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Les conflits entre associés en droit des sociétés commerciales OHADA


par Osiris Samuel Zaki
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master II recherche 2019
  

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Chapitre II- le traitement judiciaire du conflit

Le recours au MARC dans la résolution des conflits entre associés bien qu'étant un moyen sûr, peut s'avérer inefficace pour son dessein. Cela peut être dû à sa flexibilité, qui laisse le choix dans certains cas aux parties de s'y soumettre ou non. Il peut aussi être du simple fait que les parties ne l'ont pas prévu dans la constitution du contrat de société ou même après la naissance du conflit, du fait d'un manque d'ingéniosité ou de connaissance en la matière et quelque fois en raison du coût élevé de cette justice privée. En pareil circonstance le litige se porte devant le juge Étatique qui aura la mission de trancher le différend entre les associés.

Le juge Étatique face à un litige de cette nature197(*), ne procède pas de la même manière qu'en cas de différends civils. En effet compte tenu des intérêts économiques en jeu, et vu la mission198(*) du droit communautaire OHADA, le juge Étatique porte une attention particulière, il ne cherche pas immédiatement à établir les torts, dans un premier temps il cherche à comprendre le litige, à prendre en compte l'intérêt de la société et des acteurs de la société. Il tente de résoudre le différend tout en préservant la société et pour cela il use des différents mécanismes du droit communautaire. En effet selon la nature du litige le juge peut envisager des mesures provisoires en remplaçant les associés en charge de la gestion (S1) et desquels découle le conflit, soit de façon ponctuelle ou plus étendue, pour préserver l'intérêt de la société. Il peut aussi dissoudre (S2) la société seulement lorsque ces différentes mesures échouent. Cette dissolution est dans l'esprit de beaucoup de profanes le seul moyen judiciaire de résoudre un tel conflit.

Section I- Le règlement du conflit à travers des mécanismes de représentation judiciaire de la société

« Sur le fondement de l'article 147 de l'acte uniforme selon lequel, tout litige entre associés ou entre un ou plusieurs associés et la société relève de la juridiction compétente, le juge peut être amené à prévenir les conflits ou à éviter que leur aggravation, lorsqu'ils sont nés, aient des répercussions négatives sur la marche de la société »199(*)

En effet, lorsqu'il y a mésentente entre les associés dans le fonctionnement normal de la société, et que celle-ci risque de créer une paralysie des activités de la structure, le juge intervient en s'immisçant dans la vie, le fonctionnement de la société. Dans ce cas d'espèce cette immixtion du juge est justifiée par l'intérêt de la société, celui des créanciers et celui de l'État du fait de l'importance et de l'apport d'une société saine sur l'économie de l'union. Cette intervention du juge tend donc à favoriser un bon fonctionnement de la société au quotidien, éviter ou régler les situations de blocage qui peuvent aboutir à des situations graves. L'immixtion du juge dans la société passe donc sous le prisme de deux mécanismes permettant à ce dernier de remplacer les dirigeants de la société à court ou à long terme selon la nature du blocage. Il s'agit donc du mandat ad 'hoc (A) qui traduit l'existence d'un blocage dans le processus d'une prise de décision nécessaire, collective et de l'administration provisoire (B) qui témoigne d'une paralysie fonctionnelle de la société. L'acte uniforme ne permet pas cependant l'intervention tout azimut du juge dans les sociétés commerciales. Cela s'explique d'une part du fait que la société est avant tout un contrat et l'immixtion du juge peut constituer un obstacle à la réalisation des objectifs contractuels. Ainsi l'intervention du juge dans la société doit se faire lorsqu'elle est demandée par les concernés, et même dans ce cas cette intervention reste très règlementée.

A- Le recours au mandataire ad hoc pour une gestion ponctuelle du conflit

Le mandat ad `hoc est défini comme, la désignation d'une personne à la demande du représentant200(*) de l'entreprise, par le président du tribunal de commerce ou de grande instance en vue de rechercher la conclusion d'un accord entre l'entreprise et ses créanciers201(*). Cette définition axée sur la nature du mandat dans les procédures collectives traduit bien le caractère hétérogène de ce mécanisme qui présente un réel intérêt pratique dans différents cas de difficultés rencontrées par la société. Il n'est pas expressément défini par l'acte uniforme de façon à distinguer clairement le mandat ad hoc dans les différentes situations dans lesquelles il est usité. Cependant dans le cadre d'un blocage, ou de mésentente entre associés il se résume à une représentation de la société en substitution des dirigeants de droit dans un processus de prise de décision collective rendu difficile par un rapport conflictuel entre différents associés.

Lorsqu'on s'attarde sur la signification du mot on se rend compte qu'il s'agit d'un mécanisme ponctuel destiné à décongestionner un blocage imminent ou déjà né. En effet le Mandat est un acte par lequel une personne donne le pouvoir a une autre de faire quelque chose en son nom202(*) , quant à la locution adjectivale Ad hoc qui traduit ce qui convient parfaitement à une situation, à un usage, à un moment précis. Ainsi le mandat ad hoc est un mécanisme de représentation qui convient à une situation (celle du blocage ou de mésentente) précise.

Le mandat ad hoc est donc un mécanisme d'exception dans le fonctionnement de la société. Faire recours à ce mécanisme suppose une situation donnée née au cours du fonctionnement de la structure sociale ; il s'agit essentiellement de situations conflictuelles, dues à une mésentente entre différents associés, généralement dans le cadre d'une prise de décision collective. En effet en cas d'abus203(*) de minorité204(*) ou d'égalité205(*) lors d'un vote de prise de décision collective. Cette situation présente clairement l'un des cas dans lesquels on peut faire intervenir un mandataire ad hoc pour deux raisons. Il s'agit d'abord ici, d'une partie des associés qui refusent une décision qui porterait atteinte à leurs intérêts propres, pourtant nécessaire pour le fonctionnement de la société. Il y a ici une situation de mésentente voire de conflit, car deux groupes d'associés par rapport à une décision ne tombent pas d'accord ce qui crée un blocage. Le deuxième élément est en rapport avec l'intérêt de la société elle-même, le blocage en effet est une situation qui nuit à la société qui peut se trouver paralysée, les associés minoritaires et égalitaires sont en l'espèce des acteurs actifs de ce blocage du fait qu'ils préconisent leurs intérêts propres à celui de la structure sociale. La nomination d'un mandataire ad hoc se justifie du fait du blocage, de la sauvegarde de l'intérêt social et le conflit d'intérêt manifeste des associés minoritaires et égalitaires quant à la décision soumise au vote collectif.

L'on pourrait ainsi croire que cette situation de blocage nécessitant l'intervention du juge pour désigner un mandataire est caractéristique du conflit ou que le conflit est caractéristique d'une mésentente dans le processus de prise de décision collective, mais il n'en est rien. Cela peut en effet être dû aussi à une fuite de responsabilité des dirigeants sociaux quant à la prise de décision dans leurs attributions propres, en ce qui concerne la convocation des assemblées générales206(*).

Face au refus ou à la carence des organes dans la prise de décision permettant le fonctionnement de la société le juge peut être appelé au secours. C'est d'ailleurs là le domaine d'intervention plus large du juge dans la vie de la société. En effet plusieurs dispositions de l'acte uniforme donnent compétence au président de la juridiction compétente de designer a la demande de tout associés un mandataire chargé de soit de convoquer des consultations entre associés, soit d'accomplir une formalité. Les assemblées générales sont importantes dans le fonctionnement de la vie sociale, car c'est un mécanisme de suivi de la gestion de la société. C'est dans ces assemblées que sont définis les objectifs à suivre, le bilan etc. C'est dire donc toute l'importance des assemblées générales. Ainsi lorsque les personnes en charge de convoquer ces assemblées ne le font pas les associés pourraient donc saisir le juge pour désigner un mandataire ad hoc chargé de le faire. « Les actionnaires ayant formulé la demande pourraient saisir le juge le cas échéant, s'il y a urgence, suivant la procédure du référé aux fins de faire enjoindre au conseil de convoquer l'assemblée ou, à défaut de faire désigner un mandataire «ad hoc » chargé de procéder à la convocation des actionnaires et de veiller au bon déroulement de leur réunion »207(*)

Le mandat ad hoc s'avère aussi très pratique dans bien d'autres cas. En cas d'action sociale contre les dirigeants sociaux pour faute dans la gestion, le législateur communautaire précise qu'après une mise en demeure infructueuse tout associé peut agir au nom et compte de la société. Cependant la société devant être représentée autours de l'instance, et sachant que ses représentants légaux sont ceux mis en cause par la procédure, il est désigné à cet effet un mandataire devant représenter la société au cours de l'instance afin de résoudre le conflit d`intérêt mais aussi pour satisfaire aux impératifs de l'instance208(*). L'article 167 in fine dispose donc « la société ou tout associé peut également demander à la juridiction compétente de désigner un mandataire ad hoc pour la représenter dans l'instance, lorsqu'il existe un conflit d'intérêts entre la société et ses représentants légaux »

La pratique du mandat ad hoc se révèle extrêmement utile non seulement dans les hypothèses de conflit mais de manière plus générale de difficultés dans la mesure où elle permet l'introduction d'un tiers en principe professionnel du droit dont la neutralité peut être le déclic de nature à faciliter la recherche d'une solution.

En définitive la mission du mandataire ad hoc est un rôle ponctuel précis et non étendu. Il doit sa mission dans un bref délai. Il s'agit soit de convoquer une assemblée générale quand les dirigeants chargés de le faire ne le font pas, soit une mission de représentation au cours d'une assemblée générale pour prendre une décision de manière à favoriser l'intérêt social, ou une représentation dans le cadre d'une action en justice.

«  Le mandataire ad hoc est désigné pour effectuer une opération ponctuelle et limitée (convoquer une assemblée, représenter un actionnaire etc. »209(*). Ainsi, une fois que la mission est remplie le mandat prend fin et celui-ci ne saurait durer au-delà de la mission assignée au mandat, cependant si la mésentente persiste et se prolonge de façon à rendre impossible le fonctionnement de la société il est donc mis fin au mandat au profit de l'administration provisoire.

* 197 Un contentieux mettant en jeu des intérêts différentiels, dans lequel l'État a un intérêt du point de vue de l'activité économique interne et sous régional, les créanciers de la société, les salariés et même les associés eux-mêmes.

Il faut noter qu'une entreprise qui fonctionne crée de la richesse, contribue au recul de la pauvreté et du chômage, c'est donc un acteur économique qu'il faut traiter avec une attention particulière.

* 198 La mission du droit OHADA est de faire en sorte de créer un écosystème efficace et propice pour la création et l'implantation des sociétés commerciales, de maintenir ou de sauver les sociétés en place par des règles assez souples. Il ressort donc que la mission est de voir plus de sociétés naitre et non de les voir disparaitre.

* 199 M. Ibrahima SAMBE, président du tribunal régional de Saint-Louis, formation complémentaire des auditeurs de justice tenue le 31 mars au 18 avril 2003.

* 200 En matière de situation de blocage la demande peut être faite par tout associé, au nom et pour le compte de la société

* 201 Définition du lexique de termes juridique dans sa 19e édition, définition axée sur le mandat ad `hoc dans les procédures collectives, la contextualisation du mandat ad `hoc dans le cadre d'une situation de blocage peut être vu commela désignation d'une personne à la demande de tout associé au président du tribunal compétant afin de représenter la société dans un processus de prise de décision.

* 202 Définition donnée par Gérard Cornu dans vocabulaire juridique.

* 203 Article 131 et suivant de l'AUSCGIE

* 204Au terme des dispositions de l'article 131 al. 2 AUSCGIE « Il y a abus de minorité lorsque, en exerçant leur vote, les associés minoritaires s'opposent à ce que des décisions soient prises, alors qu'elles sont nécessitées par l'intérêt de la société et qu'ils ne peuvent justifier d'un intérêt légitime ». L'exemple classique d'un abus de minorité est le blocage abusif d'une décision nécessitant une majorité spéciale (modification des statuts, augmentation de capital

* 205 « Il y a abus de minorité ou d'égalité, lorsque en exerçant leur vote, les associés minoritaires ou égalitaires s'opposent à ce que les décisions soient prises, alors qu'elles sont nécessitées par l'intérêt de la société et qu'ils ne justifient pas d'intérêt légitime. » al 2 art.131

* 206 Il s'agit d'assemblées générales ordinaires et extraordinaires

« Les associés sont convoqués en fin de liquidation sur les comptes définitifs, sur le quitus de la gestion du liquidateur et la décharge de son mandat et pour constater la clôture de la liquidation.

A défaut, tout associé peut demander à la juridiction compétente statuant a bref délais la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de procéder à la convocation. » art 127 de l'AUSCGIE (voir aussi art 337,348, 518 in fine)

* 207Paul Alain FORIERS avocat, maitre de conférence à l'ULB La situation de blocage dans les sociétés anonymes, P9, 2016.

* 208 Il s'agit du principe du contradictoire auquel il faut satisfaire, en effet toutes les parties à une instance doivent être présentes, représentées et entendues. En espèce du fait que ce sont les représentants légaux de la société qui sont en cause, On ne pouvait logiquement pas laisser ces mêmes personne en en cause contre la société représenter la société. Ainsi le double problème du conflit d'intérêt et de la représentation impérative de la société à l'instance s'est réglé par la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de défendre les intérêts de la société face à ses dirigeant légaux en causes au cours de l'instance.

* 209Cass. civ, 21 juin 2018, n° 17-13212

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille