III.1.4. Résultats buts
Les différents interviewés présentent
divers parcours professionnels. L'IDE11 a toujours travaillé
auprès d'adultes, en psychiatrie pendant trois ans, puis en
libéral depuis quinze ans. L'IDE2 est diplômé depuis huit
ans, il a commencé par de l'intérim dans des services adultes. Il
a désormais l'intention de passer le concours pour être infirmier
en pratique avancée. L'IDE3 est récemment diplômé et
son premier poste fût en néphrologie adulte : il part dans
quelques mois pour faire de l'intérim en service adulte. Enfin, l'IDE4
fût pendant longtemps jeune fille au pair, elle devient auxiliaire
puéricultrice en 2000 puis infirmière en 2017. Une fois
diplômée elle tente la pédiatrie mais elle se rend compte
que la prise en charge des enfants ne lui convient pas et change alors de
service pour être en néphrologie adulte.
1 Pour des raisons de confidentialité, les
prénoms ont été remplacé par IDE1, IDE2, IDE3 et
IDE4.
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Ces quatre entretiens avec les IDE m'ont permis de recueillir
plusieurs points de vue sur les quatre questions à propos du corps, de
l'instrumentalisation du corps, de l'autonomie et du consentement.
Dans un premier temps, en posant la question sur la
représentation du corps du patient que les IDE pouvaient avoir dans leur
soins, trois d'entre eux ont introduit l'importance de l'observation et du
regard lors de la prise en charge. En effet, l'un d'eux énonce «
le regard soignant » pour rentrer en contact avec le patient,
tandis qu'un autre explique qu'il faut « regarder tout le corps [...]
dans sa globalité » afin de détecter un éventuel
problème. Ces deux infirmiers parlent des notions de « pudeur
» et « d'intimité » qu'ils ajoutent
à leur observation qui seraient indispensable dans la
considération du corps. L'IDE1 ajoute l'importance de l'absence de
jugement face au corps dévoilé qu'il soit «
handicapé » ou « abîmé ».
De plus, l'IDE4 et l'IDE3 abordent la notion du patient objet en disant que
« le corps n'est pas un objet » ou qu'il « n'est
pas seulement un objet de soin ». L'IDE4 ajoute que le corps du
patient ne se dissocie pas de « l'être vivant » ou de
« l'être sensible » que peut être le malade : en
effet, elle précise qu'il « ressent des douleurs, des
désagréments » et qu'« il a toujours des
sensations ». De plus, elle évoque le message que peut
transmettre le soignant à travers ses gestes : « la
façon de toucher [...] ça renvoie des messages, par exemple si tu
le touches [le patient] avec violence ça renvoie un message que tu ne
veux pas faire le soin, il pourrait interpréter [...] que tu n'es pas
contente d'être là, que tu n'es pas contente de prendre soin de
lui ».
Dans un deuxième temps, je pose la question sur
l'instrumentalisation du corps dans les soins en faisant
référence au patient objet. Ma question est de savoir si les
infirmiers connaissent cette expression d'instrumentalisation ou
d'objectification du corps et ce qu'elle évoque pour eux. Deux
infirmiers ont partagé que cela leur était déjà
arrivé, pour deux raisons différentes. L'IDE1 pense que ça
lui ait surement arrivé à cause du manque de temps dans le milieu
libéral (« quand t'es dans un jour où t'es pressé
[...] je vais pas te dire que ça m'est jamais arrivé
»). L'IDE3 pense que c'est à cause « des habitudes
» ou « des automatismes » et partage la
manière dont ça s'est déroulé pour lui. L'IDE2
connaît aussi cette expression d'instrumentalisation du corps mais a
beaucoup de mal à le concevoir, il le définit à trois
reprises comme « un terme assez péjoratif » mais
« comprend que [le corps] puisse devenir autre chose quand il arrive
à l'hôpital ». La suite de ma question tend à
connaître les solutions qu'ils mettent en place pour éviter cette
instrumentalisation. La majorité d'entre eux ont évoqué
l'importance de
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l'information fournit aux patients, L'IDE1 explique la
nécessité de « toujours dire ce qu'on va faire,
«ça va faire froid, ça va faire chaud, je vais vous attraper
comme ci, comme ça« » et l'IDE4 rappelle
l'intérêt de s'adapter au patient « tu te
présentes, tu annonces le soin, tu demandes si c'est le bon moment, s'il
veut que tu reviennes dans cinq minutes ou tout de suite, si la personne est
prête [...] on ne force pas mais on essaye toujours d'expliquer ».
L'IDE3, lui, évoque la solution de « l'écoute
active », « c'est le fait de parler avec le patient, tout est dans la
communication ». Enfin, l'IDE4 précise que l'infirmier
« ne vient pas parcequ'[il a] des soins à faire,[...] [il]
vient parce qu'[il] veux prendre soin de la personne » et elle ajoute
que même si c'est sur le corps que les soins sont réalisés
« il y a l'esprit, il a sa façon de penser, sa façon de
voir [...] il faut englober l'ensemble ».
La troisième question a pour objectif de
connaître la manière de considérer l'autonomie par les
soignants. Pour ce faire, différentes réponses ont
été données et toutes ont porté sur l'aspect
physique de l'autonomie, soit le savoir-faire et les capacités du
patient. Ainsi, L'IDE2 cite ses deux outils d'évaluation que sont la
« communication » et « l'observation ».
Il énonce que pour « la communication, on pose la question
à la personne, [...] quand la personne va être alitée ou
quand il va y avoir un manque de communication, on va déjà voir
[...] si elle réussit à se mobiliser avec des gestes simples,
plier les genoux, se mobiliser sur le côté, tenir la
barrière, puis au niveau de la marche ». De plus, il implique
l'équipe pluridisciplinaire dans cette évaluation en citant
notamment le « médecin » et « les
kinés ». L'IDE3 et l'IDE4 rejoignent cette même
idée et soulignent l'importance de la considération de
l'autonomie pour « favoriser au mieux l'autonomie » en
détectant quand les patients « font d'eux-mêmes ».
Ensuite l'IDE4 rappelle que « chacun à ses limites, par
exemple, selon l'âge, la lourdeur de la pathologie, l'envie de la
personne, le moment », il faut donc « s'adapter, [...]
mettre une valeur sur les capacités d'opérer du patient, et
encourager, ça stimule et ça le motive, ça lui donne de
l'importance ». Pour finir, la question de la gestion du temps rentre
en jeu, c'est pourquoi l'IDE1 et l'IDE4 l'évoquent dans leur pratique.
L'IDE1 aborde le sujet du manque du temps en libéral en précisant
que « c'est pas terrible »: « nous déjà en
libéral [...] on a un problème, c'est un problème de temps
[...] on laisse moins de place à l'autonomie [...] je
préfère faire à leur place ». L'IDE4, en service
hospitalier, énonce que l'infirmier « laisse quand même
le temps pour que le patient fasse ce qu'il peut faire, qu'il ne faut pas se
substituer à ses capacités sinon il va régresser ».
Enfin, elle précise qu'« il faut toujours négocier,
demander l'avis, accepter que la personne refuse » .
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Enfin, avec ma dernière question, je voulais
connaître la place et l'importance que le consentement avait dans les
soins des infirmiers. L'IDE1 a apporté une vision intéressante du
consentement dans le milieu libéral. En effet, contrairement à
l'hôpital, « il y a une grande différence c'est que les
patients nous ouvrent la porte [...] donc là ils nous ouvrent la porte
donc ils sont forcément consentants ». Pour l'IDE2, le
consentement est « partie prenante de la démarche de
santé », « ça fait partie intégrante du
soin » : il ajoute que « c'est à partir de ça
qu'on pourra accéder à ce corps et permettre la
réalisation des soins » et « la bonne
continuité des soins ». Il distingue deux types de
consentement : le « consentement claire, libre et
éclairé ou quelqu'un qui ne peut pas consentir de manière
lucide ». Il finit en expliquant qu'en cas de refus de soin ce sera
« un frein à la réalisation de la démarche de
santé ». L'IDE4 rejoint la même idée que l'IDE2
sur le refus de soin et rappelle la loi en disant que « l'accord du
patient fait partie de ses droits, il a le droit de refuser selon la
législation, et il a le droit d'accepter ». Pour elle, il est
important de demander l'accord de son patient car elle ne « veut pas
entraver sa volonté ». L'IDE3 et l'IDE4 procèdent de la
même manière en se positionnant à la place du patient. En
effet l'IDE4 énonce : « on transfère toujours en se
disant «si c'était moi« ou si c'était quelqu'un de ma
famille, est ce que c'est correct. » et l'IDE3 dit que «
personnellement j'aurais pas aimé qu'on me propose pas donc je propose
tout le temps ». Enfin l'IDE4 explique que « ça rend
humain les soins et il faut considérer le patient comme une personne
respectable, [...] tu dois (pas dans le sens obéir) [...] avoir sa
coopération parce qu'un patient qui coopère est un soin qui va
mieux et sa santé qui s'améliore. ». Pour finir, l'IDE3
ajoute que c'est grâce à son éducation qu'il demande au
patient leur consentement, en effet pour lui, il pense que « justement
si on demande pas le consentement du patient, dans un sens, indirectement, on
le considère comme un objet ».
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