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Libéralisation financière et croissance économique au cameroun


par Christian BELKE NDONEMO
Université de Ngaoundere - Master recherche  2017
  

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C- Les néo structuralistes et le dualisme financier

Les néo structuralistes reprochent aux tenants de la libéralisation financière de négliger un aspect structurel des économies des pays en développement : l'existence d'un secteur financier informel. Mc Kinnon/Shaw considéraient ce secteur comme un avatar de la répression financière et de la segmentation de l'économie (Venet, 1994). Pour eux, la segmentation du marché financier agit négativement sur l'efficacité du système économique. Dans ce cas, le recours à la libéralisation financière peut contribuer à réduire la part du secteur informel et par là, diminuer l'influence du taux d'intérêt du secteur informel en faveur de celui du secteur formel pour accroitre le volume de crédit nécessaire pour l'investissement productif. Mais les néo structuralistes s'opposent à l'idée selon laquelle le secteur financier informel serait la cause du sous-développement de ces pays pauvres. Loin d'être un handicap au développement économique, le secteur informel est le reflet de la structure de la production et de la richesse de ces pays et serait un facteur de croissance économique. Ils lui attribuent une grande efficacité en termes d'allocations des ressources.

Les néo structuralistes considèrent que les réserves obligatoires constituées par les banques commerciales auprès de la banque centrale sont un obstacle à l'intermédiation financière. C'est dans cette mesure que les préteurs du secteur informel constituent une véritable alternative aux banques dans le secteur formel d'autant qu'ils ne sont pas obligés de constituer des réserves obligatoires. Ensuite, dans l'hypothèse d'une augmentation du taux d'intérêt réel consécutive à la libéralisation financière, les néo structuralistes identifient deux conséquences négatives pour la croissance. D'abord elle accroît le coût du capital productif, ce qui conduit à une augmentation du niveau général des prix et à une baisse de l'investissement qui réduit le taux de croissance de l'économie ; aussi l'augmentation du taux d'intérêt peut réduire la demande d'encaisses monétaires, ce qui affecterait alors, à la baisse l'offre de prêts sur les marchés financiers informels, provoquant ainsi une augmentation du taux d'intérêt nominal sur le marché informel (Venet, 1994).

Van Wijnbergen (1983) construit un modèle dans lequel il suppose que la richesse réelle des agents (w) est composée de la monnaie (m), des dépôts bancaires à terme (DT) et des prêts directs au secteur informel (PI). Les trois secteurs sont par hypothèse substituables et dépendent des mêmes variables qui sont le taux d'inflation, le taux d'intérêt nominal d'équilibre du secteur informel (i), le taux d'intérêt appliqué aux dépôts bancaires à termes et le revenu (y). Dans ce modèle, les banques constituent des réserves obligatoires et sont contraintes par les taux d'intérêt administrés. Les néo structuralistes (Taylor, 1983 ; Van Wijnbergen, 1983) défendent l'argument selon lequel la mise en oeuvre d'une politique de libéralisation financière, à travers l'augmentation des taux d'intérêt sur les dépôts bancaires, ne contribue en rien au financement de la croissance économique dans la mesure où l'investissement ne dépend que du taux d'intérêt réel du secteur informel (i) et du revenu (y). Mais la hausse de la rémunération des dépôts à terme des banques peut entrainer deux effets sur le marché de la monnaie : D'une part, la hausse des taux créditeurs accroît la demande d'encaisses monétaires et fait donc déplacer la courbe LM vers le haut (passage en LM'). D'autre part, il y a un effet de substitution entre la monnaie et les dépôts à terme: les agents ont tendance à se tourner vers les dépôts à terme au détriment de la détention d'encaisses monétaires. Cela provoque une hausse de l'offre de monnaie.

Pour les Néo-Structuralistes, c'est le premier effet de substitution qui l'emporte. La libéralisation financière ne provoquerait que des effets néfastes car les agents substituent principalement des dépôts à terme aux actifs du marché informel de sorte que l'offre totale de fonds disponibles pour le secteur productif diminue car une partie de l'accroissement des dépôts à terme vient alimenter les réserves obligatoires, ce qui assèche de surcroit l'offre de fonds prêtables. Dans ce cas, LM se déplace vers le haut (LM'). La hausse du taux servi sur les dépôts à terme se traduit par une hausse du taux nominal sur le marché informel (i passe en i') et par une baisse du revenu (passage de y à y'). On peut remarquer qu'une politique monétaire restrictive aura les mêmes effets néfastes.

Figure 6 : Les effets d'une augmentation du taux réel sur les dépôts à terme

Source : Lajili (2015), p 23

Cependant L'approche néo structuraliste pose, elle aussi, un certain nombre de problèmes. Ce modèle suppose une allocation efficiente des ressources par le secteur informel, et le côté négatif de la constitution systématique de réserves obligatoires par le système bancaire. Il est vrai la finance informelle a un certains nombres d'avantages : bonne implantation géographique dans des zones où il est difficile au secteur bancaire officiel de s'implanter compte-tenu des coûts ; absence d'asymétrie d'information entre prêteurs et emprunteurs dans la mesure où les prêts ne sont accordés qu'à des individus membres de la communauté (village, quartier...) où l'information circule très vite ; enfin, faiblesse du risque d'aléa de moralité car le mauvais débiteurs risquent l'exclusion pure et simple de la communauté.

Pourtant le secteur financier informel n'est pas un secteur homogène. Comme le souligne Venet (1994), il s'agit plutôt d'une multitude de micromarchés disséminés géographiquement et n'ayant que peu de rapports entre eux et prenant des formes très différentes (tontines, prêteurs individuels...). Dans ces conditions, il paraît difficile de parler de taux d'intérêt unique d'équilibre du secteur non-officiel. Par ailleurs le secteur financier informel n'exerce pas à proprement parler une activité d'intermédiation. En effet l'intermédiation consiste en la collecte d'épargne et le financement des activités par la transformation de maturité. Or il est difficile de trouver des intervenants sur le marché informel qui assurent à la fois la mobilisation de l'épargne, l'octroi de prêts et le financement des investissements. On y observe plutôt une spécialisation de l'activité : collecte de l'épargne ou octroi de crédit. Les prêts sont de courte durée et de faibles montants, d'où des coûts de transaction élevés.

Aussi les néo structuralistes attribuent le faible niveau d'intermédiation du système financier formel à la constitution des réserves obligatoires. Prenant cette réflexion à contre-pieds, Kapur (1992) affirme que les réserves détenues par le secteur bancaire officiel sont un gage de liquidité à court-terme et donc qu'elles accroissent la sécurité du système. Les réserves sont indispensables compte tenu de l'activité de transformation de maturité des ressources bancaires (les banques effectuent des prêts à long terme à partir des dépôts à court terme). Le système bancaire formel tire donc son avantage de sa liquidité. Ainsi si le système financier informel veut connaitre une aussi bonne sécurité, il lui faut constituer des réserves. Eggoh (2009) rajoute que les activités financées par les prêts informels sont souvent des activités illégales et que dans le meilleur des cas, les projets financés par la finance informelle sont des projets de faible envergure ; et donc pour un grand projet d'investissement et de développement le recours au système bancaire formel est indiscutable. Dans la finance informelle les prêteurs ne sont pas protégés en cas de faillite des emprunteurs. Ceci rend le marché financier informel très volatile par rapport aux rumeurs sur les faillites. Les agents courent un risque de liquidité important qui explique le niveau élevé des taux d'intérêt sur les marchés informels.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld