'obtenir les subventions de la PAC que d'obtenir des aides environnementales dont l'accès manque d'ergonomie administrative. Enfin, la superposition des politiques nationales et communautaires peut laisser l'exploitant perplexe dans sa gestion. Ce système constitue un frein à la mise en place d'actions en faveur de l'amélioration de la qualité de l'eau en milieu agricole, en particulier pour les mesures fondées sur le volontariat des agriculteurs.

2. Ampleur de la pollution agricole

La pollution peut-être définie comme « une altération du milieu naturel liée à l'activité humaine au travers d'effets directs ou indirects » (Ramade, 1993) ou plus précisément comme « l'introduction directe ou indirecte, par l'activité humaine de substances [...] dans l'air, l'eau ou le sol, susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou à la qualité de l'environnement, d'entrainer des détériorations des biens matériels, une détérioration ou une entrave de l'agrément de l'environnement ou à d'autres utilisations légitimes de ce dernier » (Directive 96/61 de l'UE, 1996)

Suite à l'amélioration des niveaux de pollution issus des rejets industriels et urbains, la filière agricole est devenue la première cause de dégradation des eaux en France. Bien que les pollutions ponctuelles aient pu être solutionnées par les investissements européens en termes de mise aux normes des bâtiments d'exploitation, les efforts entrepris pour la maitrise des pollutions diffuses d'origine agricole sont restés insuffisants. 50 à 75% des eaux de surface et souterraines seraient fortement dégradées par la pollution du secteur agricole (MNHN, 2005), faisant courir au territoire français le risque de ne pas atteindre le bon état écologique des masses d'eau requis par la Directive Cadre sur l'Eau 2015. Les pollutions diffuses constituent, par définition, un problème transversal et épineux pour différentes raisons. Concernant des espaces importants et imprécis, elles sont difficiles à identifier et donc à gérer. Les pratiques agricoles de nombreux acteurs à l'échelle d'un bassin versant peuvent être impliquées dans ce type de pollution, rendant laborieuse l'identification des causes.

1. L'azote d'origine agricole

L'azote peut provenir de rejets urbains et industriels, mais sa présence dans les masses d'eau résulte majoritairement de la généralisation de son usage pour le maintien des rendements agricoles, sa présence naturelle étant indispensable à la croissance des végétaux. Toxique pour les organismes aquatiques et puissant eutrophisant, sa toxicité pour l'homme reste discutée à ce jour.

L'azote se trouve sous différentes formes dans le sol :

- D'origine minérale lorsqu'il est en phase aqueuse ou adsorbée. C'est une forme soluble donc hautement lessivable qui représente 2 à 4% de l'azote total du sol. On y trouve les Nitrates (NO3 -), les nitrites (NO2 -) et l'ion ammonium (NTT4 +)

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- D'origine organique lorsqu'il est intégré aux organismes vivants et dans la matière organique du sol. Cette forme qui migre peu dans le milieu constitue l'essentiel de l'azote contenu dans le sol.

A noter que des échanges s'opèrent entre ces deux formes de l'azote :

- L'azote minéral peut être adsorbé puis intégré aux tissus vivants pour se convertir en azote organique.

- L'azote organique peut être minéralisé en azote lessivable lors de la décomposition des tissus végétaux, ou rejoindre la matière organique à minéralisation lente, dite « stable ». La forme la plus stable de l'azote minéral étant le nitrate NO3 -.

- Le nitrate peut toutefois être converti en azote gazeux dans un milieu réducteur dépourvu d'oxygène (zones humides, fossés...) selon un processus de dénitrification.

Figure N°2 : Cycle de l'Azote en milieu agricole

Les techniques agriculturales employées

conditionnent ces échanges.
L'exploitant réalise des apports d'azote sous forme minérale (engrais minéraux) ou sous forme organique (lisiers et fumiers) afin de compenser les pertes d'azote minéral liées au lessivage des sols et d'azote organique exporté par les récoltes. Les pratiques entrainant la présence d'un reliquat d'azote facilement lessivable augmentent les risques de pollution. C'est le cas de la surfertilisation ou d'apports azotés trop importants pour des rendements qui seront finalement inférieurs aux prédictions. Un drainage excessif des sols favorise les flux de nitrates vers les masses d'eau et peut constituer un court-circuit des zones potentielles de dénitrification (zones humides, eaux stagnantes sur sol peu perméables, forêts rivulaires, bandes enherbées...). Les conditions climatiques impactent également le transfert des polluants. La survenue d'une pluie efficace entre l'épandage et l'adsorption par les cultures entraine un risque de lessivage important. Les années humides sont donc des années de forte pollution azotée. De même, les automnes doux à pluviométrie moyenne favorisent la minéralisation d'azote organique en azote minéral lessivable, à une période où la demande en azote des cultures chute. La pollution nitratée des masses d'eau y est maximale.

La pollution azotée présente également une variation spatiale de son ampleur. On observe généralement des teneurs en nitrates plus fortes en aval qu'en amont du fait de la réduction de

la capacité auto-épuratoire du cours d'eau vers l'aval provoquée par la baisse d'oxygénation inhérente au ralentissement de l'écoulement.

Géographiquement, les secteurs le plus touchés sont les zones d'élevage intensif surchargées en azote organique issu des effluents, et les espaces de grandes cultures fortement fertilisés où les ressources en eau sont majoritairement superficielles : Bretagne, Poitou-Charentes, Pays de la Loire et Bassin Parisien.

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La carte des zones vulnérables établie dans le cadre de la Directive Européenne 91/676/CEE, dite « Directive Nitrates » permet d'évaluer la spatialisation de la pollution azotée sur le territoire français. Le zonage concerne les eaux superficielles dont la concentration en nitrates dépasse la norme « eau potable », soit 50 mg/L, et pour lesquelles un programme d'action est mis en oeuvre. La France vient à ce titre d'être condamnée par la Cour de Justice de l'Union Européenne pour manquement à la mise en oeuvre de cette directive.

Rappelons que le milieu aquatique est considéré comme dégradé dès que la concentration en nitrates excède 10 mg/L.

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Figure N°3 : Carte 2007 des zones Figure N°4 : Carte de l'évolution des

vulnérables « Directive Nitrates » (source nitrates dans les cours d'eau 1998-2011
MEEDDAT)

Après une augmentation continue des teneurs en nitrates depuis les années 1970, il semblerait que les politiques environnementales mises en oeuvre aient permis de stabiliser la situation. Selon les données de l'IFEN 2004, la concentration moyenne en nitrates serait passée de 10 mg/L en 1970, à 19 mg/L en 2000 pour atteindre 17 mg/L en 2004. La situation reste cependant hétérogène selon les bassins versants comme le confirment les données du Service de l'Observation et des Statistiques (SOeS). Ce dernier note une amélioration ou une stagnation des teneurs en nitrates dans les régions les plus touchées (bassins de l'ouest) et une dégradation lente dans les bassins jusque-là peu affectés (sud de la France). Par ailleurs, les coûts de l'eutrophisation due aux nitrates restent élevés. Selon le rapport 2011 du CGDD, la dépollution des nappes phréatiques françaises couterait plus de 522 milliards d'euros, tandis que la gestion des excédents azotés pour l'eau potable représenterait 54 milliards d'euros, investissement en grande partie assuré par les ménages.

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2. Le phosphore d'origine agricole

L'analyse territoriale conduite dans ce mémoire sera focalisée sur la pollution agricole azotée, les phosphates et les phytosanitaires répondant à des mécanismes de transferts différents qui ne sauraient être traités au cours de ce travail.

Longtemps sous-estimé comme polluant, cet élément est lui aussi à la base de la fertilisation des sols en tant que facteur limitant de la croissance végétale par sa faible teneur naturelle dans le milieu. Tout comme les nitrates, les phosphates sont des eutrophisants puissants, issus des effluents d'élevage et responsables d'une prolifération algale en période d'étiage. Ces phénomènes de « marées vertes » très médiatisées touchent essentiellement les régions d'élevage intensif comme le Grand Ouest. Ces substances rapidement adsorbées sont très peu lessivables et restent stockées dans les premiers centimètres du sol ou dans les sédiments. Leur transfert vers les masses d'eau répond à des mécanismes différents de l'azote. La contamination du cours d'eau n'a lieu qu'en cas de ruissellement important ou d'érosion de sols vulnérables.

Figure N°5 : Cycle du phosphore en milieu naturel ou anthropisé (source SOeS, 2009)

Des choix culturaux raisonnés permettent de limiter les teneurs en phosphore à la source et de stabiliser les sols afin d'en limiter le transfert vers les masses d'eau.

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3. Les produits phytosanitaires

Avec plus de 78 000 tonnes consommées chaque année, dont 95% dans le secteur agricole, la France occupe la quatrième place européenne des pays utilisateurs de produits phytosanitaires. Parmi les 900 substances actives recensées par l'UIPP, 42% sont des fongicides, 35% des herbicides, 15% des insecticides et 12% d'autres produits. La toxicité élevée de ces molécules en fait des substances extrêmement nocives à faible dose pour de nombreuses espèces. Des impacts sur les fonctions respiratoires, génitales, neurologiques, cardio-vasculaires ainsi que des propriétés mutagènes et cancérigènes ont été démontrées sur l'Homme. Le danger principal de ces produits réside dans leur temps de demi-vie élevé : on retrouve encore des teneurs en Triazine dépassant dix fois le seuil légal de 0,1 ug/L en Bretagne, malgré l'interdiction du produit phare contenant la molécule, l'Atrazine, en 2001. D'autre part, l'association de métabolites issus de la dégradation de ces substances actives peut provoquer un « effet cocktail » particulièrement imprévisible et difficilement détectable, rendant délicates les tentatives de prévision de toxicité de ces produits sur l'environnement.

3. Dispositifs d'amélioration de la qualité de l'eau 1. Dispositifs juridiques et économiques

La France a connu une évolution complexe de sa réglementation nationale vis-à-vis de la pollution agricole des ressources en eau depuis 1975, essentiellement transcrite depuis la réglementation européenne. Une trentaine de directives ont fixé les normes de qualité et les seuils maximum pour chaque substance en fonction des secteurs d'usage, perfectionnant ainsi le traitement des eaux. Ces directives ont finalement abouti à une approche globale de la qualité de l'eau avec la Directive Cadre sur l'Eau d'octobre 2000, visant la bonne qualité de l'ensemble des eaux dès 2015.

La législation européenne

Les directives européennes en matière de pollution d'origine agricole sont principalement orientées vers la maitrise des teneurs en nitrates.

Dès 1975, la Directive 75/440/CEE impose aux Etats-membres de réduire la teneur en nitrates à 50 mg/L dans un délai de 10 ans pour la production d'eau alimentaire.

La Directive ERU (Eaux Résiduaires Urbaines) du 21 mai 1991 oblige toute agglomération de l'UE à s'équiper de systèmes de collecte et de traitement de l'azote et du phosphore des eaux résiduaires urbaines.

La Directive Nitrate du 12 décembre 1991 est la plus aboutie en termes de législation de la pollution azotée. Elle prévoit dans un délai de deux ans la désignation par les Etats-membres des zones vulnérables où les teneurs en nitrates sont susceptibles de dépasser 50 mg/L. Le réexamen des zones vulnérables a lieu tous le quatre ans après des campagnes de surveillance réglementées de la qualité de l'eau.

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Chaque Etat-membre définit les bonnes pratiques agricoles qui seront mises en oeuvre par les agriculteurs dans les zones vulnérables. La Directive Nitrate prévoit l'élaboration de programmes d'action spécifiques dans un délai de deux ans à compter de la désignation de la zone et mis en oeuvre dans un délai de quatre ans après leur élaboration.

La Directive Cadre sur l'Eau du 23 octobre 2000 est la première législation proposant une approche plus globale de la qualité des masses d'eau. D'importants moyens techniques, administratifs, économiques et scientifiques sont mis en oeuvre pour que chaque Etat-membre soit en mesure de respecter « l'obligation de résultat » en termes de bonne qualité des eaux à l'échéance 2015.

La législation française

Essentiellement transposée depuis la réglementation européenne, la législation française en matière de qualité de l'eau propose toutefois une approche plus globale du milieu.

La loi sur les Installations Classées Pour l'Environnement (ICPE) de 1976 définit un régime de déclaration auprès des préfectures pour les infrastructures susceptibles de présenter un danger pour l'environnement. Les bâtiments d'élevage sont les principaux concernés dans le domaine agricole, en conséquence directe de la transposition de la Directive Nitrate. La règlementation concernant le stockage de lisier et les opérations d'épandage est renforcée. Une quantité maximale d'azote par hectare et par an est ainsi définie.

La Loi sur l'Eau de 1992 impose la création de Schémas Directeurs d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) pour chaque bassin hydrographique, et de SAGE à l'échelon des sous-bassins. Cette loi permet d'encadrer les installations agricoles non classées en ICPE et d'inscrire les zones vulnérables aux nitrates dans ces schémas d'aménagement.

La Loi sur l'Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006 propose d'encadrer la gouvernance de l'eau pour une gestion plus intégrée de la pollution de la ressource. Sa tentative de modernisation de la Directive sur la Prévention et la Réduction Intégrée de la Pollution aboutit à une réglementation trop peu contraignante. Le projet de redevance pour pollution diffuse qui s'avérait prometteur ne concerne au final que les biocides, et sa portée s'avère très limitée.

La loi Grenelle I adoptée en 2009 prévoit le développement de l'agriculture biologique, la certification environnementale des exploitations et la réduction de moitié de l'usage des pesticides en dix ans. Elle interdit l'utilisation des phosphates dès 2012 et préconise la recherche et la réorientation du secteur agricole vers des pratiques économes en intrants. La loi met l'accent sur quelques pratiques phares : généralisation de la couverture des sols en hiver, valorisation des effluents organiques d'élevage, implantation de bandes enherbées et de zones végétalisées en bordure des masses d'eau.

Rappelons qu'en termes juridiques, le cas des nitrates relève du principe de précaution, l'impact de la pollution azoté étant bien connu. A ce titre, suite à la constitutionnalisation de la charte de l'environnement, une mise en cause de l'Etat est possible pour mauvaise application des textes, comme ce fut le cas en mars 2001 et en juin 2002.

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Les réformes successives de la PAC

Les différentes réorientations de la PAC depuis les années 1960 conditionnent les choix agriculturaux et les politiques d'amélioration de la ressource en eau. La première PAC de 1958 soutenait les prix sans aucune limite quantitative dans le but d'augmenter le revenu du travail. L'agriculture s'est intensifiée jusqu'à la fin des années 1980 avec près de 1 mg/L d'accroissement de concentration en nitrates en moyenne chaque année dans les eaux. Dès 1992, une première réforme, certes timide, de la PAC vise à introduire les premières mesures agri-environnementales. Le règlement CEE2078/92 incite à la baisse des productions afin de mieux prendre en compte le marché agricole, de résorber les stocks et de maitriser les pollutions nitratées. Les exploitants prenant le parti d'adopter des méthodes de production moins polluantes et d'entretenir les zones rurales se voient attribuer une aide du Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA) qui compense la baisse de production. L'impact sur la qualité paysagère rurale et sur la pollution azotée s'est toutefois révélé insatisfaisant.

La réforme de 1999 et son règlement CEE 1257/1999 reprend les mêmes principes de durabilité des pratiques agricoles. Encore trop orientée vers les préoccupations économiques de la filière, cette nouvelle formule n'a pas eu les effets escomptés. Jusqu'en 2003, il est réaliste de considérer que les investissements de la PAC contribuent au productivisme agricole. En effet, 90 % des dépenses définies en 1999 constituent des aides fonction du nombre d'hectares, de bêtes ou en soutien des prix. La France a bénéficié de 10 milliards d'euros au titre de la PAC 2003 à répartir entre 600 000 exploitations, soit en moyenne 17 000 euros par exploitation par an. Sur les 12 milliards d'euros réinvestis par le gouvernement français, seulement 560 millions sont dédiés aux mesures agri-environnementales.

A partir de 2003, les principes de découplage et d'écoconditionnalité des aides sont mis en oeuvre. Les subventions sont de moins en moins liées à la production et à son niveau. Les agriculteurs touchent un paiement unique par hectare d'exploitation calculé sur la moyenne des primes perçues sur trois années de référence, à condition que ceux-ci respectent les Bonnes Conditions Agricoles et en Environnementales (BCAE).

La réforme de 2009 préconise un découplage total des aides, politique qui sera encore renforcée par la réforme fin 2013 pour la période 2014-2019.

Par abandon progressif des subventions favorisant le productivisme agricole, la PAC a probablement contribué à la stabilisation des pollutions nitratées observée ces dernières années.

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Figure N°6 : Synoptique des principales lois françaises sur l'eau
(source : La France - La ressource en eau, 2009)

2. Techniques agro-environnementales

L'amélioration de la qualité de l'eau vis-à-vis de la pollution, et plus particulièrement de la pollution nitratée, nécessite certains choix culturaux qui d'une part, vont limiter les apports d'intrants nécessaires, et d'autre part, réduire le transfert des polluants vers les masses d'eau. Un panel de techniques, maintenant largement répandues en France et dont l'efficacité est établie, constitue le socle des bonnes pratiques à mettre en oeuvre. A ce titre, ce panel est souvent repris dans les programmes d'action territoriaux de réduction de la pollution agricole.

La couverture permanente des sols

En France, les conditions climatiques entrainent de longues périodes défavorables à la croissance des cultures : entre septembre et mai pour les cultures de printemps, et entre juillet et mai pour le passage d'une culture d'hiver à une culture de printemps. Bon nombre de rotations de cultures annuelles laissent le sol sans couvert végétal pendant ces périodes, ce qui favorise les reliquats d'azote minéral lessivables. La plantation de cultures intermédiaires ou le maintien de résidus de cultures protègent les sols de l'érosion. La biomasse produite adsorbe les nitrates et améliore la porosité du sol, favorisant ainsi l'infiltration des pluies au détriment de leur ruissellement. Les couverts végétaux intermédiaires constitueraient le moyen le plus efficace et bon marché pour la réduction du lessivage de l'azote (Lacroix et al., in Hellier et al., 2009).

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Plusieurs études menées en France ont mesuré une réduction de 30 à 60 % des fuites en nitrates par cette technique (Beaudoion et al. Et Constantin et al. In Hellier et al, 2009). Les cultures intermédiaires les plus fréquentes sont la moutarde blanche (Sinapis alba), le seigle (Secale cereale L.), le sorgho commun (Sorghum bicolor) et la phacélie à feuilles de tanaisie (Phacelia tanacetifolia) utilisables en association.

La réimplantation des haies arbustives

Comme pour les cultures intermédiaires, les haies contribuent à la perméabilisation, à l'activité biologique et à l'enrichissement du sol au niveau des racines. Des campagnes de replantation ou de préservation du paysage bocager peuvent contribuer à réduire de manière remarquable les flux lessivés vers les masses d'eau. Le transfert de nitrates peut ainsi être divisé par quatre dans les 120 premiers centimètres du sol entre l'amont et l'aval de la haie.

L'implantation de bandes enherbées

Les bandes enherbées implantées en bordure de parcelle ou sur les bords des cours d'eau constituent des zones tampons dont l'efficacité a souvent pu être démontrée. Simplement fauchées et non fertilisées, leur largeur optimale se situerait entre cinq et dix mètres. Leur efficacité dépend de la nature du sol, du couvert végétal voisin (une bande enherbée suivie d'une haie offre une efficacité maximale) et de la saison (efficacité réduite en hiver). Les bandes enherbées peuvent toutefois être court-circuitées par un réseau de drainage mal conçu. Une bande de six mètre de large composée des espèces fréquentes (ray-grass anglais, fétuque, dactyle...) pourrait ainsi intercepter jusqu'à 99% des pesticides. Pour la même largeur, une étude privée d'Arvalis révèle une baisse de 62% du volume d'eau ruisselé, de 58% des teneurs en nitrates, de 72% des teneurs en produits phytosanitaires et de 91% en particules solides y compris phosphates(Arvalis). D'un coût total d'implantation estimé à 100€/ha et d'un coût d'entretien de 30€/ha, les bandes enherbées constituent une technique efficiente de protection des cours d'eau.

Exempl

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10

0

 

6 mètres

12 mètres

18 mètres

 
 
 

Volume d'eau

ruisselé

Teneurs en

nitrates

Teneurs en

produits

phytosanitaires

Teneurs en
particules
solides, dont
phosphore

Figure N°7 : Exemple de l'efficacité de trois largeurs de bandes enherbées (source Arvalis)

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La préservation des zones humides

Les zones humides abritant des eaux stagnantes peu oxygénées sont des milieux de dénitrification où peuvent aussi se fixer les particules érodées sur lesquelles sont adsorbées du phosphore ou des molécules phytosanitaires. Les prairies humides de fonds de vallons sont les plus efficientes et les plus concernées par les campagnes de préservation des entités paysagères. Leur efficacité est fonction du temps de séjour des intrants dans la zone humide, d'où une efficacité moindre en période de forte pluviométrie. L'efficacité vis-à-vis des nitrates a atteint 75% de dénitrification pour une zone humide de l'ouest du bassin de la Seine en période estivale (Curie, 2006). D'autres mesures révèlent des taux réduits de 35 à 100% (Larson et al., 2000 ; Haag, Kaupenjohann, 2001 in Hellier et al., 2009)

La priorisation des prairies

Les prairies sont très avantageuses en termes de préservation de la qualité des eaux. Assurant une couverture végétale permanente et une perméabilité du sol, le lessivage hivernal des nitrates est fortement réduit. Sources de biodiversité et peu traitées en substances polluantes, leur abandon au profit des cultures fourragères annuelles n'est pas sans conséquence sur la qualité de l'eau. L'efficacité des prairies dépend des pratiques, notamment de la densité d'élevage lorsque celles-ci servent de pâturage. Plus leur gestion est extensive, moins le risque de transfert de nitrates est important. Les risques de pollution sont toutefois plus importants sous une prairie pâturée que sous une praire fauchée (Simon et al, in Hellier et al., 2009). L'allongement de la durée des prairies est également favorable à la qualité de l'eau : plus la prairie se rapproche d'une prairie permanente, plus elle est efficace dans l'adsorption des nitrates. Cependant, l'intégration ne serait-ce que d'une prairie temporaire au sein d'une rotation céréalière s'avère déjà bénéfique pour la qualité de l'eau.

Les méthodes d'apport des intrants

Les dates d'épandage des substances phytosanitaires en fonction des conditions météorologiques conditionnent de manière très significative leur transfert dans le milieu.

En ce qui concerne la fertilisation azotée, celle-ci doit être équilibrée. Le fractionnement des apports permet d'adapter la fertilisation aux besoins des cultures et d'éviter les excédents d'azote lessivable. Un apport annuel d'azote organique inférieur à 170kg d'azote/ha est à ce titre conseillé. Un cahier d'épandage et un plan de fumure peuvent être réalisés par l'exploitant.

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Première partie :

Relation Eau-Agriculture au niveau national La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

3. Programmes d'action territoriaux

Au-delà du cadre réglementaire européen et national, la lutte contre la pollution agricole nécessite des programmes d'action prenant en compte les spécificités territoriales : conditions naturelles, activités anthropiques, jeux d'acteurs... Différentes stratégies sont ainsi élaborées à des échelles hydrologiques comme les bassins versants et s'inscrivent le plus souvent dans le cadre d'un SAGE ou d'un Contrat de rivière. Ce processus de « localisation » et de contractualisation de la gestion de l'eau renforce la participation des différents acteurs, y compris des exploitants agricoles, à l'élaboration des plans d'action. Ces programmes reposent sur l'incitation financière et le volontariat des agriculteurs : des aspects plus prometteurs, durables et souvent mieux perçus que la contrainte réglementaire et unilatérale.

L'évolution des contrats agri-environnementaux

Les premiers contrats de mesures agri-environnementales (MAE) ont été mis en place de 1992 à 1999 suite à la réforme de la PAC. Financés par le Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA), ils sont mis en oeuvre par chaque région à travers un cahier des charges qui prend en compte les spécificités territoriales. Une des mesures phares des MAE est l'ancienne Prime à l'herbe qui garantissait 45€/ha pour les exploitants maintenant un pâturage extensif et des pratiques favorisant les prairies temporaires ou permanentes. Les Plans de Développement Durable (PDD), appartenant également au premier dispositif MAE, sont restés de l'ordre de l'expérimental et leur influence est peu généralisable. Finalement, le dispositif MAE a été d'une efficacité très discutable pour plusieurs raisons. Fondé sur le volontariat des agriculteurs, seuls les exploitants déjà sensibilisés aux pratiques extensives ont été concernés par ces mesures. La première Prime à l'herbe a seulement permis d'encourager les exploitations déjà respectueuses de l'environnement, sans être d'un montant suffisamment décisif pour réorienter les exploitations où le risque lié à l'intensification des activités était réel. A titre d'exemple, la prime relative au maïs ensilage pouvait atteindre plus de 300€/ha à la même période. Les Opérations Locales Agro-Environnementales (OLAE) de ce dispositif, essentiellement orientées vers l'entretien du paysage rural, ont également connu un échec relatif. Touchant majoritairement les secteurs affectés par l'exode rural, l'objectif de l'UE s'est avéré plus proche du maintien des revenus des exploitants que de la réduction des pollutions agricoles. A titre d'exemple, à la fin du dispositif en 1999, seul 0,7 % de la SAU française était couverte par les opérations locales.

Dès 1999, la loi d'orientation agricole met en place les Contrats Territoriaux d'exploitation (CTE). Signés pour cinq ans et reprenant l'ensemble des mesures agri-environnementales des pratiques précédentes, leur fonctionnement plus global et forfaitaire en facilite la gestion. Plus efficaces que les MAE et les PDD, les CTE conservent toutefois le même défaut : celui d'encourager les exploitants aux pratiques déjà favorables à l'environnement. Des actions auparavant volontaires se stabilisent par la rémunération, ce qui procure une véritable « aubaine » pour les exploitants. Le bilan 2001 révèle qu'une majorité de CTE s'inscrivent dans une démarche individuelle et dans des régions peu concernées par l'intensification de l'agriculture, alors que des actions collectives à plus grande échelle auraient été plus profitables. A titre d'exemple, en Lorraine comme dans d'autres régions souffrant de

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disparités départementales, les CTE ont montré leur inefficacité. Dans ces régions, les départements et territoires les plus dynamiques (comme la Moselle) sont à même de prendre en considération les deux volets du contrat (amélioration environnementale et socio-économique) et de maitriser financièrement les rouages du dispositif. A l'inverse, les départements en déclin comme les Vosges tentent de réorienter le dispositif vers l'amélioration socio-économique de la situation.

En 2003, les Contrats d'Agriculture Durable (CAD) remplacent finalement les MAE et les CTE. Les évolutions principales du dispositif reposent sur une meilleure prise en compte des spécificités territoriales, un recentrage sur les enjeux environnementaux, une refonte budgétaire et une simplification administrative. Ces contrats sont également signés pour cinq ans à partir d'un arrêté préfectoral qui définit les enjeux prioritaires de chaque territoire et un nombre d'actions limité à entreprendre pour chaque enjeu. Les mesures agri-environnementales initiales peuvent toutefois cohabiter avec les CAD. C'est le cas des OLAE et des Primes Herbagères Agro-Environnementales (PHAE 1 de 2003 et PHAE 2 de 2007) qui remplacent la Prime à l'herbe. L'arrêt des CTE a cependant entrainé l'hésitation des agriculteurs vis-à-vis de la contractualisation et de son caractère aléatoire, d'autant que les CAD s'avèrent moins avantageux sur le plan financier.

En 2007, le Programme de Développement Rural Hexagonal (PDRH) propose de nouveaux contrats agri-environnementaux qui induisent l'impossibilité de signer de nouveaux CAD. Ces nouveaux contrats de cinq ans engagent l'exploitant à respecter une ou plusieurs Mesures Agri-Environnementales Territorialisées (MAET), l'objectif étant de renforcer le pouvoir de l'échelon régional puis local dans la lutte contre la pollution agricole. Un cahier des charges agro-environnemental est appliqué à la parcelle et aux éléments paysagers voisins (haies, ripisylves, zones humides). Ces mesures doivent permettre de répondre au mieux à des menaces localisées au sein de territoires prioritaires en lien avec la Directive Cadre sur l'Eau. Un maximum de deux mesures par enjeu environnemental est proposé afin de gagner en simplicité et de limiter les dépenses publiques liées à ces mesures.

De manière générale, les différents types de contrat s'avèrent critiquables quant à leur efficacité sur l'amélioration de la qualité de l'eau. Outre le fait que leur succession n'ait pas permis de gagner la confiance des exploitants qui continuent de percevoir ces dispositifs comme aléatoires, ponctuels et favorables qu'à court terme, chacun des contrats est limité dans ses effets par ses propres caractéristiques. Leur gestion est coûteuse sur le plan administratif, tandis que leur suivi et leur évaluation est complexe. Par principe, ces contrats ne font qu'inciter et conforter les choix d'agriculteurs déjà volontaires et aux pratiques favorables à l'environnement. On parle « d'effet d'aubaine » de ces contrats pour les exploitants dont les bonnes pratiques sont financées alors que les mauvaises pratiques d'autres exploitants ne sont pas sanctionnées. Enfin, ces contrats sont localisés dans des zones éligibles dont la délimitation a tendance à varier dans le temps et l'espace, rendant leur efficacité à long terme discutable.

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Les contrats de maitrise des pollutions agricoles

En 1993, le premier Programme de Maitrise des Pollutions d'Origine Agricole (PMPOA) est mis en place dans le but de financer la mise aux normes des bâtiments d'élevage pour le stockage des effluents et d'inciter à un épandage réfléchi, en accord avec la réglementation récente sur les installations classées pour l'environnement. Comme pour les contrats environnementaux, l'adhésion est contractuelle et fondée sur le volontariat. Ce dispositif trouve son succès dans le fait que les modifications que les agriculteurs sont incités financièrement à réaliser leur seront normalement à terme imposées par la loi. Dans les faits, plusieurs rapports critiquent la mise en oeuvre de ce programme pour différentes raisons : le fait qu'il ne concerne essentiellement que des exploitations d'une certaine taille, supérieures à 70 UGB en moyenne ; la longueur des procédures et un coût réel de deux milliards d'euros au lieu d'un milliard planifié.

En 2002, le second Programme de Maitrise des Pollutions d'Origine Agricole (PMPOA 2), ou Programme de Maitrise des Pollutions Liées aux Effluents d'Elevage (PMPLEE) corrige quelques limites du programme précédent. La norme communautaire de 170 kg d'azote/ha/an devient une obligation. La taille minimale d'élevage pour accéder aux aides est abrogée. Les zones vulnérables selon la Directive Nitrates font obligatoirement partie des zones prioritaires. A ce titre, tout éleveur en zone vulnérable qui ne se serait pas engagé dans le processus de mise aux normes à partir de 2006 est exclu du tout programme d'investissement communautaire.

Les opérations non-contractuelles

Ces programmes n'engageant pas juridiquement les exploitants concernent essentiellement les conseils en fertilisation dans le cadre de la pollution azotée. Nées en 1980 des constatations du rapport Hénin qui démontre le lien entre surfertilisation et pollution de l'eau, les premières mesures visant à diffuser les bonnes pratiques de fertilisation sont initiées par la Mission Eau-Nitrates et le Comité d'Orientation pour la Réduction de la Pollution par les Nitrates (CORPEN). Dès 1990, l'Association Nationale pour le Développement Agricole (ANDA) lance le programme Ferti-Mieux qui prend de l'ampleur grâce au volontariat des agriculteurs. Chaque action Ferti-Mieux est lancée sur un territoire donné et suivie par un comité de pilotage. Financées par les chambres d'agriculture, les agences de l'eau et les collectivités territoriales, le coût de chaque opération est estimé à 100 000 €/an. En 2010, deux millions d'hectares étaient couverts par un programme, soit 30 000 exploitants répartis en 65 actions Ferti-Mieux. Ces opérations ont montré de bons résultats en termes d'évolution des pratiques de fertilisation et de la pollution azotée, bien qu'elles reposent sur le volontariat des exploitants, au même titre que l'ensemble des contrats agri-environnementaux. (Cf Annexe)

Première partie :

Relation Eau-Agriculture au niveau national La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

L'étude de la relation entre activités agricoles et dégradation de la ressource en eau révèle la complexité de la mise en oeuvre de politiques agri-environnementales intégrées et adaptées aux spécificités territoriales ; en témoignent les plans successifs et leur évolution permanente laissant parfois les acteurs dubitatifs quant à la cohérence des dispositifs publics. La réduction de l'utilisation des intrants et la remise en cause progressive des techniques qui ont été à la base de l'intensification agricole de ces soixante dernières années semble être en cours. Les pratiques visant à prévenir la vulnérabilité des milieux se généralisent et permettent de préserver à la fois la ressource en eau et le paysage agricole.

Comment accélérer la généralisation de ces bonnes pratiques sans remettre en cause la rentabilité des exploitations ni créer des effets d'aubaines par l'opportunité des contrats agri-environnementaux ?

Comment adapter les politiques agri-environnementales aux spécificités d'un territoire et de son jeu d'acteurs ?

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Deuxième partie : Etat des lieux de la relation Eau -

Agriculture sur le bassin versant de la Seille

1. Présentation du territoire d'étude 1. Situation géographique

Située dans le bassin frontalier Rhin-Meuse, la vallée de la Seille s'étend au Sud-Est du département de la Moselle, au coeur du plateau Lorrain. La Grande Seille prend sa source à la sortie d'un étang piscicole de 600 ha : l'étang du Lindre. Elle traverse deux régions naturelles correspondant à deux ensembles géologiques distincts sur un parcours de 120 km :

- le Saulnois ou « pays des étangs » en amont. La rivière s'y écoule de manière lente et linéaire sur les terrains argilo-marneux d'une large vallée appartenant au Parc Naturel Régional de Lorraine. La Seille y reçoit l'essentiel de ses affluents au sein d'un réseau hydrographique très diffus, parmi lesquels la Petite Seille, son principal affluent en rive droite.

- Sur le plateau liasique du secteur aval où affleurent les marnes et calcaire à gryphées, au pied des côtes de Moselle, sa faible pente et son débit modéré donnent à la Seille un tracé plus sauvage et sinueux entre quelques communes ayant emprunté leur nom à la rivière. Les affluents y sont courts et temporaires.

L'exutoire de son bassin versant de 1264 km2 se situe au niveau de l'agglomération Messine, principal pôle urbain du territoire avec 120 738 habitants, où la Seille constitue un affluent rive droite de la Moselle.

Figure N°8 : Localisation du bassin versant de la Seille

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Figure N°9 : Réseau hydrographique du bassin versant de la Seille

2. Patrimoine naturel

Le bassin versant offre un territoire relativement homogène d'un point de vue topographique, pluviométrique et nature des sols. Soumis à un climat océanique à tendance continentale avec 785 mm de précipitations annuelles moyennes (1971-2004), le bassin connait toutefois une importante variabilité pluviométrique interannuelle. L'ensemble de la vallée se situe sur des terrains sédimentaires du Trias et du Jurassique, avec la présence d'un gîte salifère au sein des sols argileux qui occasionne des remontées d'eau salée en surface. Ces caractéristiques font du secteur amont de la vallée de la Seille l'une des deux vallées halophiles de France continentale, milieu extrêmement rare en Europe. Ces gisements salifères sont à l'origine d'une forte teneur en chlorures dans les eaux de la Seille qui explique en partie l'absence de ripisylve. Une flore halophile exceptionnelle colonise les prés salés continentaux qui font l'objet d'actions de conservation avancées : 10 zonages classés en ZNIEFF de type I, 9 sites en Espaces Naturels Remarquables, acquisitions par le Conservatoire des Sites Lorrains et le Parc Naturel Régional de Lorraine... Des mesures sont également prises pour la conservation de la faune associée à ces sites : oiseaux nicheurs et emblématiques des prairies inondables, insectes halophiles, brochets, chauves-souris... Un périmètre NATURA 2000 « Secteur amont et Petite Seille » de 1477 hectares englobant 20 communes constitue la protection la plus aboutie du bassin versant.

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

3. Activités anthropiques

La Seille est un cours d'eau de plaine, lent et moyennement abondant sur lequel les activités

anthropiques peuvent être qualifiées de fortes. Sa situation singulière entre les activités

piscicoles de l'étang du Lindre en amont et l'agglomération Messine en aval pose notamment

de nombreux problèmes en termes de contrôle d'écoulement. Entre ces deux points, la Seille

évolue dans un milieu rural « très humanisé » dans lequel les caractéristiques du cours d'eau

sont intimement liées aux activités humaines, depuis la production historique de sel qui a

forgé l'identité du secteur jusqu'au milieu du XIXème siècle, aux activités agricoles et

d'élevage qui régissent le bassin actuellement, en passant par les aménagements plus ou

moins récents du cours d'eau.

Nombre d'habitants

< 1000

1000 < 2000

2000 < 5000

Démographie

Son bassin versant n'héberge que 212 000 habitants (recensement 2009) dans 180 communes

dont 96% abritent moins de 2000 habitants et deux communes comprennent plus de 10 000

habitants autour de Metz : Marly et Magny. Trois communes se distinguent également dans ce

bassin rural : Dieuze et Morhange dans le secteur amont avec plus de 3800 habitants et

Château-Salins à l'entrée du secteur médian avec 2500 habitants.

Nombre de communes

160

15

3

% de communes

88,40%

8,29%

1,66%

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Tableau I : Taille des communes sur le bassin versant (INSEE, 2009)

L'exploitation historique du sel

> 10 000

3

1,66%

Depuis l'antiquité et jusqu'au milieu du XIXème siècle, l'extraction du sel par évaporation des eaux des sources salées a constitué l'activité principale du secteur amont du bassin versant. Non seulement cette activité a forgé l'identité de communes emblématiques comme Vic-sur-Seille, Château-Salins, Marsal ou Dieuze, mais elle a également modifié les paramètres hydrologiques et la naturalité du cours d'eau par les aménagements hydrauliques qu'elle a induit dans le but de faciliter l'exploitation et le transport du sel. Les campagnes de curage et de recalibrage des années 1800, les recoupements de méandres sur la Vieille Seille à Vic-sur-Seille et Lindre Basse, ainsi que le redressement de la Seille à Blanche Eglise en 1830 et entre Mulcey et Chambrey en 1890 constituent les travaux hydrauliques les plus impactant liés à cette activité.

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Les aménagements hydrauliques

De manière plus contemporaine, des opérations d'aménagement initiées dans les années 1960 ont contribué à augmenter la vulnérabilité du cours d'eau à l'intensification de l'agriculture par réduction de son pouvoir d'autoépuration. Naturellement peu boisées à cause de la teneur

Figure N°10 : Nombre d'actions anthropiques sur
la Seille XIIIe siècle - 2010

en chlorures de l'eau, les berges de la Seille ont connu un déboisement intensif lié au développement de

l'agriculture. Des travaux
d'enrochements et de curage réalisés dans les années 1980 autour de Blanche Eglise, Mulcey et Marsal sont à l'origine de la faible profondeur et du débit réduit de la rivière. Plusieurs méandres du secteur amont ont été abandonnés au profit d'un lit mineur rectiligne, large mais artificiel. Dans le secteur amont, plusieurs canaux et drains construits jalonnent le parcours de la Seille tandis que les villages équipent leurs abords

de digues bétonnées et de remblais pour se prémunir des inondations. Le secteur aval de Chambrey à Metz a connu un élargissement de son lit jusqu'à 7m afin de protéger l'agglomération messine des crues.

Le bassin versant possède un fort taux de drainage, aggravé par le reprofilage des fossés. Plusieurs zones halophiles ont été indirectement dégradées par ces aménagements qui ont conduit à l'assèchement des prairies et à la disparition, dans les années 1990, de la majeure partie du réseau de zones humides saumâtres. 33% des habitats halophiles ont ainsi disparu entre 1967 et 2000 (MONY et MULLER, 2002), tandis que le drainage a engendré la transformation de 85 hectares de prairies salées en prairies non salées intensives.

Photo N°1 : Digue de protection à Sillegny Photo N°2 : Digues au centre à Vic-sur-Seille

Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Photo N°3 : Enrochements en aval de Vic-

sur-Seille

Photo N°4 : Pont, seuil et enrochements à Cheminot

La pisciculture

La région Lorraine, forte de ses nombreux étangs, possède une forte tradition piscicole. Le domaine du Lindre, par sa superficie et ses 13 millions de mètres cubes d'eau, est l'un des plus grands des 134 étangs de la région. Doté d'une biodiversité remarquable liée à sa gestion extensive par le Conseil Général de la Moselle et ses zones humides préservées, l'activité principale du domaine reste la pisciculture permise par la bonne qualité de ses eaux. La pêche se fait par vidange de l'étang chaque année en septembre pendant la période dite « d'assec ». Toutefois, l'activité piscicole du Lindre n'est pas sans conséquence sur l'écosystème naturel de la Seille : contamination piscicole par libération de souches d'élevage compétitrices aux souches locales, déversement de flux de matières organiques constitué de rejets d'élevage (MES, nitrates, phosphore)... D'autre part, Grisan (1999) a étudié l'influence de l'alternance des vidanges et remplissages de l'étang sur le fonctionnement hydrologique de la Seille : bien qu'il en perturbe discrètement le système d'écoulement, il joue le rôle d'écrêteur de crue par son remplissage et peut garantir un soutien du débit du cours d'eau en période d'étiage.

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Photo N°5 : Naissance de la Seille au Lindre Photo N°6 : Mise en assec et dispositif de pêche

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Industries et autres activités

Avec seulement cinq industries et 2689 PME-PMI recensées, le secteur industriel quasi inexistant n'exerce pas de pression particulière sur le milieu aquatique.

Le bassin connait l'émergence récente d'un tourisme orienté vers le patrimoine culturel, naturel et historique de la vallée : Musée du Sel à Marsal, Musée Georges de la Tour, sentiers balisés et pédagogiques du Pays des Etangs...

Cours d'eau de 2ème catégorie piscicole, la Seille est très appréciée des pêcheurs amateurs pour sa variété d'espèces : brochets dans les vallées inondables, sandres, silures en aval, perches, carpes, tanches, gardons, chevesnes, barbeaux, ablettes et goujons. De nombreux plans d'eau de pêche privée ont été créés depuis 1967. Le bassin versant compte neuf A.A.P.P.M.A coordonnées par la Fédération départementale de Moselle pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques dont les membres sont relativement bien investis dans la gestion du cours d'eau.

Les activités agricoles

Avec 774 exploitations en 2010 et plus de 78,82% de la superficie du bassin dédiée aux terrains agricoles formant une S.A.U de 92 086 hectares, le secteur agricole représente la menace la plus forte sur le milieu. Les cultures permanentes y occupent une surface non négligeable en amont mais sont toutefois éloignées du cours d'eau. La filière céréalière fournit l'essentiel des revenus des agriculteurs.

Figure N°11 : Taux d'occupation des sols sur le bassin
versant de la Seille (Source CLC 2006)

Figure N°12 : Occupation des sols sur le bassin versant

Det uble 2

de la Seille (Source CLC 2006)

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

4. Données hydrologiques

D'après les données de Mohamed EL GHACHI in La Seille, un système fluvial anthropisé (2007)

Le contexte climatique sur le bassin versant connait des écarts intersaisonniers et interannuels spectaculaires qui sont à l'origine d'un fonctionnement hydrologique très variable de la Seille. Les actions anthropiques sont également à prendre en compte par leur influence sur la morphologie du cours d'eau.

Globalement, la Seille connait trois phases hydrologiques au cours de l'année :

- Un fonctionnement « moyen » cinq mois par an (mars, avril, mai, octobre et novembre) avec un débit de 10 m3/s

- Un fonctionnement « fort » trois mois par an (décembre, janvier et février) avec un débit dépassant 36 m3/s. Selon les secteurs, le lit majeur est sollicité par les lames d'eau écoulées pendant cette période des hautes eaux.

- Un fonctionnement « faible » quatre mois par an (juin, juillet, aout et septembre) avec un débit inférieur à 3 m3/s.

Les extrêmes hydrologiques : les crues

Le phénomène de crue sur la Seille est un évènement répétitif, inscrit dans l'histoire du bassin versant et dans la mémoire des acteurs locaux. Les aménagements humains limitent les dommages liés à ces phénomènes dans le secteur amont et médian tandis que le secteur aval a pu connaitre des débordements spectaculaires.

Quatre grands types de crue ont pu être identifiés :

- Les crues des basses eaux en été : résultant d'épisodes pluvieux très courts et intenses sur le bassin versant imperméable, elles ne durent qu'entre 15 et 24 jours.

- Les crues de la fin des basses eaux en automne : présentant les mêmes caractéristiques que les crues d'été, elles mettent en jeu des hauteurs d'eau plus importantes correspondant à la diminution des lames d'eau évaporées. Elles sont souvent influencées par la vidange annuelle de l'étang du Lindre.

- Les crues des hautes eaux hivernales : on y distingue les crues simples (courte durée, montée et descente d'eau plus rapide) des crues complexes (longue durée, plusieurs pics de crue, multifactorielles). Les débordements spectaculaires de 1997 et de 2001 font parties des évènements les plus marquants dans la mémoire des habitants.

- Les crues de la fin des hautes eaux au printemps : elles sont la réminiscence des crues hivernales quand la pluviométrie se maintient.

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Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Les extrêmes hydrologiques : l'étiage

La Seille peut connaitre des étiages sévères en période estivale comme ce fut le cas en 1976, 1992 et 2003. Ces étiages ont des conséquences parfois spectaculaires sur la qualité de l'eau et le développement de la végétation aquatique. Leur origine est multifactorielle :

- Un déficit pluviométrique qui ne compense plus l'ETP, malgré les précipitations abondantes qui caractérisent le bassin versant habituellement

- L'imperméabilité du bassin versant qui ne permet pas un soutien des débits par les ressources souterraines.

- Les aménagements humains qui participent au ralentissement des vitesses d'écoulement.

Les lâchers d'eau depuis l'étang du Lindre permettent toutefois de réguler artificiellement les débits observés.

Photo N°7 : Crue de la Seille à Marly, avril Figure N°13 : Nombre de crues débordantes de

2001 (Source DIREN) 1965 à 2013 (Source Banque Hydro-Nomeny)

5. Observations de terrain et qualité paysagère

Suivre le parcours de la Seille depuis l'étang du Lindre jusqu'à sa confluence avec la Moselle révèle plusieurs aspects du cours d'eau, de son bassin versant et de sa qualité paysagère.

En premier lieu, c'est la ruralité du territoire qu'il convient de remarquer. Un paysage de vallée, bordé par les Côtes de Moselle, fortement influencé par l'empreinte agricole. De part et d'autre du cours d'eau, les bordures des grandes cultures céréalières sont ponctuées de pâturages de taille moyenne abritant bovins et ovins. En amont, l'étang du Lindre impressionne par sa surface, la simplicité et la linéarité de son paysage qui contraste avec la naissance bruyante et tumultueuse de la Seille à l'écluse qui constitue sa source. De nombreux autres étangs qui jalonnent le parcours de la rivière renforcent cette impression. Dans le secteur médian se dessinent les premiers villages « pieds dans l'eau » et leurs aménagements hydrauliques qui « enterrent » le cours d'eau.

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Enfin en aval, l'agglomération messine donne l'impression d'une meilleure mise en valeur de la rivière que dans les villages amont, notamment au niveau des berges aménagées de Marly et du parc de la Seille à Metz, labellisé Ecojardin.

En second lieu, c'est l'artificialisation et la banalisation de la rivière qui frappe. D'une incroyable discrétion paysagère, la Seille ne présente que très peu de végétation rivulaire. Ni roselière ni ripisylve ne signalent le cours d'eau dans la vallée à l'exception de quelques arbres au niveau des ponts et des graminées non fauchées qui accompagnent le lit mineur, souvent envahi par des algues affleurant la surface.

D'anciens bras mort et drains construits sèment le doute sur le tracé réel de la rivière dans le paysage. Sur les deux tiers de son parcours, le lit est totalement linéaire et ne présente quasiment aucune variation de profondeur. Seuls les pêcheurs les plus expérimentés au sein des AAPPMA connaissent encore les rares trous et les quelques radiers où pêcher des espèces plus originales. La Seille s'enfonce inexorablement dans son lit mineur et de nombreuses parcelles agricoles du secteur amont subissent un effondrement de leurs berges nues lors des crues saisonnières. Les anciennes marques des crues historiques qui jalonnent les façades des maisons et les piles de ponts ne semblent plus d'actualité en amont. La rivière ne s'étale plus dans toute la largeur des prairies inondables de son lit majeur mais forme des « crues chasse d'eau » dont les effets sont maximum en aval.

Photo N°8 : Erosion des berges sur une Photo N°9 : La Seille en aval de Marsal

parcelle de Cheminot

Photo N°10 : La Seille en amont de Metz Photo N°11 : Le Vieux Canal de la Seille,

briquetage de Marsal

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Ha Ha Unité Unité Unité Unité k€ k€

2. Activité agricole sur le bassin versant de la Seille

92086 119 1261 1,6 60824 78,6 97462 126

1. Caractéristiques et spécificités de l'agriculture

D'après l'extrapolation des données communales du Recensement Agricole 2010.

Nombre d'exploitations et Surface Agricole Utile

SAU Totale SAU moyenne UTA Totale UTA Moyenne UGB total UGB Moyenne PBS Total PBS Moyenne
Le bassin versant de la Seille comptait 774 exploitations en 2010 (555 en Moselle et 219 en Meurthe-et-Moselle) réparties sur 1288 km2, soit une densité de 0,6 exploitation / km2. Ces exploitations forment une SAU globale de 92 086 hectares.

Tableau II : Données générales de l'agriculture sur le bassin versant (Source RA 2010) Statut des exploitations

La grande majorité des exploitations dispose du statut d'exploitation individuelle. La part de Groupements Agricoles d'Exploitation en Commun (GAEC) et d'Exploitations Agricoles à Responsabilité Limitée (EARL) est très réduite.

4% 6% 1%

89%

Exploitations individuelles GAEC EARL Autres

Figure N°14 : Statut des exploitations sur le bassin versant (source RA 2010)

Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Orientation technico-économique des exploitations

L'étude de l'Orientation Technico-Economique des Exploitations agricoles (OTEX) révèle deux filières prédominantes sur le bassin versant. Les exploitations de type « polyculture/polyélevage », suivies des exploitations « Céréales et oléoprotagineux » sont majoritaires selon les quatre critères retenus : nombre d'exploitations, SAU associée, UTA et PBS de la filière.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

OTEX

Autres élevages hors sol

Nombre d'exploitations

Unités

SAU

Ha

UTA

Unités

 

PBS

k€

Polyculture, polyélevage

Céréales et oléprotéagineux

Bovins mixte

Fleurs et horticulture diverse

Bovins lait

Autres herbivores

Cultures générales

cult. fruitières et autres cult. permanentes

Bovins viande

Autres OTEX

448

216

75

15

11

3

3

3

2

1

12

51918

29803

8389 713 797 113 40 303 18 578

713

304

157

62

13

3

4

5

3

0

16

56860 26374 10595 1977 989 203 90 313 247 17 871 Tableau III : Orientations technico-économiques sur le bassin versant (Source RA 2010)

32%

104

1% 1% 1%

9%

56%

Autres OTEX

Céréales et

oléprotéagineux

Bovins mixte

Fleurs et horticulture

diverse

Bovins lait

Polyculture, polyélevage

Figure N°15 : Prédominance des OTEX en fonction du nombre d'exploitations

Figure N°16 : Prédominance des OTEX en fonction de la SAU associée

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Master 2 Politiques Territoriales de Développement Durable 31

Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Productions et assolement

Les trois recensements agricoles de 1988, 2000 et 2010 permettent de caractériser l'évolution de l'assolement sur le bassin versant ces vingt dernières années. Entre 1988 et 2010, on note une augmentation de l'ordre de 19% de la superficie des terres labourables contre une baisse de 57% des cultures permanentes et de 34% des superficies toujours en herbe

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Type de surface

Superficie des terres labourables

1988

Ha

51567

2000

Ha

59453

2010

Ha

61522

Evolution 1988-2010

Ha

Superficie des cultures permanentes

Superficie toujours en herbe

98

36250

71

27499

42

23784

19%

-57%

-34%

Tableau IV : Evolution de l'occupation des sols sur le bassin versant (Source RA 2010)

Ces mêmes données permettent de hiérarchiser les productions végétales selon leur superficie.

Les prairies fourragères temporaires, les cultures céréalières et les prairies permanentes

constituent, à parts homogènes, les productions prédominantes. Le blé tendre apparait au

second rang, suivi du cortège « colza », « oléagineux » et « orge ».

14%

7%

6%

20%

5%

2%

0%

0%

26%

20%

Fourrages et superficies toujours en herbe

Céréales

Superficie toujours en herbe (STH)

Blé tendre

Colza

Oléagineux

Orge

Maïs

Jachères

Autres

Figure N°17: Part des productions végétales sur le bassin versant (source RA 2010)

Master 2 Politiques Territoriales de Développement Durable 32

Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Deux grandes catégories de rotations ont été recensées par la Chambre d'Agriculture de Lorraine lors d'une enquête de 2005 : les rotations de cultures d'hiver, dominées par la succession « Colza, Blé, Orge d'hiver », et les rotations avec culture de printemps, pour lesquelles l'orge de printemps et le maïs sont principalement utilisés.

De manière plus synthétique, l'agriculture sur le bassin versant est dominée par l'élevage bovin et les cultures céréalières, la grande majorité des exploitants étant éleveurs. La prédominance des exploitants individuels sur les socitétés agricoles ne concorde pas spécialement avec la taille moyenne à grande des structures. Enfin, l'évolution de l'assolement, caractérisée par une augmentation des superficies de terres labourables et par une diminution des cultures permanentes et des surfaces toujours en herbe, correspond à la dynamique observable à l'échelle départementale. Il convient toutefois de noter que la perte des surfaces toujours en herbe a été en partie enrayée ces dix dernières années : d'une baisse de l'ordre de 24 % entre 1988 et 2000, à une perte de l'ordre de 13% entre 2000 et 2010.

2. Dispositifs agri-environnementaux territoriaux Contrats de maitrise des pollutions agricoles

Il convient de rappeler, dans un premier temps, que l'ensemble du bassin versant est classé zone vulnérable selon la Directive Nitrate. Les pratiques agricoles y sont, par conséquent, déjà soumises à gestion raisonnée puisque les exploitants sont tenus de respecter certaines préconisations regroupées dans les quatre programmes d'actions du département : 1996-2000, 2000-2004, 2005-2009 et 2010-2014. Les premiers programmes préconisent l'enregistrement des apports de fertilisants azotés et des effluents d'élevage, le respect d'une dose maximale de 170 kg N/ha/an, l'élaboration d'un prévisionnel de fumure azotée par parcelle et l'objectif de 70% de couverture hivernale des sols. Le troisième programme prévoit en plus le maintien de la végétation sur cinq mètres de large de part et d'autre des rives de la majorité des cours d'eau. Le quatrième programme propose la couverture hivernale totale des sols dès 2011.

Les contrats agri-environnementaux reposant sur le volontariat des exploitants complètent les recommandations de la directive : la Prime à l'Herbe Agro-Environnementale, le PMPOA1 et le PMPLEE

Peu de données ont pu être obtenues sur l'ampleur réelle de la contractualisation à l'échelle du bassin versant de la Seille. Toutefois, le croisement de données issues de la Chambre d'Agriculture de Moselle, de l'Agence de l'Eau Rhin-Meuse à l'échelle du département et des zones vulnérables « nitrate » peut permettre de caractériser l'avancée de la contractualisation.

La PHAE ne semble pas avoir connu le succès escompté sur le bassin versant compte tenu de ses critères d'attribution contraignants (conserver plus de 75% de parcelles en herbe), du coût peu intéressant de la subvention associée (75 €/ha en moyenne sur le département) et de son incompatibilité avec les MAET. Seules quelques dizaines d'hectares sont couvertes par la PHAE à ce jour.

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Le PMPOA1 et le PMPLEE ont connu un succès plus significatif, notamment parmi les parcelles hors périmètre Natura 2000. On observe également une rupture de la dynamique d'adhésion dans tous les départements Lorrains suite à l'abandon du PMPOA au profit du PMPLEE en 2002.

Une étude commandée en 2006 par le PNRL et le CSL portant sur l'évaluation du PMPLEE en région Lorraine indique que 20% des exploitations Mosellanes ont déposé une Déclaration d'Intention d'Engagement (DIE) avant 2002. Cette même étude met en avant le fort taux d'engagement Mosellan puisque 39 % des exploitants ont effectivement engagé des travaux de mise aux normes.

Les données concernant l'activité agricole du bassin versant de la Seille rassemblées jusqu' ici nous permettent de penser que les parcelles du bassin versant hors zonage Natura 2000 sont représentatives des caractéristiques de l'agriculture à l'échelle départementale. En ce sens, il est possible d'extrapoler, avec prudence, que sur les 700 exploitations de la Seille hors zonage Natura 2000, 20 % d'entre elles (soit 140 exploitations) aient pu déposer une DIE et qu'environ 30% (soit entre 40 et 50) de ces exploitations aient effectivement engagé des travaux de mise aux normes au titre du PMPLEE.

Les impacts des deux programmes successifs ont pu être évalués par enquête auprès des exploitants :

- La mise aux normes ne semble pas avoir modifié profondément les structures d'exploitation

- La traçabilité et la gestion administrative de la fertilisation azotée ont fortement progressé, notamment par un recours plus systématique aux cahiers d'épandage et aux plans de fumure prévisionnels. Une meilleure maitrise des épandages d'effluents organiques est observable.

- Les résultats en termes de fertilisation azotée minérale ne sont pas probants

- La problématique liée aux CIPAN et aux sols sans couvert hivernal reste de mise et n'affiche aucun progrès.

En dépit de résultats relativement satisfaisants, l'opinion des exploitants sur la succession des deux programmes reste négative. 40 % ont effectivement l'impression « d'oeuvrer pour le respect de l'environnement et de la ressource en eau » en contractualisant. Toutefois, pour respectivement 29 et 16% d'entre eux, la contractualisation dans le cadre d'un PMPOA ou d'un PMPLEE constitue avant tout « une aide économique importante » et une possibilité « d'économiser les fertilisants par la prise en compte de la valeur fertilisante des effluents d'élevage ». La majorité des enquêtés déplore l'insuffisance du montant de la subvention, la lourdeur administrative du dispositif et les incohérences entre les objectifs, les moyens et les contraintes. (PNRL-CSL, 2006)

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Mesures agri-environnementales territorialisées

Outre les mesures de conservation spécifiques aux zonages Natura 2000, la gestion agri-environnementale actuelle du bassin versant de la Seille repose essentiellement sur les MAET mises en place en 2008, puis en 2012. La contractualisation CTE a connu un certain succès et une certaine efficacité dans les territoires homogènes qui ont engagé une action collective autour du dispositif. L'arrêt des CTE au profit des CAD instaurés, entre autres, pour une meilleure prise en compte des enjeux territoriaux, a entrainé une rupture de la dynamique de contractualisation. Des années 2004 à 2006, on peut estimer que seules une trentaine d'exploitations ont contractualisé en CAD, contrats qui arrivent à échéance entre 2009 et 2011 et sont non-renouvelables.

Les MAET ont été initiées tardivement en raison de la priorité accordée à la contractualisation sur les sites Natura 2000. Des cahiers des charges MAET basés sur ceux appliqués dans les périmètres Natura 2000 ont été proposés aux agriculteurs cette même année : 10 d'entre eux ont choisi de contractualiser pour une surface concernée de 66 hectares. Quatre Espaces Naturels Sensibles (ENS) de la vallée de la Seille ont fait l'objet d'une attention particulière pour leur flore et leurs espèces faunistiques remarquables : « les prairies et marais de Chambrey », « les prairies de la Seille », « la Seille de Manhoué à Arraye et Han » et « la Seille en amont d'Haboncourt ».

Tous ces milieux sont essentiellement constitués de prairies de fauche en partie inondables. A ce jour, les 41 contractualisations mises en place permettent une gestion plutôt satisfaisante de la pollution azotée sur le bassin versant hors périmètre Natura 2000 : 23% des prairies y sont non fertilisées, 24 % reçoivent une fertilisation inférieure à 30 kgN/ha/an, 19% reçoivent une fertilisation entre 30 et 60 kgN/ha/an et 34% reçoivent plus de 60 kgN/ha/an.

 
 
 
 
 

Habitat concerné

Code de la mesure

Objectifs de la mesure

Absence totale de fertilisation

Montant

Financement

Prairies de fauche

et de pâtures

LO_SASE_PF1

LO_SASE_PF2

Limitation de la fertilisation à 30 kgN/ha/an

Absence totale de fertilisation et mise en

défens de 10% de la parcelle engagée

212 €/ha

228 €/ha

 

FEADER - CG57

FEADER - CG57

Prairies prioritaires

LO_SASE_PE1

LO_SASE_PE2

Absence totale de fertilisation et retard de

fauche après le 22 juin

269 €/ha

294 €/ha

FEADER - CG57

FEADER - CG57

Tableau V : Types de Mesures Agri-environnementales Territorialisées

hors périmètre Natura 2000

Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

L'opération Agri-Mieux « AQUAE SEILLE » : contenus du dispositif

Initiées en 1991 par le Ministère de l'Agriculture et confiées à l'ANDA, les opérations Ferti-mieux ont rencontré un certain succès, rendu possible par la mobilisation des exploitants en faveur de la qualité de l'eau. Suite à la dissolution de l'ANDA en 2003 et à la disparition du dispositif en dépit de la dynamique qui avait été créée parmi les agriculteurs, la CRAL proposa la mise en place d'une instance interrégionale dans le but de conserver l'intérêt environnemental des mesures initiées au sein d'un dispositif renommé Agri-Mieux. Les 17 opérations Ferti-Mieux du bassin Rhin-Meuse sont converties avec succès en programmes Agri-Mieux, pilotés et financés par les Chambres d'Agriculture Départementales.

En juillet 2005, l'opération Agri-Mieux « Aquae Seille » est lancée suite à la récurrence et l'augmentation des problèmes de qualité de l'eau observés sur le bassin versant. Concernant 600 exploitants sur les 90 000 hectares de la SAU du bassin, les pratiques agricoles promues par le groupe agro-environnement de la Chambre d'Agriculture de Moselle correspondent à quatre grands axes prédéfinis par concertation :

y' Une gestion raisonnée de l'azote, adaptée aux cultures en place sur le bassin versant.

y' Une gestion améliorée des effluents d'élevage, plus particulièrement dans le secteur amont du bassin versant.

y' Une gestion des risques de pollution par les substances phytosanitaires y' Une généralisation de la couverture hivernale des sols, renforcée dans les secteurs d'élevage sur le secteur médian du bassin versant

Techniquement, le conseil aux agriculteurs prend des formes diverses mais repose toujours sur l'engagement volontaire des exploitants, la concertation et des démarches de type « bottom-up » où les agriculteurs font remonter des solutions techniques locales à « l'échelon supérieur ». Le dispositif affiche l'ambition de créer une dynamique locale, agricole et non-agricole, pour que l'agriculture soit vue et connue comme partenaire de l'eau. Des notes techniques, comprenant notamment des conseils pratiques relatifs à la gestion de la fertilisation, sont envoyées plusieurs fois par an aux exploitants. Des animations sont réalisées en salle et sur le terrain. Des visites d'exploitation et de plateformes d'essai sont organisées pour la mutualisation des bonnes pratiques. Un blog internet, nommé Graines de Seille, est animé plusieurs fois par mois par la Chambre d'Agriculture 57 ( http://amseille.blogspot.fr/). Le compte rendu des visites d'exploitations et des études en cours y est exposé.

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

L'opération Agri-Mieux « AQUAE SEILLE » : premiers résultats

L'évaluation de l'efficacité du dispositif est réalisée par la Chambre d'Agriculture tous les quatre ans depuis sa mise en place en 2005. A ce titre, une enquête initiale a été réalisée sur les exploitations Meurthe-et-Mosellanes du bassin. Un « état initial 2005» des pratiques de fertilisation azotée du bassin versant a ainsi pu être extrapolé :

- 86% des exploitants pratiquent une fertilisation raisonnée en azote minéral en tenant compte du précédent cultural pour 93% d'entre eux, de la fumure organique pour 81% d'entre eux, du type de sol pour 56% d'entre eux et de l'exportation pour 41% d'entre eux.

- Les deux critères majoritaires de déclenchement de la fertilisation sont le stade de la culture et les conditions climatiques.

- Pour le blé : l'apport d'azote moyen est de 169,5 kgN/ha/an. 9% des exploitants apportent moins de 140 kgN/ha/an, 57% entre 140 et 180 kgN/ha/an et 23% entre 180 et 200 kgN/ha/an. 97 % des agriculteurs réalisent des apports fractionnés en azote : en deux fois pour 54% et en trois fois pour 43%.

- Pour le colza : l'apport d'azote moyen est de 183,8 kgN/ha/an. 10% des exploitants apportent moins de 140 N/ha/an, 27% entre 140 et 180 kgN/ha/an et 60% entre 180 et 220 kgN/ha/an. 100 % des agriculteurs réalisent des apports fractionnés en azote : en deux fois pour 90% et en trois fois pour 10%.

- Pour le maïs : L'apport d'azote moyen lors du premier apport est de 108 kgN/ha/an. 50% des exploitants dépassent 120 kgN/ha/an dès le premier apport, 27% apportent entre 100 et 120kg N/ha/an et 23% d'entre eux apportent moins de 100 kgN/ha/an. 18 % des agriculteurs réalisent deux apports en azote alors que 82% n'en réalisent qu'un seul.

- 17% des terres labourables restent sans couverture végétale hivernale. Les CIPAN ne sont mises en oeuvre que sur 10% de la SAU à même d'en accueillir.

- 20 % du Blé, 20 % du colza, 55 % du maïs et 25% des prairies permanentes reçoivent de la matière organique. Les épandages respectent en grande majorité les dates préconisées par la Directive Nitrate, à l'exception d'un quart des cultures de maïs.

- L'extrapolation des données indique une dose moyenne d'azote organique de 116 kgN/ha, bien inférieure à la norme de l'époque de 210 kgN/ha. 21% des exploitations effectuent cependant des apports d'azote minéral supérieurs aux recommandations en vigueur en 2005. (Deville, 2009)

La première évaluation technique du dispositif Agri-Mieux « Aquae Seille » portant sur 60 exploitants date de 2009 et permet d'apprécier l'évolution des pratiques agri-environnementales sur le bassin versant :

- 78% des exploitants déterminent leurs apports en azote en consultant plusieurs références techniques provenant des coopératives, de la Chambre d'Agriculture ou des fiches Aquae-Seille. Toutefois, 65% des agriculteurs n'utilisent qu'une seule méthode technique pour déterminer la quantité d'azote minéral à épandre.

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

- Les principaux critères hiérarchisés de raisonnement de la fertilisation azotée sont l'apport de matière organique pour 92% des exploitants, le précédent cultural pour 85%, le potentiel de la parcelle pour 82%, l'objectif de rendement pour 78%, l'état de la végétation pour 75%, les conditions climatiques pour 55%, la fourniture du sol pour 47% et l'arrière-effet prairie pour 22% d'entre eux.

- Les critères pris en compte pour le déclenchement de la fertilisation sont les conditions climatiques pour 87% des exploitants, le stade de végétation pour 75%, l'aspect de la végétation pour 17%, la date pour 15% et les conseils des organismes agricoles pour 7% d'entre eux.

- Pour le blé : l'apport moyen d'azote révèle une très faible baisse avec une valeur 2009 de 168 kgN/ha/an. L'écart moyen pondéré entre la quantité apportée et la quantité recommandée est de +34 kgN/ha/an. Tous les agriculteurs réalisent désormais des apports fractionnés : en deux fois pour 36% d'entre eux, en trois fois pour 56% et en quatre fois pour 8% des exploitants. Toutefois, l'enquête révèle que sur le bassin versant, la quantité d'intrants apportée augmente avec le nombre d'apports, les exploitants ayant tendance à avoir « la main plus lourde » sur chacun des apports. 71% des surfaces de blé reçoivent un fractionnement correct tandis que 29 % des surfaces reçoivent un premier apport trop tôt dans la saison, ou trop chargé en azote. On observe une surfertilisation des sols limoneux et des sols argileux profonds pour lesquels les exploitants ont tendance à relativiser l'importance des fournitures en azote du sol et ne valorisent pas assez leur fumier.

- Pour le colza : l'apport moyen d'azote révèle une baisse significative avec une valeur 2009 de 172 kgN/ha/an. L'écart moyen pondéré entre la quantité apportée et la quantité recommandée est de +20 kgN/ha/an. Comme en 2005, l'ensemble des exploitants réalise des apports fractionnés avec une nette augmentation des apports triples et l'apparition des apports quadruples : 14% réalisent leurs apports en deux fois, 81% en trois fois et 8% en quatre fois. 51% des exploitants réalisent un fractionnement correct, 43% doivent améliorer la date et la dose du premier apport, et 6% doivent revoir leurs apports trop importants. Comme pour le blé, on note une surfertilisation, notamment sur les sols limoneux et argileux profonds dont la fourniture en azote est peu ou pas prise en compte.

- Pour le maïs : l'apport moyen d'azote a peu évolué avec une valeur 2009 de 134 kgN/ha/an. L'écart moyen pondéré entre la quantité apportée et la quantité recommandée est de +41 kgN/ha/an. L'opération Aquae Seille recommande un apport unique pour une dose de moins 100 kgN/ha/an, et un fractionnement en 50 kgN/ha/an + solde manquant lorsque la dose nécessaire dépasse 100 kgN/ha/an. A ce titre, on note une évolution favorable en 2009 puisque plus de 88% des exploitants réalisent deux apports ou plus par an contre 18% en 2005. 19% des parcelles de la SAU connaissent un fractionnement correct tandis que 75% reçoivent un premier apport trop important ou prématuré. La surfertilisation est plus importante sur le maïs que sur les autres cultures du bassin versant, quel que soit le type de sol.

- Pour l'orge d'hiver : L'absence de données concernant cette culture en 2005 ne permet d'apprécier l'évolution des pratiques. Nous disposons toutefois des

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

données 2009. L'apport moyen d'azote est de 142 kgN/ha/an. L'écart moyen pondéré entre la quantité apportée et la quantité recommandée est de +29 kgN/ha/an. Tous les exploitants fractionnent leurs apports, parmi eux 13% réalisent leurs apports en trois fois. L'opération Aquae Seille préconise de ne pas excéder 150 kgN/ha/an en deux apports. 60% des surfaces d'orge d'hiver connaissent un fractionnement correct alors que 40% d'entre elles connaissent un premier apport trop important ou prématuré. La surfertilisation est moins marquée sur l'orge d'hiver que sur les autres cultures. Une meilleure prise en compte des apports en azote organique et de la fourniture des sols limoneux et argileux profonds permettrait encore d'affiner les apports d'azote minéral.

- 85% des exploitants enquêtés utilisent de l'azote organique sous forme de fumier et de lisier de bovin mais ne prennent pas essentiellement en compte ces apports pour affiner les doses d'azote minéral utilisées. Le rapport entre la quantité d'azote organique totale produite par le cheptel et la surface potentiellement épandable (SPE) de chaque exploitation permet d'évaluer la pression d'azote organique subie par les parcelles. Le ratio maximum observé sur le bassin versant est de 168 kg d'azote organique par hectare de SPE, pour un rapport moyen sur le bassin versant de 29 kg d'azote organique par hectare de SPE. Aucune exploitation ne présente donc de pression excessive en azote organique.

- Le rapport SAMO/SPE (Surface réellement amandée en azote organique par rapport à la surface potentiellement épandable) permet d'appréhender plus finement les pratiques d'épandage des exploitants. Il correspond à la proportion de la surface épandable effectivement utilisée chaque année. Plus le rapport est élevée, meilleure est la valorisation des parcelles par la matière organique. Seuls 13% des exploitants valorisent leur SPE à au moins 50% en apportant toutefois des quantités modérées d'azote organique. A l'inverse, 15 % des exploitants ont des apports qui dépassent 200 kgN/ha/an tout en ne valorisant que 40% et moins de leur SPE. Ces données mettent en avant le fait qu'une nette amélioration des pratiques de fertilisation organique est envisageable puisque ces agriculteurs ne sont pas plafonnés dans leurs pratiques par leur SPE.

- 9% des terres labourables restent nus en hiver contre 17% en 2005. A l'inverse, le taux d'implantation des CIPAN sur les surfaces potentielles a chuté de 10% en 2005 à 3,4% en 2009. Seuls trois exploitants en réalisent sur le bassin versant et connaissent réellement les avantages de l'interculture. Cette technique reste éloignée des préoccupations des agriculteurs. A titre d'exemple, seuls 10 d'entre eux ont participé à la journée d'information et de démonstration des CIPAN organisée par la Chambre d'Agriculture de Moselle. Le développement de l'interculture constitue un des axes de progrès majeurs pour l'amélioration de la pollution azotée sur le bassin versant.

Deuxième partie :

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La renaturation de la Seille

Programmé depuis 1998, un important dispositif de renaturation de la Seille s'est donné pour objectifs l'amélioration globale de la qualité de l'eau et du milieu physique de la rivière. Deux types d'actions composent le programme : la modification de la végétation rivulaire et les interventions hydrauliques plus classiques qui concernent le lit de la rivière.

Les interventions portant sur la végétation rivulaire poursuivent quatre objectifs :

- La consolidation des berges face à l'érosion par la plantation de végétation basse (technique de bouturage), de végétation moyenne (bocage) et de végétation haute (essences de haut jet).

- La limitation de l'ensoleillement du lit mineur par l'apport d'ombrage dans le but

de réduire la prolifération algale et d'enrayer la diminution d'oxygène dissous. - L'amélioration de la qualité paysagère sur le bassin versant par une meilleure

visibilité du parcours de la Seille au sein de sa vallée

- L'amélioration de la qualité de l'eau par l'absorption des nitrates au niveau de la zone racinaire de la végétation rivulaire.

Les interventions sur le lit mineur visent à améliorer l'hydraulique de la rivière : élimination des embâcles, curage, création d'épis contre l'érosion...

D'autres mesures sont mises en oeuvre à plus large échelle avec pour finalité l'amélioration de la qualité de l'eau :

- La préservation des zones humides et des éléments paysagers favorables à la qualité de l'eau par leur inscription dans les CAD ou les MAET.

- L'achèvement de la mise aux normes des exploitations agricoles et des infrastructures de traitement des industries et des communes

- La poursuite de la concertation avec les propriétaires des étangs majeurs pour la gestion des étiages

- L'étude globale des ouvrages hydrauliques de la Seille

Initié par l'Agence de l'Eau Rhin-Meuse, le programme de restauration de la Seille a connu de nombreux obstacles, notamment dans l'élaboration d'un consensus entre les nombreux acteurs locaux et la redéfinition des rôles après la réforme de l'intercommunalité. Sa réalisation est en train de trouver une nouvelle dynamique sous l'impulsion de l'Agence de l'eau et des trois Syndicats de Rivière.

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

3. La zone NATURA 2000 « Vallée de la Seille » : exemple d'une gestion agri-environnementale territorialisée

Localisation du site

Le site Natura 2000 de la Vallée de la Seille (« secteur amont et petite Seille fr4100232 ») s'étend sur une surface de 1486 hectares au Sud-Est de la Moselle. Délimité de part et d'autre de la Seille par les communes de Dieuze et Salonnes, le zonage inclut le ruisseau du Nard et la Petite Seille. Vingt communes mosellanes et une commune meurthe-et-mosellane sont concernées.

Figure N°18 : Localisation de la zone Natura 2000 de la Vallée de la Seille (source PNRL)

Le site présente un intérêt particulier lié aux résurgences d'eau salée propres au secteur amont du bassin versant. Les prés salés continentaux, les marais et les steppes salées constituent des milieux halophiles abritant une faune et une flore exceptionnelles qui ont fait l'objet de dispositifs de conservation avancés.

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Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Occupation des sols et activités agricoles

Sur ce zonage, cinq classes d'habitats ont été relevées par le Conservatoire des Sites Lorrains, hiérarchisées selon leur surface.

 
 

Classes d'habitats

 

Marais salants, Prés salés, Steppes salées

Autres terres (incluant les Zones urbanisées et industrielles, Routes, Décharges, Mines)

Prairies semi-naturelles humides, Prairies mésophiles améliorées

Tableau VI : Couverture des différentes classes d'habitats

dans la zone Natura 2000 (source CSL 2013)

Couverture

Prairies ameliorées

Eaux douces intérieures (Eaux stagnantes, Eaux courantes)

31% 29% 27% 12% 1%

L'agriculture constitue l'activité anthropique majeure sur le site avec 62 d'exploitations. Sur les 1486 ha de parcelles du site, 1340 sont utilisés par l'agriculture Les orientations technico-économiques les plus représentées sont la Polyculture-Polyélevage (57% des exploitations), les Bovins mixtes (23%) et les Céréales et Oléagineux (17%). Les exploitations sont de taille importante (77% ont une surface supérieure à 100 hectares) et le statut de société agricole est majoritaire. (Recensement agricole 2010)

Les cultures du blé, de l'orge et du colza sont devenues majoritaires au détriment d'une polyculture associant céréales, plantes sarclées, cultures fourragères, vignes et fruits. De manière générale, l'activité agricole dans la zone Natura 2000 s'est adaptée aux politiques publiques européennes et nationales : les petites structures qui pratiquaient la polyculture-polyélevage ont certes disparu moins rapidement que sur d'autres territoires non protégés, mais les exploitations spécialisées de grande taille sont devenues progressivement majoritaires. Toutefois, les pratiques néfastes qui découlent habituellement de ce type de restructuration (augmentation de la fertilisation, avancement des dates de fauches, retournement des prairies) sont restées limitées dans la zone pour deux raisons :

- La précocité des mesures de conservation

- L'humidité importante des parcelles qui constituent la zone Natura 2000 actuelle, dont la nature inondable, argileuse et difficilement drainable favorise le maintien en herbe plutôt que la mise en culture.

Le risque principal qui pèse sur la zone Natura 2000 n'est donc plus le retournement des prairies ou le drainage excessif, mais bien la recherche de valorisation de l'herbe par l'intensification des modes de gestion des parcelles.

Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Dispositifs agri-environnementaux et mesures de conservation

Les actions de conservation des espaces remarquables du secteur ont été initiées dès les années 1990. Elles ont évolué avec les dispositifs européens et nationaux pour assurer une gestion pérenne et adaptée aux spécificités et aux exigences du territoire. Cette évolution a mené aux dispositifs agri-environnementaux que l'on connait aujourd'hui.

Dès 1989, le Conservatoire des Sites Lorrains et le Parc Naturel Régional de Lorraine engagent une protection de certaines sources et prés salés de la Vallée de la Seille par l'intermédiaire d'acquisitions foncières et de conventions agricoles.

De 1993 à 2000, la collaboration entre le CSL et le PNRL se poursuit avec le programme européen ACNAT, appliqué aux prés salés continentaux de la vallée. Avec l'intermédiaire de la SAFER régionale, le CSL réalise l'acquisition de 134 hectares de parcelles sur 13 sites salés remarquables. Les premières mesures agri-environnementales du bassin versant y sont mises en place à travers cinq types de contrats qui prévoient déjà le raisonnement de la fertilisation azotée en complément de la fauche retardée. Fin 2000, 529 hectares de prairies sont ainsi gérés de manière extensive et contrôlée.

En 2001, le développement des CTE a permis de faire évoluer les actions de préservation sur le territoire avec la création du contrat collectif du Saulnois « prairies remarquables de la Seille ». Le dispositif tient son efficacité de la qualité des choix de cahiers des charges opérés par les exploitants sur les conseils du PNRL, du CSL, de la CDA57 et de l'ADASEA 57. Ces institutions proposent une visite chez l'exploitant, un diagnostic environnemental et un diagnostic de faisabilité agricole qui permettent de choisir le cahier des charges le plus adapté aux spécificités des parcelles et de la structure de l'exploitant. Une année plus tard, les 23 CTE signés impliquent un raisonnement de la fertilisation azotée sur 397 hectares et un retard de fauche sur 224 hectares. La suspension des CTE en 2003, malgré les résultats très encourageants obtenus, stoppe cependant la seconde vague de contractualisation prévue.

La mise en place du dispositif CAD en 2004 relance timidement le processus de contractualisation en raison de la perte de confiance des exploitants dans les politiques agri-environnementales publiques. L'enjeu de cette nouvelle période réside dans l'implantation de trois types de CAD en complément du CTE collectif : « Prés salés continentaux » et « Prairies mésophiles de fauche à colchique ». Les cahiers des charges sont élaborés difficilement en raison du manque de dynamisme insufflé à la concertation autour des mesures minimales et optimales à envisager pour la fertilisation raisonnée, la limitation du drainage et du surpâturage, le retard de fauche et la date de retrait des bêtes.

Master 2 Politiques Territoriales de Développement Durable 42

Master 2 Politiques Territoriales de Développement Durable 43

Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Une évaluation des coûts élaborée par le COPIL Natura 2000 permet de comprendre « en partie » le manque d'intérêt des exploitants pour ce nouveau dispositif plutôt contraignant et peu rémunérateur. Pour le CAD « Prairie remarquable » :

V' L'application des mesures minimales de fertilisation (trois apports azotés de 30, 15 et 15 kgN/ha/an sous forme minérale ou compost) rapporte une indemnité de 125,77 €/ha/an auxquels s'ajoutent la bonification Natura 2000 de 20%, soit une subvention totale de 150,92 €/ha/an.

V' L'application des mesures optimales de fertilisation (aucune fertilisation minérale ou organique) rapporte 192,07 €/ha/an.

L'abandon des CTE au profit des CAD constitue un véritable coup d'arrêt dans le développement des dispositifs agri-environnementaux sur ce territoire. Ainsi, fin 2006, seuls huit contrats CAD sont signés pour seulement 138 hectares supplémentaires de protection. Toutefois, l'apparition du dispositif MAET va permettre au territoire Natura 2000 de rebondir et de relancer efficacement ses mesures de conservation à l'aide de ses acteurs territoriaux. Dès la première année d'ouverture en 2007, une importante campagne d'information sur le terrain et une promotion de ces nouveaux contrats est mise en oeuvre. 22 exploitants sont convaincus et contractualisent pour cinq ans. Parmi eux, quatre ne sont pas issus des dispositifs CTE ou CAD. 372 hectares sont ainsi couverts par une MAET dès le lancement du programme.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Habitat concerné

Prés salés

Code de la mesure

LO_SEIL_PS3

LO_SEIL_PS2

Objectifs de la mesure

Abscence de fertilisation azotée
Abscence de fertilisation azotée et
fauche après le 15 juin
Limitation de la fertilisation

Limitation de la fertilisation azotée

Montant

228 €/ha

275 €/ha

Financement

Etat - FEADER

Etat - FEADER

Prairies

remarquables

LO_SEIL_PR4

LO_SEIL_PR2

LO_SEIL_RA1

azotée à 30 uN

à 30 uN et fauche après le 15 juin

Abscence de fertilisation azotée, fauche

212 €/ha

266 €/ha

363 €/ha

Etat - FEADER Etat - FEADER

Etat - FEADER

Râle des genêts

LO_SEIL_RA2

après le 30 juin et 10% mise en défens

Abscence de fertilisation azotée, fauche

herbacé et limitation de la

426 €/ha

Etat - FEADER

Cultures

LO_SEIL_PR3

après le 20 juillet et 10% mise en défens

Création et entretien d'un couvert

267 €/ha

 

fertilisation azotée

Etat - FEADER

LO_SEIL_HA1

LO_SEIL_HA2

Un entretien tous les cinq ans pour les

haies non mitoyennes

Un entretien tous les cinq ans pour les

haies mitoyennes

0,17 €/ml

0,09 €/ml

Etat - FEADER

Etat - FEADER

Tableau VII : Types de Mesures Agri-environnementales Territorialisées
dans la zone Natura 2000 (source CDA 57)

Master 2 Politiques Territoriales de Développement Durable 44

Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Les années d'ouverture suivantes témoignent de la bonne dynamique de contractualisation : 16 contrats (5+11 avenants) en 2008 et 16 contrats (3+13 avenants) en 2010. En 2012, 20 contrats du premier PAE sont renouvelés et 11 nouveaux contrats sont signés.

1400

1200

1000

400

800

600

200

0

1993 2000 2001 2004 2006 2007 2008 2010 2012

ACNAT CTE CAD

MAET

40

70

50

30

0

60

20

10

Nombre de contrats

Surface contractualisée

Figure N°19 : Evolution de l'adhésion aux contrats agri-environnementaux
dans la zone Natura 2000

d

d ome ctrs

La gestion de la pollution azotée d'origine agricole par la contractualisation dans la zone Natura 2000 « Vallée de la Seille » présente des phases représentatives que l'on peut retrouver dans d'autres territoires, y compris sur le bassin versant de la Seille. Les premières mesures de gestion sont souvent initiées relativement tôt par la volonté des acteurs locaux de protéger des sites remarquables à fort patrimoine naturel et/ou historique, parfois vecteurs de l'identité du territoire. Le programme ACNAT, les acquisitions foncières et les zonages de type Natura 2000 constituent, à ce titre, des opportunités intéressantes. Les CTE, premiers contrat agri-environnementaux mis en place, rencontrent généralement un certain succès en permettant de prolonger la volonté de gestion raisonnée des acteurs locaux dans un cadre plus réglementé et plus intéressant pour les exploitants. Toutefois, l'abandon des CTE au profit des CAD peut susciter l'incompréhension des exploitants vis-à-vis des politiques publiques et entrainer une période de transition pendant laquelle la concertation peut paraitre plus délicate. Il est alors courant d'observer une rupture de la dynamique de contractualisation des années 2003 à 2007. La relance des contrats, notamment par la mise en place des MAET, nécessite un effort de promotion important de de ces mesures par les gestionnaires du territoire. Cette redynamisation est d'autant plus facile que le territoire est homogène, que les exploitants sont volontaires et confiants, et que la concertation est optimale. On regrettera cependant l'échec de la contractualisation des MAEt en faveur des haies arbustives. Le cas de la zone Natura 2000 de la Vallée de la Seille illustre l'effet de rebond possible après une période de transition et constitue, à ce titre, un exemple de gestion agri-environnementale par la contractualisation.

Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Impact sur les prairies Natura 2000

En croisant les données de MEURISSE (2001) et de la Chambre d'Agriculture de Moselle, il est possible d'apprécier les différences entre les pratiques de fertilisation sur les prairies Natura 2000 couvertes par des mesures agri-environnementales et les parcelles « libres ». L'enquête de type questionnaire porte sur les pratiques de 31 exploitants des prairies de bord de Seille. Parmi les 146 parcelles enquêtées, 59 sont sous contrat de type MAE ou suivies par le CSL, 87 sont libres de tout contrat.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Médiane

Aucune fertilisation

F < 30 kgN

30<F<60 kgN

 

Fertilisation azotée

kgN/ha/an

% Parcelles

% Parcelles

% Parcelles

Parcelles MAE

Parcelles hors-contrat

25

60

25

24

36

34

25

26

Tableau VIII : Pratiques de fertilisation sur les prairies MAE

et hors-contrat dans la zone Natura 2000

F>60 kgN

% Parcelles

14

15 L'étude révèle que la fertilisation azotée présente une valeur médiane de 60 kgN/ha/an sur les parcelles « hors contrat » contre 25 kgN/ha/an pour les prairies MAE, soit une valeur plus de deux fois plus élevée. De manière générale, les pratiques de fertilisation sont raisonnées et correspondent aux objectifs de conservation sur la zone Natura 2000, avec ou sans MAE.

La signature de contrats MAE encourage cependant des pratiques significativement plus raisonnées et se rapprochant de la norme de 30 kgN/ha/an favorable à la préservation des prairies remarquables1. 29 % des parcelles reçoivent une fertilisation supérieure à 60 kgN/ha/an qui permet une valorisation de l'herbe, mais reste supérieure aux recommandations du CSL.

Master 2 Politiques Territoriales de Développement Durable 45

1 Il est à noter que la forme des données extrapolées depuis l'enquête initiale ne permet pas de révéler au mieux l'écart entre la fertilisation sous contrat MAE et la fertilisation « hors contrat ». En effet, rappelons que l'échantillon Parcelles MAE est plus petit que l'échantillon Parcelles Hors-Contrat. En ce sens, transcrire le nombre de parcelles de chaque catégorie de fertilisation en pourcentages « écrase les écarts ». De plus, ne disposant pas des données initiales pour chacune des parcelles, l'amplitude des différentes catégories ne reflète pas forcément la réalité du terrain. Il est fort probable que les 26% de parcelles hors-contrat de la catégorie 30 à 60 kgN/ha/an se rapprochent plus de 60 que de 30 kgN/ha/an, comme en témoigne l'écart de médiane entre les deux séries de données.

Deuxième partie :

Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Le bassin versant de la Seille constitue une entité territoriale particulière sur laquelle l'évolution des dispositifs agri-environnementaux est toutefois représentative de l'évolution des politiques publiques de gestion agri-environnementale nationale et européenne. A l'instar d'autres territoires agricoles français, la dynamique d'adhésion aux dispositifs connait des fluctuations induites par la succession des programmes agri-environnementaux. Cette dynamique peut toutefois être relancée lorsqu'un effort de promotion et de maitrise du dispositif est fourni par les acteurs territoriaux. En ce sens, le zonage Natura 2000 de la Vallée de la Seille témoigne de l'importance de la concertation et de l'adaptation des programmes agri-environnementaux aux spécificités territoriales. Il peut, à ce titre, constituer un exemple à suivre.

Quels sont les impacts de l'évolution des dispositifs agri-environnementaux sur la qualité de l'eau dans le bassin versant de la Seille ?

Le contraste observé entre la gestion en périmètre Natura 2000 et hors périmètre Natura 2000 est-elle source de résultats différents en termes de qualité de l'eau ?

Master 2 Politiques Territoriales de Développement Durable 46

Troisième partie :

Evolution de la qualité de l'eau sur le bassin versant La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle