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Le caractère supranational de la banque centrale européenne au sein du mécanisme de surveillance unique.


par Thibault Fava
Université Paris-Dauphine - Master 2 droit des affaires 2015
  

Disponible en mode multipage

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Le Caractère supranational de la Banque centrale européenne au sein du Mécanisme de surveillance unique

Mémoire sous la direction du professeur Claudie Boiteau

Master 214 Paris-Dauphine
Année 2014-2015

1

Thibault Fava

2

SOMMAIRE

INTRODUCTION 3

PARTIE I : L'EFFACEMENT DES AUTORITÉS NATIONALES DANS LE CADRE DES

COMPÉTENCES EXCLUSIVES DE LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE 21
Section 1 : La modestie du rôle des autorités nationales lors de l'accès à l'exercice de l'activité

bancaire 21

I. L'Impossibilité dommageable pour les autorités nationales de délivrer l'agrément

indépendamment d'une décision de la BCE 22

II. L'interaction inéquitable entre les autorités nationales et la Banque centrale

européenne dans le cadre de la procédure de retrait d'agrément 28
Section 2 : L'emprise de la Banque centrale européenne sur d'autres aspects de la surveillance

prudentielle 34

I. La curieuse compétence spécifique de la BCE en matière d'acquisitions de

participations qualifiées 35

II. Le caractère peu lisible de la compétence exclusive de la Banque centrale européenne

dans le cadre de la liberté d'établissement 39
PARTIE II : LA FONCTION DYNAMIQUE DES AUTORITÉS NATIONALES DANS

L'ORGANISATION COURANTE DU MÉCANISME DE SURVEILLANCE UNIQUE 44
Section 1: Un rôle d'assistance primordial des autorités nationales dans la surveillance

prudentielle directe exercée par la BCE 44

I. Un pouvoir supranational de la BCE lui permettant d'exercer une surveillance directe

sur certains établissements de crédit 44

II. Le concours nécessaire des autorités nationales dans le cadre de la surveillance

prudentielle directe 51
Section 2 : Un fort pouvoir d'intervention de la Banque centrale européenne restreignant le principe d'une surveillance directe de certains établissements de crédit par les autorités

nationales 58

I. Une possibilité à priori étendue pour les autorités nationales d'exercer une surveillance

directe des établissements de crédit 58

II. L'influence potentiellement décisive de la Banque centrale européenne sur la

supervision des établissements « moins importants » 64

CONCLUSION 70

Bibliographie 71

3

Introduction

Les autorités nationales de régulation bancaire de la zone euro, avec la mise en place du Mécanisme de surveillance unique, vont perdre leur compétence de surveillance directe sur plusieurs établissements de crédit. Le coeur du sujet sera de présenter l'interaction entre la Banque centrale européenne (BCE) et les autorités nationales dans le fonctionnement de ce mécanisme de supervision unique. Mais avant d'analyser cette question, il est nécessaire d'aborder quelques points préalables à l'étude principale. La mise en place du Mécanisme de surveillance unique n'affectera pas seulement les autorités nationales qui en font partie. Ses conséquences se feront tout d'abord ressentir au sein même de la BCE, puis, en second lieu, sur les autres institutions de l'Union européenne ayant des compétences en matière bancaire. Ainsi l'introduction consistera en une brève présentation de l'Union bancaire suivie des problématiques liées à la séparation des missions de surveillance prudentielle et de celles en matière de politique monétaire. Enfin, il faudra également aborder les conséquences du Mécanisme de surveillance unique sur l'Autorité bancaire européenne.

Présentation de l'Union bancaire

Le traité de Rome du 25 mars 1957 ne se préoccupait absolument pas du droit bancaire. Il ne comprenait aucune disposition à cet égard. Ce n'est qu'au début des années 1970 qu'apparaîtront les premières directives européennes relatives au droit bancaire, notamment la directive 73/183/CEE du 28 juin 1973 concernant la suppression des restrictions aux libertés d'établissement et de prestation de services dans le secteur des services bancaires ou encore la directive 89/646/CEE du 15 décembre 1989 portant sur la reconnaissance mutuelle des agréments bancaires. Cela va permettre à une banque de créer une succursale dans toute la Communauté. À partir de là, les États commencent à perdre leur souveraineté sur le droit bancaire.

Le 30 mai 2012, la commission européenne attire l'attention sur la création d'une union bancaire. Cependant, le Parlement européen avait déjà demandé, par une résolution du 13 avril 2000, qu'une institution européenne soit en charge de la surveillance directe des établissements financiers.

L'Union bancaire marque la volonté d'intégrer davantage la surveillance bancaire. Cette dernière se fonde sur trois piliers : un mécanisme de surveillance unique, un mécanisme de résolution unique et un système de garantie des dépôts. L'un des objectifs de cette Union est d'atténuer le lien entre la dette publique et privée. Cela permettra en effet de mieux surveiller les établissements de crédit afin que les contribuables n'aient pas à supporter les conséquences de leurs éventuelles défaillances.

4

L'Union bancaire devra surmonter les déstabilisations liées à la crise financière. Elle a été créée afin de sauvegarder la stabilité financière.

Il est certain que cette Union Bancaire aura pour conséquence une perte de souveraineté des États membres. Jusqu'aujourd'hui, bien que les normes bancaires soient largement issues des institutions européennes, chaque autorité nationale était libre dans l'application de ces règles. Les traditions de chaque État membre font apparaître de grandes différences en termes d'interprétation du Droit en général. Désormais la régulation bancaire s'effectuera au niveau européen selon des méthodes précises qui laisseront moins de liberté d'adaptation aux autorités nationales.

L'Union Bancaire sera régie par un règlement unique applicable à tous les Etats membres qui permettra d'établir des normes similaires. Ce règlement est déjà pour partie entré en vigueur mais il devra être complété au cours des années à venir. Ces règles concernent avant tout les exigences de fonds propres, la protection des déposants, et la résolution des banques défaillantes. Les piliers de l'Union bancaire serviront à ce que « le corpus réglementaire unique pour les services financiers s'applique de la même manière aux établissements de crédit de tous les Etats membres ».1 En effet, la seule harmonisation des règles ne supprime pas la possibilité qu'ont les autorités d'interpréter le droit à leur avantage et ainsi de réduire la qualité de la supervision européenne.

La présentation du Mécanisme de surveillance unique sera suivie de celle du Mécanisme de résolution unique ainsi que du système de garantie des dépôts.

Le Mécanisme de surveillance unique : premier pilier de l'union bancaire

Le premier pilier de l'Union bancaire, entré en vigueur le 4 novembre 2014, est le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU) ; sa création se fonde sur l'article 127 point 6 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) qui dispose : « Le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à une procédure législative spéciale à l'unanimité, et après consultation du Parlement européen et de la Banque centrale européenne, peut confier à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers, à l'exceptions des entreprises d'assurance ».

Cet article permet de confier à la BCE des fonctions relatives au contrôle prudentiel des banques. Sur

1Considérant 32 du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

5

ce fondement sera adopté le règlement UE n°1024/2013 du 15 octobre 2013 (règlement MSU) confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit.

L'article premier de ce règlement rappelle les raisons de la création du MSU, à savoir « contribuer à la sécurité et à la solidité des établissements de crédit et à la stabilité du système financier au sein de l'Union et dans chaque Etat membre ». Le guide relatif à la surveillance bancaire paru en septembre 20142 énonce encore plus clairement les trois principaux objectifs du MSU ; garantir la sauvegarde et la solidité du système bancaire européen, accroître l'intégration et la stabilité financières et assurer une surveillance cohérente. Le règlement de 2013 voit même le MSU comme capable de « jeter les bases de la reprise économique »3

Le règlement MSU définit le Mécanisme de surveillance unique comme « le système de surveillance financière composé de la BCE et des autorités compétentes nationales des Etats membres participants »4. Il est d'ores et déjà opportun de préciser que le MSU est un mécanisme qui n'est pas seulement lié aux institutions européennes mais qui comprend également les autorités nationales en son sein. Il serait erroné de voir le MSU comme émanant uniquement de la Banque centrale européenne. Il conviendra donc de distinguer la fonction de surveillance prudentielle de la BCE et le Mécanisme de surveillance unique qui est composé de la Banque centrale mais également des autorités nationales des États membres.

Le fait que la Banque centrale devienne l'autorité de supervision offrira une meilleure application des règles au sein des États participants tout d'abord parce que cela permettra une surveillance plus neutre se détachant des considérations nationales5. Cela devrait également mettre un terme à la pratique consistant à tirer avantage des différences en termes d'application des règles harmonisées et de contrôles par les différentes autorités nationales . En effet, certaines autorités étaient plus aux moins intrusives, contrôlaient plus ou moins souvent les établissements de crédit6. Néanmoins, certains Etats ne participeront pas au MSU, la Grande-Bretagne par exemple, connue pour son autorité de régulation permissive. Les établissements de crédit continueront donc à bénéficier de certaines différences entre États participants et non-participants. De plus, certains domaines de la régulation bancaire demeureront aux mains des Etats membres (lutte contre le blanchiment d'argent par exemple). Pour

2Guide relatif à la Surveillance bancaire (septembre 2014)

3Considérant 2 du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

4Article 2(9) du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

5The single supervisory mechanism or «SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch

6L'Unione Bancaria Europea Intervento di Carmelo Barbagallo

6

tous ces sujets, subsisteront des divergences juridiques.

Le règlement de 2013 n'était pas suffisant car les questions de répartition des compétences entre autorités nationales et Banque Centrale Européenne n'étaient pas assez précisées. C'est la raison pour laquelle a été pris le règlement du 16 avril 2014 établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la BCE, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (« règlement-cadre MSU »).

L'organe de la BCE s'occupant de la surveillance prudentielle est le conseil de surveillance prudentielle dont Mme Danièle Nouy a été nommée présidente le 16 décembre 2013.

Selon Mario Draghi, le Mécanisme de surveillance unique est « né de l'engagement des Etats européens d'accélérer l'intégration ; un engagement dont les racines sont liées à nos idéaux de paix, de sécurité et qui transcendent nos différences nationales respectives »7.

Pour le ministre allemand des finances, Wolfang Schäuble ; « les autorités purement nationales ne peuvent plus surveiller de manière suffisante les grandes banques transfrontalières ». Il s'est ainsi félicité de la prise en charge, par la BCE de la surveillances des grands établissements financiers européens8.

Le président du Parlement européen, Martin Schultz pense que la mise en place d'un mécanisme de surveillance unique impliquant la Banque Centrale Européenne (BCE) est une étape cruciale de la création de l'Union bancaire. Il est, selon lui, fondamental d'unifier la supervision des banques européennes au vu du fait que les marchés financiers sont transfrontaliers9.

Le MSU est également très lié au Mécanisme européen de stabilité (MES) puisqu'il était convenu depuis 2012 que le MES aurait la possibilité de recapitaliser directement les banques, après une décision ordinaire, lorsqu'un mécanisme de surveillance unique impliquant la BCE aura été créé.

Le 8 décembre 2014, le conseil des gouverneurs du mécanisme européen de stabilité a adopté l'instrument de recapitalisation directe des banques10. Auparavant, le MES ne pouvait prêter de l'argent qu'à l'État de l'établissement de crédit concerné.

7Europe's pursuit of 'a more perfect Union' Lecture by Mario Draghi, President of the ECB

8 http://www.allemagne.diplo.de/Vertretung/frankreich/fr/ pr/nq/2014-11/2014-11-05-bce-pm.html
9Schulz on the Single Supervisory Mechanism Brussels- 04-11-2014

10Revue Banque n°779 numéro double 779-780 : Rétrospective 2014-Prospective 2015

7

Deux autres piliers qui seront analysés successivement sont au coeur de l'Union bancaire.

Un Mécanisme de résolution unique et un Système de garantie des dépôts

Le mécanisme de surveillance unique n'est pas le seul pilier de l'Union bancaire, il devrait y avoir également un mécanisme de résolution unique ainsi qu'un système de garantie des dépôts.

Le mécanisme de résolution unique (MRU) devrait concerner les mêmes établissements de crédit que le MSU. Le mécanisme entrera en jeu si, malgré la supervision unique, une banque faisait faillite. Le MRU assurera une résolution efficace. Il devrait comporter un Conseil de résolution unique pour la gestion des procédures de résolution des banques ainsi qu'un Fonds de résolution unique dont le financement serait assuré par le secteur bancaire. Il entrera en vigueur à partir de 2016. Il a déjà fait l'objet d'un règlement européen du 15 juillet 2014 (806/2014) établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de résolution bancaire unique. Le 19 décembre 2014, le Conseil a nommé les membres permanents du Conseil de résolution11.

L'autre pilier concerne la garantie des dépôts à hauteur de 100 000 euros en cas de faillite bancaire. Ce pilier permettra d'éviter les retraits massifs de dépôts et d'empêcher leurs effets néfastes sur l'économie. Le système de garantie des dépôts fait l'objet d'une directive 2014/49/UE publiée au journal officiel de l'Union européenne le 12 juin 2014.

Il conviendra de s'intéresser plus particulièrement au Mécanisme de Surveillance Unique et aux questions qu'il pose, notamment dans les relations avec les autorités nationales des Etats membres. Cependant, auparavant, d'autres interrogations émanent de la création du MSU, tout d'abord au sein même de l'Union européenne. C'est pourquoi il faudra, en premier lieu, évoquer la question de l'indépendance de la Banque centrale européenne dans le cadre de ses nouvelles missions issues du règlement de 2013.

L'Indépendance de la BCE dans les missions de surveillance prudentielle

La question de la séparation des missions de politique monétaire et des missions de surveillance prudentielle ne se serait sans doute pas posée s'il avait été possible de confier ces dernières à une autre

11Commission européenne - Communiqué de presse, L'union bancaire de l'UE est sur les rails : le Conseil nomme les membres permanents du conseil de résolution unique et adopte la méthode de contribution des banques aux fonds de résolution, 19 décembre 2014

8

autorité que la Banque centrale.

L'impossibilité de confier la surveillance prudentielle à une autre autorité

La surveillance prudentielle unique a été confiée à la Banque Centrale Européenne, ce choix n'est pas sans poser de nombreuses questions. Tout d'abord, il faut se demander s'il s'agit d'un choix opportun ou d'un choix par défaut.

Selon un arrêt du 13 juin 1958 de la Cour de Justice des Communautés Européennes ; « l'autorité déléguante ne peut investir l'autorité délégataire de pouvoirs différents de ceux qu'elle-même a reçus du traité. La délégation d'un pouvoir discrétionnaire à des autorités différentes de celles qui ont été établies par le traité pour en assurer et en contrôler l'exercice dans le cadre de leurs attributions respectives porterait atteinte à la garantie résultant de l'équilibre des pouvoirs »12.

Ainsi il était difficile de confier à une autre autorité que la BCE les missions de surveillance prudentielle. En effet, l'article 127 (6) du TFUE dispose que le BCE peut se voir confier des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit et autres établissements financiers. La possibilité pour la BCE d'exercer des missions de surveillance prudentielle était donc prévue par le traité et ne se heurtait pas à l'arrêt Meroni sus-cité.

De plus, le service juridique du Conseil a déclaré que le Traité, bien qu'autorisant une telle délégation de pouvoir à la BCE, l'exercice de cette dernière ne devait pas altérer de façon trop sensible le pouvoir décisionnaire de la Banque centrale européenne. De telle sorte que le dernier mot doit revenir au Conseil des gouverneurs13.

Cependant, récemment, la Cour de Justice de l'Union européenne a rendu une décision susceptible de modifier la portée de la « doctrine Meroni »14. D'après cet arrêt du 22 janvier 2014, elle a décidé que le régime de la délégation de pouvoir est différent selon que l'autorité délégataire soit de droit privé ou de droit public. En l'espèce l'autorité délégataire était l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), « entité de l'Union créée par le législateur de cette dernière ». Elle a ensuite précisé, dans le cas de l'AEMF, que les pouvoirs dont dispose cette dernière sont encadrés de façon précise et sont susceptibles d'un contrôle juridictionnel au regard des objectifs fixés par l'autorité déléguante et qu'ils

12Arrêt de la Cour du 13 juin 1958. Meroni & Co., Industrie Metallurghiche, società in accomandita semplice contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier. Affaire 10-56

13Avis juridique (9 octobre 2012, 14752/12) non publié

14Arrêt de la Cour (grande chambre) du 22 janvier 2014 : Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne. Affaire C-270/12

9

n'impliquent pas que l'AEMF est investie d'un large pouvoir discrétionnaire incompatible avec le traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne TFUE.

Par conséquent, au vu de cet arrêt, le pouvoir de surveillance prudentielle n'aurait-il pas pu être délégué à une entité de l'Union autre que la BCE ? Par exemple l'Autorité bancaire européenne, qui semblait mieux adaptée à ces missions. En outre, les questions relatives à la séparation entre les missions de surveillance et de politique monétaire propres à la BCE ne se seraient pas posées. Peut-être aurait il fallu conférer les pouvoirs de surveillance à l'ABE en les encadrant suffisamment de manière à ce qu'ils ne soient pas incompatibles avec les dispositions du TFUE.

La Commission était consciente des contraintes que faisait peser le TFUE sur la création du MSU. Dans une communication du 28 novembre 2012 « Projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie », elle a déclaré qu'il était possible de songer à une modification de l'article 127 §6 du TFUE15. Ce n'est toutefois pas le choix qui a été fait. Se posent donc des interrogations relatives à l'indépendance de la BCE. Les choix de cette dernière ayant trait aux missions de surveillance seront-ils influencés par ses compétences d'origine concernant la politique monétaire ? Quels dispositifs le règlement MSU a t-il mis en place pour contrer une confusion qui serait néfaste et réduirait substantiellement la qualité de la surveillance prudentielle unique ?

Le système envisagé par le règlement MSU a du mal à convaincre, il est prévu que les décisions relatives aux questions de surveillance prudentielle soient préparées par un conseil de surveillance et soumises ensuite au Conseil des gouverneurs, qui aurait le pouvoir de rejeter la décision. Cependant, il convient de rappeler que le Conseil des gouverneurs décide également des questions de politique monétaire. Cela peut sembler contraire au principe de séparation des pouvoirs souhaité et indispensable.

Le règlement MSU a fait de la question de la séparation des pouvoirs un point crucial en affirmant clairement que les deux missions de la BCE « devraient (...) être exécutées de manière totalement séparée afin de prévenir les conflits d'intérêts et de faire en sorte que chacune des missions soit exercée conformément aux objectifs applicables »16.

Il est donc impératif de s'intéresser à l'examen concret des solutions mises en place pour assurer une

15« Some of the instruments can be adopted within the limits of the current Treaties. Others will require modifications of the current Treaties and new competences for the Union ».

16Considérant 65 du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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séparation efficace entre les missions de surveillance et de politique monétaire.

La séparation des missions de surveillance et de politique monétaire

Le règlement MSU prévoit un article spécifique17 sur la séparation des différentes missions au sein de la BCE. Il est prévu que « la BCE s'acquitte des missions que lui confie le présent règlement sans préjudice de ses missions de politique monétaire et de toute autre mission et séparément de celles-ci . Les missions que le présent règlement confie à la BCE n'empiètent pas sur ses missions en rapport avec la politique monétaire et ne sont pas influencées par celles-ci ». Cette affirmation n'est qu'un principe et ne nous donne aucune information concrète sur la séparation des missions de la BCE.

Il faut lire la suite de l'article pour avoir un aperçu de la méthode suivie par le règlement afin de réaliser une séparation effective : « le personnel chargé des missions confiées à la BCE par le présent règlement relève d'une structure organisationnelle distincte et de lignes hiérarchiques séparées de celles dont relève le personnel chargé d'autres missions confiées à la BCE ». Ici, il est possible de comprendre que les missions relatives à la surveillance prudentielle relèveront d'une organisation séparée. Comment sera mise en place cette séparation ? s'agit-il d'une séparation seulement organisationnelle ou également géographique ?

Il se trouve que le conseil de surveillance sera basé à Francfort, en Allemagne tout comme les autres organes de la BCE. Il devrait donc s'agir d'une séparation fonctionnelle. Quant aux lignes hiérarchiques distinctes, les termes sont assez peu compréhensibles puisque le conseil des gouverneurs sera amené à se prononcer sur les décisions préparées par le conseil de surveillance. Il est donc difficile de distinguer une différence dans la hiérarchie selon la mission exécutée par la BCE.

L'article semble expliciter la notion de lignes hiérarchiques distinctes dans son paragraphe 4 : « la BCE fait en sorte que le fonctionnement du conseil des gouverneurs soit totalement différencié en ce qui concerne les missions de politique monétaire et les missions de surveillance. A cette fin il convient de prévoir notamment des réunions et des ordres du jour strictement séparés ». Le Conseil des gouverneurs devrait donc adopter un fonctionnement différent lorsqu'il évoque les questions de surveillance prudentielle. Il est possible de penser que la séparation des réunions et des ordres du jour n'aura que peu d'influence sur la possibilité qu'auront les gouverneurs d'influer sur la surveillance prudentielle. Concrètement, rien n'empêche véritablement les gouverneurs de s'appuyer sur les décisions en matière de politique monétaire pour décider de refuser une décision préparée par le

17Article 25 du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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conseil de surveillance. Ce seront les mêmes personnes qui devront décider de questions portant tant sur les missions de surveillance que sur les missions de politique monétaire.

L'instrument qui semble le plus efficace, prévu par le règlement MSU, afin de garantir l'indépendance de la BCE dans sa fonction de surveillance, est en réalité le comité de médiation censé régler les divergences de vues exprimées par les autorités compétentes des Etats membres participants concernés quant à une objection du conseil des gouverneurs à l'égard d'un projet de décision du conseil de surveillance. Ce comité inclura un membre par État membre participant choisi parmi les personnes composant le Conseil des gouverneurs et le conseil de surveillance. Son président sera le vice président du conseil de surveillance prudentielle et ne sera pas membre du comité, il devra favoriser l'équilibre entre le nombre de membres du Conseil des gouverneurs et le nombre de membres du conseil de surveillance prudentielle. Ce comité statuera à la majorité simple, chaque membre disposant d'une voix18. Il faudra examiner dans quelle mesure les décisions de ce comité de médiation contraindront le Conseil des gouverneurs à revoir sa position. S'il s'agit d'un simple avis, il est ici aussi possible d'émettre des doutes sur la séparation effective des missions de surveillance prudentielle et de politique monétaire. Il semblerait que la médiation consiste simplement en une discussion avec la Banque centrale européenne aux fins d'établir une solution. Par conséquent, le conseil des gouverneurs pourrait de toute façon passer outre la solution proposée par le comité de médiation.

Le seul recours contre la décision du conseil restera donc la Cour de Justice.

Selon certains auteurs19, la procédure de médiation ne pourrait être mise en oeuvre qu'en cas d'objection du conseil des gouverneurs relative à des questions de nature monétaire. Comment sera définie l'objection de nature monétaire ? Si cette dernière est définie trop strictement, il deviendra compliqué de saisir le comité de médiation et cela affaiblira encore plus l'indépendance de la BCE dans sa fonction de surveillance.

Il aurait certainement été préférable de pousser plus loin la séparation des fonctions de surveillance et de politique monétaire. Par exemple en séparant géographiquement les organes chargés de chacune des missions. Malheureusement, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne interdit de confier le pouvoir décisionnaire à un autre organe que le Conseil des gouverneurs. Néanmoins, il aurait peut être fallu approfondir la réflexion relative à la modification du traité car tant que le conseil

18Article 25(5) du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

19The single supervisory mechanism or «SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch

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aura le mot final sur les deux piliers de la Banque centrale européenne il sera difficile de parler de réelle indépendance malgré toutes les affirmations de principe du règlement. Les mesures organisationnelles mises en place, notamment la séparation des organes de « préparation » des décisions, ne garantissent pas une totale autonomie de la fonction prudentielle de la BCE.

Le 17 septembre 2014, la Banque Centrale Européenne a toutefois rendu une décision relative à la mise en oeuvre de la séparation des fonctions de politique monétaire et de surveillance prudentielle de la Banque centrale européenne20. Cette décision traite particulièrement du secret professionnel et de l'échange d'information entre les deux domaines fonctionnels. Selon cette décision : « la BCE garantit des procédures décisionnelles indépendantes pour ses misions de surveillance prudentielle et de politique monétaire »21. Elle vient rappeler également que le personnel participant à l'exécution de missions de surveillance prudentielle est différent de celui participant aux autres missions confiées à la BCE. Il est intéressant de noter que le personnel relatif à la surveillance, dans le cadre de ses missions, dépend hiérarchiquement du président et du vice-président du conseil de surveillance prudentielle22. Cela explique peut être la notion de lignes hiérarchiques distinctes sus-citée. Cela ne résout cependant pas le problème d'absence d'indépendance car le personnel sera, certes, indépendant dans la préparation de la décision, cependant cette décision devra tout de même être soumise au conseil des gouverneurs qui aura le pouvoir d'émettre une objection.

A propos du secret professionnel, cette décision de la BCE précise que « l'échange d'informations confidentielles entre les deux domaines fonctionnels est soumis aux règles de gouvernance et de procédure fixées à cette fin et au besoin d'être informé, lequel est prouvé par le domaine fonctionnel de la BCE qui fait la demande »23. Les conflits relatifs à l'accès à l'information seront réglés par le directoire24. Il est également prévu qu'aucun des deux domaines fonctionnels ne divulgue d'informations contenant des évaluations ou recommandations à l'autre domaine fonctionnel, sauf sur demande25. Ces dispositions relatives à l'échange d'informations sont primordiales pour préserver un minimum d'indépendance entre les deux structures organisationnelles, il ne faudrait pas qu'une des structures puisse influencer l'autre en lui indiquant, même de manière non-coercitive, une façon de fonctionner. Comme l'exige le règlement MSU, la BCE devra compléter ses règles internes afin de

20Décision de la Banque Centrale Européenne du 17 septembre 2014 relative à la mise en oeuvre de la séparation des fonctions de politique monétaire et de surveillance prudentielle de la Banque centrale européenne (BCE/2014/39) (2014/723/UE)

21Article 3(1) de la Décision de la Banque Centrale Européenne du 17 septembre 2014 (BCE/2014/39) (2014/723/UE) 22Article 3(3) de la Décision de la Banque Centrale Européenne du 17 septembre 2014 (BCE/2014/39) (2014/723/UE) 23Article 5(2) de la Décision de la Banque Centrale Européenne du 17 septembre 2014 (BCE/2014/39) (2014/723/UE) 24Article 5(3) de la Décision de la Banque Centrale Européenne du 17 septembre 2014 (BCE/2014/39) (2014/723/UE) 25Article 6(2) de la Décision de la Banque Centrale Européenne du 17 septembre 2014 (BCE/2014/39) (2014/723/UE)

13

garantir la séparation entre les deux fonctions26.

Pour conclure sur l'indépendance de la Banque centrale européenne dans ses fonctions de surveillance, il faut tout d'abord saluer le fait que le Conseil des gouverneurs ne dispose que d'une possibilité d'objection envers les projets de décisions qui lui sont soumis par le conseil de surveillance. Il est heureux que le Conseil ne puisse faire de propositions de modifications de la décision. En outre, le règlement MSU prévoit également que les représentants de la BCE au sein du conseil de surveillance n'ont pas de « fonctions en rapport direct avec les fonctions monétaires de la BCE »27. Au delà de ces deux points positifs, il reste encore beaucoup d'améliorations à prévoir pour garantir une séparation effective. Devenir une autorité de surveillance prudentielle ne s'improvise pas et les débats qui ont remis en cause l'indépendance réelle des autorités nationales ne devraient pas épargner la Banque centrale européenne dans son rôle de régulateur des établissements de crédit.

Avant d'aborder les relations entre les autorités nationales et la Banque centrale européenne, il convient de s'intéresser aux conséquences, internes aux institutions de l'Union européennes, qu'aura le Mécanisme de surveillance unique.

La BCE n'est pas la seule institution européenne ayant des compétences en matière bancaire, il faut donc examiner les conséquences du MSU sur le rôle de l'Autorité bancaire européenne (ABE).

Les conséquences de la création du MSU sur l'Autorité bancaire européenne

*

Le règlement insiste sur la nécessaire coopération entre la BCE et les autres institutions européennes ayant des compétences en matière bancaire et financière. Ainsi « la BCE devrait (...) être tenue de coopérer étroitement avec l'ABE, l'AEMF et l'AEAPP, le comité européen du risque systémique (CERS) et les autres autorités qui font partie du SESF »28. Le règlement parle ainsi d'un devoir de coopération. Il s'agit donc d'une obligation imposée à la BCE dans le cadre de ses missions de surveillance prudentielle.

L'ABE est sans doute la plus concernée par la mise en place du Mécanisme de Surveillance Unique, elle a pu craindre une diminution de ses compétences au profit de la BCE, cependant, le règlement

26Article 25(3) du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 27Article 26(4) du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 28Considérant 31 du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

14

MSU affirme, dans son considérant 31 que : « la BCE devrait remplir ses missions (...) sans préjudice des compétences et des missions incombant aux autres participants dans le cadre du SESF ». L'ABE, faisant naturellement partie du système européen de surveillance financière (SESF), est donc concernée par ces dispositions et ne devrait normalement pas perdre de compétences.

Le devoir de coopération entre la BCE et les autres autorités faisant partie du SESF est réaffirmé à l'article 3 du règlement MSU29.

Le règlement MSU comporte diverses illustrations de mise en oeuvre concrète de ce devoir de coopération. Par exemple dans les contrôles prudentiels nécessitant la réalisation de tests de résistance : « La BCE est (...) compétente pour exercer (...) les missions suivantes (...) : mener des contrôles prudentiels, y compris, le cas échéant en coordination avec l'ABE, par la réalisation de tests de résistance et leur publication éventuelle »30. Cette disposition a, en réalité, déjà eu l'occasion d'être mise en oeuvre car préalablement à la mise en place du MSU, un processus d'évaluation approfondie des banques a été mené par la BCE et l'ABE en trois phases : une analyse préliminaire du profil de risque des banques, un examen de la qualité des actifs et enfin un « stress test ». Au cours de cette procédure, la BCE et l'ABE ont du coopérer étroitement. En effet, chacune de ces institutions a des compétences spécifiques en matière de test de résistance, la Banque centrale européenne peut entreprendre un test individuel de chaque établissement de crédit sur la base des compétences qui lui sont conférées par le règlement MSU tandis que l'ABE a la capacité d'engager un test de résistance global à l'échelle de la zone euro indépendamment des tests réalisés par la BCE. Toutefois, la Cour des comptes européennes estime « qu'il existe une ambiguïté quant à l'entité qui assume la responsabilité globale de ces tests »31.

La coopération entre la BCE et l'ABE sera également nécessaire au sein des collèges d'autorité de surveillance notamment en raison de la possibilité pour la BCE de conclure des accords avec des Etats qui ne participent pas au MSU portant sur la surveillance prudentielle des banques. Le règlement MSU évoque la conclusion d'accords avec les autorités de surveillance des pays tiers et rappelle que ceux ci devront respecter les compétences de l'ABE32.

29La BCE coopère étroitement avec l'ABE, l'AEMF, l'AEAPP, le Comité européen du risque systémique (CERS) et les autres autorités qui font partie du SESF, qui assurent un niveau adéquat de réglementation et de surveillance dans l'Union

30Article 4(1)f) du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

31Rapport spécial « La surveillance bancaire européenne prend forme -L'ABE évolue dans un contexte mouvant » FR 2014 n°05 Cour des comptes européenne

32Considérant 80 du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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Au delà de ce devoir de coopération, il existe également une obligation d'information de la BCE envers l'ABE prévu par le règlement cadre de 2014 : « La BCE informe l'ABE de toutes les sanctions administratives (...) qui sont infligées à une entité soumise à la surveillance prudentielle dans un État membre de la zone euro, y compris de tout recours relatif à ces sanctions et son issue »33.

La Cour des comptes européenne a émis des doutes sur la réalité de l'absence de chevauchement de compétences entre l'ABE et la BCE, elle s'est interrogée sur le futur rôle de l'ABE dans la surveillance des banques et a clairement recommandé une « séparation claire des rôles et des responsabilités de l'ABE, de la BCE et des ANS ».

La commission a ensuite répondu à la Cour des comptes européenne en estimant que le rôle de l'ABE et de la BCE est « clairement défini dans les règlements correspondants ». Elle n'a cependant pas donné d'éléments probants qui garantissent une réelle distinction des compétences de chacune de ces institutions et s'est contentée de rappeler les affirmations de principe concernant notamment le devoir de coopération34.

Malgré tout, il ne faut pas exagérer l'éventuelle superposition de compétences entre ces deux institutions, l'Autorité bancaire européenne n'est pas une autorité de régulation et n'a aucun pouvoir coercitif direct sur les banques, elle ne peut que coordonner l'action des diverses autorités nationales.

La question qui se pose est de savoir si la BCE sera considérée comme une autorité nationale dans le cadre du rôle normatif que continuera d'avoir l'ABE.

*

L'Autorité Bancaire Européenne a un rôle important d'élaboration de normes : « L'ABE est chargée d'élaborer des projets de normes techniques, ainsi que des orientations et des recommandations, en vue d'assurer la convergence de la surveillance et la cohérence des résultats de la surveillance dans l'ensemble de l'Union »35. Dans cette fonction, elle pourra être assistée de la BCE. Selon le règlement MSU, elle pourra par exemple attirer l'attention sur la nécessité de proposer à la commission des projets de normes modifiant celles déjà en vigueur36. L'ABE est également en charge de la conception

33Article 133 du Règlement (UE) n°468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

34Rapport spécial « La surveillance bancaire européenne prend forme -L'ABE évolue dans un contexte mouvant » FR

2014 n°05 Cour des comptes européenne

35Considérant 32 du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

36Article 4(3) du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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du règlement uniforme. Encore une fois, le règlement MSU affirme le maintien des compétences de l'ABE en ce que la BCE ne pourra s'y substituer dans l'exercice de ses misions de surveillance. Pourtant, l'article 132 du TFUE donne pouvoir à la BCE d'adopter des règlements. Comment le pouvoir réglementaire de la BCE s'articulera-t-il avec le rôle normatif de l'ABE ?

Le rôle réglementaire de l'Autorité Bancaire Européenne ne sera pas affecté par la mise en place du Mécanisme de surveillance unique. Cette affirmation est rappelée dans le règlement de 2013 modifiant le règlement instituant une Autorité européenne de surveillance en ce qui concerne des missions spécifiques confiées à la Banque centrale européenne en application du règlement n°1024/201337.

La Cour des comptes européennes signale cependant que la BCE travaille aussi sur des manuels de surveillance et qu'il faudrait clarifier les aspects couverts par chacun de ces manuels. Elle pointe du doigt le risque de règles contradictoires ou confuses.

Malgré tout, les dispositions du règlement MSU semblent claires ; si la BCE peut adopter des orientations, recommandations et arrêter des décisions, elle reste soumise, dans cet exercice « aux normes techniques contraignantes de réglementation et d'exécution élaborées par l'ABE et adoptées par la Commission (...) et aux dispositions (...) relatives au manuel de surveillance européen élaboré par l'ABE »38.

Un point reste cependant en suspens à propos de la possibilité, pour la BCE, d'adopter des règlements, prévue par le règlement MSU : il n'est pas spécifié que ceux-ci devront respecter les normes techniques élaborées par l'ABE mais simplement qu'ils ne pourront être pris que « dans la mesure où cela s'avère nécessaire pour organiser ou préciser les modalités de l'accomplissement des missions qui lui sont confiées par le règlement ». En réalité ces règlements ne devraient pouvoir violer les normes de l'ABE puisque se limitant à l'organisation des missions confiées à la BCE par le règlement MSU, ce dernier garantissant lui même l'absence d'interférence de ces missions de surveillance avec celles de l'ABE. A condition toutefois que la BCE interprète strictement l'article lui octroyant ce pouvoir réglementaire.

Tout porte à croire que la BCE sera tenue de respecter les normes techniques élaborées par l'ABE ainsi que son manuel de surveillance européen. Il est opportun qu'il en soit ainsi car ce serait conférer

37Considérant 4 du Règlement (UE) n°1022/2013 du 22 octobre 2013

38Article 4(3) du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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un pouvoir trop important à la Banque centrale que de l'affranchir de règles auxquelles sont soumises les autorités nationales de surveillance. De plus la possibilité, pour la BCE, de bénéficier d'un pouvoir de réglementaire général aurait réduit l'équilibre entre les compétences de cette dernière et celles de la Commission européenne et de l'Autorité bancaire européenne.

Enfin, l'ABE exercera les mêmes missions sur la BCE que celles qu'elle exerce sur les autorités de surveillance des Etats membres. Cette solution a été confirmée par le règlement du 22 octobre 2013. Cette décision est logique, il aurait été étrange que la BCE, nouvelle autorité de supervision unique, ne soit pas soumise à l'ABE, en particulier dans les contextes de règlement des différends entre autorités de régulation. L'ABE continuera d'être compétente, en conséquence, en cas de conflit entre la BCE et une autorité nationale d'un Etat membre non-participant par exemple39.

Sur certains points, la Banque centrale européenne aura même moins de prérogatives que les autres autorités nationales puisque dans la composition du conseil des autorités de surveillance, il est prévu, certes, un représentant de la Banque centrale européenne nommé par le conseil de surveillance, mais ce dernier ne pourra prendre part au vote contrairement au directeur de chaque autorité publique nationale compétente « pour la surveillance des établissements financiers dans chaque État membre »40. Il peut paraître étonnant que la BCE n'ait pas le droit de vote alors même qu'elle est désormais l'autorité de régulation pour la majorité des Etats membres de l'Union européenne. Cela peut poser problème puisqu'il était prévu dans le règlement portant sur l'ABE, avant sa modification en 2013, que les membres du conseil des autorités de surveillance n'ayant pas le droit de vote ne pouvaient pas assister aux discussions portant sur des établissement financiers individuels41. Or, la BCE, dans sa fonction de surveillance prudentielle est directement intéressée par ces questions. Fort heureusement, la modification du règlement a introduit une exception et il est désormais prévu que : « Les membres ne prenant pas part au vote et les observateurs, à l'exception du président, du directeur exécutif et du représentant de la Banque centrale européenne nommé par son conseil de surveillance, n'assistent pas aux discussions du conseil des autorités de surveillance portant sur des établissements financiers individuels »42.

Les craintes de l'ABE de voir ses compétences s'amoindrir en raison de l'apparition du Mécanisme de surveillance unique ne semblent pas fondées. En réalité l'ABE aura substantiellement les mêmes

39Considérant 12 du Règlement (UE) n°1022/2013 du 22 octobre 2013

40Article premier(21)a) du Règlement (UE) n°1022/2013 du 22 octobre 2013

41Article 44(4) du Règlement (UE) n°1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire

européenne)

42Article premier(24)b) du Règlement (UE) n°1022/2013 du 22 octobre 2013

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pouvoirs sur la BCE que ceux qu'elle a exercé jusqu'à présent sur les différentes autorités nationales des Etats membres. Au moins, les inquiétudes de l'ABE auront eu le mérite de faire réagir le législateur européen qui a affirmé à de nombreuses reprises, que ce soit dans le règlement MSU ou dans le règlement modifiant le règlement instituant l'ABE, que les nouvelles compétences de la BCE n'empièteront pas sur les missions dévolues à l'Autorité bancaire européenne.

*

La création du MSU a donc posé de nombreuses questions, tout d'abord au sein même de la BCE puis au regard des autres institutions de l'Union européenne ; il est désormais essentiel de se consacrer au coeur du fonctionnement du MSU : les relations entre les autorités nationales et la Banque centrale européenne.

Le règlement MSU définit l'autorité nationale comme « une autorité compétente nationale désignée par un Etat membre participant conformément au règlement (UE) n°575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et à la directive 2013/36/UE »43. La définition nous renvoie donc à d'autres dispositions qui définissent l'autorité nationale comme une autorité publique ou un organisme officiellement reconnu par le droit national, qui est habilité en vertu du droit national à surveiller les établissements dans le cadre du système de surveillance existant dans l'État membre concerné44.

Les autorités nationales qui rentreront dans le cadre du Mécanisme de surveillance unique seront donc celles des Etats membres participants habilitées à surveiller les établissements de crédit de leur zone.

L'État membre participant est soit un État membre dont la monnaie est l'euro, soit un État membre qui n'a pas adopté la monnaie unique mais qui a établi une coopération rapprochée45 avec la BCE. Toutes les autorités des États membres ayant adopté l'euro rentrent de fait dans le fonctionnement du MSU. Ce qui n'exclut pas pour autant les autres États membres qui pourront, par le biais d'une coopération, faire partie du MSU. Même si seront examinées plus tard les différences de régimes substantielles en fonction de l'adoption ou non de la monnaie unique par les États membres participants.

43Article 2(2) du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

44Article 4(1)40) du Règlement (UE) n°575/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 45Article 2(1) du Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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En France, l'autorité compétente nationale sera l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le code monétaire et financier le confirme : « pour la mise en oeuvre du mécanisme de surveillance unique (...) l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est l'autorité compétente nationale pour la France. A ce titre elle assiste la Banque centrale européenne dans l'exercice des missions de surveillance prudentielle qui lui sont confiées »46.

Un exemple d'autorité de régulation qui ne participera pas au MSU serait la « Prudential Regulation Authority » (PRA), autorité de régulation bancaire britannique47. La Grande-Bretagne étant en dehors de la zone euro, elle ne fait pas partie du mécanisme de surveillance unique. De plus, le gouvernement britannique semble avoir refusé l'éventualité même de conclure un accord de coopération rapprochée préférant conserver la souveraineté de son autorité nationale48.

Quelle place auront les autorités nationales au sein du mécanisme de surveillance unique ?

Jusqu'au 4 novembre 2014, les autorités telles que l'ACPR exerçaient une surveillance directe des établissements de crédit situés au sein de leur État. Avec l'entrée en application du MSU, le rôle des autorités nationales sera certainement moins décisif. La BCE devenant l'autorité de supervision unique, elle sera à priori seule compétente pour exercer ses missions à l'égard de toutes les banques situées dans la zone euro. A s'en tenir à cette affirmation, il est possible de se demander quelle utilité continueront d'avoir les autorités de régulation nationale en matière bancaire.

En vérité, le système mis en place est plus complexe qu'une délégation de pouvoirs totale des autorités nationales envers la BCE. Les autorités nationales continueront de jouer un rôle important au sein du MSU. Cependant , la Banque centrale s'est vue conférer un tel pouvoir par les règlements européens qu'il est parfois difficile de croire que les autorités nationales conserveront une influence prépondérante en matière de surveillance prudentielle.

La question se pose donc de savoir si les autorités nationales continueront d'avoir un réel pouvoir de surveillance prudentielle indépendant ou si leur rôle se limitera à l'assistance de la Banque centrale européenne ?

46Article L612-1 du Code monétaire et financier

47The Prudential Regulation Authority's approach to banking supervision June 2014

48«European Union towards the banking union, single supervisory mechanism and challenges on the road ahead« Mandana Niknejad

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Les autorités nationales n'auront parfois aucun rôle décisif à l'égard des établissements de crédit, et cela, quelle que soit la taille et l'importance systémique de ces derniers. En effet le règlement, sur certains points, a conféré une compétence exclusive à la Banque centrale européenne ne laissant qu'un rôle de préparation et d'assistance aux autorités des Etats membres (Partie I). Cependant, dans le cadre du fonctionnement courant du Mécanisme de surveillance unique, il demeure plausible de croire en une réelle compétence des autorités nationales envers certains établissements de crédit ne remplissant pas les critères des règlements les soumettant à la supervision directe de la BCE. Quoique cette dernière affirmation puisse, elle aussi, être remise en question (Partie II).

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Partie I : L'Effacement des autorités nationales dans le cadre des compétences
exclusives de la Banque centrale européenne

La BCE s'est vue conférer, par le règlement MSU, certaines compétences exclusives, la plus parlante d'entre elles est certainement la possibilité d'octroyer et de retirer l'agrément (Section 1). L'agrément bancaire se définit comme un acte émanant des autorités, quelle qu'en soit la forme, qui confère le droit d'exercer l'activité49. L'agrément est donc un élément indispensable pour toute entité souhaitant exercer une activité bancaire. Accorder l'agrément aux établissements de crédit était l'un des rôles fondamentaux des autorités de surveillance nationales. Le retrait d'agrément, quant à lui, est, en quelque sorte, l'arme de dernier recours à l'encontre d'un établissement de crédit ne remplissant plus les conditions de son autorisation.

Au delà de la procédure relative à l'agrément, la BCE s'est vue conférer d'autres compétences exclusives, en matière d'acquisitions de participations qualifiées dans un établissement de crédit et dans le cadre de la liberté d'établissement (Section 2). Ces compétences seront examinées de manière moins approfondie que les compétences relatives à l'agrément, surtout la compétence exclusive de la BCE dans le cadre de la liberté d'établissement qui, au vu des règlements, semble peu claire.

La plupart de ces compétences exclusives sont appelées : « procédures communes » par le règlement cadre de 201450. L'emploi de ces termes signifie bien que les autorités nationales ne seront pas dépourvues de toute fonction. Les autorités nationales continueront, certes, d'avoir un rôle, cependant, ce dernier ne sera quasiment jamais décisif puisque le pouvoir sera entre les mains de la Banque centrale européenne. Il est donc permis de penser que, si le Mécanisme de surveillance unique n'est pas, en lui même, un simple transfert de souveraineté quant à la surveillance prudentielle des établissements de crédit, il est difficile de regarder autrement les compétences exclusives de la BCE.

Section 1 : La modestie du rôle des autorités nationales lors de l'accès à l'exercice de

l'activité bancaire

Il conviendra d'évoquer premièrement la procédure de délivrance de l'agrément (I) qui, tout en ôtant

49Article 4(1)42) du Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) n°648/2012

50Partie V du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (BCE/2014/17).

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le droit pour les autorités nationales d'octroyer une autorisation, leur laisse la possibilité de la leur refuser. Pour ce qui est de la procédure de retrait (II), cette dernière s'analyse comme une interaction entre BCE et autorités nationales qui peuvent toutes deux prendre l'initiative de retirer une autorisation d'exercer. Cependant le retrait effectif nécessitera forcément une intervention de la Banque centrale européenne.

I. L'impossibilité dommageable pour les autorités nationales de délivrer l'agrément indépendamment d'une décision de la BCE

L'octroi de l'agrément sera désormais soumis à une sorte de double autorisation : le candidat à l'obtention de l'autorisation d'exercer l'activité bancaire devra mener la procédure devant les autorités nationales (A) mais la décision d'octroi effectif ne pourra être prise que par la Banque centrale européenne malgré l'opinion favorable que pourraient avoir les autorités nationales sur un dossier leur ayant été soumis (B).

A) Une procédure largement menée par les autorités nationales pouvant aboutir à un rejet de la demande d'agrément

*

Les établissements de crédit ne devront pas soumettre leur demande d'autorisation directement devant la BCE. En effet, les autorités nationales continueront d'être compétentes. Ainsi, par exemple, le code monétaire et financier dispose, même après sa modification liée au MSU, que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) : « est chargée d'examiner les demandes d'autorisations ou de dérogations individuelles qui lui sont adressées »51. La solution a été reprise dans le règlement cadre de 2014 : « l'autorité compétente nationale à laquelle est soumise une demande examine si le requérant satisfait à toutes les conditions d'agrément prévues par le droit national pertinent de l'Etat membre de l'autorité compétente nationale »52. Ce choix de ne pas impliquer tout de suite la Banque centrale européenne peut paraître judicieux. Il aurait été difficile pour la Banque centrale de gérer les procédures de demandes d'agrément de tous les candidats de la zone euro.

Le guide relatif à la surveillance bancaire confirme le fait que les demandes d'agrément sont adressées à l'autorité compétente nationale. Il est, de plus, précisé qu'il s'agit de l'autorité de l'État membre dans

51Article L612-1(II)1° du code monétaire et financier

52Article 74 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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lequel l'entité candidate souhaite s'établir53. Ce renseignement n'est pas sans importance, notamment dans le cas d'un groupe transfrontalier. En réalité le guide ne fait qu'expliquer les dispositions du règlement MSU : « Toute demande d'agrément pour l'accès à l'activité d'un établissement de crédit devant être établi dans un État membre participant est soumise aux autorités compétentes nationales de l'État membre où l'établissement de crédit doit être établi »54.

Les autorités nationales auxquelles le dossier aura été soumis examineront la demande au regard, certes, du droit européen, mais également de leurs droit nationaux respectifs qui sur certains points peuvent varier. En effet, le règlement MSU, lui même, rappelle que « outre les conditions d'agrément des établissements de crédit (...) prévus par le droit de l'Union, les États membres peuvent actuellement prévoir d'autres conditions d'agrément »55. Les examens des demandes risquent de souffrir des différences substantielles entre Etats membres puisque, inévitablement, certains États ajouteront des conditions tandis que d'autres ne le feront pas. En outre, les États, même si les conditions d'octroi de l'agrément sont plus ou moins les mêmes, auront leur propre opinion sur les situations qui leur seront présentées et une entité qui aurait pu obtenir un projet de décision favorable dans un État membre risque de se le voir refuser dans un autre. A cet égard, sans revenir sur le principe qui est de soumettre les demandes d'autorisation à la Banque centrale, peut être faudrait-il exiger des droits nationaux qu'ils aient tous les mêmes conditions d'agrément et interdire d'en greffer davantage. En effet la solution prévue actuellement paraît profondément injuste et une harmonisation totale serait souhaitable.

Les autorités nationales procèderont donc à l'analyse des dossiers et pourront, si elles considèrent que les entités candidates remplissent les conditions de leur droit national, soumettre une proposition favorable à la Banque centrale européenne : « Si le demandeur satisfait à toutes les conditions d'agrément prévues par le droit national de cet Etat membre, l'autorité compétente nationale arrête, dans le délai prévu par le droit national, un projet de décision proposant à la BCE d'octroyer l'agrément »56.

En ce qui concerne le délai, il semblerait que chaque autorité compétente doive se conformer à son droit national. Le règlement cadre vient néanmoins préciser que l'autorité nationale doit notifier la réception de la demande d'autorisation à la BCE dans les quinze jours ouvrables en l'informant du délai dans lequel une décision concernant l'agrément doit être prise et notifiée au requérant

53Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre 2014

54Article 14(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 55Considérant 21 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 56Article 14(2) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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conformément au droit national pertinent. Cela semble indiquer que le délai ne prend pas seulement en compte la partie de la procédure conférée aux autorités nationale mais sa globalité. Par exemple, en France, l'ACPR dispose de 6 mois pour délivrer un agrément à compter de la réception d'un dossier complet57 ; en cas de projet de décision favorable, la décision de la BCE devrait être rendue avant l'expiration de ces 6 mois. Ainsi le règlement cadre prévoit légitimement une période minimale qu'il faut impérativement laisser à la BCE pour qu'elle se prononce sur le projet de décision favorable : « L'autorité compétente nationale veille à ce que le projet de décision d'agrément soit notifié à la BCE et au requérant au moins vingt jours ouvrables avant l'expiration de la période maximale d'examen définie par la législation nationale pertinente »58. La Banque centrale aura donc 20 jours pour se prononcer sur le projet de décision. Ce délai paraît un peu court et ne laissera pas le temps à la BCE de procéder à une analyse détaillée de la demande. Elle devra donc inévitablement se reposer sur le travail des autorités nationales. Se pose alors la question de l'utilité de soumettre tous les octrois d'agrément à la Banque centrale.

La Banque centrale semble pouvoir intervenir dès l'examen des demandes. Le règlement cadre dispose que « si la demande n'est pas complète, l'autorité compétente nationale, soit de sa propre initiative, soit à la demande de la BCE, demande au requérant de fournir les informations supplémentaires requises »59. Cela signifie qu'une fois informée de la réception d'une demande par l'autorité nationale, la Banque centrale peut, dès à présent, considérer que le dossier n'est pas complet et exiger de l'autorité compétente qu'elle requière les documents manquants. Cette possibilité, à ce stade de la procédure, n'est pas souhaitable. L'examen devrait relever exclusivement de la compétence de l'autorité nationale. Si cette dernière considère que le dossier est complet, la BCE ne devrait pouvoir intervenir qu'au moment où elle statue sur l'octroi de l'agrément et non au moment de l'analyse du dossier.

*

Si les autorités nationales ne peuvent plus octroyer l'agrément, elles ont encore la possibilité de ne pas l'accorder. Le règlement cadre précise que « les autorités compétentes nationales rejettent les demandes qui ne remplissent pas les conditions d'agrément prévues par le droit national pertinent »60. Le maintien de la compétence de refus d'agrément aux autorités nationales est opportun. En effet, cela permettra de ne pas surcharger la Banque centrale européenne pour des demandes qui n'auraient eu

57Site de l'ACPR : https://acpr.banque-france.fr/agrements-et-autorisations/procedures-secteur-assurance/agrement-

administratif/delivrance-de-lagrement.html

58Article 76(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

59Article 73(3) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

60Article 75 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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aucune chance d'être acceptées. Cependant, comme évoqué plus haut, en raison des disparités nationales certaines autorités refuseront de délivrer un agrément que d'autres auraient octroyé.

Sans aller jusqu'à rejeter purement et simplement l'agrément, l'autorité nationale pourra proposer à la BCE de limiter l'agrément ou de l'assortir de « conditions particulières visant à préserver l'équilibre de la structure financière de l'entreprise et le bon fonctionnement du système bancaire ». Enfin, elle peut aussi proposer de subordonner l'octroi de l'agrément au respect d'engagements souscrits par l'entreprise requérante61.

Il appartiendra encore à l'autorité nationale de notifier au demandeur d'agrément la décision finale, que ce soit le refus d'octroyer l'agrément, les objections soulevées par la BCE à l'encontre du projet de décision d'agrément ou encore la décision d'agrément prise par cette dernière62.

L'autorité nationale aura donc un rôle tout au long de la procédure et ne sera absente, en réalité, que dans le processus de décision effective de délivrance de l'agrément, autrement dit, au moment le plus important pour l'avenir de l'entité requérante. Seule la BCE a le pouvoir d'accorder le droit, à une entité, d'exercer l'activité bancaire.

B) Une décision positive finale dépendant uniquement de la Banque centrale européenne

La Banque centrale a la possibilité de rejeter un projet de décision favorable (1) sans que ne pèsent, sur cette dernière, de contraintes excessives (2).

1) La possibilité pour la BCE de rejeter un projet de décision favorable soumis par une autorité nationale

Le règlement MSU liste plusieurs tâches pour lesquelles seule la Banque centrale européenne aura compétence : la délivrance de l'agrément est l'une d'entre elles. Toutes les banques seront soumises au même régime, indépendamment de leur taille ou de leur importance financière : « la BCE est, (...) seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l'égard de tous les établissements de crédit établis dans les Etats membres participants (...) : agréer les établissements de crédit »63.

La volonté est claire : l'agrément est considéré par les règlements européens comme un point clé, trop

61Voir : article L511-10 du code monétaire et financier pour le cas de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution 62Article 88(3) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

63Article 4(1)a) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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crucial pour être laissé au choix des autorités compétentes : « L'agrément préalable pour l'accès à l'activité d'établissement de crédit est un dispositif prudentiel clé (...). La BCE devrait, par conséquent, être chargée d'agréer les établissements de crédit souhaitant s'établir dans un Etat membre participant »64. Ce choix marque peut être un manque de confiance dans les autorités nationales. Pourquoi la BCE serait-elle compétente dans le cadre de l'octroi de l'autorisation alors qu'il sera étudié plus tard que pour d'autres domaines, une distinction est faite selon l'importance de la taille des établissements de crédit ? Seuls les plus importants relevant de la compétence directe de la Banque centrale.

Une fois que le projet de décision est soumis à la BCE, celle-ci doit l'examiner au regard du droit de l'Union européenne65. Elle ne peut donc pas prendre en compte les spécificités des différents droits nationaux. Pourtant, l'autorité nationale, avant de soumettre le projet de décision a effectué un examen non seulement au regard des dispositions du droit de l'Union, mais également au regard de son droit national. Il s'agit donc forcément d'un contrôle plus strict. Il est difficile de comprendre l'utilité d'un second contrôle par la Banque centrale qui prendrait en compte moins d'éléments pour l'octroi de l'agrément. En réalité il est prévu par le règlement cadre que « la BCE adopte une décision d'octroi d'agrément si le demandeur satisfait à toutes les conditions d'agrément prévues conformément aux dispositions pertinentes du droit de l'Union et du droit national de l'Etat membre dans lequel le demandeur est établi »66. Doit-on comprendre que la BCE procède à un premier examen n'impliquant que le droit de l'Union dans un premier temps et qu'une fois qu'elle constate que sont remplies les conditions du droit de l'Union, elle procède à l'examen de la conformité de la demande aux dispositions du droit national en question ? Cette interprétation serait très dommageable car la Banque centrale n'est pas la mieux placée pour juger de la conformité au droit national d'un État membre, cela induirait, en plus, des disparités entre les différents droits. Il faut espérer une autre interprétation. Cela pourrait, en effet, vouloir dire que la BCE, dès lors qu'elle reçoit un projet de décision, considère que ce dernier remplit les conditions du droit national. Elle procède donc uniquement à l'examen de la conformité au droit de l'Union. Une fois qu'elle constate que la demande remplit les conditions du droit de l'Union, elle octroie l'agrément sans effectuer de contrôle de conformité au droit national.

Si elle décide d'octroyer ou de refuser l'agrément, la BCE doit notifier sa décision à l'autorité compétente nationale « dans les meilleurs délais »67.

64Considérant 20 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

65Article 14(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

66Article 78(4) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 67Article 88(1)a) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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Existe-t-il des restrictions à la possibilité, pour la BCE, de rejeter un projet de décision favorable ?

2) Les contraintes à la possibilité pour la BCE de rejeter un projet de décision favorable

En général, les raisons du refus d'agrément sont assez similaires : il peut s'agir d'une entité n'ayant pas une base économique assez solide, ou ayant une mauvaise organisation ne lui assurant pas une résistance suffisante face aux risques inhérents à l'activité bancaire, ou encore un personnel ne remplissant pas les conditions d'honorabilité.

La Banque centrale a des contraintes en matière de refus d'agrément, notamment le temps : « le projet de décision est réputé adopté par la BCE si celle-ci ne s'y oppose pas dans un délai maximal de dix jours ouvrables, qui peut, dans des cas dûment justifiés, être prorogé une fois de la même durée »68. La Banque centrale n'a pas un délai illimité pour décider du bienfondé de la demande d'agrément. Elle n'a que dix, voire vingt jours tout au plus pour rendre son verdict. Etait-ce bien nécessaire de confier une tâche d'une telle importance à la BCE ? Il est possible de penser qu'en pratique la BCE n'interviendra que rarement pour contredire un projet de décision favorable. Les autorités nationales disposent de plusieurs mois pour effectuer un test de conformité. Comment la BCE pourra-t-elle examiner sérieusement un dossier en dix jours ? Le risque est qu'elle ne s'occupe que de certains dossiers par manque de temps.

La Banque centrale, si elle refuse l'agrément, doit en communiquer les motifs69 : il est heureux qu'une telle exigence ait été spécifiée. Il serait opportun, également, que la BCE, dans sa motivation, explique, pourquoi elle a décidé de réexaminer tel projet de décision et non pas tel autre afin que son choix s'effectue au regard de critères objectifs et rationnels.

Avant de rendre sa décision de refus d'agrément, la Banque centrale, dès lors qu'elle constate que les conditions ne sont pas remplies, doit donner « au demandeur la possibilité de présenter des observations par écrit sur les faits et les motifs qui sont pris en compte pour l'examen »70. Cette disposition est une garantie nécessaire pour l'entité candidate qui pourra s'expliquer avec la BCE.

En réalité, le temps semble être la seule réelle contrainte de la BCE si elle décide de ne pas octroyer un agrément malgré le projet de décision favorable de l'autorité nationale compétente. Si elle fait preuve de célérité, elle a donc potentiellement le pouvoir de refuser toutes les demandes d'agrément

68Article 14(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

69Même article

70Article 77(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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à l'encontre de la volonté des autorités nationales. Cette solution semble excessive et, en pratique, ne sera sans doute pas mise en oeuvre souvent.

Il est inutile de confier à la BCE un pouvoir d'une telle importance si ce dernier n'est exercé qu'avec parcimonie. Cette compétence pourrait bien n'être que théorique. Il est fort possible que les autorités conservent, de fait, le même pouvoir sur les agréments qu'elles ont eu jusqu'à présent en raison des conséquences de l'absence de réponse de la BCE après dix jours. Si la Banque centrale ne se prononce pas sur le projet de décision après ce délai, il sera considéré comme adopté. L'absence de réaction de la BCE conserverait donc la compétence des autorités nationales. Le rôle de ces dernières qui, au vu des règlements, avait tout d'un rôle d'assistant ou de préparateur, pourrait en fait se révéler bien plus primordial si la Banque centrale ne traite pas promptement les projets de décision qui lui sont soumis.

Une fois l'obtention de l'agrément acquise, il faut continuer à respecter les conditions de l'autorisation durant l'exercice de l'activité bancaire au risque de se la voir retirer. Comment se déroule la procédure de retrait d'agrément dans le cadre du MSU ?

II. L'interaction inéquitable entre les autorités nationales et la banque centrale européenne dans le cadre de la procédure de retrait d'agrément

L'initiative du retrait d'agrément peut être décidée soit par la Banque centrale européenne, soit par les autorités nationales (A) mais la décision finale ne peut être prise que par la BCE même si les autorités de résolution nationales sont susceptibles d'avoir une forte influence sur cette décision (B).

A) Une initiative de retrait d'autorisation partagée entre la Banque centrale européenne et les autorités nationales

Bien qu'étant une compétence exclusive de la Banque centrale européenne, le retrait d'agrément peut être proposé par une autorité nationale (1). Il est néanmoins nécessaire que la Banque centrale dispose, elle aussi de ce pouvoir d'initiative (2), notamment pour des raisons de stabilité du système financier.

1) L'initiative émanant d'une autorité nationale

D'après le règlement MSU : « Lorsque l'autorité compétente nationale qui a proposé l'agrément (...) estime que l'agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce

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sens à la BCE »71. La notion de droit national semble inclure également les dispositions issues du droit de l'Union européenne car il serait difficile d'imaginer que l'autorité nationale puisse décider d'un projet de décision favorable concernant l'octroi d'agrément en s'appuyant sur les règlements européens et qu'elle ne puisse se fonder, pour le retrait, que sur ses dispositions de droit interne sans tenir compte des règlements.

Le règlement cadre confirme la possibilité pour une autorité nationale de proposer à la BCE un retrait d'agrément concernant un établissement de crédit. Elle peut proposer soit un retrait total, soit un retrait partiel72.

En France, cette solution a été actée dans l'ordonnance du 6 novembre 2014 : « Dans le cas où l'établissement est un établissement de crédit, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution demande à la Banque centrale européenne de prononcer le retrait (...) d'agrément »73. L'ACPR continuera d'être pleinement compétente en matière de retrait d'agrément si l'établissement qui se le voit retirer n'est pas un établissement de crédit mais, par exemple, une entreprise d'assurances.

Il est souhaitable que l'autorité nationale puisse proposer un retrait d'agrément à la Banque centrale européenne car elle est certainement la mieux placée pour savoir si les établissements sur lesquels elle a compétence continuent de respecter les conditions de l'autorisation d'exercer. De plus cela permettra de soulager la Banque centrale qui ne peut pas surveiller activement toutes les banques des États de la zone euro. Ainsi ce double pouvoir d'initiative va permettre d'exercer une surveillance rapprochée des banques qui courront le risque de se faire repérer par l'autorité nationale ou la Banque centrale.

2) L'initiative émanant de la BCE

La BCE peut également être à l'initiative du retrait d'agrément sans attendre de proposition quelconque de la part de l'autorité de régulation nationale : « la BCE peut retirer l'agrément de sa propre initiative »74.

Le règlement cadre est plus précis et explique les raisons pouvant amener la BCE à prendre l'initiative de retirer un agrément : « Si la BCE prend connaissance de circonstances qui pourraient justifier le

71Article 14(5) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

72Article 80(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

73Article 2 de l'Ordonnance n°2014-1332 du 6 novembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la

législation au mécanisme de surveillance unique des établissements de crédit

74Article 14(5) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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retrait d'un agrément, elle examine à sa propre initiative si l'agrément doit être retiré conformément au droit applicable de l'Union »75. Le règlement cadre prévoit ensuite que la BCE, lorsqu'elle envisage de retirer un agrément, doit consulter l'autorité compétente de l'État membre dans lequel l'établissement de crédit est établi76.

Il aurait été souhaitable d'avoir plus d'informations sur la notion de circonstances pouvant justifier le retrait d'un agrément. Pour prendre connaissance de ces circonstances, plusieurs solutions sont possibles : soit une information de la part de l'autorité nationale mais auquel cas, il s'agirait d'un retrait à l'initiative de cette dernière, soit une information publique sur le caractère instable d'un établissement de crédit, ou alors la BCE prendrait connaissance de ces circonstances à l'occasion d'une inspection. Dans ce dernier cas, il semblerait, qu'en majorité, seuls les établissements d'une certaine importance soient concernés par ces inspections de la BCE. N'est-ce donc pas une façon d'introduire une distinction selon l'importance de l'établissement de crédit ?

Il est possible de se demander si la BCE exercera souvent ce pouvoir d'initiative ou si elle préfèrera se reposer sur les compétences des autorités nationales. Mis à part dans des situations extrêmes où un établissement de crédit ne respecterait plus les conditions de son agrément de façon notoire, et si l'autorité nationale refuse d'agir, il est difficile d'imaginer la BCE passer du temps à rechercher des informations sur chaque banque en vue de découvrir des éléments pouvant mener au retrait d'agrément. Encore une fois, ce double pouvoir d'initiative semble être assez théorique et ne devrait pas être souvent exercé par la Banque centrale.

Contrairement à la procédure d'agrément qui aurait certainement dû rester entièrement entre les mains des autorités nationales, la possibilité pour la BCE de retirer l'agrément de sa propre initiative est plus opportune. Même si elle sera certainement peu mise en oeuvre, il aurait été préjudiciable qu'une autorité nationale refuse de proposer un retrait d'agrément d'un établissement soumis à sa juridiction pour des raisons de préférence nationale. Ce pouvoir d'initiative de la BCE permet de rationaliser la procédure de retrait d'autorisation. De plus, le fait que l'autorité nationale refuse de soumettre un projet de décision favorable relatif à l'octroi de l'agrément ne fait pas courir de risque au système financier puisque cette décision aura seulement pour effet de ne pas faire rentrer une nouvelle entité bancaire. En revanche la décision de ne pas soumettre un projet de retrait d'agrément pourrait avoir des effets dévastateurs, surtout s'il s'agit d'un établissement de crédit ayant une importance systémique. Sans ce pouvoir d'initiative de la BCE, sa compétence exclusive relative au retrait

75Article 82(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 76Article 82(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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d'agrément aurait été réduite à néant.

B) Une décision relative au retrait d'agrément par la BCE fortement influencée par les autorités de résolution nationales

Les autorités de résolution nationales auront un rôle primordial (2) qui influera sur la compétence exclusive de la BCE en matière de décision de retrait d'agrément(1).

1) La décision de la BCE décidant du retrait d'agrément

Tout comme la délivrance de l'agrément, son retrait est considéré comme « un dispositif prudentiel clé » par le règlement MSU. Seule la BCE doit donc en être en charge77.

La BCE est la seule entité pouvant véritablement prendre la décision de retirer l'agrément d'un établissement de crédit : « La BCE est (...) seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l'égard de tous les établissements de crédit établis dans les Etats membres participants : (...) retirer les agréments des établissements de crédit »78.

Dans la plupart des configurations, comme évoqué plus haut, la BCE devra examiner les projets de décision de retrait d'autorisation qui lui seront soumis par les autorités nationales. A cet égard, le règlement cadre prévoit que la Banque centrale devra les examiner « dans les meilleurs délais »79. Ici, à la différence de la procédure d'octroi de l'agrément, aucun délai précis n'est indiqué. Cela ne permet donc pas de faire jouer la procédure de l'acceptation tacite. Il aurait éventuellement été préférable de prévoir le même dispositif qu'en matière de délivrance de l'agrément. En effet, le fait, pour une entité souhaitant exercer une activité bancaire, de ne pas se voir octroyer l'autorisation n'a pas de conséquences néfastes directes, en revanche, le retrait d'agrément peut parfois être urgent et il est dommage que le règlement ne prévoie pas que le silence de la BCE vaille acceptation de la décision relative au retrait d'agrément. Il est néanmoins prévu, dans le règlement cadre que la BCE « tient notamment compte des raisons avancées par l'autorité compétente nationale pour justifier l'urgence »80. Cependant, cette disposition n'apporte pas beaucoup de précision sur le délai que devrait concrètement respecter la Banque centrale en cas d'urgence.

En réalité, l'absence de délai concret se justifie peut être par les conséquences que peut avoir un retrait

77Considérant 20 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 78Article 4(1)a) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 79Article 81(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 80Même article

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d'agrément : entre autres les transferts d'actifs, les répercussions sur les déposants et les mesures de résolution. En prenant en compte ces éléments, il est alors possible de comprendre la nécessité d'un véritable double contrôle relatif au retrait d'agrément.

Lorsqu'elle examinera des projets de retraits émanant d'une autorité nationale, la BCE devra également « tenir pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l'autorité compétente nationale »81. Le règlement MSU n'est pas très précis. Dans quelle mesure la BCE devra t-elle en tenir compte ? Cette disposition semble instaurer un semblant de coopération entre autorité nationale de surveillance et Banque centrale alors qu'en réalité la BCE procèdera simplement à un second contrôle au regard des exigences qui sont les siennes en matière d'agrément bancaire. Le règlement-cadre n'apporte pas beaucoup d'éléments ajoutant simplement que la BCE devra également tenir compte de la consultation de l'autorité nationale et, si cette dernière n'est pas l'autorité nationale de résolution, de l'autorité nationale de résolution. Enfin, la Banque devra également prendre en considération les « observations présentées par l'établissement de crédit ».82

A ce stade, peu de contraintes se posent à la Banque Centrale européenne lorsqu'elle décide de retirer un agrément. Elle semble bien avoir un pouvoir assez étendu en la matière. Pourtant, les règlements ont accordé aux autorités de résolution nationales un contrepoids leur permettant de peser de façon notable sur la décision de retrait d'agrément.

2) Les autorités de résolution nationales pouvant s'opposer au retrait d'agrément par la BCE

Le retrait d'agrément a, comme il a été évoqué, de sérieuses conséquences et engendre des mesures de résolution. Le mécanisme de résolution unique n'est pas encore effectif, par conséquent, la compétence en matière de résolution bancaire est encore dévolue aux autorités nationales. En France, par exemple, l'ACPR est également l'autorité de résolution.

Dans quelle proportion les autorités de résolution nationales pourront elles influer sur la décision de retrait d'agrément ?

Selon le règlement MSU : « tant que les autorités nationales demeurent compétentes pour soumettre des établissements de crédit à une procédure de résolution » ; elles peuvent soulever des objections à l'encontre de la décision de la BCE pour des raisons précisées par les textes : soit que le retrait nuise

81Article 14(5) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

82Article 83(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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à la mise en oeuvre des mesures nécessaires à la résolution, soit qu'il nuise au maintien de la stabilité financière83.

Le plus surprenant est la conséquence de cette objection : « dans ce cas, la BCE s'abstient de procéder à un retrait pendant une période fixée d'un commun accord avec les autorités nationales »84. L'autorité de résolution a donc le pouvoir de bloquer le retrait d'agrément. Cette disposition donne un rôle primordial à ces autorités.

Il est néanmoins possible de critiquer cette solution sur un point : le règlement ne distingue pas selon l'entité qui a pris l'initiative du retrait d'agrément. Si cette solution se justifie parfaitement lorsque la BCE prend la décision de retirer un agrément de sa propre initiative car elle s'inscrit comme un contrepouvoir et respecte pleinement la souveraineté des autorités nationales ; il est étrange que la solution soit également applicable lorsque les autorités nationales ont pris l'initiative de la décision et ont soumis un projet à la BCE. Dans le cas de la France, par exemple, l'ACPR soumettrait un projet de retrait et pourrait par la suite s'opposer à sa confirmation par la BCE. Même dans les États où les deux autorités sont séparées, il n'est pas souhaitable que l'autorité de résolution s'oppose à un projet émanant de l'autorité de surveillance prudentielle pour des raisons de cohérence nationale.

Bien que ce contrepouvoir apparaisse très avantageux pour les autorités de résolution nationale, il n'est pas absolu.

Il faut analyser ce qu'il se passe après la période convenue « au cours de laquelle la BCE s'abstiendra de procéder au retrait d'agrément ». Selon le règlement cadre, une fois la période passée, la BCE est libre de décider du retrait d'agrément. Mais cet article est un peu ambigu car il y est également écrit à la suite : « si l'autorité de résolution ne soulève pas d'objections à l'encontre du retrait d'agrément, ou si la BCE décide que les mesures nécessaires au maintien de la stabilité financière n'ont pas été mises en oeuvre par les autorités nationales », l'article relatif à la décision de retrait d'agrément s'applique85. La compréhension de cet article n'est pas simple. Il serait possible de croire que l'autorité de résolution nationale pourrait de nouveau s'opposer au retrait à la suite de l'expiration de la période. Mais cette interprétation donnerait un pouvoir trop grand à l'autorité en question. Une autre solution consisterait à penser qu'à la fin de la période concernée, la BCE déciderait si elle considère que les mesures nécessaires ont été ou pas mises en oeuvre par les autorités de résolution. Si elle estime que

83Article 14(5) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

84Même article

85Article 84(2)et(3) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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tel n'est pas le cas, elle aurait alors le pouvoir de prononcer le retrait d'agrément. Cette dernière interprétation domine86 et elle est préférable car autrement, les autorités de résolution pourraient bloquer indéfiniment le retrait d'agrément et les problématiques de favoritisme pourraient à nouveau se poser.

Enfin, la BCE est également chargée par le règlement cadre de notifier la décision de retrait d'agrément à l'établissement concerné87.

Les problématiques liées à l'agrément ne sont pas les seules à rentrer dans le giron des compétences exclusives de la Banque centrale européenne ; d'autre domaines en font également partie.

Section 2 : L'emprise de la Banque centrale européenne sur d'autres aspects de la
surveillance prudentielle

La BCE aura une compétence exclusive en cas d'acquisitions de participations qualifiées dans un établissement de crédit, elle aura pour fonction de donner son accord ou pas à l'acquisition envisagée (I). En outre, le règlement MSU semble accorder un pouvoir exclusif à la Banque centrale sur certains aspects ayant trait à la liberté d'établissement des banques (II).

I. La curieuse compétence spécifique de la BCE en matière d'acquisitions de participations qualifiées

Une participation qualifiée est définie comme le fait de détenir, directement ou indirectement, au moins 10% des droits de vote ou du capital d'une entreprise ou tout autre possibilité d'exercer une influence notable sur la gestion de cette entreprise88. L'acquisition d'une telle participation dans un établissement de crédit sera soumise à l'autorisation de la BCE après un premier examen par les autorités nationales.

Une évaluation de ce genre d'acquisition est indispensable. Cela permet d'assurer la solidité financière des actionnaires majoritaires des établissements de crédit. Le règlement MSU affiche une volonté nette de confier l'autorisation d'une telle acquisition à la Banque centrale89.

86The single supervisory mechanism or «SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch 87Article 88(1)a) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 88Article 4(35) du Règlement (UE) n°575/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 89Considérant 22 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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Comme en matière d'agrément, il semble s'opérer sur la question de l'acquisition de participations qualifiées une distinction entre l'entité qui prépare le projet de décision et la décision en elle même. Les autorités nationales sont encore une fois cantonnées à un rôle d'assistance (A) qui laisse un large pouvoir d'appréciation à la Banque centrale européenne (B).

A) Un rôle résiduel des autorités nationales marqué par l'absence de tout pouvoir décisionnaire

*

L'entité souhaitant acquérir une participation qualifiée doit soumettre son projet à l'autorité compétente nationale de l'Etat membre dans lequel est établi l'établissement qui doit faire l'objet de l'acquisition90.

Le règlement cadre vient préciser la procédure à suivre et l'attitude que doit adopter l'autorité compétente lorsqu'elle reçoit une notification d'une intention d'acquérir une participation qualifiée : elle « informe la BCE de cette notification, au plus tard cinq jours ouvrables à compter de l'accusé réception »91.

*

L'autorité compétente, une fois qu'elle a examiné le projet d'acquisition le soumet à la Banque centrale européenne, seule compétente pour décider de façon définitive.

L'examen effectué par l'autorité compétente se base sur « les dispositions pertinentes du droit national »92. Il faut interpréter le texte comme englobant les règlements européens en plus du droit national. Il est dommage que soit faite une distinction entre droit national et droit de l'Union européenne puisque les autorités compétentes se doivent de toute manière d'appliquer le droit de l'Union. La seule utilité de cette disposition est donc de rappeler qu'elles doivent, en plus, se fonder sur les dispositions qu'elles auraient ajouté au delà de celles des règlements européens. D'autant plus que le règlement cadre dispose clairement que « l'autorité compétente nationale à laquelle est notifiée une intention d'acquérir une participation qualifiée dans un établissement de crédit examine si cette acquisition éventuelle satisfait à toutes les conditions prévues par les dispositions pertinentes du droit

90Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre 2014

91Article 85(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 92Article 15(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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de l'Union et du droit national »93.

La proposition de décision de l'autorité nationale doit évaluer l'acquisition proposée en se fondant « sur les critères prévus dans les actes visés à l'article 4, paragraphe 3, premier alinéa »94. Cela confirme donc que l'autorité devra s'appuyer à la fois sur le droit de l'Union et sur son droit national. En matière de délai, l'autorité nationale doit transmettre son projet de décision « au moins dix jours ouvrables avant l'expiration de la période d'évaluation définie dans les dispositions pertinentes du droit de l'Union »95. Ici, le règlement cadre prévoit que l'autorité nationale présente son projet de décision « au moins quinze jours ouvrables »96 avant l'expiration de la période. Le même problème que pour l'octroi d'agrément risque de se poser en matière d'agrément de participation qualifiée si la BCE ne dispose que de dix ou quinze jours pour rendre une décision définitive sur l'acquisition.

Une fois le projet d'acquisition examiné par les autorités nationales, elles devront soumettre un projet de décision qui proposera à la BCE de s'opposer ou non à l'acquisition97.

Il est étrange de ne pas avoir confié, au moins pour partie, la possibilité d'autoriser une participation qualifiée aux autorités nationales qui, une fois de plus, examineront le projet d'acquisition mais dépendront de la BCE pour la décision définitive. Néanmoins, les autorités nationales demeureront compétentes pour autoriser les prises de participations qualifiées dans d'autres entités, par exemple les sociétés de financement, puisque le MSU ne concerne que les établissements de crédit.

La décision de la BCE comportera t-elle des limites sérieuses comme en matière de retrait d'agrément ou, au contraire, sera-t-elle dépourvue de toute restriction ?

B) La décision de la BCE limitée uniquement par l'impossibilité d'évaluer les acquisitions
de participations qualifiées dans le cadre de la résolution de la défaillance bancaire

*

Le règlement MSU, dans son article 4, dispose qu'il est de la compétence exclusive de la BCE d'agréer les prises de participation qualifiées dans un établissement de crédit98. Selon le règlement, la Banque

93Article 86(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 94Article 15(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 95Article 15(2) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 96Article 86(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 97Même article

98Article 4(1)c) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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centrale est seule compétente pour « évaluer les notifications d'acquisitions et de cessions de participations qualifiées dans les établissements de crédit ». La BCE aura t-elle réellement un rôle d'évaluateur ? Il est possible d'en douter puisque dans le cadre de l'examen des compétences des autorités nationales, il a été constaté que ces dernières avaient justement pour fonction d'évaluer l'acquisition. Le Règlement MSU va en réalité corriger cette première interprétation et indiquer que « la BCE décide de s'opposer ou non à l'acquisition»99. La BCE n'a donc pas de pouvoir exclusif sur l'évaluation mais simplement sur la décision finale. Elle aura le choix de s'opposer ou de ne pas s'opposer au projet proposé par l'autorité nationale. Cette interprétation est confirmée par le règlement cadre selon lequel la BCE « décide de s'opposer ou de ne pas s'opposer à une acquisition »100. Dans le cadre de sa décision, la BCE devra bien évidemment procéder à un examen de l'acquisition mais elle ne sera pas la seule à pouvoir effectuer cet examen contrairement à ce qu'il aurait été possible de croire en lisant l'article 4 du Règlement MSU.

Une autre question se pose : si une entité soumet une notification d'acquisition à l'autorité nationale avant l'application effective du Règlement MSU (avant le 4 novembre 2014) et que ce dernier commence à s'appliquer pendant que la notification est en cours d'évaluation au sein de l'autorité nationale ; faudrait-il directement mettre en oeuvre le Mécanisme de surveillance unique et soumettre un projet de décision à la BCE ? La réponse semble être négative et dans ce cas, l'autorité nationale devrait pouvoir conserver sa compétence101. Seules les notifications soumises après le 4 novembre 2014 sont donc concernées par le dispositif.

Contrairement à la procédure en matière d'agrément, si la BCE ne respecte pas le délai prévu pour rendre sa décision, les textes ne viennent pas préciser que son silence vaudrait acceptation. Le règlement semble donc écarter toute possibilité d'acceptation tacite de la part de la Banque centrale. En outre, à la différence de la procédure d'agrément, les autorités nationales n'ont ici aucun pouvoir de décision puisqu'elles ne peuvent même pas décider d'écarter la notification d'acquisition, elles devront, dans tous les cas, soumettre leur projet, positif ou négatif, à la Banque centrale.

Il convient de se demander pourquoi une telle compétence a été confiée à la Banque centrale européenne pour toutes les banques alors qu'il aurait été préférable d'opérer une distinction entre les banques qui présentent un risque systémique important et les autres. La cohérence de cette compétence n'est pas très claire. Dans ce cadre, la BCE dispose d'un pouvoir décisionnaire étendu et

99Article 15(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

100 Article 87 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

101 The single supervisory mechanism or «SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch

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sera obligée de se prononcer pour qu'une décision effective soit prise puisque son silence ne vaudra pas acceptation. Peut être aurait-il fallu au moins prévoir cette possibilité d'acceptation tacite. L'octroi d'agrément semble tout de même être une question plus sensible que l'acquisition de participations qualifiées. Pourtant, la procédure d'octroi d'agrément laisse une place plus importante aux autorités nationales en raison, non seulement de la possibilité pour elles d'émettre une décision négative, mais aussi du silence de la Banque qui vaut acceptation du projet des autorités nationales.

*

Le règlement MSU semble limiter le pouvoir de la BCE au cadre de la résolution de la défaillance bancaire : « Il convient (...) de charger la BCE d'évaluer l'acquisition et la cession de participations importantes dans les établissements de crédit, sauf dans le cadre de la résolution bancaire »102. Ce principe est réaffirmé à l'article 4§1c) du Règlement.

Cette limite se justifie par l'application prochaine du Mécanisme de résolution unique. En attendant, les autorités nationales de résolution restent compétentes lorsque des questions relatives à la prise de participation qualifiée se posent dans le cadre de la résolution bancaire. Le règlement MRU prévoit par exemple que lorsqu'une mesure de résolution nécessite l'attribution d'une aide au titre du Fonds européen de résolution, des conditions pourront être imposées au bénéficiaire comme « des restrictions sur les acquisitions de participations dans une entreprise, par une cession d'actifs ou d'actions »103.

La BCE, enfin, sera également en charge de notifier sa décision à l'établissement de crédit104.

La Banque centrale semble disposer d'une compétence exclusive également dans le cadre de la liberté d'établissement bien que cette dernière compétence soit peu claire.

II. Le caractère peu lisible de la compétence exclusive de la Banque Centrale Européenne dans le cadre de la liberté d'établissement

Le règlement MSU paraît accorder une grande importance à la compétence de la Banque centrale européenne pour ce qui est de la liberté d'établissement des banques au sein de l'Union européenne. Cette compétence de la Banque centrale devrait concerner tant les établissements de crédit exerçant

102 Considérant 22 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

103 Considérant 30 du Règlement (UE) n°806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014

104 Article 88(1)b) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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leur liberté dans un Etat membre non participant (A) que les établissements situés en dehors de la zone MSU exerçant leur liberté d'établissement dans cette dernière (B).

A) La compétence de la BCE pour la surveillance des établissements de crédit exerçant leur liberté d'établissement dans un Etat membre non-participant

*

L'article 4 du règlement MSU dispose que « la BCE est (...) seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle », les missions suivantes : « pour les établissements de crédit établis dans un Etat membre participant qui souhaitent établir une succursale ou fournir des prestations des services transfrontaliers dans un Etat membre non participant, exercer les missions confiées à l'autorité compétente de l'État membre d'origine »105.

Jusqu'aujourd'hui, les autorités nationales étaient compétentes lorsqu'un des établissements de crédit situés dans leur zone de contrôle décidait d'établir une succursale dans un autre État par exemple. La surveillance s'effectuait donc depuis l'État d'origine. La BCE devenant à priori l'autorité de surveillance unique pour la zone MSU , il est normal qu'elle assume le rôle de l'autorité de l'État membre d'origine lorsqu'une banque décide de prester ses services dans un État membre qui n'est pas inclus dans la zone MSU. Il faut analyser ici la zone MSU comme constituant un bloc de pays ne formant plus qu'un au regard de la surveillance prudentielle.

Il est néanmoins surprenant que cette compétence exclusive ne s'applique pas lorsqu'un établissement de crédit de la zone MSU souhaite s'établir dans un autre État au sein du MSU. Dans ce cas, il est opéré la distinction, qui sera analysée plus tard, en fonction de l'importance de l'établissement de crédit. En effet, les établissements moins importants continueront d'être supervisés par leur autorité nationale lorsqu'ils établiront une succursale dans un autre Etat membre participant106.

*

Plus étonnant encore, la compétence qui semblait exclusive au regard de l'article 4 s'avère en fait être une compétence partagée puisque le règlement cadre dispose qu'il est nécessaire de distinguer les établissements importants et les moins importants ; ces derniers restant soumis à la surveillance prudentielle de l'autorité d'origine lorsqu'ils décident de s'établir dans un Etat membre non participant.

105 Article 4(1)b) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

106 Article 11(4) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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Cet article du règlement contredit point par point l'article 4. La BCE n'a donc cette compétence exclusive que pour les établissements importants. Cette distinction est appliquée dans tous les cas : que l'établissement souhaite établir une succursale dans un Etat membre non participant ou que ce dernier souhaite y exercer la libre prestation de service : « une entité moins importante soumise à la surveillance prudentielle souhaitant établir une succursale ou exercer son droit à la libre prestation de service sur le territoire d'un Etat membre non participant notifie son intention à l'autorité compétente nationale (...). L'autorité compétente nationale concernée exerce les pouvoirs de l'autorité compétente de l'Etat membre d'origine »107.

Le principe affirmé à l'article 4 est donc remis en cause par les dispositions successives du règlement MSU ce qui rend très floue la compréhension de la compétence réelle de la BCE en matière de liberté d'établissement des banques.

Quelle est alors l'étendue de la compétence exclusive de la BCE en matière de liberté d'établissement ?

B) La compétence de la BCE en tant qu'autorité d'accueil pour les établissements de crédit établis dans un Etat membre non-participant exerçant leur liberté d'établissement au sein de la zone MSU

*

Dans le cadre de la liberté d'établissement, l'article 4 du règlement MSU semble accorder une double compétence exclusive à la BCE, il a pu être constaté que la première d'entre elle n'en était pas véritablement une mais s'analysait plutôt comme une compétence partagée. La BCE, selon le règlement, serait également seule compétente « pour exercer (...) les missions suivantes à l'égard de tous les établissements de crédit établis dans les Etats membres participants : (...) pour les établissements de crédit établis dans un État membre non participant qui établissent une succursale ou fournissent des services transfrontaliers dans un État membre participant, la BCE s'acquitte (...) des missions pour lesquelles les autorités compétentes nationales sont compétentes »108. À la lecture de cet article, il semble que la BCE ait une compétence exclusive lorsqu'une banque d'un État nonparticipant souhaite exercer sa liberté au sein de la zone MSU.

107 Article 17(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

108 Article 4(1)b) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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Pourtant, selon le règlement cadre : « lorsqu'une succursale est moins importante (...) l'autorité compétente nationale de l'Etat membre participant dans lequel la succursale est établie s'acquitte des missions de l'autorité compétente de l'Etat membre d'accueil »109. Cet article traite expressément de la situation où un établissement de crédit établi hors de la zone MSU souhaite exercer son droit d'établissement en son sein en y établissant une succursale. Cette disposition semble faire une distinction selon l'importance de l'établissement de crédit contredisant donc l'existence d'une compétence exclusive de la BCE en cette matière. Mais ici, ce n'est pas l'établissement de crédit qui est visé mais la succursale considérée en elle même comme formant une banque indépendamment de l'établissement qui en est à l'origine. Ce n'est donc pas l'importance de la banque située hors de la zone MSU qui est prise en considération mais plutôt l'importance de la succursale qui en émane et qui sera située dans un État membre participant. Néanmoins, il est difficile d'imaginer un établissement « moins important » établir une succursale importante au sein de la zone MSU. Cependant, il est possible d'imaginer un établissement « important » établir une succursale moins importante dans un État faisant partie du MSU. Dans ce dernier cas, la compétence des autorités nationales serait alors étendue puisqu'elles pourront surveiller la succursale d'un établissement dont la surveillance directe aurait normalement du relever de la Banque centrale européenne si il avait été situé au sein de la zone MSU.

*

En réalité, la seule compétence exclusive de la BCE dans le cadre de la liberté d'établissement semble être son pouvoir lorsqu'une banque située dans un État membre non participant souhaite exercer la libre prestation de service dans la zone MSU : « La BCE s'acquitte des missions de l'autorité compétente de l'État membre d'accueil à l'égard des établissements de crédit établis dans des États membres non participants et exerçant leur droit en libre prestation de services dans des États membres participants »110. Pour cette configuration, aucune distinction n'est prévue en fonction de l'établissement de crédit. Les autorités nationales n'auront donc aucun rôle puisque la BCE sera en charge des fonctions de l'autorité d'accueil. Cette disposition est donc la seule illustration réelle de l'article 4 du règlement MSU qui semblait accorder une compétence large à la BCE en matière de liberté d'établissement.

Il est étonnant que seule la libre prestation de service des Etats membres non participants ait été confiée à la BCE. Cette compétence se justifie peut être par la nature du contrôle exercé lors de

109 Article 14(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

110 Article 16(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

l'exercice de la libre prestation service qui repose surtout sur l'autorité de l'État membre d'origine avec un rôle assez faible pour l'autorité d'accueil contrairement à l'exercice de la liberté d'établissement par la voie d'une succursale qui impose une réelle coopération entre l'autorité d'origine et celle de l'autorité d'accueil111. Il aurait été impossible, pour la BCE, de s'occuper de toutes les succursales établies au sein de la zone MSU indépendamment de leur importance systémique.

En définitive, il est opportun que l'article 4 ait été contredit par les dispositions du règlement cadre. Bien que cela rende la compétence de la BCE un peu vague, les autorités nationales disposent d'un maintien de leurs compétence souhaitable pour les établissements de moindre importance. La BCE pourra se concentrer sur les banques présentant un risque systémique important.

Cette distinction selon l'importance de l'établissement de crédit sera primordiale dans le fonctionnement courant du Mécanisme de surveillance unique et permettra de comprendre le rôle qu'auront les autorités nationales au sein du MSU. Dans le cadre des compétences exclusives, le rôle de ces autorités a souvent été cantonné à une fonction préparatoire. Il sera intéressant d'analyser les missions de ces dernières en termes de surveillance prudentielle. Il est indispensable d'étudier cette question pour savoir si la BCE a véritablement le pouvoir de contrôler toutes les banques en ne laissant plus qu'un travail d'assistance aux autorités nationales.

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111 Article 36 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013

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Partie II : La Fonction dynamique des autorités nationales dans l'organisation
courante du Mécanisme de surveillance unique

La BCE s'est vue confier, par les règlements, un pouvoir de surveillance prudentielle direct sur certains établissements de crédit. Cette compétence est fortement intégrée et permet d'annihiler tout favoritisme de la part des autorités nationales. Ces dernières conservent néanmoins une place de choix dans la surveillance prudentielle directe exercée par la BCE, bien que leur rôle se limite la plupart du temps à une fonction d'assistance (Section 1). Que reste-t-il alors de la surveillance directe des autorités nationales sur les établissements de crédit ? Les règlements semblent accorder un pouvoir de surveillance directe aux autorités nationales sur certaines catégories d'établissements de crédit. Malheureusement, ils donnent de telles possibilités d'actions à la BCE qu'il apparaît que cette dernière peut, à tout moment, décider de prévaloir sur la compétence des autorités nationales. Seules quelques exceptions demeurent où la BCE ne dispose d'aucun pouvoir de surveillance directe (Section 2).

Section 1 : Un rôle d'assistance primordial des autorités nationales dans la surveillance
prudentielle directe exercée par la BCE

Le concours des autorités nationales sera parfois indispensable (II) à la BCE pour que cette dernière soit en mesure d'exercer son pouvoir de surveillance prudentielle directe (I).

I. Un pouvoir supranational de la BCE lui permettant d'exercer une surveillance directe sur certains établissements de crédit

Une distinction semble s'opérer dans les règlements entre les établissements dits « importants » et les « moins importants ». En principe la surveillance directe de la BCE devrait concerner les premiers (A). Dans le cadre de cette compétence directe, il conviendra également d'analyser en quoi l'organisation de la BCE permet une intégration de la surveillance prudentielle (B).

A) Une surveillance directe de la BCE s'exerçant sur les établissements considérés objectivement comme « importants »

Selon le guide relatif à la surveillance bancaire, la BCE devrait être responsable d'environ 4900 établissements de crédit112. Cependant, il convient de s'intéresser aux entités sur lesquelles elle pourra

112 Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre 2014

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exercer un pouvoir de surveillance directe. D'après les règlements, la Banque centrale devrait être directement responsable des établissements considérés comme « importants » tandis que les autorités nationales conserveraient leur compétence directe vis-à-vis des établissements « moins importants »113.

Comment distinguer un établissement « important » d'un établissement «moins important » ?

Il convient d'examiner les différents critères alternatifs objectifs permettant de différencier les catégories d'établissements de crédit (1) pour comprendre à quel type de banques pourront s'appliquer les mesures prises par la BCE (2).

1) La détermination réglementaire objective de l'importance d'un établissement de crédit

L'un des moyens prévus pour caractériser l'importance d'un établissement est le critère de la taille : « une entité soumise à la surveillance prudentielle ou un groupe soumis à la surveillance prudentielle est classé comme important si la valeur totale de ses actifs est supérieure à 30 milliards d'euros »114. Dans le cas d'un groupe d'entreprises consolidées, il est nécessaire, pour établir le critère de la taille, de tenir compte des succursales et des filiales dans les États membres non participants et dans les pays tiers115. Dans ce cas, la surveillance directe est susceptible de s'exercer sur un établissement qui ne remplirait pas la condition de la taille s'il était pris individuellement ou seulement en y incluant les filiales et succursales situés dans des États membres participants. En effet, si l'entité en question n'arrive à remplir ce critère que grâce à ses établissements situés hors de la zone MSU, cela pourrait poser un problème de cohérence en ce sens que le pouvoir de surveillance directe ne s'exercera pas sur les filiales situées dans des États non- participants ou dans des pays tiers. Il en résultera donc un pouvoir de supervision directe sur des banques qui, en tenant compte uniquement de leurs actifs au sein de la zone MSU, devraient normalement relever de la compétence directe des autorités nationales.

L'importance peut également être dégagée de l'importance d'un établissement pour l'économie116 ou sur la base de l'importance des activités transfrontalières d'un groupe soumis à la surveillance prudentielle117.

113 Considérant (5) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

114 Article 50(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014 115Article 53 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

116 Articles 56 et suiv. du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

117 Articles 59 et suiv. du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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Pour que chaque État de la zone euro ait des banques qui soient surveillées directement par la Banque centrale et puisque certains États n'ont pas d'établissements remplissant les critères sus-cités, il a été prévu que les trois établissements de crédit les plus importants de chaque État membre participant soient de toute manière soumis à la surveillance directe de la BCE118. Il est possible de douter de la pertinence de cette solution puisque cela risque d'entraîner des inégalités entre les banques. Certaines auront une importance plus grande que les trois plus grands établissements de certains États participants mais ne seront pas soumises à la surveillance directe de la Banque centrale faute de figurer dans les trois établissements les plus importants de leur pays.

Un autre critère, plus étonnant, pour faire rentrer une entité dans la catégorie des établissements importants, est l'octroi ou la demande au MES d'une aide financière publique directe119. Cette seule demande ou ce seul octroi suffit à soumettre une banque à la supervision directe de la BCE. Cette solution se justifie par la corrélation entre le MES et le MSU puisque la surveillance directe de la BCE des établissements recevant une aide directe du MES était une condition de l'octroi direct de ce soutien par ce dernier.

La principale raison pour ne soumettre à la surveillance prudentielle directe que les établissements importants est surtout liée au nombre significatif d'entités au sein de la zone euro. Beaucoup d'entre elles n'ont pas d'impact notable sur le système financier des États participants. Leur surveillance s'exerce donc de manière plus opportune au niveau national. Il est d'ailleurs prévu par le règlement cadre que dans des circonstances particulières, un établissement qui devrait être considéré comme important selon les critères mentionnés rentre dans la catégorie des « moins importants » lorsque la supervision par l'autorité nationale permet une surveillance plus cohérente120.

En définitive, la BCE sera chargée de la surveillance directe de 120 groupes qui représentent 85% du total des actifs bancaires parmi les Etats membres participants.

Quelles mesures pourra t-elle appliquer à ces établissements ?

2) Exemples de mesures dont dispose la BCE dans le cadre de la surveillance directe et leur mise en oeuvre

Dans le cadre de son pouvoir de surveillance directe, la Banque centrale dispose de nombreuses

118 Article 65(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

119 Article 61 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

120 Article 70(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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prérogatives. A l'égard des établissements de crédit « importants », elle peut exiger qu'ils adoptent les mesures nécessaires pour régulariser leurs manquements aux exigences prudentielles. La BCE peut leur ordonner de prendre les actes qui s'imposent relativement à leur gestion et à leur couverture des risques.

La Banque centrale peut même exiger que les établissements « affectent des bénéfices nets au renforcement des fonds propres ». La longue liste des mesures que peut prendre la BCE se trouve à l'article 16 du règlement MSU.

Le règlement cadre s'attache à décrire la procédure à suivre lorsque la BCE rend une décision dans le cadre de son pouvoir de supervision directe.

Par exemple, dans le cadre de l'évaluation de la qualité des membres des organes de direction des établissements de crédit importants : la banque doit aviser l'autorité nationale de toute modification concernant les membres de ses organes de direction. L'autorité nationale notifie ces modifications à la Banque centrale européenne. La BCE doit ensuite évaluer la qualité des dirigeants et dispose pour cela des pouvoirs de surveillance prudentielle que lui confèrent, d'une part, le droit de l'union et, d'autre part, le droit national de l'autorité lui ayant notifié la modification. Elle doit respecter le délai du droit national applicable pour rendre sa décision et dispose de tous les pouvoirs qu'ont les autorités nationales en vertu, tant du droit de l'Union que du droit national121. Il est intéressant de noter la participation des autorités de régulation de chaque Etat membre qui retrouvent, ici, un rôle semblable à celui qui était le leur dans le cadre des procédures communes.

La Banque centrale disposera également d'un pouvoir de sanction en cas d'infraction des entités importantes aux obligations fixées par ses règlements ou décisions. La forme des sanctions est définie dans le règlement cadre : « sanctions pécuniaires administratives », « amendes et astreintes »122.

Dans quelle mesure l'organisation de la BCE relative à ses missions de surveillance en permettra une forte intégration et une application cohérente se détachant des intérêts des Etats membres ?

B) Les principes organisationnels de la surveillance directe au sein de la Banque centrale européenne

121 Article 93(1)(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

122 Article 120 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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L'intégration des missions de surveillance confiées à la Banque centrale européenne suppose d'abord un contrôle, garantissant le respect de la démocratie, qui devrait s'exercer à la fois au niveau européen et au niveau national123. La BCE devrait être responsable devant le parlement européen et le conseil pour la mise en oeuvre de ses missions de surveillance prudentielle. La question est néanmoins posée de la traduction concrète de cette responsabilité dans les textes : Le Conseil pourra démettre, avec l'approbation du Parlement, le président ou le vice président du conseil de surveillance124. Il est également prévu que « la BCE doit rendre compte de la mise en oeuvre du {MSU} au Parlement européen et au Conseil »125.

Cependant, plusieurs auteurs craignent que la responsabilité de la BCE, dans le cadre de ses missions de surveillance prudentielle, ne se traduisent que par des sanctions politiques et émettent des doutes sur la légalité du dispositif si le Parlement européen ne se voit pas suffisamment impliqué dans le contrôle de la surveillance prudentielle directe de la Banque centrale126. Il est cependant vrai que l'article 226 du TFUE donne le droit au Parlement européen de « constituer une commission temporaire d'enquête pour examiner, sans préjudice des attributions conférées par les traités à d'autres institutions ou organes, les allégations d'infraction ou de mauvaise administration dans l'application du droit de l'Union ». Cet article pourrait permettre de pallier l'absence de solution concrète de contrôle du Parlement sur la surveillance directe de la BCE.

Cette question de la légitimité démocratique est une condition nécessaire lorsqu'une institution exerce des pouvoirs de nature supranationale de façon intégrée.

La composition et le rôle du conseil de surveillance permettent une forte intégration du processus de surveillance directe (1) qui sera concrètement mis en oeuvre par les équipes de surveillance prudentielles conjointes (2).

1) Le rôle et la composition du conseil de surveillance permettant une forte intégration de la surveillance prudentielle dans le processus de décision

Le conseil de surveillance est l'organe chargé des missions de surveillance prudentielle au sein de la BCE. L'objectif est qu'il soit le plus détaché possibles des considérations nationales : « les membres du conseil de surveillance agissent tous dans l'intérêt de l'Union dans son ensemble »127. Cependant,

123 Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre 2014

124 Article 26(4) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

125 Article 20(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

126 Legal issues of the Single European Supervisory Mechanism-Brantner, Giegold, Ferpasi, Brussels, 1st october 2012

127 Article 26(1) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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une telle affirmation n'apporte rien si elle n'est pas accompagnée de dispositions concrètes visant à optimiser la qualité de la supervision unique en créant un véritable organe supranational capable de décider de la manière la plus objective possible.

L'intégration est illustrée, tout d'abord, dans la désignation des président et vice-président du conseil de surveillance. Ils sont proposés au Parlement européen qui doit les approuver. Cela fait naître une légitimité démocratique de ce conseil de surveillance qui est nécessaire pour que la supervision supranationale soit acceptée par les peuples des États membres participants. Le président peut être choisi parmi des personnalités ayant des compétences dans les domaines bancaire et financier. La seule restriction à cette nomination est qu'il ne doit pas être membre du Conseil des gouverneurs. Cette contrainte est évidemment nécessaire puisque la décision finale de tout projet émanant du conseil de surveillance sera effectuée par le Conseil des gouverneurs selon la méthode de l'acceptation tacite. Le vice-président, quant à lui, est désigné parmi les membres du directoire de la BCE128.

En plus de ces deux personnalités, le conseil de surveillance comprendra également quatre représentants de la BCE nommés par le conseil des gouverneurs n'exerçant pas de fonctions « en rapport direct avec les fonctions monétaires de la BCE »129.

Ces mesures de nomination permettent donc d'assurer un fort niveau d'intégration caractérisé par une présence marquée de membres inhérents à la Banque centrale.

Enfin, le conseil de surveillance comprendra également un membre par autorité nationale. Cependant ces autorités nationales ne devraient pas compromettre le pouvoir supranational de la BCE en tant qu'autorité de supervision unique puisque les décisions du conseil de surveillance seront prises à la majorité simple et « en cas d'égalité des voix, celle du président est prépondérante »130.

Le règlement MSU a donc mis en place des mécanismes permettant de supprimer toute possibilité pour les autorités nationales de bloquer une mesure sur des considérations purement nationales. Il est cependant possible de regretter l'absence de transparence qui aurait permis de savoir dans quel sens les membres issus des autorités nationales au sein du conseil de surveillance ont voté131.

2) Les équipes de surveillance prudentielle conjointe et leur fonction primordiale dans l'application quotidienne de la

128 Article 26(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

129 Article 26(5) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

130 Article 26(6) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

131 The single supervisory mechanism or «SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch

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surveillance directe auprès des établissements importants.

Les équipes de surveillance conjointes seront chargées de la surveillance concrète des entités importantes. Elles sont définies comme des équipes de contrôleurs chargés de la surveillance prudentielle d'une entité soumise à la surveillance prudentielle ou d'un groupe important soumis à la surveillance prudentielle132. Leur fonction principale sera d'évaluer les stratégies d'adéquation des fonds propres que les banques devront fournir en cas d'insuffisance133.

Chaque entité importante se verra adosser une équipe de surveillance prudentielle si elle situe dans un État membre participant.

L'élément qui marque l'intégration de ce processus de contrôle est le coordinateur ESPC qui sera chargé de coordonner le travail de chaque équipe de surveillance prudentielle. Ce coordinateur est un agent de la BCE134. Cela laissera donc, à priori, peu de place aux autorités nationales. Le pouvoir du coordinateur est clairement défini dans le règlement cadre : « les membres de l'équipe de surveillance prudentielle conjointe suivent les instructions du coordinateur ESPC en ce qui concerne leurs missions dans le cadre de l'équipe »135.

Les Équipes de surveillance prudentielle (Joint-supervisory teams JST) comprendront également des experts hautement qualifiés pouvant notamment inclure des membres d'autorités nationales qui ne seront pas forcément de la nationalité de l'établissement surveillé. Elles effectueront leurs tâches en s'assurant également de la bonne application des décisions du conseil de surveillance approuvées par le conseil des gouverneurs. Sa composition devrait aussi être proportionnelle au profil de risque de l'entité surveillée.

Ces équipes sont considérées comme le principal instrument de la surveillance unique. Elles sont responsables de la supervision quotidienne des banques importantes et deviendront le principal élément de coopération entre autorités nationales et BCE ainsi que le premier interlocuteur des établissements de crédit importants. Certains analystes136 considèrent ces équipes comme une évolution des collèges d'autorités de surveillance, instrument utilisé jusqu'aujourd'hui pour la

132 Article 2(6) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

133 Rapport trimestriel du MSU-Progrès réalisés dans la mise en oeuvre opérationnelle du règlement relatif au mécanisme de surveillance unique, Avril 2014

134 Article 3(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

135 Article 6(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

136 Il rapporto tra BCE e autorità nazionali nell'esercizio della vigilanza-Intervento di Carmelo Barbagallo, 26 février 2014

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résolution des problématiques de surveillance transnationale. Il s'agit donc d'une véritable approche intégrée au regard des groupes transfrontaliers ; du moins si toutes les entités sont situées dans des États membres participants.

Malgré la forte intégration du pouvoir de surveillance directe de la BCE, les autorités nationales conserveront un rôle notable, y compris dans le contrôle des établissements de crédit « importants ».

II. Le concours nécessaire des autorités nationales dans le cadre de la surveillance

prudentielle directe

Les autorités nationales, dans le cadre de la surveillance des banques importantes, conserveront, soit un rôle d'assistance (A) soit un rôle fondamental d'action directe auprès de ces dernières dans le cas des États membres participants dont la monnaie n'est pas l'euro (B).

A) Une aide des autorités nationales des États membres participants dans la surveillance directe des établissements de crédit importants destinée à faciliter la tâche de la Banque centrale européenne

Le règlement cadre énonce clairement que les autorités nationales assistent la BCE dans l'exercice de ses missions137. Cette assistance s'illustre par exemple lorsque les autorités soumettent des projets de décision relatifs à des entités importantes ou encore dans la mise en oeuvre des décisions prises par la BCE (1). Les autorités nationales auront également une certaine place dans la composition des organes et équipes de la BCE ayant pour fonction la surveillance directe des établissements importants (2).

1) L'assistance de la BCE au travers des projets élaborés et des mesures appliqués par les autorités nationales concernant des entités importantes

La Banque centrale peut demander aux autorités nationales d'élaborer un projet de décision relatif aux entités importantes. Parallèlement, les autorités nationales sont également libres de soumettre, de leur propre initiative, un tel projet à la BCE138. Cela permet aux autorités compétentes d'avoir une certaine influence sur la surveillance des établissements importants. Cette influence ne va évidemment pas jusqu'à remettre en cause la supervision de la BCE qui peut toujours s'opposer à ces

137 Article 90(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

138 Article 91 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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projets mais relativise la distinction entre établissements importants et moins importants et fait apparaître les autorités nationales comme des soutiens de poids.

Dans certaines situations, la Banque centrale européenne pourra demander aux autorités nationales d'agir directement auprès d'établissements de crédit importants notamment « dans le but de s'assurer que des sanctions appropriées sont imposées dans les cas non couverts par l'article 18§1, du règlement MSU ». Cela devrait concerner les sanctions non pécuniaires et les sanctions pécuniaires en cas d'infractions aux dispositions du droit de l'Union par des personnes physiques139.

Il sera intéressant de voir comment ces sanctions seront infligées par les autorités nationales. A priori, ces dernières bénéficieront d'une certaine marge de manoeuvre puisque la Banque centrale ne devrait pas préparer un projet de sanction applicable tel quel par l'autorité nationale qui n'aurait alors seulement qu'un rôle de notification de la sanction. En réalité le règlement cadre offre ici aux autorités nationales une occasion de peser sur le fonctionnement du mécanisme de surveillance unique à l'égard des entités importantes.

Plus généralement, les autorités nationales doivent aider la BCE à préparer et à mettre en oeuvre tout acte lié à ses missions notamment en l'assistant dans ses activités de contrôle140.

L'utilité des autorités nationales vis-à-vis des entités importantes se fera également ressentir dans le cadre de l'échange d'information. En effet, une autorité nationale devra informer la BCE des informations relatives aux entités importantes si il existe des raisons de penser qu'elles ne peuvent plus satisfaire à leurs obligations à l'égard de leurs créanciers ou encore si « des circonstances pourraient conduire au constat selon lequel l'établissement de crédit concerné est incapable de restituer les dépôts »141. Les autorités nationales ont donc un rôle primordial et auront la charge d'avertir la BCE sur ces dysfonctionnements pouvant toucher les banques importantes. Il est donc faux de dire que les autorités nationales ne seront employées qu'à la supervision des entités moins importantes. Par ailleurs, le règlement MSU marque la volonté d'intégrer les autorités nationales dans la surveillance prudentielle directe des établissements importants. Surtout en raison de leur expertise « fondée sur une longue expérience dans la surveillance des établissements de crédit établis sur leur territoire »142. Le règlement insiste sur les particularités économiques, organisationnelles et culturelles propres à chaque État membre.

139 Article 134(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

140 Article 6(3) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

141 Article 92 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

142 Considérant 37 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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2) L'influence organique des autorités nationales

Les autorités nationales auront également un rôle à jouer au sein des différents organes et équipes de la BCE relativement à ses fonctions de surveillance prudentielle.

Selon le règlement-cadre : « les autorités compétentes nationales nomment un ou plusieurs de leurs membres du personnel comme membre ou membres d'une équipe de surveillance prudentielle conjointe »143. Ces membres des équipes de surveillance prudentielle assisteront le coordinateur. Ils seront utiles pour des raisons de culture, de langage mais surtout pour transmettre leur savoir faire et expertise aux membres de la BCE144.

Dans le même esprit, le règlement MSU prévoit également, en cas d'inspection sur place, que les « agents de l'autorité compétente nationale de l'État membre participant concerné ont également le droit de participer aux inspections sur place »145.

Il convient aussi de rappeler que le conseil de surveillance comprendra un membre par autorité compétente nationale. Si une seule autorité ne devrait pas pouvoir influencer fortement le résultat d'une délibération en raison du vote à la majorité simple, plusieurs autorités ensemble pourraient le faire. Prouver que le vote n'a pas été effectué dans le sens des intérêts de l'Union ne sera pas une tâche aisée et il est possible de croire que la sanction d'un tel vote ne sera que politique146.

La coopération entre la BCE et les autorités nationales sera indispensable pour assurer l'unité et la cohérence de l'action du MSU.

Les autorités nationales auront encore plus de poids dans le cadre de la coopération rapprochée où la BCE ne pourra agir sans elles.

B) L'importance cruciale des autorités nationales des États membres participants dont la monnaie n'est pas l'Euro dans le cadre d'une coopération rapprochée avec la BCE

Conformément à l'article 139 du TFUE, certains Etats membres de l'Union européenne ne figurent

143 Article 4(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

144 Jl rapporto tra BCE e autorità nazionali nell'esercizio della vigilanza-Intervento di Carmelo Barbagallo, 26 février 2014

145 Article 12(4) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

146 The single supervisory mechanism or «SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch

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pas dans la zone euro. Cependant, il n'est pas exclu qu'ils puissent participer au Mécanisme de surveillance unique par le biais d'une coopération rapprochée. Le régime de la coopération rapprochée se terminerait logiquement dans le cas où un Etat membre antérieurement en dehors de la zone euro venait à intégrer cette dernière conformément à l'article 140 du TFUE. Mais évidemment, la coopération peut se terminer pour d'autres raisons. Cette coopération comporte néanmoins des différences de régime substantielles.

La raison qui peut pousser un Etat membre hors de la zone euro à rejoindre le Mécanisme unique pourrait être l'influence des marchés de capitaux pour lesquels une réglementation, ainsi qu'une surveillance unique, sont un gage de qualité. Cela pourrait aider les banques des pays en coopération rapprochée à faire parvenir des capitaux à des conditions préférables.

Dans le cadre de la coopération rapprochée, la Banque centrale européenne n'a pas le pouvoir d'agir directement auprès des établissements de crédit, fussent-ils importants147. Elle doit donc passer par les autorités nationales des États membres participants hors de la zone euro (1). Ces dernières n'ont, de plus, pas de contraintes réelles quant à la bonne application des instructions qui leur seront données par la BCE (2).

1) L'impossibilité pour la banque centrale européenne d'agir directement auprès des établissements de crédit importants situés dans des États membres participants au MSU dont la monnaie n'est pas l'Euro

D'après le règlement cadre, lorsque la Banque centrale souhaite adopter une mesure liée à ses missions, elle doit, dans le cas d'une entité importante, adresser une instruction « générale ou spécifique, une demande ou une orientation » demandant la prise d'une décision de surveillance prudentielle à l'égard de cette entité importante. Lorsqu'est en cause une entité moins importante, la BCE ne peut adresser qu'une instruction générale ou une orientation148.

L'autorité compétente doit ensuite prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer aux instructions de la Banque centrale et l'informer des mesures qu'elle a prises149.

La Banque centrale européenne n'a donc pas de prise directe sur les établissements de crédit importants hors de la zone euro. Elle doit passer par les autorités nationales qui ont alors un rôle primordial.

147 Article 107(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

148 Article 108(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

149 Article 108(5) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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Ce même schéma se vérifie également lorsque la BCE est censée adresser une décision à une entité importante. Elle ne peut le faire directement dans le cadre de la coopération rapprochée et doit pareillement adresser des « instructions à l'autorité compétente nationale ». Cette dernière transmet une décision à l'établissement conformément aux instructions150.

L'importance des autorités nationales prend encore plus d'ampleur lorsqu'il s'agit d'effectuer des enquêtes dans des établissements importants hors de la zone euro. En effet, la BCE ne pourra procéder à ces enquêtes et ne fera qu'adresser des instructions aux autorités nationales qui en seront chargées. Cependant, il est prévu que des membres du personnel de la BCE soient désignés en tant qu'observateurs de toute enquête151.

Quelle conséquence aura le non respect, par l'autorité nationale, des diverses instructions qui lui sont adressées par la BCE ?

2) L'absence de conséquences coercitives réelles en cas de manquement par une autorité nationale en coopération rapprochée à une instruction de la BCE

Selon le règlement MSU, lorsque l'autorité nationale ne respecte par les instructions de la BCE, cette dernière lui adresse un avertissement et, au bout de quinze jours, elle peut décider de suspendre ou de résilier la coopération rapprochée152. La BCE n'a donc aucun moyen d'agir auprès des entités hors de la zone euro et n'a, comme seul moyen de pression, que la résiliation. Il ne devrait pas être fait souvent application de cette mesure en raison du fait que la Banque centrale n'a pas intérêt à faire sortir les États membres de la zone MSU. Il est préférable, pour la BCE, que les autorités n'appliquent ses instructions que partiellement plutôt que nullement. De plus, cette disposition n'est pas reprise dans le règlement cadre censé donner des précisions de l'application du règlement MSU concernant les rôles respectifs des autorités nationales et de la Banque centrale.

L'autorité nationale peut, à tout moment « dès l'expiration d'une période de trois ans après la date de publication » de la décision concernant la coopération rapprochée, demander à la BCE de résilier la coopération rapprochée153. Cependant, cette configuration est exclusive du cas où il y aurait un désaccord entre la BCE et l'autorité nationale.

150 Article 110(3) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

151 Article 114 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

152 Article 7(5) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

153 Article 7(6) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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D'après le règlement cadre, lorsque l'autorité compétente nationale n'est pas en accord avec le projet de décision du conseil de surveillance prudentielle de la BCE qu'elle est censée appliquer, elle peut notifier au Conseil des gouverneurs le motif de son désaccord. Ce dernier se prononce sur la question et informe l'autorité des motifs de sa décision. Ensuite, L'État membre participant en coopération rapprochée « peut demander à la BCE de mettre un terme avec effet immédiat à la coopération rapprochée »154. L'État n'est alors plus lié par aucune décision ultérieure et n'a pas besoin d'attendre le délai de trois ans sus-cité.

Il en va de même lorsque le désaccord porte sur une objection du Conseil des gouverneurs à un projet de décision du conseil de surveillance prudentielle. Dans ce cas, si le conseil des gouverneurs décide de confirmer son objection, l'autorité nationale peut, « dans un délai de cinq jours » décider qu'elle ne sera plus liée par aucune décision « prise à la suite de la modification du projet complet de décision initial ayant donné lieu à l'objection du conseil des gouverneurs ». Dans ce dernier cas, la BCE semble également pouvoir envisager l'éventuelle suspension ou fin de coopération rapprochée155.

Il n'existe donc pas de réelle sanction du non-respect, par l'autorité nationale en coopération rapprochée, des instructions de la BCE. En effet, en cas de désaccord, la seule conséquence est la fin de la coopération rapprochée. Il est néanmoins possible d'avoir diverses interprétations de ces dispositions. Dans le premier cas l'autorité nationale semble pouvoir se retirer immédiatement de la coopération rapprochée sans même devoir exécuter la décision avec laquelle elle n'est pas en accord. Malgré tout, le règlement parle de décisions ultérieures ; faut il alors en conclure que la fin de la coopération rapprochée ne prendra effet qu'à la suite de la mise en oeuvre de la dernière décision ? Cette interprétation est peu plausible puisque la BCE n'a pas de compétence directe sur les entités situées hors de la zone euro et ne peut donc pas contraindre l'autorité nationale. Dans la seconde situation, le schéma est plus clair puisque le règlement dispose que la coopération rapprochée prendra fin à la suite de l'application de la décision ayant donné lieu au désaccord, bien qu'il soit difficile de comprendre comment la BCE pourra obtenir l'application effective de la décision modifiée à la suite de l'opposition du Conseil des gouverneurs.

Il sera intéressant d'analyser le comportement des acteurs dans le cadre de la coopération rapprochée. La Banque centrale devra sans doute se contenter d'une application partielle de ses instructions par les autorités nationales. Il est probable qu'elle ne sanctionne pas leur non respect par des ruptures

154 Article 118 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

155 Article 119 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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systématiques de la coopération. Les autorités nationales, quant à elles, n'ont pas particulièrement intérêt à se retirer de la coopération si elles souhaitent attirer davantage de capitaux. Il en résulte donc que tant la BCE que les autorités nationales auront intérêt à rester dans le cadre de la coopération rapprochée.

Les autorités nationales ont donc beaucoup plus de poids lorsqu'elles sont en dehors de la zone euro puisqu'elles agissent directement auprès des établissements importants sur instruction de la BCE. De plus le non respect de ces instructions ne semble pas avoir de conséquences coercitives pour les autorités qui, en cas de désaccord, sont libres de se retirer sans forcément craindre une remise en cause de la coopération par la BCE. Ces schémas se justifient en fait car les États membres en dehors de la zone euro ne sont pas représentés au sein du Conseil des gouverneurs et n'ont donc pas de force réelle sur les diverses prises de décision156. Il est normal qu'ils puissent sortir à tout moment de la coopération.

Le fonctionnement du MSU semble également accorder une place principale aux autorités nationales lorsqu'elles agissent auprès d'entités moins importantes. Dans quelle mesure conserveront-elle un pouvoir de surveillance directe ?

Section 2 : Un fort pouvoir d'intervention de la Banque Centrale Européenne restreignant le principe d'une surveillance directe de certains établissements de crédit par les autorités

nationales

Une lecture peu attentive des règlements régissant le Mécanisme de surveillance unique pourrait laisser croire à un pouvoir étendu des autorités nationales auprès des entités qui ne relèvent pas de la surveillance directe de la BCE (I). Pourtant, cette dernière a potentiellement le pouvoir d'agir directement auprès de n'importe quel établissement de crédit (II).

I. Une possibilité à priori étendue pour les autorités nationales d'exercer une surveillance directe des établissements de crédit

Dans certaines circonstances, les autorités nationales conserveront un pouvoir de surveillance directe (A). Ce maintien de compétences s'illustre particulièrement bien dans le cadre des relations transfrontalières (B).

156 Considérant 43 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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A) Le pouvoir de surveillance directe des autorités nationales au regard de l'importance de l'établissement de crédit ou de la nature des missions de surveillance

D'après les règlements, les autorités nationales peuvent agir directement auprès des entités « moins importantes », notamment en leur imposant des mesures sans devoir attendre l'aval de la BCE (1). Il ne faut pas non plus oublier la compétence directe des autorités nationales pour ce qui relève des missions de surveillance non confiées à la Banque centrale européenne (2).

1) La surveillance directe par les autorités nationales des établissements de crédit « moins importants »

Les autorités nationales sont officiellement chargées de la surveillance directe des établissements de moindre importance. Selon le guide de surveillance, ces dernières se doivent d'utiliser leurs propres ressources et procédures de prise de décision157. Par conséquent, rien ne devrait changer pour les autorités lorsqu'elles auront affaire à des entités moins importantes sur leur territoire.

Cette compétence directe est confirmée par le règlement cadre : « Dans le cadre du MSU, les responsabilités respectives de la BCE et des autorités compétentes nationales en matière de surveillance prudentielle sont attribuées en fonction de l'importance des entités qui relèvent du MSU (...) Les autorités compétentes nationales sont chargées de la surveillance prudentielle directe des entités qui sont moins importantes »158.

Les activités de surveillance concernées devraient comprendre l'organisation de réunions avec les dirigeants des établissements moins importants, une analyse régulière des risques au sein de l'établissement concerné et la mise en oeuvre d'inspections sur places. Cette surveillance directe concerne environ 3700 entités, soit la majorité des établissements de crédit. Cependant, les établissements surveillés directement par la BCE représentent plus de 85% des actifs bancaires159. Cela permet de relativiser l'importance de la surveillance nationale directe.

Les mesures directes des autorités compétentes concernant les établissements moins importants seront les mêmes que celles imposées par la BCE à l'exclusion des procédures communes, notamment veiller au respect des exigences prudentielles relatives aux contraintes de fonds propres, de titrisation, de liquidité et veiller à ce que les établissements disposent de dispositifs solides en matière de

157 Guide relatif à la surveillance bancaire-Septembre 2014

158 Considérant 5 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

159 Note d'information sur l'évaluation complète-Banque centrale européenne, octobre 2013

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gouvernance. Les autorités nationales sont en fait habilitées par le règlement MSU à « adopter toutes les décisions pertinentes en matière de surveillance à l'égard des établissements de crédit » moins importants160.

Le MSU n'est pas une simple délégation de pouvoirs des autorités vers la Banque centrale européenne. Ce mécanisme est censé représenter un nouveau système d'exercice conjoint des compétences de surveillance prudentielle d'où le maintien d'un pouvoir direct aux autorités nationales161.

Certaines missions de surveillance n'ont pas été confiées à la Banque centrale européenne et continuent de relever de la compétence exclusive des autorités nationales.

2) Une surveillance souveraine au regard des missions de surveillance non confiées à la Banque centrale européenne

Les autorités compétentes continueront d'avoir un pouvoir direct au regard des missions non confiées à la BCE. Cette compétence ne tiendra évidemment pas compte de la distinction entre établissement « important » et « moins important ».

Selon le règlement MSU : « Les missions de surveillance qui ne sont pas confiées à la BCE devraient rester du ressort des autorités nationales »162. Cette affirmation permet de comprendre que le caractère supranational de la BCE en tant qu'autorité unique de supervision prudentielle n'est pas total. L'allégation est confirmée à l'article premier du règlement MSU : « Le présent règlement est sans préjudice des responsabilités et pouvoirs correspondants dont sont investies les autorités compétentes des Etats membres participants pour l'exercice des missions de surveillance qui ne sont pas confiées à la BCE ».

Toutes les missions de surveillance des établissements de crédit n'ont pas été confiées à la Banque centrale. Quelles sont ces missions qui demeurent exclusivement nationales ?

Tout d'abord, la BCE ne sera pas en charge des entités qui ne sont pas des établissements de crédit au sens du droit de l'Union : c'est à dire « une entreprise dont l'activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte »163. Le fait que d'autres établissements soient surveillés en tant que tels n'entrainera pas la compétence de la

160 Article 6(6) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

161 La Vigilanza bancaria tra presente e futuro-Intervento di Carmelo Barbagallo, Roma 23 gennaio 2014

162 Considérant 28 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

163 Article 4(1)1) du Règlement (UE) n°575/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013

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Banque centrale. Cette exception n'en est pas véritablement une puisque la notion de « banque » est harmonisée au sein de l'Union européenne et tous les États membres partagent substantiellement la même définition164. Malgré tout, n'est jamais exclue une différence d'interprétation d'une même disposition entre les différents États membres.

Les autorités nationales continueront d'être exclusivement compétentes en matière de surveillance des services de paiement, pour les marchés d'instruments financiers, la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et pour le financement du terrorisme ainsi que pour la protection du consommateur165.

Selon Eddy Wymeersch, l'article 4(3) du règlement MSU permettrait à la BCE de s'immiscer dans le champ des compétences qui ne lui sont pas dévolues166. L'article en question permet en effet à la BCE d'appliquer le droit national transposant les directives si cela s'avère nécessaire pour l'accomplissement de ses missions. Or, des directives européennes existent, notamment sur le blanchiment d'argent167. Cependant, ce ne sera possible que si l'application de cette directive est nécessaire pour la réalisation des missions qui lui sont confiées. Cela n'est donc pas véritablement une manière, pour la Banque centrale, de s'immiscer au delà de ses compétences. L'application de la législation en cause sur le blanchiment ne constituerait qu'un moyen et non une fin.

A été analysée précédemment l'absence de compétence exclusive réelle (sauf dans le cas d'une entité hors zone MSU exerçant la libre prestation de service dans un Etat membre non-participant) de la BCE en matière de relations transfrontalières. Quelle est alors la place des autorités nationales dans ce cadre ?

B) Les compétences directes des autorités nationales dans le cadre des relations transfrontalières

L'absence de compétences exclusives dans le cadre de la liberté d'établissement au bénéfice de la BCE laisse une place relativement importante aux autorités nationales que ce soit à l'égard des établissements « moins importants » (1) ou à l'égard des établissements de pays tiers souhaitant exercer une activité bancaire au sein de la zone euro (2).

164 Par exemple voir article L511-1 I du code monétaire et financier

165 Considérant 28 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

166 The single supervisory mechanism or «SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch

167 Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme

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1) La compétence directe des autorités nationales sur certains établissements européens « moins importants » exerçant leur liberté d'établissement

La première illustration de cette compétence directe se trouve dans le rôle respectif de la BCE et des autorités nationales dans le cadre des collèges d'autorités de surveillance prudentielle. Ces collèges ont pour objet de dénouer les difficultés relatives à des groupes ayant des filiales et succursales dans plusieurs Etats membres de l'Union européenne. Ces collèges sont supervisés par l'Autorité bancaire européenne.

Lorsque l'autorité de surveillance prudentielle du groupe n'est pas située dans un Etat membre participant et que chaque entité du groupe est importante, les autorités nationales des Etats membres participants n'auront qu'un rôle d'observateur tandis que la BCE participera en tant que membre et représentera la zone MSU dans son ensemble face aux autorités des banques situées dans des Etats hors MSU. Cette configuration est classique et reprend la distinction en fonction de l'importance. Pareillement les autorités nationales participeront toutes en tant que membres si chaque entité du groupe est considérée comme moins importante. Enfin, si les entités sont à la fois des établissements importants et moins importants : seules les autorités nationales dans lesquelles les entités moins importantes sont situées auront le droit de participer en tant que membres. Les autres autorités participeront en tant qu'observateurs. Enfin, la BCE participera en tant que membre pour la représentation des entités importantes du groupe situées au sein de la zone MSU168. Les autorités nationales conserveront donc une compétence directe à l'égard des entités moins importantes en tant qu'autorité de représentation de ces dernières au sein du collège d'autorités de surveillance. La même distinction devrait s'appliquer lorsque l'autorité de surveillance prudentielle est située au sein de la zone MSU : dans ce cas, la BCE serait compétente pour présider le collège si le groupe est important sur base consolidée tandis que les autorités nationales continueront de participer en tant que membres à condition que des entités moins importantes soient situées sur leur territoire. Dans le cas d'un groupe moins important sur base consolidée, l'autorité nationale compétente devrait présider le collège et chaque autorité concernée aurait qualité de membre. Dans ce dernier cas, la BCE n'aurait aucun rôle169.

Les autres pouvoirs directs des autorités nationales découlent directement de l'absence de compétence exclusive de la BCE en matière de liberté d'établissement et sont rappelés ci-après :

Lorsqu'une entité moins importante souhaite établir une succursale sur le territoire d'un autre État

168 Article 10 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

169 Articles 8(2) et 9(1) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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membre participant, seule l'autorité nationale sera en charge de vérifier si les conditions sont remplies170. Pareillement, lorsqu'un établissement situé hors de la zone MSU souhaite établir une succursale « moins importante » en son sein : « l'autorité compétente nationale de l'Etat membre participant (...) s'acquitte des missions de l'autorité compétente de l'Etat membre d'accueil »171. Il en va de même lorsqu'une entité moins importante située au sein de la zone MSU souhaite exercer son droit d'établissement ou la libre prestation de service dans un Etat membre non participant. Dans ce dernier cas : « l'autorité compétente nationale concernée exerce les pouvoirs de l'autorité compétente de l'Etat membre d'origine »172.

La liberté d'établissement confère donc une place significative aux autorités nationales qui jouissent également d'une compétence exclusive dans le cas d'établissements provenant de pays tiers.

2) Une compétence quasi-exclusive des autorités nationales au regard des établissements de crédit de pays tiers souhaitant exercer une activité bancaire au sein de la zone euro

Selon le règlement MSU, les autorités nationales devraient rester exclusivement compétentes pour « surveiller les établissements de crédit de pays tiers qui établissent une succursale ou fournissent des services en prestation transfrontalière dans l'Union »173.

Les règlements ne détaillent pas beaucoup plus la situation des groupes bancaires de pays tiers. Au delà du passage ci-dessus, il est simplement rappelé que la BCE pourra conclure des accords administratifs avec les autorités de surveillance et les administrations de pays tiers sans empiéter sur le rôle des autres institutions et en respectant les compétences actuelles des Etats membres174.

La BCE ne sera compétente à l'égard d'un groupe bancaire international que si l'une de ses filiales établie dans la zone MSU est qualifiée d'importante au regard du règlement cadre. En effet, la compétence directe de la BCE au regard de la libre prestation de service et de la liberté d'établissement à l'égard des entités importantes ne s'applique que pour les établissement situés dans des États membres non-participants définis comme des États membres de l'Union européenne ne participant pas au MSU. Lorsque les établissements sont situés hors de l'Union européenne, la BCE n'a pas de compétence directe que ce soit en matière de succursale ou de liberté de prestation de service. Il est alors possible de craindre une différence de traitement entre les Banques ayant leur siège dans l'union

170 Article 11(4) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

171 Article 14(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

172 Article 17(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

173 Considérant 28 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

174 Considérant 80 du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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et celles ayant leur siège dans un pays tiers. L'autorité nationale pourrait-elle traiter plus favorablement une succursale émanant d'un établissement situé dans un pays tiers ? Certains ont pu craindre cette configuration175 mais en réalité, les Etats membres ne peuvent appliquer aux succursales d'établissements de crédit ayant leur administration centrale dans un pays tiers des dispositions conduisant à un traitement plus favorable que celui appliqué aux succursales d'établissements de crédit ayant leur administration centrale dans l'Union176.

Au regard des textes, les autorités nationales semblent donc conserver plusieurs compétences directes, notamment à l'égard des établissements « moins importants ». Cependant, les règlements confèrent en réalité, à la BCE, la possibilité d'agir directement sur les entités qui devraient relever de la compétence directe des autorités.

II. L'influence potentiellement décisive de la Banque centrale européenne sur la supervision des établissements « moins importants »

La Banque centrale peut imposer des obligations aux autorités nationales en ce qui concerne la surveillance des entités « moins importantes » (A). Son pouvoir d'intervention à l'égard des établissements « moins importants » ne s'arrête pas là puisqu'elle peut également décider d'agir directement à leur égard (B).

A) Les diverses obligations imposées aux autorités nationales affaiblissant leur compétence directe auprès des établissements « moins importants »

La Banque centrale européenne influe sur la surveillance directe des autorités nationales à l'égard des établissements moins importants ; que ce soit par le biais des diverses obligations d'information qui leur sont imposées (1) ou en utilisant la voie normative (2).

1) De nombreuses obligations d'information portant notamment sur certains projets de décisions et procédures

L'autorité nationale doit notifier à la BCE « toutes les sanctions administratives imposées aux entités moins importantes » relatives aux missions de surveillance prudentielle177. Cette obligation influencera forcément les autorités nationales lorsqu'elles décideront d'infliger des sanctions

175 The single supervisory mechanism or «SSM«, part one of the Banking Union by Eddy Wymeersch

176 Article 47(1) de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE

177 Article 135 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

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administratives. En effet, le fait de savoir que la Banque centrale en sera informée conduira les autorités à appliquer les sanctions de façon plus objective.

Les autorités nationales doivent également informer la BCE en cas de « détérioration rapide et importante de la situation de toute entité moins importante ». En particulier si cette détérioration est susceptible de conduire à une demande d'aide financière du MES178. Cette obligation se comprend notamment par la conséquence d'une aide financière directe du MES à une entité moins importante : cette aide la fait basculer dans la catégorie des établissements importants. Cette information est donc essentielle et permet à la BCE de se préparer à exercer potentiellement la surveillance prudentielle directe d'un nouvel établissement de crédit.

L'obligation d'information majeure porte sur les procédures de surveillance prudentielle essentielles des autorités nationales afférentes aux établissements moins importants. Les informations relatives à ces procédures doivent être notifiées à la Banque centrale européenne : ces procédures concernent notamment la révocation des membres des conseils d'administration et « les procédures ayant une incidence importante sur l'entité moins importante soumise à la surveillance prudentielle »179. La notion de procédure essentielle est donc définie très largement et il appartiendra à la BCE de donner une interprétation plus ou moins large de ce qu'elle considère être une procédure de surveillance essentielle. En l'état actuel du droit, la BCE peut donc exiger des autorités nationales que lui soient communiquées toutes informations relatives à toute procédure à l'égard d'une entité moins importante. Il serait donc opportun de prévoir une liste concrète de procédures considérées comme essentielles afin d'offrir une réelle autonomie aux autorités nationales qui, actuellement, exercent leurs missions de surveillance directe avec la potentialité de devoir continuellement notifier leurs actions à la BCE. En outre, même s'il existait une liste des procédures essentielles, le règlement dispose que, en plus des obligations d'information concernant ces dernières, la BCE peut à tout moment demander aux autorités compétentes nationales des informations sur la mise en oeuvre des missions qu'elles accomplissent à l'égard des établissements moins importants180. Cela démontre une volonté des textes européens de permettre une immixtion de la Banque centrale dans la supervision directe des autorités nationales. Le guide relatif à la surveillance bancaire a mis en garde contre l'excès de notifications à la BCE par les autorités nationales181.

La même obligation de notification s'applique en matière de projets de décisions considérées comme

178 Article 96 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

179 Article 97(2) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

180 Article 97(3) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

181 Guide relatif à la surveillance bancaire-septembre 2014

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essentielles s'ils ont une incidence importante sur l'entité surveillée. Là encore, il aurait été préférable de fournir une liste qui permette aux autorités de discerner les projets de décisions qui donneront lieu à notification et les autres182.

Les autorités nationales ont, dans tous les cas, une obligation générale de faire rapport à la BCE qui peut leur demander à tout moment de l'informer sur les mesures qui ont été prises à l'égard des établissements moins importants183.

En plus de ces obligations d'information et de notification, la BCE peut agir sur la surveillance directe des entités moins importantes en adoptant des actes contraignants à l'encontre des autorités nationales.

2) La possibilité pour la Banque Centrale Européenne d'influencer la supervision directe des autorités nationales par la voie normative

Le règlement MSU prévoit que, s'agissant des entités moins importantes, les autorités nationales agissent selon les orientations ou instructions générales de la BCE précisant les modalités selon lesquelles les autorités compétentes doivent accomplir leurs missions de surveillance prudentielle et arrêter des décisions184.

Est-il encore possible de parler de surveillance directe des autorités nationales à l'égard des établissements moins importants ? La question se pose sérieusement puisque le règlement offre à la Banque centrale le pouvoir de dicter aux autorités nationales la façon d'agir auprès des entités pour lesquelles elles sont censées conserver la surveillance directe. A partir du moment où ces instructions et orientations seront en phase avec le droit de l'Union, elles devraient logiquement prévaloir sur le droit national des autorités qui seront alors obligées de suivre la BCE. Il est à prévoir que les règles relatives à l'exercice même des missions de surveillance prudentielles soient de plus en plus harmonisées. À terme, les autorités nationales auront très peu de marge de manoeuvre dans le cadre de leur compétence directe et seront cloisonnées tant par les règles issues de la BCE, qui peut également adopter des règlements, que par le manuel de supervision unique qui décrira précisément les procédures et la méthodologie à appliquer. En effet, à l'heure actuelle existe encore une certaine hétérogénéité dans le processus de supervision appliqué par les diverses autorités nationales.

En réalité, si le règlement avait laissé une indépendance totale aux autorités nationales pour la

182 Article 98 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

183 Article 99 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

184 Article 6(5)a) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

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surveillance des entités moins importantes, de nombreuses disparités seraient apparues. De plus, certaines banques ne présentent pas les critères d'un « établissement important » mais représentent un réel risque systémique. En effet, la défaillance d'une institution de petite taille peut avoir un effet d'entraînement sur l'ensemble du système financier185.

Pour assurer la cohérence du Mécanisme de surveillance unique, il est également prévu que la BCE puisse, dans certains cas, non pas seulement influencer le comportement des autorités nationales, mais décider d'agir directement auprès des entités « moins importantes » et ainsi exercer une supervision directe sur ces derniers. Cette possibilité confirme la volonté de faire de la BCE une autorité supranationale dominant le Mécanisme de surveillance unique.

B) La possibilité pour la Banque centrale européenne d'agir directement auprès d'un établissement « moins important »

La BCE, pour agir directement auprès d'une entité moins importante, peut soit décider d'exercer certains pouvoirs sur cette dernière (1) soit décider de classifier subjectivement un établissement de crédit dans la catégorie des entités « importantes » (2).

1) Les pouvoirs d'enquête et de sanction de la BCE auprès des établissements de crédit « moins importants »

Le règlement MSU donne le droit à la Banque centrale européenne d'exercer « à tout moment les pouvoirs visés aux articles 10 à 13 »186.

Les articles (du règlement MSU) en question renvoient aux pouvoirs d'enquête et d'inspections sur place. La BCE pourra donc entreprendre des investigations et des inspections en lieu et place des autorités nationales. Cette faculté va à l'encontre de la dichotomie laissant croire à une distinction claire entre la supervision des établissements importants et moins importants. Ces contrôles seront menés par la direction générale « surveillance microprudentielle IV » en coopération avec la division « surveillance institutionnelle et sectorielle »187.

La BCE peut également infliger des sanctions administratives directement aux entités moins importantes mais seulement « dans les cas où les règlements ou décisions pertinents de la BCE leur

185 The Failure of Nothrtern Rock-A Multidimensional Case Study-Tim Congdon, Charles A.E. Goodhart, Robert Allen Eisenbeis, George G. Kaufman, Paul Hamalainen, Rosa M. Lastra, David T. Llewellyn, David G. Mayes, Geoffrey Wood, Alistair Milne, Marco Onado, Michael William Taylor

186 Article 6(5)d) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

187 Guide relatif à la surveillance bancaire-septembre 2014

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imposent des obligations à l'égard de la BCE »188. Cette restriction n'en est pas véritablement une puisque les règlements ou décisions de la BCE n'adoptent généralement pas la distinction entre établissement important et moins important, ce qui permettra à la BCE d'adopter des sanctions à l'égard de toutes les entités situées au sein de la zone MSU.

2) La possibilité de procéder à une classification subjective des établissements de crédit

Le règlement MSU envisage la possibilité, justifiée par une application cohérente de normes élevées de surveillance, pour la BCE, à tout moment et de sa propre initiative, de décider d'exercer elle-même directement « toutes les compétences pertinentes à l'égard d'un ou de plusieurs établissements de crédit » objectivement « moins importants »189. La seule restriction à cette possibilité est la consultation des autorités nationales normalement compétentes pour la supervision de l'entité dont la BCE prend en charge la surveillance directe. Malgré tout, cette préemption devra être justifiée par un idéal commun de surveillance à travers la zone MSU. Quelles seront alors ces justifications ? La notion d'application cohérente de normes élevées peut renvoyer au cas où des autorités nationales n'atteindraient pas un niveau de diligences suffisant à permettre une application cohérente des règles imposées par les institutions européennes. Par exemple, une autorité qui n'aurait pas les moyens techniques pour faire face à la surveillance d'un établissement qui serait, certes, moins important au regard des règlements, mais trop important à l'échelle de l'autorité en question. D'ailleurs, il est prévu que l'initiative du changement de l'institution de surveillance directe puisse également émaner de l'autorité nationale. Cette dernière aurait, en effet, intérêt à ce que la BCE prenne en charge une entité si elle n'est pas capable d'en assumer la surveillance directe car l'exercice de cette surveillance pourrait amener cette autorité à être en contradiction avec les règles communes de surveillance non pas en raison d'une volonté contraire à l'idéal européen mais par manque de moyens pour atteindre les standards fixés par les institutions européennes.

Le règlement-cadre a tenté de restreindre le pouvoir de la BCE lui permettant de prendre le contrôle d'un établissement « moins important ». La Banque centrale doit tenir compte de certaines données ; notamment regarder si l'établissement en question est proche de remplir les critères objectifs d'importance. Le fait que l'autorité nationale n'ait pas suivi les instructions de la BCE permet également de savoir s'il est opportun de prendre le contrôle de l'entité moins importante190. En effet, la Banque centrale exercera une surveillance directe dès lors que l'autorité, par choix ou par défaut, refuse d'appliquer la surveillance unique telle que définie par la BCE. Au sein de l'institution bancaire

188 Article 122(b) du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

189 Article 6(4) du Règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013

190 Article 67 du Règlement (UE) n° 468/2014 de la Banque centrale européenne du 16 avril 2014

européenne, la division « surveillance institutionnelle et sectorielle » évaluera si la BCE doit ou non prendre le relais de la surveillance d'un établissement particulier191.

C'est en fait le guide de surveillance prudentielle qui semble apporter des contraintes à la préemption d'un établissement par la BCE : « il convient de noter que la détérioration de la situation financière d'un établissement moins important ou l'engagement de procédures de gestion de crise ne constituent pas nécessairement des motifs de transfert de la surveillance de l'ACN responsable à la BCE ». Bien que ce guide n'ait pas de valeur légale, il constitue un document précieux pour la compréhension du MSU puisqu'il est issu de la Banque centrale européenne qui devrait, à priori, se conformer à ses propres interprétations.

Ce procédé est en réalité une requalification de l'établissement « moins important » en établissement « important ». L'importance de ce dernier devenant alors subjective car non établie d'après les critères fixés dans les règlements mais sur la base d'une décision de la Banque centrale.

Les moyens donnés à la BCE d'agir directement auprès d'entités moins importantes marquent la volonté initiale des institutions européennes qui était de confier à la Banque centrale la surveillance de toutes les banques situées au sein de la zone euro ; cette idée est présente dans le règlement MSU : « il conviendrait (...) que la BCE puisse exercer ses missions de surveillance à l'égard de tous les établissements de crédits agréés dans les États membres participants et de toutes les succursales qui y sont établies ». Evidemment, cette solution aurait été couteuse et certainement inefficace, notamment en raison des problèmes culturels et linguistiques qu'elle aurait engendré. L'alternative a donc été de dessiner un semblant de partage de compétences entre autorités nationales et BCE tout en préservant le droit de cette dernière d'intervenir directement dès lors qu'un établissement, quel qu'il soit, présente un risque systémique susceptible de déstabiliser l'économie de l'Union européenne.

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191 Guide relatif à la surveillance bancaire-septembre 2014

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Conclusion

Le Mécanisme de surveillance unique était présenté comme un partage des compétences de surveillance prudentielle en matière bancaire ; un mécanisme où les autorités nationales, comme la BCE exerceraient des compétences les unes à l'égard des entités « moins importantes », l'autre à l'égard des entités « importantes ». Or, il est apparu qu'il n'y avait finalement que peu de place pour une réelle surveillance directe de la part des autorités nationales. Totalement effacées dans le cadre des procédures communes, leur place n'est pas beaucoup plus décisive au sein du fonctionnement courant du MSU. En effet, ces dernières doivent constamment rendre compte de leurs actions à la BCE, tandis que cette dernière peut, en se justifiant par des critères assez souples, décider de prendre le contrôle direct d'une entité en lieu et place d'une autorité nationale. Les règlements confèrent donc à la BCE, le pouvoir de contrôler potentiellement toutes les banques et marquent réellement son pouvoir supranational. La Banque centrale s'impose comme l'autorité de supervision unique de la zone MSU. Les autorités nationales apparaissent comme ayant une fonction subalterne ne servant qu'à pallier l'insuffisance des moyens de la BCE pour embrasser la surveillance de l'ensemble des établissements bancaires. Le MSU s'inscrit donc comme une étape de plus vers le fédéralisme européen.

Quelques exceptions demeurent concernant d'une part les États en coopération rapprochée dont les autorités nationales resteront souveraines vis-à-vis de la BCE qui n'aura pas la compétence pour agir directement auprès des établissement situés sur leur territoire et, d'autre part, les missions de surveillance qui ne sont pas confiées à la Banque centrale.

Une approche un peu différente a été choisie concernant le Mécanisme de résolution unique qui devrait prochainement s'appliquer. L'entité de résolution unique sera le Conseil de résolution unique (CRU) qui sera habilité à prendre des décisions concernant, non seulement les entités importantes mais aussi les groupes transfrontaliers sans prise en compte de leur taille. Les autorités de résolution nationales conserveront une compétence directe sur les entités qui ne sont pas importantes et sur les groupes n'exerçant pas d'activités transfrontalières192. Il sera néanmoins utile de voir concrètement si la distinction sera respectée dans l'éventuel règlement qui viendra répartir les compétences entre les autorités nationales et le CRU. Il a pu être constaté que, pour le MSU, des différences considérables sont apparues entre les interprétations faites à propos du règlement de 2013 et le règlement-cadre.

192 Considérant 28 du règlement (UE) 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un fonds de résolution bancaire unique

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Bibliographie

Ouvrages .
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· Commission européenne - Communiqué de presse, L'union bancaire de l'UE est sur les

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· Conférence de Carmelo Barbagallo, L'Unione Bancaria Europea, 6 mai 2014

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· Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE

· Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme

· Code monétaire et financier

· Ordonnance n°2014-1332 du 6 novembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au mécanisme de surveillance unique des établissements de crédit

· Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) n°648/2012

· Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) n°648/2012

· Règlement (UE) n°1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne)

·

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Décision de la Banque Centrale Européenne du 17 septembre 2014 relative à la mise en oeuvre de la séparation des fonctions de politique monétaire et de surveillance prudentielle de la Banque centrale européenne (BCE/2014/39) (2014/723/UE)

· Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit

· Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne






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