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Essai sur la diffusion du modèle européen du procès équitable à la politique uniforme de résolution des litiges relatifs aux noms de domaine " UDRP "


par Yassin EL SHAZLY
Université Lumière-Lyon 2 - Master 2 recherche, mention ? Droits de l?Homme ? 2006
  

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§2. L'application indirecte de l'article 6 a l'arbitrage volontaire

L'origine contractuelle et volontaire de l'arbitrage se heurte a l'application du droit a un procès équitable. Certains auteurs ont soutenu que si des arbitres ne répondent pas aux conditions d'indépendance et d'impartialité que prévoit l'article 6 de la Convention européenne, alors qu'ils ont été librement choisis par les parties, celles-ci sont mal venues de s'en plaindre, des lors qu'elles ont assumé leurs responsabilités en exprimant librement leur volonté avant la naissance du litige1. Pour Olivier JacotGuillarmod, il est manifeste, a-t-il écrit, que dans la plupart des cas, les juridictions arbitrales n'offrent pas auxjusticiables toutes les garanties procédurales énumérées a l'article 6bi, mais cette situation n'est pas contraire a cette disposition s'il apparaIt clairement a la lumière des circonstances de droit et de fait que, par la convention arbitrale, les justiciables ont volontairement, librement et légitimement renoncé a certaines garanties offertes sans restrictions a ceux qui préfèrent soumettre leur contestation civile auxjuridictions étatiques . Et cet auteur ajoutait: Les plaideurs ne sauraient impunément tenir en même temps 'le chaud et lefroidç c'est-à-dire choisir délibérément la procédure arbitrale en raison de ses avantages supposés, puis se plaindre ultérieurement devant les organes de la Convention du non-respect intégral des garanties procédurales 2

Au contraire, le Professeur Bruno Oppetit avait, a cet égard, bien senti que << la justice, globalement considérée et quelles que soient les voies par lesquelles elle est rendue, tend a s'organiser de nos jours enfonction d'une éthique communément partagée:

1 Ernest KRJNGS et Lambert MATRAY, <<Le juge et l'arbitre >, Revue du droit international et droit comparé, 1982, p.227 et s.

2 Olivier JACOT-GUTLLARMOD, <<L'arbitrage privé face a l'article 6, 1 de la Convention européenne des droits de l'homme >, in protection des droits de l'homme: la dimension européenne - Mélange, en l'honneur de Gérard .J. Wiarda, sous la direction de Franz MATSCHER et Hebert PETZOLD, éd. Carl Heymans Verlag, Cologne, 1988, p. 292.

la notion de procès équitable; cette nécessité qu'a pu exprimer enforme solennelle un texte (l'aussi grande portée que la Convention européenne des droits de l'homme et des libertésfondamentales (...) possède désormais une résonance universelle: elle apparaIt comme la traduction d'exigences supérieures, sans considération de la source (droit naturel, principes généraux du droit, ordre public <<réellement international) dont elle serait susceptible de découler; cette philosophie du procès, sinon de lajustice dans toutes ses modalités institutionnelles, transcende pro gressivement les clivages nationaux ou techniques, pénètre dans les droits positifs et contribue largement a restituer une unité de but a lafonction dejuger,1.

Devant cette divergence doctrinale, de rares décisions de la Commission européenne devraient nous éclairer davantage sur la question posée par l'application des dispositions de l'article 6U1 de la Convention a l'arbitrage volontaire. Rappelons d'abord que dans une décision rendue le 5 mars 1962, dans l'affaire X c. RFA (République fédérale d'Allemagne)2, la Commission a légitimé le recours a l'arbitrage en considérant que La conclusion d'un compromis d'arbitrage entre particuliers s'analyse juridiquement en une renonciation partielle a l'exercice des droits que définit l'article 6, 1" de la Convention (et) rien dans le texte de cet article ni d'aucun autre article de la Convention, n'interdit expressément pareille renonciation (...). La Commission ne saurait davantage présumer que les Etats contractants, en acceptant les obligations qui découlent de l'article 6b1 aient entendu s'engager a empêcher les personnes placées sous leurjuridiction de confier a des arbitres le règlement de certaines affaires .

Cependant, dans cette affaire, la Commission a apporté deux précisions en ce qui concerne le recours a l'arbitrage volontaire. D'une part, la Commission a indiqué que la validité d'un arbitrage volontaire exige que le consentement des parties soit libre: la clause compromissoire aurait pu, toutefois, se révéler contraire a la Convention si (le requérant) ne l'avait signée que sous la contrainte . D'autre part, aux yeux de la Commission la validité de l'arbitrage volontaire est conditionnée par le respect des exigences du procès équitable dans le déroulement de la procédurale arbitrale : si la validité initiale du consentement dont une clause compromissoire tire sa valeur

1Bruno OPPETIT, Théorie de l'arbitrage, PUF, 1998, p. 25.

2 Commission, 5 mars 1982, X. c. Allemagne, Rec. 8, p. 68, cité par Alexis MOURRE, op. cit., p. 2070.

juridique, ne se trouve pas affectée après coup lorsque l'arbitre, dans l'accomplissement des missions qu'elle lui confère, se comporte d'une manière incompatible avec l'esprit de la Convention, et notamment de l'article 6)).

Ainsi, on peut déduire que malgré le fait la Commission admet l'arbitrage volontaire sous la condition de la liberté du consentement des parties, elle indique que ce consentement puisse être vicié, s'il se révèle, après coup, que dans l'accomplissement sa mission, l'arbitre n'a respecté pas l'esprit de la Convention européenne, et notamment des exigences du procès équitable. Autrement dit, comme le Pierre Lambert a-t-il écrit, ~ la Commission considère qu'en ayant accepté une clause d'arbitrage dans un contrat, les parties sont présumés n'avoir recouru a une procédure d'arbitrage que pour autant qu'elle se déroule selon les règles d'un procès équitable ~6. Cette position est une manière de contourner la question posée.

C'est le 4 mars 1987, dans une affaire R c. la Suisse2, que la Commission s'est exprimée de manière plus précise sur une question de fond, a l'occasion d'un arbitrage volontaire. L'importance de cette affaire réside dans le fait qu'elle représente la première fois oü la jurisprudence européenne devait se prononcer sur un litige concernant un arbitrage volontaire. En l'espèce, le requérant se plaignait du délai déraisonnable d'un tribunal arbitral. La Commission déclara que la responsabilité de l'Etat ne peut être mise en cause pour les agissements des arbitres a moins que et dans la mesure oh les juridictions étatiques aient été appelées a intervenir >>. En plus, la Commission a relevé toute ambiguIté en ajoutant a propos du grief fait par le requérant et qui portait sur le délai, abusif selon lui, mis par les arbitres pour statuer, que <<c'est dans la mesure oh le requérant a saisi l'autoritéjudiciaire que le grief concernant la durée de la procédure arbitrale peut entraIner une responsabilité de l'Etat défendeur sur le terrain de la Convention, dans la limite des mesures que l'autorité judiciaire peut prendre pour remédier a la durée de l'arbitrage . La Commission a indiqué également que ~ l'autoritéjudiciaire, unefois saisie, n'a exercé qu'unefonction de contrôle. Ce contrôle devait être exercé dans un délai raisonnable. Telfut le cas en l'espèce . La Commission

1Pierre LAMBERT, op. cit., p. 13.

2 Requête n° 10881/84, décision et rapport, volume 51, p. 83 ; voir le texte en annexe, in L'arbitrage et la Convention européenne des droits de l'homme, pp.; Charles JARROSSON, op. cit., n° 28 et 29, p. 589; Olivier JACOTGUILLARMOD, op. cit., p. 202.

en déduit justement qu'aucune apparence de violation de l'article 6 § 1 ne paralt imputable au Gouvernement suisse.

Dans ce contexte, il est évident que la Commission a pris en compte la nature de la procédure d'arbitrage volontaire et le cadre législatif qui réglemente une telle procédure. Elle a estimé que les juridictions étatiques qui n'ont qu'une fonction de contrôle, ne pouvaient être tenues pour responsables de la durée antérieure a cette saisine, de sorte qu'aucune apparence de violation de l'article 6, 10 de la Convention ne pouvait leur être imputée. La Commission a vraisemblablement été influencée par les excellents motifs du Tribunal fédéral suisse qui, dans la même affaire, avait déclaré a propos de l'article 6 § 1, que cette disposition parle uniquement des droits du justiciable a ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par un tribunal établi par la loi. Elle ne saurait donc s'appliquer a un tribunal arbitral dont les membres sont désignés librement par les parties ... En revanche, elle était applicable a la procédure de recours, des lors que celle-ci avait été conduite ... par une juridiction établie par la loi '.

Cette décision R c. Suisse est d'une importance capitale car, pour la première fois, un organe chargé de veiller a l'application de la Convention européenne des droits de l'Homme énonce, après avoir relevé qu'il s'agissait d'un arbitrage volontaire et non forcé, que la Convention ne peut s'appliquer qu'aux juridictions étatiques dans la mesure oü elles sont intervenues a l'occasion d'un arbitrage. Le professeur Jarrosson salue cette solution qui est pour lui une confirmation positive de la thèse selon laquelle la Convention est inapplicable a l'arbitrage. Il ajoute que cette décision de la Commission apporte un net démenti aux affirmations des auteurs selon qui la Convention européenne des droits de l'Homme était d'ores et déjà applicable a l'arbitrage '6.

Néanmoins, dans une décision rendue plus récemment, le 27 novembre 1996, dans l'affaire Nordstrom-Janzon et Nordstrom-Lethinen c. les Pays-Bas2, une petite nuance a été apportée. Les requérants, de nationalité finlandaise, invoquaient une violation de leur droit a un procès équitable en raison du manque d'indépendance et d'impartialité d'un des trois arbitres désignés par l'Institut hollandais d'arbitrage,

1 Charles JARROSSON, op. cit., n° 28 et 29, p. 589

2 Comm., 27 novembre 1996, D.R. 87-B, p. 112, cité par Alexis MOURRE, op.cit.

(Nederlands Arbitrage Instituut) pour trancher le litige qui les opposait a une société locale. Tous les recours en droit interne ayant été rejetés, les requérants adressèrent une requête a la Commission européenne.

Dans une même motivation comme celle de l'affaire R. c. Suisse, la Commission a vérifié l'existence d'un contrôle par le juge national du respect de la Convention: la Commission estime que pour déterminer si les tribunaux internes ont gardé un certain contrôle sur la procédure d'arbitrage et si ce contrôle a été exercé correctement dans le cas d'espèce, il y a lieu de tenir compte non seulement du compromis d'arbitrage intervenu entre les parties et de la nature de la procédure d'arbitrage privée, mais également du cadre législatif prévoyant une telle procédure (...). La Commission relève en particulier que le droit néerlandais contient des dispositions permettant aux tribunaux d'annuler une sentence arbitrale pour certains motifs . Ayant relevé l'existence de ce contrôle par le juge national, et constatant que les motifs de contestation d'une sentence arbitrale devant les juridictions nationales varient d'un Etat contractant a l'autre , la Commission estime que l'on ne saurait exiger au regard de la Convention que les Tribunaux internes veillent a la conformité des procédures d'arbitrage avec l'article 6 de la Convention. A certains égards en particulier quant a la publicité - il est manifeste que les procédures d'arbitrage, souvent, n'ont pas pour finalité de respecter l'article 6, et le compromis d'arbitrage entraIne une renonciation a l'application sans restriction de cette disposition. Par conséquent, pour la Commission, le fait que les parties n'ont pas joui de toutes les garanties de l'article 6 ne doit pas nécessairement entraIner l'annulation d'une sentence arbitrale; cependant, chaque partie contractante doit pouvoir en principe décider elle-même des motifs d'annulation d'une sentence arbitrale .

Elle ajouta que la loi néerlandaise1 édicte des règles qui permettent aux juridictions d'annuler une sentence arbitrale sur la base de fondements spécifiques et -

1 C'est ainsi que la Commission juge dénuéfondement en droit néerlandais l'argument requérantes selon lequel la simple apparence d' manque d'indépendance ou d'impartialité devrait, entralner l'annulation d'une sentence arbitra Elle estime que l'article 6, § i de la Convention n'exige pas que les juridictions néerlandais appliquent d'autres critères pour décider d'annuler ou non une sentence arbitrale. A cet égard, lejuge légitime que le droit néerlandais exige motifs sérieux pour l'annulation d'une sentence déjà prononcée, car pareille décision se solde souvent par l'inutilité d'une procédure d'arbitrage longue et coüteuse et l'investissement d'un travail et de sommes considérables dans une nouvelle instance .

ce qui est plus décevant - que l'on ne saurait exiger au regard de la Convention que les tribunaux internes veillent a la conformité des procédures d'arbitrage avec l'article 6 §i, (...) chaque Etat contractant pouvant, en principe, décider lui-même du fondement sur la base duquel une sentence arbitrale peut être annulée. Donc, on peut constater que selon la Commission, c'est donc Etats parties a la Convention d'assurer, par les moyens qu'ils estiment appropriés, l'application de la Convention.

L'importance de l'arrêt Nordstrom-Janzon et Nordstrom-Lethinen c. les Pays-Bas, rend hâtive la conclusion selon laquelle la Convention européenne des droits de l'Homme n'est pas applicable l'arbitrage volontaire et ne peut l'être qu'à l'arbitrage forcé. L'arrêt précité constate que malgré le fait que la convention ne s'impose pas directement aux arbitres, elle s'impose indirectement a travers le contrôle de l'Etat a la procédure d'arbitrage. On ne peut donc, a notre avis, tirer de cette décision la conséquence que la Convention ne serait en totalité inapplicable a l'arbitrage. Le fait que la Commission vérifie l'existence d'un certain contrôle des juridictions nationales sur les sentences le prouve suffisamment. Il faut rappeler que le juge national, juge du droit commun de la Convention, doit veiller a ne pas prolonger dans son ordre juridique une situation manifestement contraire a la Convention européenne des droits de l'homme, en laissant une situation contraire a la Convention produire des effets dans l'ordre juridique interne. Cette conclusion nous conduit légitimement a examiner l'équité des procédures de résolution des litiges selon l'article 6 de la convention.

Mutatis mutandis, cette conclusion peut être appliquée aux autres modes de règlement de différends, y compris la procédure UDRP qui soit donc fournir certains garanties d'équité pour produire des effets juridiques dans l'ordre des Etats membres a la CESDH. D'oü vient l'intérêt d'évaluer la procédure UDRP selon les garanties offertes par l'article 6.

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