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La politique du tourisme durable en France: avancées et limites

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par Fanny Fonteyraud
Université Panthéon Sorbonne - Master 2 Droit du tourisme 2018
  

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Partie 1. Une politique peu à peu tournée vers le

tourisme durable

L'humanité est trois fois plus riche qu'il y a 40 ans et un Français est en moyenne 7 fois plus riche qu'il y a un siècle selon Atout France25. Depuis le début de la société industrielle, la majorité des habitants des pays développés connaissent des conditions de vie meilleures notamment en termes de loisirs et de tourisme. Ce développement rapide a conduit de façon inéluctable à l'épuisement des ressources de la planète et a engendré bon nombre d'effets négatifs. Le tourisme durable s'est donc imposé comme étant une solution pour que le tourisme reste viable le plus longtemps possible. La France a ainsi remis en question le modèle de consommation touristique actuel qu'elle repense désormais de façon plus durable. En effet, si aucune solution n'était apportée, il est certain qu'à terme le tourisme ne serait plus envisageable, ou en tout cas n'aurait plus la même essence, tant il est amené à croitre dans les prochaines années.

Il a ainsi fallu de nombreuses années aux pouvoirs publics avant de mettre le tourisme durable sur le devant de la scène et de l'ériger comme partie intégrante des nouvelles stratégies touristiques du pays, faisant ressentir alors dans les textes pris en faveur du tourisme durable, de sérieuses carences et un certain laxisme (section 1). Avant d'étudier les dispositifs et mécanismes mis en oeuvre, il convient de comprendre comment ce tournant est arrivé et pourquoi les acteurs publics ont pris la décision d'intégrer le tourisme dans l'objectif de développement durable (section 2).

Section 1. Bilan et conséquences du tourisme de masse

Le tourisme durable, de par ses objectifs, est l'antinomie du tourisme de masse. Alors que le tourisme durable prône des valeurs positives et constructives pour l'économie, l'environnement et la société, le tourisme de masse provoque de terribles conséquences à tous les niveaux.

D'un loisir jadis exclusif, le tourisme est devenu, pendant la seconde moitié du 20ème siècle, une migration saisonnière de masse. Le phénomène du tourisme de masse consiste en effet pour les touristes à se déplacer massivement vers un même lieu et le plus souvent au même moment. Ces déplacements sont majoritairement concentrés sur les littoraux, mais aussi en montagne selon la saison, et dans les grandes villes. Le tourisme de masse suppose ainsi des coûts de transports amoindris et un hébergement plus accessible afin de permettre au plus

25 Atout France, Tourisme et développement durable, de la connaissance des marchés à l'action marketing, 2011, p. 8

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grand nombre de se déplacer. Sur le lieu de vacances, tout est mis en place pour que le touriste ne s'éloigne pas de son mode de vie occidental, de telle sorte qu'on y trouve des produits et des services en adéquation avec ses habitudes de consommateur. Ainsi, non seulement le tourisme de masse n'est pas authentique, mais il ne permet pas l'échange, si bien que le touriste porte des oeillères et ne perçoit pas les effets néfastes engendrés, tant à l'égard des populations que sur l'environnement et l'économie.

Bien que le tourisme soit une véritable manne financière pour la France, comme pour beaucoup d'autres États, sa massification engendre toutefois des effets très négatifs sur le plan économique (A) mais aussi socioculturel (B), et des conséquences écologiques catastrophiques sur l'environnement (C).

A. Une incidence néfaste sur l'économie

L'économie est en pleine expansion, et le tourisme de masse y est pour beaucoup. En effet, en 2016, le tourisme représentait plus de 7% du PIB français26. Concernant les recettes, les chiffres présentés pour 2016 par la Banque de France faisaient état de 38,4 milliards d'euros de recettes touristiques. Seulement ces chiffres ont été sous-estimés puis modifiés, passant ainsi de 38,4 à 49 milliards d'euros27. Si ces données sont impressionnantes et font de la France la cinquième destination touristique au monde en termes de recettes, il n'en reste pas moins des disparités économiques au sein même du pays. A l'image de certains pays pauvres mais touristiques, les revenus générés par l'activité ne profitent pas toujours à qui l'on croit. Ainsi, s'il existe des inégalités entre pays du Nord et pays du Sud, on observe également un déséquilibre entre milieux urbains et ruraux du fait de l'activité touristique dans sa forme massificatrice.

En France, il existe de sérieux contrastes entre les régions. Les recettes du tourisme sont concentrées sur certains territoires, tandis que d'autres souffrent de cette absence de bénéfices, restant ainsi en retrait des flux économiques générés. C'est le cas de beaucoup de zones rurales. En effet, l'espace rural est vidé de ses habitants par l'exode vers des régions plus urbaines et de ce fait, il est délaissé par les grands investisseurs qui n'y trouvent ni la main-d'oeuvre, ni les infrastructures nécessaires à leur activité. Pourtant, la présence d'équipements d'accueil et de loisirs sont nécessaires pour attirer les touristes et générer des ressources. Partant, il apparaissait nécessaire de recourir à des investisseurs extérieurs, dans la mesure où les acteurs locaux ne disposaient pas de moyens suffisants pour amorcer le développement touristique dans les zones rurales. Les touristes se concentrent en effet sur des territoires bien particuliers tels que les littoraux, la montagne, les espaces insulaires ou encore les grandes zones urbaines (Paris, les grandes métropoles...). Dans cette situation, les bénéfices tirés de l'activité touristique dans les zones rurales sont amassés par les

26 Le Compte Satellite du tourisme n°78, octobre 2017

27 Le Revenu, France : le tourisme rapporte plus que prévu, janvier 2018

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investisseurs et le territoire d'accueil, sur lequel les activités ont lieu, en est privé. De surcroit, l'action publique étant territorialisée à certains égards, il est difficile pour ces espaces en difficulté de se développer en même temps que les régions les plus prisées par le tourisme. Toutefois, cet aspect peut être considéré comme une opportunité pour le tourisme durable. En effet, il semble plus aisé de transmettre et mettre en oeuvre des valeurs locales et plus durables dans des espaces encore loin du tourisme de masse.

L'isolement des zones rurales en France est pris au piège dans un cercle vicieux. Dans la mesure où les touristes sont plus nombreux dans certaines régions, ils y dépensent ainsi plus d'argent, renforçant les disparités. En 2011, la moitié des 145 milliards d'euros dépensés par les touristes a ainsi bénéficié à trois régions. Cette année-là, l'Ile-de-France a perçu 39 milliards d'euros grâce au tourisme, tandis que les régions Paca et Rhône-Alpes ont reçu chacune près de 18 milliards d'euros. Enfin, les dépenses étaient plus faibles dans le reste du pays avec par exemple 7 milliards en Aquitaine et en Bretagne28. Ces chiffres relevés par l'INSEE démontrent nettement les contrastes existants entre les régions françaises. En effet, ils s'expliquent par la présence de grandes infrastructures et équipements touristiques, tels que des aéroports, des structures d'hébergements etc. Ces zones les plus touristiques, telles que la capitale ou encore le littoral méditerranéen, jouissent ainsi de recettes plus importantes, le tourisme y étant bien plus dense.

Concernant les territoires d'outre-mer, c'est un tout autre tableau qui se dessine. Seulement 4 milliards d'euros ont été dépensés par les touristes, contre 145 milliards en métropole, ce qui représente un écart assez stupéfiant. Pourtant, le tourisme occupe une place centrale dans les économies d'outre-mer car il a des effets sur d'autres secteurs d'activité. En effet, le secteur du tourisme représente en moyenne 10% du PIB de ces territoires29. Mais depuis plusieurs années et malgré son importance, le secteur du tourisme en outre-mer traverse une crise marquée30. Cette situation tient au fait notamment que l'offre touristique est vieillissante et que les actions et les stratégies menée par les acteurs locaux et Atout France sont insuffisantes et en mal de mutation. En effet, ces territoires ont été fortement marqués par le tourisme de masse impliquant une construction massive d'infrastructures et une bétonisation accrue sur les littoraux pour accueillir un grand nombre de touristes. Aujourd'hui, les attentes ne sont plus les mêmes et les touristes, essentiellement métropolitains, délaissent ces destinations pour des endroits où l'offre est plus authentique. La politique en outre-mer ayant toujours beaucoup misé sur le tourisme a rendu ces territoires dépendants à l'image d'autres pays qui ont axé leur modèle économique sur le tourisme et qui ne comptent plus que sur ces revenus, au détriment d'autres secteurs. Ainsi, certains évènements peuvent avoir de lourdes conséquences sur ces territoires. On citera ainsi le vieillissement de l'offre

28 INSEE, Les dépenses des touristes en France, INSEE Première n°1510, juillet 2014

29 Atout France, Cluster du tourisme des outre-mer, Plan d'action 2018

30 Avis du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), Promouvoir le tourisme durable dans les outre-mer, mars 2018

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touristique mais aussi par exemple les attentats du 11 septembre 2001, la crise sociale aux Antilles en 2009, ainsi que la forte concurrence des îles Caribéennes etc.

On pourrait penser que la France est à l'abri lorsque l'on compare avec des pays plus pauvres dont l'économie est essentiellement basée sur le tourisme (de masse), mais il n'en est rien. L'activité touristique massifiée engendre de sérieuses conséquences économiques et plus particulièrement dans les zones rurales et ultra marines, comme nous venons de l'évoquer. Mais, le secteur économique n'est pas le seul impacté par le tourisme de masse en France. La population, la culture et de façon plus générale, la société, le sont aussi.

B. Un impact alarmant sur la société et les populations

De prime abord, on pourrait penser que le tourisme de masse est un tourisme pour tous, accessible au plus grand nombre. Si cela est vrai en théorie, en pratique la réalité est tout autre. Le tourisme de masse qui a trouvé sa source dans l'organisation de la vie sociale autour du temps libre, des loisirs et des vacances, se veut accessible à tous à moindre coût. Mais cette massification de l'accès aux vacances ne réduit pas les inégalités, bien au contraire.

A titre d'exemple, 80 % de personnes touchant des hauts revenus déclaraient partir en congés contre 40 % de personnes ayant un revenu bas, selon une étude du CREDOC de janvier 201531. Partir en vacances n'est ainsi pas donné à tous et ce sont surtout les contraintes financières qui sont la raison de l'absence de projet des ménages, à 61% selon le rapport du CREDOC32. Le tourisme, même de masse, reste le luxe d'une minorité.

Parallèlement à ces inégalités qui touchent les différentes classes de la population touristique française, la question de l'emploi des salariés dans le secteur du tourisme pose problème et donne matière à réflexion. Une fois de plus, le tourisme de masse montre là toute sa perversité. En effet, il est l'un des facteurs liés à l'exode rurale, comme nous l'avons évoqué dans le paragraphe précédent. La massification du tourisme a permis la création d'un grand nombre d'emplois, mais en attirant les travailleurs dans les grandes zones touristiques, il a contribué à vider certains territoires de leurs habitants. Le tourisme de masse est à l'origine de déplacements massifs des populations tant des zones rurales vers des hauts lieux du tourisme, que des zones urbaines vers des zones périphériques. Sur ce point, on peut parler du phénomène de gentrification qui se traduit par l'appropriation de quartiers populaires urbains par une population aisée au détriment des habitants les plus pauvres, bien souvent contraints à déménager33. Par exemple à Paris, des lieux tels que le Quartier latin ou le Marais sont délaissés par les habitants au profit de quartiers populaires comme Belleville car ils n'ont plus les moyens d'y rester. Dans ces quartiers, les commerces mettent la clef sous

31 Rapport du CREDOC, « Conditions de vie et aspirations des français », réalisé à la demande de la DGE, Sandra HOIBAN et Jörg MÜLLER, p. 6

32 Id. p. 22

33 Terme employé pour la première fois par la sociologue Ruth Glass, London : aspects of change, 1964

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la porte en échange de grandes enseignes et les locations saisonnières font la loi. De ce fait, ils deviennent majoritairement fréquentés par les touristes, favorisant ainsi la flambée des prix des loyers et plus généralement du niveau de vie34. En un mot, le tourisme de masse, engendre des migrations de populations : les habitants de zones rurales se déplacent vers les zones urbaines où se concentrent les infrastructures touristiques et où les offres d'emplois fleurissent, tandis que dans ces zones urbaines, les plus pauvres sont bien souvent contraints à déménager et s'excentrer en raison de l'invasion touristique, creusant toujours plus les inégalités.

Les plateformes de locations saisonnières entre particuliers sont ainsi vigoureusement décriées dans de nombreuses villes à travers le monde. Tel est le cas à Paris où désormais la loi impose la limitation des locations de meublés touristiques à 120 jours par an35 tant le phénomène impacte la vie de la capitale. Airbnb, qui est au coeur de la tourmente, va devoir veiller à respecter ces obligations légales puisque désormais le projet de loi ELAN prévoit un durcissement des sanctions en cas de non-conformité36.

Pour poursuivre l'analyse quant aux effets du tourisme de masse sur l'emploi, il profite effectivement à ces populations à la recherche de travail. Cependant, compte tenu de la nature saisonnière de ce tourisme, les emplois proposés sont bien souvent précaires. Cette précarisation se traduit par des contrats à durée déterminée, des contrats saisonniers, à temps partiel ou encore en intérim. Pour beaucoup et notamment les jeunes actifs, cette situation représente quelques avantages : c'est un moyen de gagner de l'argent rapidement sur une courte période, cela permet de ne pas être lié à un employeur à long terme et de choisir quand travailler etc. Pourtant, de nombreux inconvénients peuvent être relevés : ces contrats n'apportent pas de stabilité en raison des changements fréquents de situation et d'environnement, il est difficile de faire valoir son expérience et son ancienneté quand on a eu une multitude d'employeurs, la rémunération proche du SMIC etc. De nombreux emplois touristiques seraient encore trop peu qualifiés, sous-payés ou précaires, et le tourisme serait la première source de conflits aux Prud'hommes, selon Atout France37. En effet, en dépit du grand nombre d'emplois créés dans le secteur, le tourisme de masse est vecteur d'instabilité et de précarisation que les salariés subissent plus qu'ils ne choisissent.

Face à la fragilité de l'emploi, le tourisme de masse pose de sérieux problèmes au niveau culturel. Depuis plusieurs années, on voit naître de nombreux conflits entre les habitants et les touristes, dans certaines zones où le tourisme de masse devient invivable. Cet état de guerre n'est que le reflet d'un processus de déculturation38, c'est à dire que le tourisme de masse ne prend pas en compte les particularités locales et contribue à leur disparition,

34 Anne Clerval, La gentrification à Paris intra-muros : dynamiques spatiales, rapports sociaux et politiques publiques, 2008

35 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

36 Projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), juin 2018

37 Atout France, Tourisme et développement durable, p. 15

38 Jean Poirier, Ethnies et cultures, 1972, sur la notion de déculturation

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agissant comme une véritable gangrène sur l'identité culturelle. Avec la pratique du tourisme de masse, on ne compte plus les projets d'aménagement qui ont suscité des levées de boucliers de la part des habitants. Plusieurs auteurs, dont Bruno Charlier39, démontrent que les conflits les plus fréquents sont très souvent provoqués par les aménagements touristiques ou de loisirs. Dès lors, si des revendications épidémiques anti-touristes explosent un peu partout dans le monde, et plus particulièrement en Europe, c'est parce que le tourisme de masse a pris une telle ampleur que les populations d'accueil ne se sentent plus chez elles. Ces révoltes sont de plus en plus nombreuses et se traduisent majoritairement par des manifestations mais aussi des actes plus violents pouvant semer le trouble dans certaines villes. En 2017 à Barcelone, des manifestations ont eu lieu contre les touristes avec des slogans très explicites tels que « le tourisme tue » ou « touristes, rentrez chez vous »40. Très vite le mouvement s'est propagé au Pays Basque français. Des autocollants « Parisien dégage, t'as Paris Plage » ont pu être observés à Biarritz. Les touristes, perçus comme des envahisseurs, sont devenus un cauchemar pour les habitants malgré la manne financière qu'ils apportent. Comme d'autres territoires français, le Pays Basque a une identité très forte et malgré son attractivité, rejette avec ferveur le tourisme de masse. En effet, « il faut éviter la folklorisation de la culture et de l'identité basques » selon Mathieu Bergé, conseiller municipal de Bayonne41.

Dans ces zones fortement touristiques, quand vient la fin de la saison c'est souvent avec soulagement que la population voit les touristes vider les lieux. Bien souvent, ces territoires ne connaissent que « la foule ou le vide ; quand vient l'hiver, il ne reste plus qu'une cité morte où sifflent les vents »42.

Source : Offensive n°14, p. 22, mai 2017 - Autocollant édité par le mouvement Breton Emgann, années 90

39 Bruno Charlier, La défense de l'environnement : entre espace et territoire, sur les conflits d'environnement recensés entre 1974 et 1994 puis jusqu'en 2004 pour la revue Combat Nature

40 The Guardian, First Venice and Barcelona: now anti-tourism marches spread across Europe, août 2017

41 France TV Info, Mouvement anti-touristes au Pays Basque, août 2017

42 Bernard Charbonneau, Babylone à la plage, pour la revue Offensive n°14, p. 19, mai 2017

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Cette affiche éditée par des militants Bretons démontre précisément le phénomène. La concentration des touristes durant la période estivale crée à fortiori de multiples déséquilibres pour la région, victime du tourisme de masse. Passé les mois d'été, la Bretagne se vide de touristes et alors il devient difficile pour les professionnels du tourisme, de la restauration, de l'hôtellerie, de maintenir leurs activités.

C'est l'organisation saisonnière de l'activité qui engendre la concentration de la fréquentation touristique. Dans la mesure où la répartition est inégale tant sur le plan géographique que sur le plan temporel, les touristes se retrouvent au même endroit au même moment, provoquant inévitablement de nombreux problèmes. La concentration spatiale du tourisme est significative, selon l'avis du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) de 201443. Emma Delfau, sous-directrice du Tourisme à la DGE, la résumait ainsi : « 20 % du territoire accueillent 80 % des flux touristiques »44.

Source : Mémento du tourisme 2017.45

Cette carte souligne la prééminence, quant à la fréquentation touristique, des départements littoraux, en particulier de l'Atlantique et de la Méditerranée, ainsi que des montagnes, et surtout des territoires alpins, où est concentrée la majorité des stations de ski françaises. S'ajoutent à ces zones, fortement fréquentées, Paris et plusieurs autres grandes villes françaises, ainsi que la Bretagne, la vallée de la Loire, la Dordogne et l'Alsace, qui sont aussi des régions où le tourisme de masse s'est installé. La fréquentation varie de façon significative en fonction du type d'espace, mais aussi selon les périodes, au regard des congés qui ont lieu au même moment pour tout le monde. C'est ainsi que schématiquement, en hiver, la fréquentation est plus élevée à la montagne, tandis qu'en juillet et août, c'est le littoral qui se retrouve surpeuplé.

43 Conseil Économique, Social et Environnemental, Tourisme et développement durable, 2014, p. 111

44 Audition d'Emma Delfau, sous-directrice du tourisme à la DGE

45 Veille Info Tourisme, le Memento du tourisme 2017, p. 98

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Cette concentration touristique de masse dans le temps et dans l'espace représente à tous les niveaux, un vrai déséquilibre. Les populations en souffrent et s'insurgent contre les touristes, mais l'environnement est également impacté.

C. Des conséquences environnementales catastrophiques

Le tourisme de masse peut être un véritable fléau sur notre environnement : pollution des sites naturels, dénaturation des paysages ou encore facteur aggravant du réchauffement climatique. Si des mesures ont été prises en France pour sauvegarder l'environnement, la politique du tourisme a encore beaucoup à faire sur le chemin du développement durable.

De même, suite du développement précédent, relatif au climat hostile entre populations locales et touristes, on peut évoquer les conflits d'usage de la terre et d'occupation de l'espace qui apparaissent du fait d'une certaine concurrence entre les usages traditionnels et les infrastructures touristiques. A ce titre, des territoires sensibles tels que les zones littorales ou encore montagneuses ont subi de nombreuses transformations au niveau de l'environnement et ont été vidées de leurs habitants afin de mettre sur pieds des complexes hôteliers, des zones commerciales, des voies d'accès etc. Il existe aujourd'hui de nombreux exemples de stations balnéaires françaises qui ont été dénaturées et bétonnées pour accueillir le plus de possible de touristes. C'est le cas par exemple de la ville de La Baule, à l'image de laquelle un grand nombre de villes littorales ont été urbanisées très rapidement au détriment de l'environnement, sans penser aux éventuels désastres écologiques. Imaginée au départ comme une station balnéaire pour des familles catholiques dans la lignée de Blankenberge, sur la côte flamande, La Baule s'urbanise rapidement pendant la première moitié du 20ème siècle, grâce notamment à sa gare située à 400 mètres de la plage, pour devenir finalement la station que l'on connaît aujourd'hui, très bétonnée. Toutefois, consciente de l'urbanisation de masse dont elle a été l'objet et face aux enjeux actuels, la ville tente aujourd'hui de protéger son environnement, dans une démarche durable.

L'environnement a subi de nombreux dégâts du fait du tourisme de masse. En France, les effets sur l'environnement sont certainement plus légers qu'ailleurs dans le monde où, bien souvent, la nature a été frappée de plein fouet par une urbanisation massive mal gérée et un afflux outrancier de touristes. C'est le cas dans des pays comme la Thaïlande, la République Dominicaine, l'Égypte etc. A ces endroits, ce sont surtout les littoraux qui ont été touchés en premier, avec la construction d'hôtels sur plusieurs centaines de kilomètres, le long des plages et à quelques mètres seulement du rivage, privatisant ainsi les plages. De sorte que, dans ces pays et notamment en République Dominicaine, ces plages ne sont plus accessibles qu'aux touristes, les locaux n'ayant plus l'autorisation d'y circuler librement. En France, la situation n'est pas aussi scandaleuse, mais l'environnement n'en reste pas moins touché. Sur la côte Méditerranéenne, le tourisme représente 11 % du PIB cumulé des pays côtiers, contribuant le

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plus à leur économie46. Le tourisme de masse actuel implique malheureusement un développement effréné du littoral, une consommation d'eau et d'énergie excessive et une gestion non durable des déchets et des eaux usées. Selon un rapport de WWF de 2017, le tourisme représente plus de 90 % de la production économique annuelle de la Méditerranée47. Et le nombre de touristes attendus dans les années à venir est sur le point de doubler.

Source : Rapport WWF, « Reviving the economy of the Mediterranean Sea », 2017.

La France dispose de plusieurs milliers de kilomètres de côtes (plus de 7000 kilomètres) sur lesquelles l'activité humaine est très intense. Eu égard à l'urbanisation et au développement des activités touristiques sur les littoraux, ils représentent des espaces menacés et fragiles que les pouvoirs publics tentent depuis plusieurs années de protéger par la réglementation et la maîtrise foncière. Il faut savoir qu'à moins de 500 mètres de la mer, on compte 2 à 3 fois plus d'habitants au kilomètre carré et 6 fois plus de logements qu'ailleurs sur le territoire. A ce titre, 1,4 million d'habitants de plus sont attendus d'ici 2040. Le littoral est également la première destination touristique en France avec une offre d'hébergements colossale48. L'activité touristique sur le littoral menace ainsi directement l'équilibre de la mer. Quant aux côtes, elles reculent de plusieurs dizaines de centimètres par an du fait de l'érosion mais aussi des déséquilibres produits par les infrastructures portuaires, l'activité maritime etc.

C'est pourquoi, il apparaissait nécessaire de trouver des solutions et il est indispensable désormais de se diriger vers une approche du tourisme plus durable et respectueuse de ces territoires sensibles. C'est en 1986 que les acteurs publics ont véritablement pris conscience de la menace pesant sur le littoral et de la nécessité de le protéger, avec l'entrée en vigueur de la « loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral », dite « loi littoral »49. Votée avec un large consensus, elle interdit toute construction et installation nouvelle à moins de 100 mètres du rivage en dehors des zones urbanisées. Concernant ces zones déjà urbanisées, la loi prévoit des opérations de rénovation et de réhabilitation de l'habitat existant.

46 WWF, Reviving the economy of the Mediterranean Sea, p. 9, 2017

47 Id. p. 18

48 Conservatoire du littoral, Les chiffres clés du littoral, février 2016, p. 3

49 Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986

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Néanmoins, en dépit de cette loi, le tourisme n'a cessé d'évoluer et se pratique toujours plus massivement sur les côtes françaises. Le littoral reste exposé aux dangers du tourisme de masse et il convient de prendre des mesures plus radicales pour sa protection, faute de quoi il pourrait être fortement dénaturé et perdre en superficie dans les années à venir. Pourtant, dans le cadre du projet de loi ELAN50, les débats ont été assez virulents quant à l'assouplissement de certaines dispositions de la loi Littorale. Face à l'ampleur des protestions, il semblerait que les députés soient revenus sur leurs intentions. Mais le débat n'est pas clos, la loi n'est pas à l'abri d'éventuelles modifications, ce qui pourrait s'avérer tragique pour les littoraux français.

Parallèlement, les zones de montagnes ont également été la cible d'un tourisme de masse qui encore aujourd'hui reste nettement présent, notamment dans les Alpes pendant les saisons hivernales. Le tourisme est un levier central du développement économique de la région alpine et comme nous l'avons évoqué pour les zones littorales, c'est l'un des principaux moteurs de l'urbanisation. Chaque année, le territoire alpin reçoit des dizaines de millions de touristes pour près de 200 stations de montagne. Ainsi, l'impact sur la faune et la flore est de plus en plus important, et l'urbanisation liée au tourisme se propage à grande vitesse, allant même jusque dans des zones reculées et fragiles.

Selon WWF, les sports d'hiver ont de graves conséquences d'un point de vue écologique. En effet, près de 3400 kilomètres carrés de paysages sauvages du massif ont été transformés pour créer des pistes de ski mais aussi des remontées mécaniques ainsi que toutes les infrastructures nécessaires à l'accueil des touristes51. Ces constructions provoquant de profondes modifications du paysage, notamment avec les déboisements et les terrassements, augmentent le phénomène d'érosion et favorisent le risque de glissements de terrain, bouleversant tout l'écosystème local.

Outre les installations, toujours plus nombreuses, ce type de tourisme engendre à fortiori une consommation d'eau conséquente. Dans son rapport, le CESE explique qu'en hiver, au moment où la saison touristique est la plus importante, le débit des cours d'eau est très bas. Pourtant, c'est aussi à ce moment-là que la demande en eau est la plus forte à cause des équipements des hébergements touristiques (piscine, spa etc.) mais aussi du fait de la production de neige artificielle car l'enneigement est de moins en moins optimal52. En effet, outre le fait que les glaciers alpins aient déjà perdu 25 % de leur superficie en dix ans, l'usage des canons à neige est un véritable gouffre en matière de consommation d'eau et ils sont d'autant plus problématiques car on utilise des eaux chargées en matières organiques qui déséquilibrent les sols, mais aussi des additifs polluants permettant à la neige de fondre plus lentement53.

50 Projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), juin 2018

51 WWF, Les Alpes : entre nature et culture

52 CESE, Tourisme et développement durable, 2014, p. 231

53 Institut des Géosciences de l'Environnement, recherches sur la fonte des glaces, février 2017

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Face à ces mutations inquiétantes, la « loi relative au développement et à la protection de la montagne », dite « loi Montagne »54 avait permis en 1985 de considérer la montagne comme une zone où les conditions de vie sont plus difficiles au regard de l'altitude, des conditions climatiques et de l'écosystème, freinant ainsi l'exercice de certaines activités économiques, dont le tourisme. Toutefois, à l'image du littoral cette loi ayant vocation à protéger les patrimoines naturel et culturel, n'a pas empêché le tourisme d'évoluer massivement et d'engendrer de véritables dégâts écologiques allant de pair avec un phénomène désormais admis et tangible, le réchauffement climatique55.

Le tourisme dans sa forme massificatrice ou non, contribue indéniablement au réchauffement climatique, entraînant une large consommation de ressources naturelles non renouvelables, tant au niveau des déplacements que pendant le séjour. La question des émissions de gaz à effet de serre est ainsi au coeur des préoccupations car c'est l'un des facteurs liés au réchauffement climatique. Il faut savoir que l'activité touristique dans son ensemble est responsable d'environ 8 % du total des émissions de gaz à effet de serre de l'humanité, représentant un pourcentage bien supérieur aux évaluations antérieures, dont les pourcentages oscillaient entre 2,5 % et 3 % 56. Quant à l'aviation, le secteur représente aujourd'hui 3,5 % des gaz à effets de serre d'origine humaine, proportion qui pourrait atteindre 15 % d'ici 2050 57.

Face au constat alarmant du réchauffement climatique qui s'amplifie de façon flagrante eu égard aux nombreux changements climatiques tels que l'intensification des catastrophes naturelles, la mise en péril de la biodiversité, ou encore les risques sanitaires engendrés, il apparaît nécessaire de prendre de véritables mesures afin de réduire drastiquement les effets du tourisme de masse et de se tourner vers le tourisme durable.

Section 2. Une prise de conscience tardive par les acteurs publics des enjeux du tourisme durable

Si les pouvoirs publics n'ont eu d'autres choix que de se tourner vers la solution du tourisme durable face aux désastres provoqués par le tourisme de masse, l'avancée a été plutôt timide et lente du fait notamment d'une politique touristique dépourvue de stratégies adéquates et d'un manque cruel de moyens de fonctionnement (A). Toutefois, de nombreux textes ont été institués par l'État et les collectivités (B), concomitamment à d'autres mesures nationales officielles témoignant de l'intérêt croissant des pouvoirs publics pour le tourisme durable (C).

54 Loi n° 85-30 du 9 janvier 1985

55 Rapport du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat), 5ème rapport sur les changements climatiques et leurs évolutions futures, septembre 2013

56 Revue scientifique Nature Climate Change, « The carbon footprint of global tourism », mai 2018

57 OMT, Tourisme et changement climatique : affronter les défis communs, octobre 2007

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A. Une organisation politique touristique confuse

Si l'année 2017 a été celle du tourisme durable selon l'Organisation Mondiale du Tourisme58 et a permis de mettre un point d'honneur à sa reconnaissance et à son développement, la prise de conscience a été relativement lente et reste toutefois perfectible encore aujourd'hui. Cet éveil est né des effets alarmants provoqués par le tourisme de masse sur l'environnement, la société, la culture ou encore l'économie. Ainsi, il est apparu indispensable de trouver des solutions sur le long terme pour le tourisme, tant par des acteurs publics que privés, et aussi bien à l'échelle des professionnels que des consommateurs.

Dès le début des années 1970, le thème du développement durable est saisi par un grand nombre d'institutions, tant au niveau mondial que national. En France comme dans de nombreux autres pays européens, les pouvoirs publics ont rapidement inscrit le développement durable au coeur de leurs priorités, ouvrant le débat au moyen de comités d'experts, d'études, de travaux parlementaires etc. C'est d'abord en 1972 que le premier Sommet de la Terre s'est tenu à Stockholm, abordant pour la première fois des questions d'ordre écologique au niveau international59. Quelques années après, la notion de développement durable émerge et représente l'idée selon laquelle les sociétés humaines doivent pouvoir exister et répondre à leurs besoins sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. Cette définition fut dégagée par la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement de l'Organisation des Nations Unies (ONU), dans le rapport Brundtland en 198760. Il fut évident à ce moment-là d'appliquer les préceptes du développement durable au tourisme, c'est-à-dire de faire en sorte que le secteur réponde à des normes édictées pour le bien-être des sociétés et des populations, de l'économie, et de l'environnement. Ainsi, très vite des lois comme la « loi Montagne » et la « loi Littoral » ont pu voir le jour, au même titre que la création de parcs nationaux, dans le but de préserver l'environnement notamment au regard de l'expansion du tourisme.

Face à ces démarches encourageantes, la suite de l'histoire est quelque peu confuse et obscure. En effet, si le tourisme en France représente plus de 7% du PIB, on pourrait penser que les pouvoirs publics s'y consacrent pleinement et en font une stratégie majeure par la mise en place, à l'échelle étatique, d'un ministère du tourisme. Il n'en est rien. Il est intéressant de noter qu'il n'y a jamais eu de ministère dédié au tourisme en France et qu'il n'y en a pas non plus aujourd'hui.

Du fait de son hétérogénéité, le secteur du tourisme fait intervenir des matières variées, rendant difficile son insertion dans l'organisation administrative, de sorte qu'au grè des

58 Cf. < www.unwto.org >

59 Conférence des Nations Unies sur le développement humain, 1972

60 Rapport de la Commission Mondiale sur l'Environnement et le Développement de l'ONU, présidée par Gro Harlem Brundtland, « Notre avenir à tous », 1987

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mandats, le tourisme fut rattaché à des ministères différents, freinant l'évolution de la politique touristique. En 2007, la révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée par le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait pour objectif d'améliorer l'efficacité des services publics mais aussi de diminuer la dépense publique, en réduisant drastiquement les moyens de fonctionnement de l'État, et notamment le nombre de ministères. On se pose ainsi la question de savoir quelle est la place du tourisme dans l'administration, puisque sans ministère approprié il est difficile d'accentuer le positionnement de la France au niveau international et de prendre en compte les besoins du secteur touristique et notamment les besoins en matière de tourisme durable.

A titre d'exemple, plusieurs pays comme la Chine, la Nouvelle Zélande ou encore le Costa Rica61, disposent d'un ministre du tourisme à temps plein affirmant ainsi leur volonté de développer leur positionnement. En France, malgré sa première place au classement en termes d'arrivées de touristes internationaux, le tourisme est noyé dans divers secteurs d'activités. En effet, après avoir été rattaché à des ministères tels que la qualité de vie, la culture et l'environnement, la jeunesse, les sports et les loisirs, le temps libre, le commerce extérieur, l'artisanat ou encore l'industrie, le tourisme est aujourd'hui divisé entre le ministère de l'Économie et des Finances et le ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères62. Il y a de quoi s'interroger sur la logique de ce rattachement et sur la place qu'occupe le tourisme dans les priorités et les stratégies du gouvernement. Si le tourisme en tant que tel n'est pas au coeur des préoccupations, on se pose alors la question de la place du tourisme durable, relégué à un plan plus que secondaire.

Dans la continuité de la RGPP, l'administration nationale du tourisme a été profondément transformée en 2009 avec tout d'abord la création de la Direction Générale des Entreprises (ex-DGCIS)63 qui est chargée d'élaborer et mettre en oeuvre les politiques publiques relatives au secteur du tourisme, et qui aide à la compétitivité des entreprises dans le but de favoriser l'attractivité économique de la France par le biais de plusieurs bureaux. Enfin, une loi du 22 juillet 2009 a donné lieu à l'agence de développement touristique, Atout France64. A travers ses diverses missions, Atout France permet d'unir sous forme d'un partenariat l'État, les collectivités territoriales ainsi que les professionnels du tourisme. En effet, le législateur a opté pour la forme juridique du groupement d'intérêt général qui a vocation à faciliter et développer l'activité économique de ses membres. L'agence a une dimension nationale et internationale, et dispose à ce titre d'une trentaine d'antennes à travers le monde afin de promouvoir la destination. Parallèlement, elle est chargée de l'immatriculation des opérateurs de voyages et de séjours et du classement des hébergements touristiques marchands. En résumé, les missions d'Atout France sont très larges, et il semblerait que l'État lui ait confié le rôle d'un véritable conseiller en matière touristique.

61 OCDE, Tendances et politiques du tourisme de l'OCDE, 2016

62 Laurence Jegouzo, Le droit du tourisme, 2018

63 Décret n° 2009-37 du 12 janvier 2009 relatif à la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS devenue DGE par un décret n° 2014-1048 du 15 septembre 2014)

64 Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques

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Cependant, on note une perte de lisibilité importante et une certaine imprécision quant aux matières attachées à l'une ou l'autre des deux structures, qui font que ce secteur n'est plus véritablement affiché comme étant une priorité politique. Face à ces constats, les controverses sont nombreuses. C'est l'exemple du sociologue Jean Viard, pour qui il est nécessaire de mettre en place une véritable gouvernance de la politique du tourisme, l'absence d'un ministère dédié au tourisme étant pour lui, « consternante ». En effet, au regard du poids du tourisme en France, il faut une pensée globale. Pour le sociologue, « toute activité humaine transforme le territoire. On ne peut pas déplacer tant de gens sans avoir des stratégies très précises » 65. Il est nécessaire de diffuser ces individus sur le territoire de façon à ce que le tourisme dans une dimension plus durable soit un phénomène de respect envers l'environnement et les populations. La directrice de l'observatoire du comportement des touristes, Josette Sicsic, rejoint l'avis de Jean Viard66 et considère qu'il est temps de faire autre chose face à cette course à la performance et ce tourisme de masse néfaste. En effet, les chiffres du tourisme en France sont très bons, mais il est nécessaire de réfléchir et d'encadrer le tourisme, dans une dynamique plus durable et respectueuse.

Si l'organisation de la politique du tourisme à l'échelle étatique fait débat, elle pose également question au niveau de l'administration déconcentrée du fait d'un émiettement des compétences et d'une répartition peu claire.

L'article L.211-1 du Code du tourisme dispose que « l'État, les régions, les départements et les communes sont compétents dans le domaine du tourisme et exercent des compétences en coopération et de façon coordonnée », pourtant en pratique, la répartition pose parfois problème et ne permet ainsi pas d'avoir un positionnement stable en matière de tourisme durable. Pour Emma Delfau, la gouvernance du tourisme par ses acteurs est une des faiblesses du secteur : « cette gouvernance est très émiettée. Le secteur est géré par l'Etat mais aussi et surtout par les collectivités qui sont elles-mêmes à plusieurs niveaux. Toutes ont une compétence (régions, départements, communes), finalement cela crée des difficultés pour avoir une stratégie globale et commune de promotion des territoires »67.

En effet, à chaque échelon administratif correspond une institution en charge du tourisme. A l'échelle régionale, la région est dotée d'un comité régional du tourisme (CRT), chargé de mettre en oeuvre la politique régionale touristique. A l'aide de subventions de l'État, les CRT mettent en place des schémas régionaux de développement touristique sur plusieurs années afin de définir des stratégies pour la promotion de la région. Au niveau départemental, on trouve les comités départementaux du tourisme (CDT), ayant pour vocation de contribuer au développement et au dynamisme du tourisme départemental à l'aide, comme pour la région, de subventions étatiques et d'un schéma d'aménagement touristique départemental. Enfin,

65 Audition de Jean Viard, sociologue, écrivain et directeur de recherche au CNRS, pour France Culture, août 2017

66 Audition de Josette Sicsic, directrice de l'observatoire du comportement des touristes et rédactrice en chef du journal mensuel Touriscopie, pour France Culture, août 2017

67 Audition d'Emma Delfau, sous directrice du tourisme à la DGE

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au niveau communal, le développement du tourisme s'opère par le biais d'institutions spécialisées, les syndicats d'initiative et les offices de tourisme. L'office de tourisme est un centre d'information dont la mission est « l'accueil, l'information et la promotion du tourisme » créé par les communes sur leur territoire ou sur un territoire intercommunal, tandis que le syndicat d'initiative, plus rare, résulte d'une création par des acteurs exclusivement privés et a pour ambition de développer l'accueil des touristes, la promotion et l'animation touristique.

Cet enchevêtrement de compétences et d'interventions, entre l'État central et les collectivités territoriales, rend difficile la mise en place d'une véritable gouvernance du tourisme et donc du tourisme durable. L'enjeu aujourd'hui pour le secteur touristique c'est, « à l'image de ce qu'ont fait d'autres secteurs avant lui, de mettre à plat l'organisation touristique afin de responsabiliser chaque maillon de la chaîne. Du petit artisan au grand groupe international, en passant par la commune, la région ou le département, tous doivent saisir l'urgence de s'engager dans des stratégies de tourisme durable »68. Quant au CESE, il préconise dans son avis de 2014 que « le développement durable des territoires en matière de tourisme ne pourra se faire qu'avec une volonté politique affichée au plus haut niveau de l'État »69.

En accord avec cette perspective, de plus en plus d'actions pour un tourisme plus durable sont instituées à tous les échelons territoriaux, compte tenu des effets pervers du tourisme de masse sur l'environnement, la société et l'économie, et sous l'impulsion d'autres acteurs, que nous étudierons dans la partie suivante.

B. Le tourisme durable dans les dispositifs législatifs de mise en valeur du territoire

Comme le démontre le sociologue Jean Viard, il est impératif de construire une véritable gouvernance de la politique du tourisme en France70. Le terme « gouvernance » est important pour l'auteur et signifie dans ce contexte, de mettre en oeuvre un pilotage, une stratégie touristique et non pas une simple régulation. Ces stratégies sont fondamentales car elles permettront, sur le long terme, de penser le tourisme dans une dimension durable et viable pour l'environnement, les populations d'accueil et l'économie. En somme, il est nécessaire d'élaborer des dispositifs pour la mise en valeur du territoire tout en se soumettant aux principes du tourisme durable. Les politiques publiques, bien que la mise en oeuvre fût lente, mettent une plus grande priorité au tourisme durable, à l'image du développement durable dans les autres secteurs tels que l'économie, la construction, l'énergie etc. On peut citer à titre d'exemple les lois Littoral et Montagne que nous avons évoquées précédemment. Grâce au législateur, ces lois concourent à la protection de zones très sensibles et fortement exposées

68 Comité 21, Agir ensemble pour un tourisme durable, août 2008, p. 3

69 CESE, Tourisme et développement durable, 2014, p. 15

70 Audition de Jean Viard, sociologue, écrivain et directeur de recherche au CNRS, pour France Culture, août 2017

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au tourisme de masse. Elles font donc partie intégrante, comme d'autres lois pour la protection de l'environnement, d'un pilotage politique en faveur d'un tourisme plus durable.

Au niveau étatique, la compétence en matière touristique est partagée entre la DGE et Atout France, chacune ayant des missions bien précises bien que parfois mêlées, comme nous l'avons évoqué précédemment. A l'image d'une jungle tentaculaire, la DGE est composée de cinq grands services, eux-mêmes composés de plusieurs sous-directions qui, à leur tour, sont composées de différents bureaux71. Ainsi, le service « tourisme, commerce, artisanat et services » est constitué d'une sous-direction du tourisme comprenant en son sein, quatre bureaux. Parmi ces quatre bureaux, on retrouve le « bureau des destinations touristiques », qui est chargé de la mise en oeuvre de la politique du tourisme sur les territoires touristiques du littoral, de la montagne, des territoires ruraux, urbains, en métropole ainsi que dans les départements et régions d'Outre-mer. Le bureau est également compétent pour la mise en oeuvre des politiques nationales de tourisme durable, responsable et éthique et la desserte équilibrée du territoire72. A titre d'exemple, le bureau des destinations touristiques a lancé un programme appelé « la France à vélo », permettant aux touristes de découvrir les régions françaises d'une façon plus authentique et durable. On peut également citer le tourisme fluvial et la randonnée pédestre comme autres modes de tourisme en accord avec une démarche plus respectueuse. En ce sens, la DGE soutient et accompagne le développement de ces pratiques touristiques, que l'on peut rattacher à ce que l'on appelle le « slow tourisme », consistant à découvrir de manière plus authentique et plus en profondeur une région ou un département tout en prenant son temps et en réduisant son impact et ses déplacements73.

Le soutien apporté par l'État, via les DIRRECTE, la DGE et Atout France, s'effectue notamment par le biais des « contrats de destination ». Afin de consolider les destinations et marques existantes en France, sur la scène internationale notamment, les contrats de destination ont été mis en place. Ces contrats ont pour but de créer des destinations au-delà des périmètres administratifs, et en fédérant l'ensemble des acteurs du tourisme, ils permettent de renforcer l'attractivité des territoires et de proposer une offre mieux structurée. Cette innovation répond ni plus ni moins à la principale critique qui était faite, celle d'un manque de coordination entre les acteurs et d'un enchevêtrement des compétences. Les acteurs signataires sont généralement les collectivités territoriales, les comités régionaux et départementaux du tourisme, les offices de tourisme, les opérateurs de transports, les hébergeurs, les prestataires de services, etc.74 Pour le moment, une vingtaine de contrats de destination ont été sélectionnés par deux appels à projets organisés par la DGE en 2014 et 2015, regroupés en cinq thèmes dont l'un d'eux porte sur « l'écotourisme, bien vivre et la

71 Arrêté du 15 septembre 2014 portant organisation de la Direction Générale des Entreprises

72 Article 11 de l'arrêté du 15 septembre 2014 portant organisation de la Direction Générale des Entreprises

73 Veille Info Tourisme, Vincent Oberto, Slow tourisme, janvier 2018

74 Cf. < www.entreprises.gouv.fr >

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découverte des sites naturels et patrimoniaux ». Si les quatre autres thèmes comportent pour la plupart un aspect durable au sein de leurs objectifs, le thème de l'écotourisme est sérieusement axé sur cette problématique et regroupe cinq contrats parmi lesquels on retrouve par exemple le contrat Bretagne, Corse, Guyane-Amazonie etc.

Concernant le contrat Bretagne, un des objectifs principaux est de positionner la région comme destination durable d'exception. La Bretagne, qui s'est très rapidement dirigée vers le tourisme durable, bénéficie pour cette convention d'un grand nombre d'acteurs signataires, tous fédérés autour de ce même objectif de durabilité et d'authenticité. La région est effectivement très impliquée à ce niveau depuis un certain nombre d'années comme en attestent les schémas régionaux du tourisme sensiblement axés sur le développement durable. Motivée par la beauté et la richesse du patrimoine naturel mais aussi par la culture vivante transmise par les habitants, elle s'efforce de trouver l'équilibre entre les aspects économiques, sociaux et environnementaux de l'économie touristique. Le portail « voyagez-responsable.tourismebretagne.com » a d'ailleurs été créé en 2009 par le CRT Bretagne avec pour objectif d'encourager et de valoriser l'ensemble des acteurs qui s'engagent pour un tourisme plus responsable et de sensibiliser les touristes à ces enjeux. Parmi toutes les régions du territoire, la Bretagne est un véritable laboratoire d'initiatives touristiques durables. En effet, cette volonté se traduit par de nombreuses actions telles que la valorisation du vélo (véloroutes et voies vertes) et de la randonnée, les initiatives écologiques auprès des professionnels et des touristes (économie d'énergie, tri des déchets, réduction de la consommation en eau), la création de labels (la Bretagne est devenue la première région de France engagée dans l'éco labélisation) etc.

Par ailleurs, l'État apporte son soutien au développement du tourisme durable par des partenariats avec des réseaux, tels que les parcs nationaux de France, la fédération des parcs naturels régionaux ou encore le réseau des Grands Sites de France. Concernant les parcs nationaux, on en compte aujourd'hui sept en France et trois en Outre-mer. Ils ont été créés par une loi du 22 juillet 196075 et sont aujourd'hui régis par la loi du 14 avril 200676, qui a mis à jour leur organisation et leurs missions. Gérés par l'État, ces parcs sont structurés en deux secteurs à la réglementation distincte : une zone de protection appelée « zone coeur » qui bénéficie d'une protection accrue et une « zone d'adhésion » regroupant les communes limitrophes, ayant vocation à en faire partie. Celles-ci sont partenaires du développement durable du parc et adhèrent ainsi à sa charte. Chaque parc élabore sa charte et organise sa stratégie touristique selon les particularités environnementales, économiques, sociales ou culturelles du territoire. En effet, ils favorisent la démarche du tourisme durable à travers diverses activités, des rencontres humaines, des découvertes et du ressourcement, en

75 Loi n°60-708 du 22 juillet 1960 relative à la création de parcs nationaux

76 Loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux

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partenariat avec les acteurs économiques locaux77. A titre d'exemple, le tourisme durable est au coeur des stratégies touristiques du Parc national des Cévennes. Il se développe notamment grâce à de solides relations avec les acteurs touristiques privés et public du territoire. Le parc fédère un réseau de professionnels du tourisme locaux au sein de l'association « Cévennes Écotourisme », travaille avec des agences 100% écotouristiques, met en place des actions phares telles que la réalisation d'une large offre de randonnée, la création d'un festival ou encore la mise en place d'écomusées78.

Parallèlement aux parcs nationaux, les parcs naturels régionaux ont été créés pour mettre en valeur de grands espaces ruraux habités, dont les paysages, les milieux naturels et le patrimoine culturel nécessitent une protection, en conséquence de leur équilibre fragile. C'est un décret du 1er mars 1967 qui a permis leur création, puis la loi Paysage du 8 janvier 199379 a légitimé leur existence en définissant leur procédure de création et leurs missions. La marque « parc naturel régional » est une marque déposée qui est attribuée par l'État. Chaque parc possède une charte graphique nationale, dans laquelle on retrouve une volonté très forte de sensibiliser les voyageurs aux préceptes du tourisme durable et de développer la coopération entre acteurs privés et publics, dans un but de préservation des milieux sensibles80. Enfin, qu'ils soient nationaux ou régionaux les parcs doivent canaliser la fréquentation des visiteurs et s'assurer qu'elle ne contrevient pas à l'objectif de protection du patrimoine naturel du parc qui fonde leur existence.

Enfin, le réseau « Grands Sites de France » s'adresse aux sites naturels et culturels remarquables, dont la dimension nationale est reconnue, accueillant un large public et nécessitant une gestion partenariale pour préserver leur valeur. La démarche est proposée par l'État aux collectivités territoriales et le but est de conserver l'esprit des lieux et de mettre l'accueil, le partage et le développement local durable au coeur de leur action. Ce réseau a également comme défi d'organiser et maîtriser de façon intelligente la fréquentation touristique, de manière à préserver ces territoires fragiles et attractifs et promouvoir de véritables valeurs durables auprès des visiteurs.

Par ailleurs, les collectivités territoriales disposent de plusieurs outils pour à la fois protéger et mettre en valeur les territoires. Bien que la répartition des compétences soit parfois confuse et suscite des tensions (notamment entre les communes et les intercommunalités depuis la loi NOTRe81, la compétence tourisme semble plus éclatée que partagée), les collectivités ont pour objectif d'oeuvrer en faveur du tourisme durable. C'est le cas par exemple des règles d'urbanisme, qui prennent en compte ces enjeux, à travers les Schémas de cohérence territoriale (SCOT) et les Plans locaux d'urbanisme (PLU), permettant d'assurer le respect des objectifs du développement durable lors de l'aménagement urbain notamment

77 Cf. < www.parcsnationaux.fr >

78 Cf. < www.cevennes-parcnational.fr >

79 Loi n° 93-24 du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages

80 Cf. < http://www.parcs-naturels-regionaux.fr >

81 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe)

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touristique. En outre, les départements jouent également un rôle important face à ces enjeux. En effet, grâce à une taxe d'aménagement (qui est également perçue par les communes et les régions), les départements mènent une réelle politique de protection des espaces naturels sensibles, au titre de leur compétence en matière rurale, qui se traduit par l'acquisition de terrains en zones sensibles pour assurer leur sauvegarde face à l'expansion urbaine qu'engendre la hausse de la fréquentation touristique.

A travers tous ces dispositifs, dont la liste n'est pas exhaustive, les pouvoirs publics se sont efforcés à la fois de mettre en valeur le territoire, tout en le protégeant. Cela peut sembler contradictoire, car en tout état de cause, les espaces naturels ou culturels sont par essence attractifs et indispensables au développement de la plupart des communes. Ils supposent un déplacement des populations dans ces espaces au sein desquels elles séjournent et effectuent des activités, participant alors à la transformation des territoires. D'autres mesures sont alors prises pour pallier ces effets.

C. Les autres mesures nationales en faveur du développement du tourisme durable

Outre les mécanismes législatifs ou réglementaires relatifs à la protection et la valorisation des espaces naturels et du patrimoine culturel, diverses mesures tendent à renforcer le caractère durable du tourisme en France.

Pour faciliter la mise en oeuvre des politiques du développement et du tourisme durables, le gouvernement a mis en place des institutions capables d'en assurer le suivi et le déploiement. On peut citer le Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), qui a été créé le 9 juillet 200882, et qui se charge entre autres de piloter des sujets interministériels sur le développement durable, ou encore de favoriser le dialogue environnemental parmi les divers acteurs83. Cette entité avait participé à la mise en place du Grenelle de l'Environnement, un ensemble de rencontres politiques organisées en 2007, visant à prendre des décisions à long terme en matière d'environnement et de développement durable. Il y a également l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME) qui oeuvre pour le développement durable et donc indirectement pour un tourisme plus respectueux84. L'ADEME est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du Ministère de la Transition écologique et solidaire qui participe à la mise en oeuvre des politiques publiques dans les domaines de l'environnement, de l'énergie et du développement durable grâce à ses capacités d'expertise et son rôle de conseil pour les pouvoirs publics85.

82 Décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

83 Cf. < www.ecologique-solidaire.gouv.fr/commissariat-general-au-developpement-durable-cgdd >

84 Articles L131-3 à L131-7 du Code l'environnement

85 Cf. < www.ademe.fr >

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Au niveau étatique, on retrouve des démarches encourageantes pour le développement du tourisme durable à travers un système intéressant de labélisation et de création de marques. A ce titre, il existe une multitude de labels ou démarches mis en oeuvre par divers réseaux ou organisations privés ou des associations, mais il est parfois difficile d'y voir clair. Ainsi, afin de bâtir un véritable cadre et fédérer les professionnels du tourisme souhaitant proposer une offre touristique durable de qualité pour la clientèle, l'État a créé la marque Qualité Tourisme dans le cadre du Plan Qualité Tourisme (PQT). Le PQT a été mis en place lors du comité interministériel du 9 septembre 2003, quant à la marque Qualité Tourisme, elle a été créée en 200586. Aujourd'hui, c'est le bureau des clientèles touristiques de la DGE qui participe à son développement et s'occupe de promouvoir la démarche auprès des acteurs du tourisme mais aussi du grand public, à l'instar d'autres labels nationaux comme « Tourisme et Handicap » ou « Vignoble et Découverte ». Le PQT a également intégré au sein de la marque des critères de développement durable, contribuant ainsi à la reconnaissance et l'expansion du tourisme durable87. A ce jour, plus de 5000 établissements ont adhéré à Qualité Tourisme, tous secteurs confondus, tels que les hébergements, les restaurants, les offices de tourisme, les lieux de visites etc. Outre la démarche de qualité, cette marque avait également vocation à pallier la carence du classement hôtelier avant la réforme instituée par la loi du 22 juillet 200988.

En effet, avant 2009, le classement des hébergements touristiques devenait obsolète et la signification des étoiles faisait l'objet d'un certain affaiblissement89. Bien que facultatifs, les labels sont devenus très utilisés et certains sont encore en vigueur aujourd'hui, permettant ainsi aux touristes d'accéder à plusieurs sources d'information concernant la qualité des hébergements. Malgré cela, on trouve toutefois des critères relatifs au développement durable dans le système de classement des hébergements touristiques. En effet, la réforme de 2009 a permis d'une part, une homogénéisation et une meilleure lisibilité des référentiels constitutifs du classement des hébergements touristiques et d'autre part de conserver les spécificités propres à chaque type d'hébergements. Il existe ainsi trois catégories de référentiels, dont l'un s'attache à l'accessibilité et au développement durable. Les critères inhérents à ce chapitre permettent en effet d'analyser la performance de ces hébergements au regard de leur préoccupation pour les enjeux du développement durable, c'est-à-dire par leur aptitude à réduire leur consommation d'eau et d'énergie, et leur production de déchets. Ainsi, dans chaque catégorie d'hébergements, de l'hôtel (toutes étoiles confondues) au camping, en passant par les résidences de tourisme, les bonnes pratiques environnementales sont prises en compte. Néanmoins, cette considération s'avère très marginale par rapport à d'autres critères, qui semblent bénéficier d'un plus grand intérêt, ce qui est regrettable. On constate aussi que les critères durables attachés au label « Palace » sont insuffisants. Pourtant, il convient ici de souligner que le luxe et le développement durable ne sont pas

86 Cf. < www.entreprises.gouv.fr/qualite-tourisme >

87 CESE, Tourisme et développement durable, 2014, p. 240

88 Loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques

89 Laurence Jegouzo, Le droit du tourisme, 2018

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antinomiques. En effet, le tourisme de luxe est un secteur économique florissant en France et dans le monde, et à ce titre il pourrait être exemplaire en matière de tourisme durable. Mais bien souvent, les offres semblent considérer l'aspect durable afin de séduire la clientèle, tandis que sur place c'est bien souvent une autre histoire.

Parallèlement à ces dispositifs officiels mis en place par l'État, il convient d'évoquer le cas de la labélisation partenariale avec le Conseil National des Villes et Villages Fleuris (CNVVF). C'est en 1972 que l'association CNVVF est créée, sous la tutelle du ministère de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi en charge du tourisme. Il est chargé d'organiser et de promouvoir le concours des villes et villages fleuris pour l'attribution du label qui fut mis en place en 1959 pour promouvoir le fleurissement et les espaces verts dans les communes. Actuellement, on compte environ 4700 villes et villages classés. Ce concours a été le moyen de fédérer et unir les communes autour d'un même but, celui de la recherche de qualité dans la politique du tourisme90. Il faut savoir que les communes classées mettent en oeuvre une véritable politique de préservation de l'environnement en accord avec l'esprit du tourisme durable. C'est à travers une gestion raisonnée des espaces verts et des terres, une consommation modérée en eau, en énergie et en hydrocarbures ainsi que la diminution de l'utilisation des pesticides que ce label concoure au respect des ressources naturelles. En effet, les communes s'engagent ainsi à promouvoir la biodiversité sous toutes ses formes et à sensibiliser le public sur l'importance de ces actions, notamment au moyen d'événements comme la Fête de la nature ou encore la Journée du développement durable91.

Enfin, ajoutons que suite au deuxième comité de pilotage du tourisme du 4 juin 2018, treize stations de montagne et balnéaires, dont l'Alpe d'Huez et les Deux Alpes en Isère, la Grande Motte dans l'Hérault, ou encore la Baule en Loire-Atlantique, ont été désignées pour bénéficier d'un soutien en ingénierie pendant 18 mois dans le cadre de la mise en place du plan « France Tourisme Ingénierie ». Cette expérimentation nationale vise à impulser de nouvelles démarches innovantes notamment pour la rénovation des hébergements et la transition énergétique des stations92. Dans ce cadre, l'enjeu consiste à développer des actions d'efficacité énergétiques et durables, notamment dans les zones de montagnes où les changements climatiques posent de sérieux problèmes écologiques, et à rénover les hébergements de façon à ce qu'ils s'inscrivent dans cette dynamique de développement durable.

Conjointement à l'intérêt grandissant des pouvoirs publics pour le tourisme durable dans la création d'institutions, de label, de marques, de concours, ou encore par la réformation des référentiels relatifs au classement des hébergements touristiques, ce sont d'autres acteurs qui oeuvrent en faveur de son développement. Les pouvoirs publics ont très vite été

90 Laurence Jegouzo, Le droit du tourisme, 2018

91 Cf. < www.villes-et-villages-fleuris.com >

92 Communiqué de presse du deuxième Comité de pilotage du tourisme, 5 juin 2018

confrontés au tourisme de masse, mais n'ont pas toujours pris les mesures nécessaires à temps pour y faire face. Finalement, on observe des résultats plutôt inégaux concernant la lutte contre la massification du tourisme et la protection des espaces, de la culture ou des populations93. En effet, pour l'instant, si le tourisme durable montre son omniprésence dans les textes et les dispositifs mis en place, il reste perfectible. L'environnement, la société, les populations mais aussi l'économie souffrent encore aujourd'hui des conséquences du tourisme de masse. Si les autorités publiques ont toutefois suivi le chemin du développement durable devenu primordial, elles n'ont eu d'autres choix que d'inciter les acteurs du tourisme à s'orienter eux aussi dans cette voie. Aujourd'hui, le tourisme durable prend de l'ampleur, grâce aux actions de l'État d'une part, mais aussi à l'aide de ce que l'on appelle la « soft law »94 émanant d'autres acteurs, notamment internationaux. Finalement, l'approche internationale du tourisme durable semble beaucoup plus riche que l'approche nationale.

Dans une seconde partie, nous nous attacherons ainsi à analyser en quoi les entités internationales et les acteurs privés, à l'aide de normes non contraignantes ou de dispositifs spécifiques, apportent leur concours à la diffusion des valeurs du tourisme durable. A la suite de quoi, nous nous intéresserons aux différents freins s'opposant au développement du tourisme durable.

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93 CESE, Tourisme et développement durable, 2014, p. 214

94 De l'anglais, signifiant : droit mou.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld