WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les conflits entre associés en droit des sociétés commerciales OHADA


par Osiris Samuel Zaki
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master II recherche 2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B - La sanction des abus dans les mécanismes de prises de décisions collectives

« Il est de moins en moins discuté que celui qui dépasse les limites de son droit ou commet une faute dans l'exercice de celui-ci, notamment parce qu'il s'en sert pour nuire à autrui, engage sa responsabilité. C'est que, comme l'observait le doyen Ripert, la théorie de l'abus du droit a progressivement trouvé place dans la littérature juridique qui, le fait est connu, s'est considérablement enrichie au fil du temps. Excédant les frontières du droit de propriété qui l'avait vue naître à l'occasion d'affaires demeurées célèbres, du droit des contrats ou du droit processuel qu'elle avait ensuite pénétré, la règle qu'elle charrie est même devenue, à en croire quelques-uns, un principe général du droit 115(*)»

L'abus est donc une utilisation négative d'un droit il place ainsi son auteur sur la voie de la responsabilité. C'est un fait générateur de tensions, de discordes car son existence suppose une violation de droit et par ricochet un dommage causé à autrui. Il ne s'agit pas d'un termeexclusivement juridique116(*) il désigne dans le langage courant l'usage immodéré que l'on fait de toutes choses. Son pendant en droit est désigné comme abus de droit117(*).

L'abus de droit est systématiquement sanctionné en droit positif dans le soucide protection des sujets de droit118(*), et le maintien de l'égalité entre ces derniers. En ce qui concerne notre analyse,nous allons nous appesantir sur l'abus de droit au sein de la société dans le processus de prise de décisions collectives. En effet dans l'intérêt de la communauté des associés et surtout celui de la société elle-même, pour sa pérennité et sa prospérité, les associés se doivent de prendre des décisions incontestablement inspirées par le souci de ne rompre l'équilibre entre les associés et mettre en avant leur intérêt commun, ainsi que celui de la société.

On entend par mécanisme de prise de décision collective, tout processus légal statutaire déterminé par les associés suivant lequel ces derniers se réunissent en assemblée pour prendre des décisions , approuver ou infirmer , délibérer sur des sujets concernant le fonctionnement, l'existence de la personne morale, dans le respect des règles statutaires de quorums119(*) , de majorités et de minorités.

Elle rend des décisions collectives ordinaires sur des sujets en rapport avec le cours normal de la société. Elle se prononce ainsi sur les états financiers de synthèse, de l'exercice écoulé, la révocation et la nomination des dirigeants etc.  Les décisions sont prises à la majorité des votes des associés. Les assemblées extraordinaires sont le plus souvent destinées à se prononcer sur des décisions ou sujet qui entrainent la modification des statuts.

Ce mécanisme trouve son fondement dans l'affectio societatis, qui veut que les associés collaborent sur la base de l'égalité, et que ces derniers s'impliquent dans la vie de la société. Le vote constitue donc un droit inaliénable de l'associé, inhérent à sa qualité d'associé120(*). Il fallait de ce fait s'assurer que celui-ci l'exerce de façon licite dans le respect des règles statutaires et législatives en bon père de famille sans se placer sous le terrain de l'abus. En effet l'abus nait des intérêts antagonistes pouvant exister entre les acteurs de la société, du fait de leurs différences par rapport à leur, apport, au nombre de part sociale, la qualité de dirigeant etc. ainsi l'on observe des déviances constitutives d'abus dans l'exercice du vote, destiné à servir des intérêts propres. L'acte uniforme a ainsi dénombré trois (3) sortes d'abus intervenant dans le processus de prise de décisions collectives. On peut, ainsi, identifierl'abus de majorité, l'abus de minorité, et l'abus d'égalité.

L'acte uniforme dispose en effet qu' « Il y a abus de majorité lorsque les associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, sans que cette décision ne puisse être justifiée par l'intérêt de la société.121(*) » ; quant à l'abus de minorité ou d'égalité le législateur nous dit que c'est lorsqu'« en exerçant leur vote, les associés minoritaires ou égalitaires s'opposent à ce que des décisions soient prises, alors qu'elles sont nécessitées par l'intérêt de la société et qu'ils ne peuvent justifier d'un intérêt légitime122(*). »

L'élément commun à ces différents types d'abus est « l'intérêt de la société » .En effet pour qu'il y ait abus dans le processus de vote,il faut tout d'abord que la décision ou le vote soit contraire à l'intérêt de la société. Cela signifie en réalité que les associés doivent toujours en premier lieu prendre des décisions conformes à l'intérêt social. Cette exigence peut être comprise sous plusieurs angles, il en va tout d'abord de la survie de la société dans son sens direct et large, et ensuite de la cohésion des associés qui conditionne la bonne marche et indirectement la survie de la société.

Cependant en ce qui concerne l'abus de majorité, au-delà de la violation de l'intérêt de la société il est constitué en prenant en comptes d'autres éléments. Il faut que la décision prise ne soit que dans le but de favoriser les associés majoritaires, et qu'elle lèse volontairement les associés minoritaires. Il peut s'agir pour un associé majoritaire d'imposer à la minorité les rémunérations exagérées des dirigeants ; le fait pour des actionnaires majoritaires de décider de la prise en charge du passif d'une société filiale dans laquelle ils auraient également des intérêts, ou encore le fait d'affecter les bénéfices à la réserve et de refuser leur distribution, ou de reporter celle-ci d'un exercice à l'autre, et cela encore au détriment des actionnaires minoritaires qui étaient bien fondés à attendre cette répartition des bénéfices. En outre en disposant que,  « sans que cette décision ne puisse être justifiée par l'intérêt de la société » le législateur ouvre une brèche d'un acte qui pourrait être constitutif d'abus de majorité. De toute évidence cela signifie que si les associés majoritaires prennent une décision qui apparemment est à leur avantage et manifestement lèsent les minoritaires, et qu'ils arrivent quand même à prouver que cette décision est bénéfique à la société, l'on ne pourra point retenir l'abus de majorité contre ces associés. Il sera question en espèce d'interpréter la situation de l'aiguille des deux intérêts, il faut déterminer ici si la décision profite plus à la société ou aux associés majoritaires ? En occurrence si la décision profite plus à la société qu'aux associés majoritaire il n'y sera pas retenu l'abus de majorité, mais si tel n'est pas le cas, la décision est constitutive d'un abus de majorité.

L'abus de minorité ou d'égalité est constitué lorsque les associés minoritaires ou égalitaires en violation de l'intérêt social s'opposent à une décision importante pour la pérennité de la société sans justifier d'un intérêt légitime. L'analyse de cet abus s'inscrit en partie plus dans le cadre des assemblées extraordinaires car c'est au cours de ces assemblées que l'on prend des décisions susceptibles de conditionner la survie de la société. Par ailleurs la précision de « justifier d'un intérêt légitime » semble superflue pour deux raisons, il faut se poser la question de savoir si il y a vraiment un intérêt légitime des minoritaires du fait de leur position personnelle mais que cette décision reste importante pour la survie de la société qu'adviendra-t-il de cette décision, va-t-on se baser sur l'existence d'une justification légitime pour retenir cette décision dommageable à l'intérêt social ? la réponse semble s'imposer du point des objectifs de l'OHADA, l'on retiendra plus l'intérêt de la société au détriment de l'associé minoritaire qui présente un intérêt légitime. Cependant cette précision prend tout son sens lorsqu'on considère l'opposition de l'associé minoritaire une réaction a un fait susceptible de constituer un abus de majorité.

« l'abus de minorité concerne l'attitude de celui qui, pour des raisons exclusivement personnelles, prend le parti de ne pas voter à l'occasion d'assemblées réunies pour décider du déplacement du siège social d'une société qu'on espère « sauver » par ce moyen ; de l'individu qui, par malice, s'abstient de voter à l'occasion d'une assemblée convoquée pour décider de la prorogation de la durée d'une société ; de l'individu qui entend braver la loi du nombre dans une assemblée convoquée à l'effet d'examiner les résultats de l'exercice et décider de l'affectation des bénéfices ; de celui qui met en mouvement son pouvoir institutionnel d'opposition pour empêcher l'augmentation ou à la diminution du capital social alors que cette opération est indispensable à la survie de la société ; de celui qui, sans argument sérieux, s'oppose systématiquement au vote d'une délibération dont la conséquence serait le changement de l'objet social ; de celui qui, inspiré par l'intention de nuire, ne consent pas à la dissolution anticipée d'une société dans les cas prévus par la loi, notamment lorsque, du fait des pertes constatées dans les états financiers de synthèse, les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié du capital social123(*) »

Ceci étant il faut maintenant comprendre la notion de majorité ou de minorité qui peut être comprise différemment124(*) ; en effet est-il question de majorité ou de minorité en nombre au cours de l'assemblée où on peut considérer le plus grand nombre comme majoritaire et le plus petit nombre des associés comme minoritaire ou est-il question de majorité et de minorité en part sociale ? L'analyse des différentes définitions laisse comprendre en effet qu'il s'agit de la majorité et de la minorité en part sociale125(*). Il en ressort qu'il est évident que les intérêts entrent en conflit en droit des sociétés le plus souvent sur la base de cette dichotomie qui existe entre associés majoritaires en parts ou action sociales et les minoritaires. Les associés cependant peuvent opter pour un système mixte.

La sanction de ces différents types d'abus sont de deux sortes. Il s'agit de la responsabilité sous le régime de droit commun de la responsabilité civil, car « La responsabilité des associés ayant voté la décision constitutive de l'abus peut être engagée par les associés minoritaires pour la réparation du préjudice en résultant à leur égard.126(*) » ; au-delà des dommages et intérêt il est prévu la nullité de la décision entachée d'abus, le législateur va plus loin en ce qui concerne l'abus de minorité ou d'égalité, en effet l'article 131 de AUSCGIE dispose que « La juridiction compétente peut désigner un mandataire ad hoc aux fins de représenter à une prochaine assemblée les associés minoritaires ou égalitaires dont le comportement est jugé abusif et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social y compris celui des différents associés. »Cette faculté a pour but la protection de l'intérêt social dans son sens large.

La sanction de ces différents abus permet ainsi de ne pas rompre le principe d'égalité entre les associés, de garantir l'expression licite des prérogatives reconnues à chaque associé de sorte à installer un cadre social propice à l'épanouissement de l'affectio societatis.

En définitif dans le souci de prévenir le conflit entre associé, le législateur a défini des règles qui s'imposent aux associés mais aussi, la protection de certaines règles établies par les associés. La création de l'entreprise à son fonctionnement les dispositions législatives jouent un rôle de canalisateur de mauvais comportements ou d'actes dangereux pour la société , qui risqueraient de rompre la cohésion entre les associés et ainsi créer un climat favorable aux conflits. C'est dans cette optique que le législateur pour dissuader ces comportements définit des mesures de sanctions auxquelles les associés indélicats s'exposent.

Cependant le droit n'étant pas une science exacte, le législateur a prévu des mesures de règlement des conflits pour gérer au mieux les conflits qui pourront subvenir en dépit des mesures et des différents mécanismes de préventions.

* 115Interrogations sur l'abus de minorité dans l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique , Par Sylvain Sorel KuatéTameghé, HDR, Chargé de cours à l'Université de Yaoundé II, Associé à l'Université catholique d'Afrique centrale. P1, Mai 2009.

* 116 Les dictionnaires de langue française et de droit concordent. Abus correspond étymologiquement à « usage excessif » puis au résultat d'un tel usage, c'est-à-dire à une attitude mauvaise (Dictionnaire historique de la langue française). C'est l'usage mauvais qu'on fait de quelque chose (Littré). C'est plus précisément l'usage excessif d'une prérogative juridique ; une action consistant pour le titulaire d'un droit, d'un pouvoir, d'une fonction (sur la distinction de ces notions, Starck et alii, Introduction générale au droit), à sortir, dans l'exercice qu'il en fait, des normes qui en gouvernent l'usage licite (Vocabulaire juridique). Un droit exercé dans l'unique dessein de nuire à autrui paraît dégénérer en exercice abusif. Au for externe, le sujet est parfaitement dans son droit ; au for interne, il paraît au contraire largement condamnable. Alors, contrairement à ce qui nous avait intuitivement semblé, ce qui paraît un non-sens juridique est une réalité et finit par avoir un contenu, si l'on veut bien considérer un comportement non seulement en droit mais aussi en morale (en ce sens, M. Rotondi, Le rôle et la notion de l'abus de droit, RTDciv. 1980, pp. 66-69).

* 117 « L'abus de droit est un instrument de police des droits subjectifs par rapport à la finalité que leur assigne le droit objectif » (Ph. le Tourneau et L. Cadiet, n° 30). Bien que destinés à la satisfaction des intérêts individuels de leur titulaire, lesdits droits subjectifs ne leur confèrent pas des prérogatives illimitées (F. Terré et alii, Grands arrêts de la jurisprudence civile, 67). Carbonnier écrit en ce sens « si, sans en dépasser les limites matérielles, un individu se sert de son droit pour nuire à autrui ; si, tout en en respectant la lettre, il en viole l'esprit, on dira qu'il abuse, non plus qu'il use de son droit et cet abus ne saurait être juridiquement protégé » (Droit civil, Introduction, Les personnes, n° 45). L'article 2, al. 2, du Code civil suisse ne dit pas autre chose : « L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi ».

« Autrement dit, l'application aveugle de la règle de droit risque de conduire à des conséquences iniques. Souvenons-nous : summum jus, summa injuria. Il ne s'agirait pas que la technique juridique, par la combinaison des règles et leur utilisation, s'exerçât au mépris des finalités du système juridique, qu'un droit avec un petit « d » s'exerçât au mépris du Droit avec un grand « D ». Il est des cas où la rigueur logique de la combinaison des règles de droit révèle les failles du système : la technique juridique risque alors de se retourner contre les fins qu'elle prétend servir. Si les exigences d'ordre moral, les impératifs d'une harmonieuse organisation des rapports sociaux, le souci de justice, viennent à être gravement menacés, de telles déviations doivent être redressées (J. Ghestin, op. cit., n° 760). »

 Julien BOURDOISEAU, Abus de droit : fonction et critère, Déc 13, 2018.

In  Clauses abusivescontenu du contratDéfinitionsDroit des affairesDroit des contratsDroit des obligationsDroit des sociétésDroit fiscalThéorie générale des obligationsThéorie générale du droit.

* 118 Ripert, observait : « l'abus de droit nous semble constituer un conflit entre le droit et la morale ou, avec plus de précision, entre le droit positif appartenant à une personne et un devoir moral lui incombant ; en usant de son droit, elle manque à son devoir moral »Julien BOURDOISEAU, op. cit.

* 119Article 129 AUSCGIE.

« Les droits de vote de chaque associé sont proportionnels à sa participation au capital de la société, à moins qu'il en soit disposé autrement par le présent Acte uniforme. ».

* 120Article 129-1 AUSCGIE

« Est nulle toute délibération ou décision prise en violation des dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions ou parts sociales. ».

* 121 Article 130 al.2 AUSCGIE.

* 122 Art 131 al. 2 AUSCGIE.

* 123Interrogations sur l'abus de minorité dans l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économiqueSylvain Sorel KuatéTameghé, HDR, Chargé de cours à l'Université de Yaoundé II, Associé à l'Université catholique d'Afrique centrale P14,2009.

* 124  Dans le cadre du Conseil d'administration ou l'Assemblée générale. Au sein du Conseil d'Administration, les délibérations ne sont valables que si la moitié au moins de ses membres sont présents ; toute clause contraire étant réputée non écrite. Les décisions sont alors prises à la majorité des membres présents et représentés, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte. Cette majorité qualifiée peut être prévue pour toutes les décisions du Conseil d'administration ou seulement pour certaines d'entre elles. Dans les Assemblées générales, le quorum est fixé par l'article 549 de l'AUSC, lequel dispose que l'Assemblée ne délibère valablement que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins le quart des actions ayant le droit de vote. Sur deuxième convocation, aucun quorum n'est requis. La majorité se calcule alors selon les voix exprimées, étant précisé que les abstentions et les votes blancs sont considérés comme des votes « contre » pour déterminer si cette majorité est atteinte ou non. Quant à l'Assemblée générale extraordinaire, elle statue à la majorité des deux tiers des voix exprimées.

* 125Article 349 AUSCGIE

Dans les assemblées ordinaires ou lors des consultations ordinaires écrites, les décisions sont adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié du capital. Si cette majorité n'est pas obtenue, et sauf stipulation contraire des statuts, les associés sont, selon le cas, convoqués ou consultés une seconde fois et les décisions sont prises à la majorité des votes émis quelle que soit la proportion de capital représentée.

* 126 Art 130 AUSCGIE.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry