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Les résistances judiciaires à la primauté du droit communautaire

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2006
  

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Section 3 : La garantie d'effectivité de la primauté par l'effet utile des directives.

Certes, la jurisprudence administrative française opérait une asymétrie entre l'effet direct tout à fait admis pour les dispositions des traités communautaires, ainsi que pour des actes dérivés du droit communautaire que sont les réglements communautaires33(*), et la résistance à reconnaître l'effet direct des directives communautaires. Et cette asymétrie pouvait être considérée comme préjudiciable pour l'effectivité de la primauté du droit communautaire dans la mesure où une incompatibilité entre la directive communautaire non transposée et le droit interne pouvait tout à fait perdurer, et par conséquent les actes administratifs individuels pris sur le fondement du droit interne ainsi incompatible ne pouvaient être attaqués à l'appui d'un recours invoquant une telle directive communautaire en vue de respecter la « légalité communautaire ».

Ceci étant dit, on ne peut ignorer que le juge administratif ne s'est pas contenté d'établir cette position de principe car, l'évolution de sa jurisprudence atteste de son attachement à adjoindre à la primauté du droit communautaire toute son effectivité, et notamment s'agissant des directives communautaires auxquelles il confére un effet utile.

En effet, le juge administratif énonce, dans un arrêt important Cie Alitalia en 1989, que l'administration est tenue de faire droit à toute demande tendant à l'abrogation d'un acte administratif réglementaire illégal, et partant cette injonction s'applique au cas où il s'agit d'un acte administratif réglementaire incompatible avec les objectifs d'une directive communautaire. Or, c'est ici une évolution certaine puisqu'il est rappelé le principe visant à interdire l'édiction de dispositions réglementaires qui porteraient atteinte aux objectifs d'une directive, et une précision importante y est apportée en ce que les autorités nationales compétentes ne peuvent laisser subsister des dispositions réglementaires, notamment après les délais de transposition impartis, qui ne sont pas conformes aux objectifs prévus par une directive34(*).

S'agissant plus précisement de l'invocabilité de la directive, qui constitue un des éléments garantissant l'effectivité de la primauté du droit communautaire, le Conseil d'Etat a procédé dans l'optique de lui assurer un effet utile à défaut d'un effet direct. Ainsi, on peut observer que cette logique est à l'oeuvre pour l'hypothèse d'une absence de transposition de la directive en droit interne, et ce sont ici deux solutions qui peuvent illustrer cette tendance.

Tout d'abord, la combinaison de deux arrêts rendu en 1992 par le Conseil d'Etat35(*) est significative à cet égard, le juge administratif considère que peut être engagée la responsabilité pour faute imputable l'Etat du fait de la défaillance ou de la diligence tardive des autorités nationales à transposer une directive dans le cadre du respect des délais impartis à cet effet. Et selon la même logique sous-jacente, en cas d'absence de transposition ou de retard, le juge administratif est compétent pour censurer un acte administratif réglementaire pris sur le fondement d'une loi dont l'application a été écartée au motif de son incompatibilité avec les objectifs de la directive. On peut affirmer qu'il s'agit d'une solution qui prend la mesure de la portée importante de l'arrêt Nicolo, en d'autres termes l'exclusion de l'applicabilité directe de la directive ne doit pas compromettre la primauté du droit communautaire et son effectivité est assurée dans la mesure où la directive permet d'écarter l'application d'une loi incompatible avec les objectifs définis aux termes de ladite directive et également de censurer une norme réglementaire prise sur la base de cette loi. On observe donc que le juge administratif entend remédier, par un mécanisme indirect, à son refus visant l'applicabilité directe des directives36(*).

Aussi, doit-on souligner que, par l'arrêt Cabinet Revert et Badelon de 1996, la haute juridiction administrative réaffirme sa solution initiale qui exclut la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir dès lors qu'il s'agit d'une directive qui est invoquée à l'appui d'une contestation dirigée à l'encontre d'un acte administratif individuel. Toutefois cet arrêt est révelateur d'une évolution considérable de la jurisprudence administrative au sens où elle reconnaît une invocabilité au titre de « l'exception d'illégalité », c'est à dire que le juge administratif est compétent pour censurer l'acte administratif individuel pris sur le fondement du droit interne, que ce soit une loi ou un règlement, incompatible avec les objectifs de la directive non transposée. C'est encore une illustration du souci qui l'anime visant à pallier à l'absence d'effet direct de la directive de telle manière que soit assurée l'effectivité de la primauté du droit communautaire. Et c'est précisement en ce sens qu'intervient l'effet utile de la directive que le juge administratif développe par des solutions qui aménagent la « rigidité » de sa position de principe initiale dégagée par l'arrêt Cohn Bendit.

Donc, l'effectivité de la primauté du droit communautaire n'est pas compromise par l'hostilité de la jurisprudence administrative à l'égard de l'effet direct des directives communautaires, lequel constitue une garantie en ce sens, dans la mesure où la construction prétorienne met en oeuvre toute une série de solutions consolidant l'effet utile des directives. On peut d'ailleurs avancer que cette idée se retrouve également de mise pour une autre garantie d'effectivité de ladite primauté, à savoir le mécanisme de coopération préjudicielle.

* 33 Arrêt Boisdet CE 1990. L'affirmation de la suprématie des réglements communautaires n'est que le prolongement de l'arrêt Nicolo.

* 34 Cf. GAJA, Dalloz, 14ème édition, 2003, observations pp. 693-694 sur l'arrêt Alitalia, on peut préciser d'ailleurs que cette jurisprudence permet à tout intéressé d'inviter les autorités administratives compétentes à mettre la réglementation nationale en conformité avec les objectifs des directives communautaires. On observe ainsi que le juge administratif est pragmatique en ce qu'il entend dégager des solutions qui permettent d'assurer un effet utile aux directives comunautaires.

* 35 SA Rothmans CE 1992, Arizona Tobacco CE 1992.

* 36 Il s'agit de solutions soucieuses de ne pas compromettre l'effectivité de la primauté du droit communautaire car il semble acquis que le juge administratif n'est pas enclin à suivre scrupuleusement la jurisprudence communautaire, sa démarche consiste à établir progressivement un ensemble de solutions, selon sa propre logique, afin d'aboutir à une garantie d'effectivité de ladite primauté.

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