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Les résistances judiciaires à la primauté du droit communautaire

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par Sami Fedaoui
Université de Rouen - Master I Droit international et européen 2006
  

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Introduction

De la construction du système communautaire s'est développée une série d'intéractions entre deux modéles. En effet il est désormais nécessaire d'étudier l'articulation entre l'intégration communautaire et la souveraineté inhérente à l'Etat1(*).

L'élaboration du système de l'intégration avec un droit de l'intégration par les traités institutifs des communautés a fait l'objet d'une définition établie par la Cour de justice des communautés européennes2(*). A cet égard, on peut parler d'une consécration prétorienne de principes fondateurs et notamment celui de la primauté du droit communautaire. Ce principe revêt un caractère absolu3(*) et ce, en raison de l'autonomie et de la spécificité de l'ordre juridique communautaire4(*).

Il est clair que cette interprétation téleologique et systémique des traités institutifs par la CJCE, si on ne peut la qualifier de révision judiciaire5(*), peut tout de même apparaître audacieuse dans une certaine mesure.

Ainsi cette jurisprudence finaliste de la CJCE a pu se heurter à des résistances plus ou moins marquées de certains Etats membres. Parmi celles-ci, les résistances judiciaires sont sans doute les plus importantes à l'égard de la primauté du droit communautaire. En effet, si certains Etats ont admis la primauté du droit communautaire sans la moindre hésitation en s'alignant scrupuleusement sur la jurisprudence de la CJCE, il en est d'autres dont le pouvoir judiciaire6(*) a manifesté certaines résistances à cet égard. L'objet et la nature de ces résistances sont divers mais on peut admettre qu'elles sont similaires en ce qu'elles n'opèrent pas une défiance frontale en la matière.

Aussi doit-on préciser que la majorité des Etats membres n'a pas manifesté de résistances particulières et ce sont principalement les juridictions de trois Etats membres qui se sont le plus illustrées dans cette voie "conflictuelle"7(*).

Dans ce cadre, il convient d'examiner l'ensemble des résistances que le pouvoir judiciaire de certains Etats a pu opposer à l'égard de la primauté du droit communautaire. A cet effet, il ne s'agit pas de dresser le "tableau" des confrontations mais bien plus d'en systematiser le sens et c'est ici une perspective qui permet d'identifier les véritables implications de ces résistances.

Dès lors, à la lumière des différentes solutions dégagées par le pouvoir judiciaire interne de certains Etats membres, en quoi peut-on affirmer que les résistances judiciaires à la primauté du droit communautaire ne sont pas de nature à en nier l'existence ?

L'enjeu qui peut être dégagé de cette étude est que l'on peut déterminer raisonnablement les contours de ces intéractions entre les développements intégrationnistes, essentiellement d'origine jurisprudentielle, et les réactions des Etats membres à cet égard.

On observe que la primauté du droit communautaire n'est aucunement exclue par lesdites résistances judiciaires dans la mesure où celles-ci n'ont d'autre objet que d'adapter un tel principe à certaines considérations en modifiant la définition de ce principe de primauté ( I ), et en apportant certaines restrictions mesurées aux corrolaires de ce principe ( II ).

Partie I : L'aménagement de la définition du principe à la base de sa reconnaissance.

Certes, si des résistances ont pu se manifester à l'encontre de la primauté du droit communautaire, il s'agit avant tout d'une réappropriation du principe de primauté qui n'est en aucun cas exclu dès lors que le fondement ( A ), ainsi que la portée ( B ) qui lui sont reconnus sont modifiés.

A. Le fondement constitutionnel de la primauté du droit communautaire.

Il est vrai que l'acceptation du principe de primauté du droit communautaire par le pouvoir judiciaire interne de certains Etats membres s'est opérée à l'appui de l'approbation constitutionnelle.

Section 1 : L'acceptation du principe sur la base de l'article 55 de la Constitution française.

Depuis l'arrêt Costa rendu par la CJCE en 19648(*), la jurisprudence constante de la CJCE énonce le principe fondamental de la primauté du droit communautaire. C'est ici une innovation prétorienne importante dans la mesure où le juge communautaire élabore ainsi un ordonnancement juridique selon lequel le droit communautaire doit prévaloir sur le droit interne des Etats membres au sein de leur propre système juridique.

Et le fondement sur lequel elle pose un tel principe tient à la spécificité même de l'ordre juridique communautaire et son caractère autonome9(*). En effet, le juge communautaire considère que la primauté du droit communautaire découle nécessairement de l'originalité du système de l'intégration en ce qu'il constitue un nouvel ordre juridique distinct et tout à fait autonome dans la mesure où il procède de l'attribution limitative mais définitive de compétences relevant par essence de la souveraineté inhérente à l'Etat. Autrement dit, les Etats membres, en ayant consenti à un tel transfert de certaines compétences, ont admis qu'un ordre juridique indépendant soit mis en place en vue d'exercer en commun ces compétences.

Dès lors, la nature proprement singulière de cet ordre induit, selon la Cour, la primauté du droit communautaire comme un élément essentiel.

Or, si les juridictions ordinaires françaises ont bien admis la primauté du droit communautaire10(*), parfois après de longues réticences, c'est le fondement sur la base duquel elles opèrent un tel alignement qui est révélateur d'une certaine défiance.

En effet, aussi bien le juge judiciaire que le juge administratif ne se fondent pas sur la spécificité propre à la nature de l'ordre juridique communautaire telle que soutenue par le juge communautaire, mais sur la base de l'art. 55 de la Constitution française qui prévoit la supériorité des engagements internationaux par rapport aux lois. Cette "substitution de motifs" opérée par ces juridictions ordinaires est significative d'une certaine désobéissance à l'égard de la construction jurisprudentielle de la CJCE, sans pour autant constituer une obstruction à la reconnaissance du principe même de primauté. Ainsi, ces juridictions ont abouti au même résultat que la CJCE, au sens où le principe de primauté est symétriquement consacré, mais tout en ayant adapté ce principe à l'exigence d'un fondement constitutionnel.

S'agissant tout d'abord du juge judiciaire suprême, en l'espèce de la Cour de cassation, on observe que, dans son arrêt de principe11(*), il consacre le principe de primauté du droit communautaire et renonce ainsi à sa jurisprudence selon laquelle la loi qui lui serait postérieure doit prévaloir. Il refuse néanmoins d'admettre le fondement tenant à la spécificité de l'ordre juridique communautaire dans la mesure où il retient explicitement l'art. 55 de la Constitution française12(*). Dès lors, s'il accepte d'appliquer la norme de droit communautaire en cas de conflit de celle-ci avec une norme de droit interne, ce n'est pas en raison de la spécificité de l'ordre juridique communautaire comme le prétend la CJCE, mais en vertu des dispositions de la constitution nationale, et plus exactement de cet art. 55. Il s'agit bien d'une résistance du juge judiciaire à l'égard de la solution dégagée par la Cour de Luxembourg dans la mesure où le fondement de la spécificité n'est manifestement pas retenu13(*).

Ainsi, doit-on souligner que, si des résistances du juge judiciaire ont pu s'exprimer à l'encontre de la solution jurisprudentielle communautaire, le principe même de primauté du droit communautaire n'a pas fait l'objet d'une exclusion inconditionnelle au sens où il est tout à fait approuvé dans le cadre d'un fondement différent, à savoir la base constitutionnelle issue de l'art. 55.

Il en est de même pour la haute juridiction administrative française dont le cheminement s'est avéré bien plus long que celui du juge judiciaire mais qui, in fine, a accepté de retenir la même solution14(*). Outre la circonstance que le juge administratif a affirmé son "hostilité" à reconnaître le principe de primauté du droit communautaire plus longtemps que le juge judiciaire, c'est dans son revirement par lequel il consacre ledit principe que l'on peut identifier une certaine résistance qu'il a opposé au juge communautaire.

En effet, à l'instar du juge judiciaire, le Conseil d'Etat, à travers la jurisprudence initiée par l'arrêt Nicolo, se soumet bien à l'exigence de primauté du droit communautaire dès lors que cette exigence ne découle pas de la nature spécifique de l'ordre juridique communautaire. A cet égard, le fondement qu'il retient à l'appui de la reconnaissance de ce principe n'est autre que l'art. 55, ainsi selon lui, il ressort de cet art. 55 que le juge national doit faire prévaloir les engagements internationaux, et partant le droit communautaire, sur le droit interne des Etats membres.

Dans cet ordre d'idées, on peut observer que le juge administratif opère une "confrontation" plus affirmée que celle du juge judiciaire car, contrairement à la Cour de cassation, il ne s'attache pas même à prendre acte ou à examiner le bien-fondé du critère de la spécificité. Il se borne exclusivement à fonder la reconnaissance dudit principe sur un raisonnement par lequel il vise explicitement "la constitution, notamment son article 55", et c'est ici une véritable "relecture" des dispositions de la constitution nationale15(*). La "rectitude juridique" d'un tel raisonnement est révélatrice d'une certaine résistance, laquelle n'est pas de nature à refuser l'existence même de la primauté du droit communautaire mais à en aménager la base sur laquelle celle-ci repose.

Par ailleurs, on peut relever que cette attitude subtile consistant à résister au fondement retenu par la CJCE à la base du principe de primauté tout en admettant le principe même, a pour "reflet" l'attitude du Conseil constitutionnel.

Section 2 : L'acceptation du principe sur la base de la constitutionnalisation interne du procéssus d'intégration.

Pour certains observateurs, le Conseil constitutionnel a pu apparaître comme un des plus illustres représentants de la résistance des juridictions internes à la primauté du droit communautaire en ce qu'il excluait de son "bloc de constitutionnalité" les normes de droit international et de droit communautaire16(*). Il considérait à cet égard que l'exercice d'un contrôle de conventionnalité ne relève pas du même contrôle que celui portant sur la constitutionnalité des normes inférieures. Cette différence de nature ne lui permettait pas de mettre en oeuvre et d'assurer le respect de l'art. 55. Ainsi, la position du Conseil constitutionnel sur la question de savoir s'il reconnaissait le primat conféré au droit communautaire, tel que l'envisage la CJCE, demeurait en suspens.

Si cette attitude traduit une certaine résistance du Conseil constitutionnel au sens où elle constitue, selon l'expression de Laurence Burgorgue-Larsen, un "désengagement" manifeste à l'égard de cette problématique, on observe qu'in fine il s'est résolu à s'aligner sur la reconnaissance du principe de la primauté du droit communautaire tout en développant un raisonnement encore marqué d'une certaine "rebéllion".

En effet, par la décision importante rendue, au titre de l'art. 54 de la constitution française, en novembre 2004 sur le Traité établissant une Constitution pour l'Europe, le juge constitutionnel français était tenu de se prononcer sur la conformité du principe de primauté, tel qu'établi par l'article I-6 dudit traité selon lequel "La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union [...] priment le droit des Etats membres"17(*), au regard des dispositions de la constitution nationale.

En ce sens, le juge constitutionnel a élaboré une construction jurisprudentielle audacieuse par laquelle il opère une résistance à la solution communautaire aboutissant néanmoins à admettre un tel principe. Il estime que ce principe de primauté énoncé par l'art. I-6 n'est en aucun cas incompatible avec la constitution française puisqu'il ne doit pas être entendu autrement que l'article 88-1 de la constitution française l'a approuvé. Il considère ainsi que c'est le "consentement constitutionnel" induit par les dispositions de la constitution nationale, et notamment l'art. 88-1, qui constitue le fondement de la soumission à un tel principe.

On peut analyser son raisonnement comme l'affirmation de sa tendance à garantir la souveraineté nationale et ses composantes essentielles, tout en admettant sa compatibilité avec le principe de primauté du droit communautaire. Si ce principe de primauté procède de la constitution, notamment l'art. 88-1, alors il ne peut être exclu comme étant contraire à la Constitution française18(*). Ce principe de primauté résulte, pour ainsi dire, d'exigences constitutionnelles internes, ce qui signifie que le Conseil constitutionnel a entendu convertir cette primauté en une obligation à laquelle s'est librement engagé le pouvoir constituant interne. C'est ici la nuance de son raisonnement par rapport à la solution adoptée par la Cour de Luxembourg en ce que si le principe de primauté n'est en rien exclu, l'origine de celui-ci est assimilée à l'assentiment du pouvoir constituant.

Dès lors, il s'agit bien de l'idée selon laquelle l'acceptation du principe de primauté résulte non de la spécificité de l'ordre juridique communautaire, mais de l'intention du constituant. Ainsi, n'est pas compromise la primauté dès lors qu'elle est fondée sur la constitution. Et on peut également observer que la primauté du droit communautaire est tout à fait admise dès lors que sa portée se trouve encadrée.

B. L'encadrement de la portée de la primauté du droit communautaire.

Bien que la validité du principe n'ait pas été écartée, il apparaît que la primauté du droit communautaire a fait l'objet d'un certain encadrement quant à son champ d'application, dont les motifs peuvent varier selon les Etats membres.

Section 1 : Des réserves de constitutionnalité à la primauté sous l'angle de la protection des droits fondamentaux.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de Luxembourg, on retrouve l'idée selon laquelle la primauté du droit communautaire doit revêtir un caractère "absolu" au sens où aucune mesure issue du droit interne, même de nature constitutionnelle entendue comme étant placée au sommet de la hiérarchie juridique interne, ne saurait faire obstacle à l'application des normes de droit communautaire19(*).

Il ressort ainsi des solutions prétoriennes de la CJCE que la suprématie du droit communautaire doit d'imposer dans toute hypothèse de conflit entre une norme de droit communautaire et une norme de droit national, quelque soit sa nature.

Or, la consécration par la CJCE d'une telle portée reconnue à la primauté du droit communautaire a fait l'objet de certaines résistances. Le principe même de primauté du droit communautaire étant reconnu et établi par l'ensemble des juridictions nationales, c'est relativement au cadre d'application dudit principe que se sont opposées certaines contestations. Et ces confrontations ont été particulièrement soulignées lorsqu'il s'agit, pour le juge national, d'assurer le respect des droits fondamentaux. A cet égard, on peut relever deux cas de figures topiques en ce sens, ce sont les résistances conduites par les juges constitutionnels italiens et allemands au titre de la protection des droits fondamentaux.

En effet, par deux décisions bien connues qui ont été rendues respectivement par la Cour constitutionnelle italienne et le Tribunal constitutionnel allemand20(*), ont été émises des réserves de constitutionnalité par lesquelles ils se reconnaissent compétent pour contrôler la conformité des normes de droit communautaire avec leur constitution respective, afin d'écarter le cas échéant l'application de la règle de droit communautaire dès lors qu'elle serait jugée incompatible avec les garanties de protection des droits fondamentaux telles qu'elles résultent de leur constitution.

Ces réserves ne procèdent pas exactement de mécanismes et de modalités tout à fait similaires mais le principe substantiel qui préside à leur raisonnement est commun, à savoir la subordination de la portée attachée à la primauté du droit communautaire au respect impératif des exigences constitutionnelles portant sur la protection des droits fondamentaux.

Pour être plus précis, l'arrêt Solange I rendu par le juge constitutionnel de Karlsruhe en 1974 émet une telle réserve en affirmant qu'il en sera ainsi tant qu'un niveau équivalent de protection des droits fondamentaux ne sera pas assuré par l'ordre juridique communautaire, mais pour la Cour constitutionnelle italienne, une telle réserve n'exige pas autant que cette protection soit ainsi symétrique. Les juges constitutionnels traduisent ici l'idée de "plus-value" constitutionnelle qui consiste à empêcher l'application de la règle de droit communautaire si elle s'avère incompatible avec les principes essentiels de protection des droits fondamentaux à l'aune des garanties constitutionnelles.

A cet égard, Laurence Burgorgue-Larsen ne manque pas de rappeler que, malgré les décisions Granital et Solange II "prenant acte des progrés réalisés à l'échelle communautaire"21(*) et suspendant leurs réserves respectives, il s'agit d'une simple interruption que ceux-ci peuvent réactiver dès lors qu'ils l'estiment nécessaire.

Il est clair qu'il s'agit bien de résistances affirmées à l'égard de la primauté du droit communautaire puisque les juges constitutionnels italiens et allemands refusent de s'aligner de façon inconditionnée sur le caractère absolu du champ d'application conféré à un tel principe. Il n'en demeure pas moins qu'elles ne constituent pas une obstruction au principe de primauté car leur jurisprudence respective considère que celui-ci est tout à fait valide à la réserve toutefois que sa portée ne soit pas de nature à compromettre la garantie visant à la sauvegarde des droits fondamentaux que l'ordre constitutionnel interne assure. Autrement dit, cela signifie qu'il est nullement question de nier l'existence même de la primauté mais seulement d'en encadrer le champ d'application par l'aménagement de réserves tout à fait déterminées, et en l'espèce concernant la protection des droits fondamentaux.

Aussi, cette atténuation de la portée que recouvre la primauté du droit communautaire a de même été mise en oeuvre pour des motifs tenant essentiellement à des considérations liées à la souveraineté inhérente à l'Etat.

Section 2 : L'étendue limitée de la primauté au sein de la hiérarchie normative interne.

On peut également se placer dans le cadre général de la hiérarchie des normes juridiques, au sein du système de l'ordre interne, pour observer qu'il existe certaines résistances. Si des systèmes juridiques internes de certains Etats membres ont établi le primat ratione materiae de la constitution nationale en ce que ses garanties à l'égard des droits fondamentaux sont préeminentes, de telle manière que la primauté du droit communautaire y est soumise, il est des Etats membres dont les juridictions internes ont consacré un primat formel de la constitution nationale. Ce primat formel se prévaut dans une certaine mesure d'une présomption irréfragable selon laquelle la constitution nationale constitue l'expression "inaltérable" de la souveraineté inhérente à l'Etat.

Dans cette optique, ce sont essentiellement les juridictions ordinaires françaises qui portent ce mouvement jurisprudentiel, et plus particulièrement le juge administratif suprême22(*).

L'arrêt Sarran, Levacher et autres rendu en 1998 par le Conseil d'Etat, ainsi que l'arrêt Mlle Fraisse rendu en 2000 par la Cour de cassation qui rejoint la position adoptée par le juge administratif, sont des solutions qui témoignent clairement de la consécration de la primauté formelle conférée à la constitution nationale, à laquelle la reconnaissance de la primauté du droit communautaire ne peut aucunement porter atteinte. Ils estiment que, dans l'ordre interne, la supériorité des engagements internationaux en vertu de l'art. 55 ne saurait prévaloir sur les dispositions de nature constitutionnelle.

Dès lors, la primauté du droit communautaire est acceptée dans la mesure où elle fait l'objet d'un encadrement quant à sa portée au sein de la hiérarchie juridique interne, en l'espèce revêtant un caractère supralégislatif et infraconstitutionnel. Il s'agit ici d'une indéniable résistance à la primauté du droit communautaire telle qu'elle résulte de la jurisprudence constante de la CJCE puisque ces juges suprêmes nationaux refusent de se rallier à la prétention visant à attribuer un caractère absolu à ladite primauté. Néanmoins, on ne peut affirmer pour autant qu'une telle résistance constitue un déni du principe de primauté du droit communautaire dans la mesure où ils tiennent celui-ci pour établi à l'égard des dispositions de nature législative.

En effet, alors que le juge communautaire prévoit que la norme de droit communautaire présente un caractère de primauté auquel n'est susceptible de porter atteinte ou de déroger aucune mesure relevant de l'ordre interne, les juges ordinaires français inversent la logique en considérant que toute règle de nature constitutionnelle est préeminente dans l'ordre interne. Autrement dit, aucune mesure relevant de l'ordre interne ou de l'ordre international ne peut prévaloir dans l'ordre interne sur les dispositions issues de la constitution nationale.

Cette solution jurisprudentielle ainsi développée n'est pas dépourvue de cohérence au sens où elle s'inscrit dans la continuité du mouvement systématique élaboré antérieurement. En effet, ayant posé le principe de primauté du droit communautaire sur le fondement tenant à l'art. 55 de la constitution française, on peut admettre que les juges ordinaires entendent mettre en oeuvre ce principe propre au système d'intégration par allégeance à l'ordre constitutionnel interne, expression de la souveraineté inhérente à l'Etat.

Cette vaste tendance jurisprudentielle, appuyée notamment par les juges ordinaires français, s'étant d'abord traduite par le fondement retenu à la base de la reconnaissance de la primauté du droit communautaire, à savoir l'assise constitutionnelle de l'art. 55, il eût été difficile d'affirmer ensuite que cette primauté recouvre une portée absolue s'imposant même à l'égard de la constitution nationale. Il est vrai que l'on peut opposer des critiques, à l'instar de certains auteurs23(*), en considérant que le système d'intégration pouvait sans doute inciter les juges internes à retenir des solutions moins attachées au maintien de l'acception "traditionnelle" de la souveraineté étatique, cependant on ne peut nier la logique intrinsèque de cette construction prétorienne.

En effet, une lecture exégétique de l'art. 55 ne permet pas de reconnaître un tel caractère absolu à la primauté du droit communautaire car, comme le souligne Christine Maugüé24(*), l'autorité supérieure des engagements internationaux n'est visée que par rapport aux lois. Par ailleurs, Denys Simon soulève une interrogation tout à fait pertinente à cet égard, on ne peut ignorer un paradoxe inéluctable à interpréter l'art. 55 comme instituant la subordination des dispositions de la constitution nationale aux normes internationales, et partant au droit communautaire, alors que précisement ladite subordination, pour être absolue, doit procéder d'elle-même et non d'un texte prétendu inférieur, à savoir la constitution elle-même25(*).

C'est pourquoi, on peut avancer que ces résistances judiciaires à la portée absolue de la primauté du droit communautaire, ne remettent pas en cause l'acceptation du principe même de ladite primauté. Il s'agit d'une appropriation du principe, aménagée d'un encadrement qui consiste à ce que la primauté ne soit admise qu'à travers une portée limitée au sens où ce principe "ne saurait conduire, dans l'ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution"26(*).

Ainsi, on peut affirmer que les résistances judiciaires à la primauté du droit communautaire ne sont pas de nature à exclure la reconnaissance et la validité d'un tel principe, au sens où c'est sa définition qui a fait l'objet de telles résistances. Au même titre, de telles résistances à l'égard des implications inhérentes à la primauté du droit communautaire n'ont pas compromis l'existence dudit principe, dans la mesure où ces oppositions sont nuancées.

Partie II : La relative résistance aux corollaires existentiels du principe.

Il s'agit ici de mettre en évidence que si l'on peut relever des résistances à l'égard des implications liées au principe de la primauté du droit communautaire, celles-ci ne constituent pas pour autant une profonde obstruction de nature à compromettre le principe même de ladite primauté, que ce soit au regard de l'applicabilité directe ( A ), ou de l'applicabilité uniforme ( B ) du droit communautaire qui sont de véritables exigences à la base de la pleine effectivité de ladite primauté.

A. La résistance avortée à l'applicabilité directe du droit communautaire.

L'applicabilité directe du droit communautaire qui se rattache fondamentalement à la primauté du droit communautaire, a pu faire l'objet de certaines résistances qu'il convient toutefois de nuancer dans une certaine mesure.

Section 1 : La garantie d'effectivité de la primauté à travers l'effet direct.

S'il peut sembler commode de distinguer la primauté du droit communautaire et l'applicabilité directe de celui-ci, en tant que deux notions a priori dissociées, cette disjonction est peu pertinente dès lors que l'on se place dans le cadre de l'effectivité du principe de primauté du droit communautaire.

En effet, ces deux principes participent d'un même mouvement jurisprudentiel en ce qu'ils constituent des préceptes de base du système d'intégration27(*). Une approche systématique révéle une cohérence et une complémentarité entre ces deux notions, ladite primauté serait, en effet, dépourvue d'effectivité si n'était pas reconnue une garantie selon laquelle le droit communautaire est d'applicabilité directe. Dans l'hypothèse où l'on ne pourrait appliquer directement la norme de droit communautaire dans l'ordre interne, ce serait vider de sa substance le principe même de la primauté car celui-ci n'a de sens que s'il s'avère effectif.

Dès lors, on peut comprendre que la jurisprudence de la CJCE s'est efforcée, dans la logique du mouvement visant au développement du système de l'intégration, de poser préalablement l'exigence de l'effet direct du droit communautaire avant d'énoncer le principe de primauté28(*).

Et dans cet ordre d'idées, c'est sans doute l'arrêt Simmenthal rendu par la CJCE en 1978 qui met véritablement en lumière l'exigence d'effet direct comme corollaire existentiel de la primauté. La primauté implique, selon la Cour, l'inapplicabilité de plein droit de la norme nationale incompatible avec la règle communautaire, et à cet effet le juge national est tenu d'écarter lui-même la première au profit de la seconde. Il s'agit ainsi de conférer à la norme de droit communautaire ce que certains désignent comme étant un effet maximal dit de "substitution" car celle-ci est censé suppléer la norme interne, en vue de permettre la pleine effectivité de la primauté du droit communautaire.

Il existe dans une certaine mesure une interdépendance entre ces deux attributs du droit communautaire que sont la primauté et l'applicabilité directe, et par conséquent toute opposition à l'effet direct du droit communautaire revient, en quelque sorte, à compromettre la primauté du droit communautaire.

Section 2 : Le refus de l'effet direct de substitution des directives non transposées.

Au sein des ordres juridiques internes des Etats membres, l'applicabilité directe du droit communautaire a pu connaître certaines confrontations. A cet égard, de tels blocages se sont manifestés à l'encontre du droit communautaire dérivé et, pour ainsi dire, exclusivement à l'encontre des directives communautaires. L'illustration la plus marquante de cette résistance ressort de la jurisprudence administrative à travers la solution dégagée par l'arrêt Cohn Bendit rendu par le Conseil d'Etat en 1978.

Il s'agit ici d'une solution qui a suscité de nombreuses critiques de commentateurs, qui prétendent notamment qu'elle caractérise l'hostilité de la haute juridiction administrative à l'égard de l'ensemble du mouvement systématique du processus d'intégration et ce, dans le prolongement d'une jurisprudence initiée par l'arrêt Syndicat général des fabricants de semoules de France de 1968. En cela, pouvait être crainte ce que certains ont pu qualifier de "guerre des juges" entre les solutions du juge communautaire et celles du juge administratif29(*).

En effet, le juge administratif refuse clairement de s'aligner sur le principe d'effet direct de substitution pour le cas de figure des directives communautaires non transposées. Bien que le juge communautaire ait expréssement affirmé la reconnaissance de l'effet direct aux directives communautaires30(*), en excluant qu'elles puissent relever d'un quelconque régime juridique spécifique, le juge administratif développe un raisonnement à rebours de celui-ci.

Le juge administratif considére qu'il ressort des dispositions des traités institutifs que les directives communautaires appartiennent à une "catégorie normative" particulière en ce qu'elles ne lient les Etats membres que dans les objectifs et les résultats à atteindre, et il appartient librement aux Etats d'opérer leur mise en oeuvre par une transposition dans le cadre du respect de l'autonomie procédurale des Etats membres. Dès lors, une directive communautaire, selon le juge administratif, ne peut revêtir intrinséquement l'effet direct de substituition puisqu'un tel effet est subordonné à sa nécessaire transposition en droit interne.

Et il déduit de cette analyse que l'on ne peut se prévaloir d'une directive communautaire non transposée à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel31(*).

Cette position du Conseil d'Etat, largement commentée par les auteurs, s'est heurtée à une grande partie de la doctrine qui n'a eu de cesse d'inviter le juge administratif à renoncer à cette solution de défiance frontale à l'égard de la jurisprudence de la CJCE. Ainsi, si le juge communautaire a pu reconnaître, par l'arrêt Van Duyn, un effet direct aux directives communautaires par elles-mêmes pour autant qu'elles seraient suffisament précises pour trouver application par elles-mêmes32(*), le Conseil d'Etat a refusé de manière constante de suivre cette voie et a réiteré ce refus dans plusieurs solutions.

Toutefois, bien que le juge administratif n'ait pas abondonné son refus initial à l'égard du principe d'effet direct des directives communautaires non transposées, il s'est efforcé d'élaborer un ensemble de solutions qui permettent d'assurer un « effet utile » à celles-ci afin que le principe de primauté du droit communautaire, qu'il a reconnu par l'arrêt Nicolo, ne s'en trouve pas dénué de véritable effectivité.

Section 3 : La garantie d'effectivité de la primauté par l'effet utile des directives.

Certes, la jurisprudence administrative française opérait une asymétrie entre l'effet direct tout à fait admis pour les dispositions des traités communautaires, ainsi que pour des actes dérivés du droit communautaire que sont les réglements communautaires33(*), et la résistance à reconnaître l'effet direct des directives communautaires. Et cette asymétrie pouvait être considérée comme préjudiciable pour l'effectivité de la primauté du droit communautaire dans la mesure où une incompatibilité entre la directive communautaire non transposée et le droit interne pouvait tout à fait perdurer, et par conséquent les actes administratifs individuels pris sur le fondement du droit interne ainsi incompatible ne pouvaient être attaqués à l'appui d'un recours invoquant une telle directive communautaire en vue de respecter la « légalité communautaire ».

Ceci étant dit, on ne peut ignorer que le juge administratif ne s'est pas contenté d'établir cette position de principe car, l'évolution de sa jurisprudence atteste de son attachement à adjoindre à la primauté du droit communautaire toute son effectivité, et notamment s'agissant des directives communautaires auxquelles il confére un effet utile.

En effet, le juge administratif énonce, dans un arrêt important Cie Alitalia en 1989, que l'administration est tenue de faire droit à toute demande tendant à l'abrogation d'un acte administratif réglementaire illégal, et partant cette injonction s'applique au cas où il s'agit d'un acte administratif réglementaire incompatible avec les objectifs d'une directive communautaire. Or, c'est ici une évolution certaine puisqu'il est rappelé le principe visant à interdire l'édiction de dispositions réglementaires qui porteraient atteinte aux objectifs d'une directive, et une précision importante y est apportée en ce que les autorités nationales compétentes ne peuvent laisser subsister des dispositions réglementaires, notamment après les délais de transposition impartis, qui ne sont pas conformes aux objectifs prévus par une directive34(*).

S'agissant plus précisement de l'invocabilité de la directive, qui constitue un des éléments garantissant l'effectivité de la primauté du droit communautaire, le Conseil d'Etat a procédé dans l'optique de lui assurer un effet utile à défaut d'un effet direct. Ainsi, on peut observer que cette logique est à l'oeuvre pour l'hypothèse d'une absence de transposition de la directive en droit interne, et ce sont ici deux solutions qui peuvent illustrer cette tendance.

Tout d'abord, la combinaison de deux arrêts rendu en 1992 par le Conseil d'Etat35(*) est significative à cet égard, le juge administratif considère que peut être engagée la responsabilité pour faute imputable l'Etat du fait de la défaillance ou de la diligence tardive des autorités nationales à transposer une directive dans le cadre du respect des délais impartis à cet effet. Et selon la même logique sous-jacente, en cas d'absence de transposition ou de retard, le juge administratif est compétent pour censurer un acte administratif réglementaire pris sur le fondement d'une loi dont l'application a été écartée au motif de son incompatibilité avec les objectifs de la directive. On peut affirmer qu'il s'agit d'une solution qui prend la mesure de la portée importante de l'arrêt Nicolo, en d'autres termes l'exclusion de l'applicabilité directe de la directive ne doit pas compromettre la primauté du droit communautaire et son effectivité est assurée dans la mesure où la directive permet d'écarter l'application d'une loi incompatible avec les objectifs définis aux termes de ladite directive et également de censurer une norme réglementaire prise sur la base de cette loi. On observe donc que le juge administratif entend remédier, par un mécanisme indirect, à son refus visant l'applicabilité directe des directives36(*).

Aussi, doit-on souligner que, par l'arrêt Cabinet Revert et Badelon de 1996, la haute juridiction administrative réaffirme sa solution initiale qui exclut la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir dès lors qu'il s'agit d'une directive qui est invoquée à l'appui d'une contestation dirigée à l'encontre d'un acte administratif individuel. Toutefois cet arrêt est révelateur d'une évolution considérable de la jurisprudence administrative au sens où elle reconnaît une invocabilité au titre de « l'exception d'illégalité », c'est à dire que le juge administratif est compétent pour censurer l'acte administratif individuel pris sur le fondement du droit interne, que ce soit une loi ou un règlement, incompatible avec les objectifs de la directive non transposée. C'est encore une illustration du souci qui l'anime visant à pallier à l'absence d'effet direct de la directive de telle manière que soit assurée l'effectivité de la primauté du droit communautaire. Et c'est précisement en ce sens qu'intervient l'effet utile de la directive que le juge administratif développe par des solutions qui aménagent la « rigidité » de sa position de principe initiale dégagée par l'arrêt Cohn Bendit.

Donc, l'effectivité de la primauté du droit communautaire n'est pas compromise par l'hostilité de la jurisprudence administrative à l'égard de l'effet direct des directives communautaires, lequel constitue une garantie en ce sens, dans la mesure où la construction prétorienne met en oeuvre toute une série de solutions consolidant l'effet utile des directives. On peut d'ailleurs avancer que cette idée se retrouve également de mise pour une autre garantie d'effectivité de ladite primauté, à savoir le mécanisme de coopération préjudicielle.

B. L'abandon progressif des résistances à l'applicabilité uniforme du droit communautaire.

Le socle de base de la primauté du droit communautaire que constitue l'uniformité de son application a rencontré certaines résistances judiciaires, qu'il convient encore de relativiser dans une certaine mesure.

Section 1 : Le mécanisme préjudiciel, « pierre angulaire » de la primauté du droit communautaire.

Il est clair que la primauté du droit communautaire repose essentiellement sur son application uniforme, plus exactement l'uniformité que permet le mécanisme de coopération préjudicielle prévu par l'article 234 TCE constitue une véritable garantie à la base de l'effectivité de ladite primauté. En effet, on ne peut prétendre ériger un principe de primauté du droit communautaire si l'application du droit communautaire varie et s'avère complétement tributaire de l'appréciation discrétionnaire laissée aux Etats membres. Les divergences d'application du droit communautaire entre les juges nationaux d'un Etat membre à l'autre sont de nature à compromettre la primauté du droit communautaire car, ne peut être considéré comme suprême que ce qui s'impose erga omnes sans dérogation possible, ainsi on ne peut envisager d'assurer la primauté du droit communautaire sans assurer coréllativement l'application uniforme du droit communautaire.

C'est donc dans cette optique que les traités institutifs prévoient, aux termes de l'article 234 TCE37(*), le mécanisme du renvoi préjudiciel selon lequel le juge national d'un Etat membre dispose d'une compétence facultative et discrétionnaire lui permettant de surseoir à statuer en renvoyant au juge communautaire une question préjudicielle portant sur l'interprétation et l'application, ou encore sur l'appréciation en validité d'une règle de droit communautaire. Or, si cette compétence est en principe facultative pour le juge national, celle-ci devient liée pour l'hypothèse d'une question délicate de droit communautaire posée devant le juge national statuant en dernier ressort.

A cet égard, le juge communautaire fait figure de l'organe juridictionnel « centralisé », il est ainsi le tenant de l'unicité de l'application du droit communautaire38(*). Par conséquent, le mécanisme de renvoi préjudiciel est un instrument qui est « au centre » de la primauté du droit communautaire. On doit donc déduire de cet ordre d'idées que des résistances à ce mécanisme de coopération préjudicielle, essentiellement celles provenant des juridictions qui y sont tenues, sont de nature à compromettre, du moins ont pour incidence d'affaiblir l'effectivité de la primauté du droit communautaire.

Or, on peut observer que plusieurs solutions de jurisprudence développées par les juges internes de certains Etats membres ont mis en oeuvre des principes visant à contourner, à tort ou à raison, cette coopération préjudicielle.

Section 2 : Des obstacles à la primauté effective par les réserves à l'applicabilité uniforme du droit communautaire.

Il serait compliqué de relever l'ensemble des résistances au mécanisme du renvoi préjudiciel tant les solutions de jurisprudence sont nombreuses et les motifs variables, et cela tient notamment à la nature de la juridiction en cause39(*).

Cependant, on peut exposer principalement une solution caractéristique de ce mouvement visant à contourner la coordination approfondie tendant à l'unité d'application du droit communautaire. Il s'agit de la théorie de « l'acte clair » initiée par la jurisprudence administrative française en 196440(*). A cet égard, c'est bien le Conseil d'Etat qui n'a pas manqué de s'illustrer dans l'utilisation de ce moyen habile de contourner le renvoi préjudiciel.

Cette théorie consiste à écarter l'exercice du renvoi préjudiciel, même s'il s'agit d'une obligation qui lie toute juridiction statuant en dernier ressort aux termes de l'art. 234 TCE, dès lors que la disposition de droit communautaire en cause est suffisament claire, qu'un sursis à statuer au titre du renvoi préjudiciel devant le juge communautaire serait dépourvu de toute utilité. Ainsi, dans ce cadre l'activation du mécanisme préjudiciel est soumise à sa pertinence au regard du caractère de clarté de la norme communautaire dont s'agit et ce, à la libre appréciation des juges nationaux de dernier ressort. Ce qui signifie que l'application du droit communautaire est relative car, par cette théorie, il dépend de ce qu'en décide le juge national. Pourtant, si l'on retient une interprétation herméneutique de l'art. 234 TCE, il apparaît clairement que la mise oeuvre du renvoi préjudiciel par les juridictions nationales statuant en dernier ressort, n'est pas conditionnée à des considérations liées à la clarté suffisante ou non de la règle communautaire. On peut donc affirmer que la théorie de « l'acte clair » constitue une découverte prétorienne en vue de se soustraire, de bonne ou mauvaise foi, selon la pertinence et l'effet utile d'un tel renvoi.

Or, dans une certaine mesure cet obstacle à la garantie de cohérence dans l'application du droit communautaire, est dommageable à la pleine effectivité de la primauté du droit communautaire puisque la primauté implique nécessairement l'uniformité. Autrement dit, les résistances à l'activation du mécanisme de coopération préjudicielle opèrent, par « ricochet », une résistance à l'effectivité de la primauté du droit communautaire.

Mais on ne peut s'abstenir de souligner qu'une telle « mise en péril » de l'effectivité de la primauté du droit communautaire a fait l'objet d'une évolution, par laquelle le renvoi préjudiciel s'inscrit dans une logique d'harmonisation dans l'application du droit communautaire et ce, notamment dans la perspective de garantir la pleine effectivité de ladite primauté.

Section 3 : L'abondon progressif des obstacles vers un « dialogue des juges » harmonieux dans le sens d'une effectivité de la primauté.

Il est vrai que la théorie de « l'acte clair » a rencontré un certain succès, notamment en France avec en première ligne le Conseil d'Etat et dans une moindre mesure la Cour de cassation, et n'a pas été abondonnée depuis lors, néanmoins son acception tend à évoluer largement au sens où elle ne s'apparente plus à un obstacle. En effet, une construction jurisprudentielle importante s'est opérée sous l'angle d'une harmonisation des rapports entretenus entre le juge national et le juge communautaire.

C'est d'ailleurs une solution communautaire qui a pris l'initiative d'infléchir cette logique de « concurrence » entre le juge de Luxembourg et le juge interne dans le cadre de l'interprétation et l'application du droit communautaire41(*). La Cour de Luxembourg, dans son arrêt CILFIT, pose les bases sur lesquelles doivent s'orienter juges nationaux de dernier ressort et juge communautaire. Elle énonce en ce sens que le juge national n'est tenu d'exécuter son obligation de renvoi que dans la mesure où il subsiste un doute raisonnable sur un point relatif à l'interprétation d'une règle communautaire, et sur lequel le juge communautaire n'a pas eu à se prononcer. A l'exclusion de ce cas de figure, le juge national est réputé libre d'activer ou non le renvoi car il est supposé connaître ce qu'une application correcte du droit communautaire lui impose42(*).

Ainsi, tout en réaffirmant le modèle finaliste du système et du droit de l'intégration au travers duquel la primauté repose sur l'uniformité par la coopération préjudicielle, elle entend développer des pistes qui donnent au juge national une place plus importante. En cela, elle s'efforce, de façon plus ou moins latente, d'impliquer le juge national dans la participation au processus d'intégration puisqu'elle rompt avec la présomption implicite selon laquelle le juge national est, nécessairement, susceptible de « mal faire » l'application correcte du droit communautaire.

Dès lors, la théorie de « l'acte clair » a vu son rôle considérablement réduit en ce que les juges nationaux ne s'en prévalent plus de manière abusive afin de ne pas compromettre l'application cohérente et uniforme du droit communautaire, et partant sa primauté effective ainsi garantie. S'agissant d'une tendance jurisprudentielle dont le sens profond est clairement dirigé vers un « dialogue des juges », on ne peut relever une solution de principe proprement significative à cet égard. Par cette attitude avisée qui « prend acte » de la volonté affirmée d'harmoniser les rapports entre les deux ordres juridiques, on peut affirmer qu'il n'est pas question d'un revirement de jurisprudence opéré par les juges nationaux, mais d'une évolution manifeste dans la mesure où le motif pris de « l'acte clair » comme procédé permettant de ne pas activer le mécanisme préjudiciel n'est pas abondonné mais largement restreint et encadré. Si l'obligation de renvoi préjudiciel à laquelle le juge national de dernier ressort est tenu, peut encore faire l'objet d'un tel contournement, il n'empêche qu'il ressort de la jurisprudence interne aux Etats membres que, désormais, la théorie de « l'acte clair » n'est invoquée que dans la conformité des conditions définies par la CJCE depuis l'arrêt CILFIT .

Ainsi, à travers ces solutions, l'effectivité de la primauté du droit communautaire n'est pas compromise dans la mesure où l'application uniforme du droit communautaire est assurée par un développement important du dialogue entre le juge communautaire et le juge national de dernier ressort afin de permettre autant que possible la cohérence dans l'interprétation et l'application du du droit communautaire.

Conclusion

Cette étude permet d'observer qu'il existe au sein des Etats membres des résistances « subtiles » à la primauté du droit communautaire dans la mesure où celles-ci ne sont pas de nature à exclure la validité de ladite primauté. Ainsi, la primauté du droit communautaire constitue un principe sur lequel s'accordent les juges communautaire et nationaux dès lors qu'il s'agit de le consacrer dans l'articulation entre l'ordre juridique communautaire et les systèmes juridiques internes, mais qui engendre des conflits si l'on se place dans le cadre de son acception et de sa mise en oeuvre.

Dès lors, dans une certaine mesure, on peut affirmer qu'il s'agit de résistances dont la vocation essentielle n'est aucunement l'obstruction à la primauté du droit communautaire mais l'appropriation de ce principe au sein de modèles juridiques qui entendent s'y adapter par « petits pas ».

Cette asymétrie entre les solutions de la CJCE exprimant des innovations audacieuses visant à développer la dynamique de l'intégration, notamment à travers la primauté du droit communautaire, et les résistances mesurées et contrebalancées de la jurisprudence interne de certains Etats membres à l'égard de ce mouvement, est-elle de nature à remettre en cause par « à coups » la viabilité de l'intégration, ou bien préfigure-t-elle seulement des intéractions entre deux systèmes évitant une importante altération de leurs propres caractéristiques ?

BIBLIOGRAPHIE

Documents officiels

Traité instituant les Communautés européennes, Journal Officiel des Communautés européennes n° C 325 du 24 décembre 2002

Ouvrages

Florence CHALTIEL, La souveraineté de l'Etat et l'Union européenne, l'exemple français. Recherches sur la souveraineté de l'Etat membre, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1999, 606 p.

Joël RIDEAU (Dir.), Les Etats membres de l'Union européenne, Adaptations, mutations, résistances, LGDJ, 1997, 540 p.

Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Grands arrêts, Dalloz, 14ème édition, 2003, 962 p.

Articles

Paul SABOURIN, « Le conseil d'Etat face au droit communautaire, méthodes et raisonnements », Revue de Droit Public, 1993, pp. 398-430

Dominique CARREAU, « Droit communautaire et droits nationaux : concurrence ou primauté ? », Revue Trimestrielle de Droit Européen, 1978, pp. 319-418

Bertrand MATHIEU, « L'appréhension de l'ordre juridique communautaire par le droit constitutionnel français », Mélanges Gautron, Les dynamiques du droit européen en début de siècle, Pédone, 2004, p. 169

Laurence BURGORGUE-LARSEN, « Les résistances des Etats de droit », De la Communauté de droit vers l'Union de droit, J. Rideau (dir.), Colloque de Nice d'Avril 1999, Paris, LGDJ, 2000, pp. 423-458

Jean WALINE, « La boîte de Pandore. Droit administratif et droit communautaire », Mélanges Dubouis, Au carrefour des droits, Dalloz, 2002, pp. 461-489

Louis CARTOU, « La Cour de justice des Communautés européennes et le droit communautaire », Mélanges Waline, Le juge et le droit public, Paris, LGDJ, 1974, Tome I, pp. 163-171

Christine MAUGÜÉ, « La constitution, le traité et la loi : contributions au débat sur la hiérarchie des normes. L'arrêt Sarran, entre apparence et réalité », Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 7-99 / janvier 1999 à septembre 1999

Olivier CAYLA, « La constitution, le traité et la loi : contributions au débat sur la hiérarchie des normes. Lire l'article 55 : Comment comprendre un texte établissant une hiérarchie des normes comme étant lui-même le texte d'une norme ? », CCC, n° 7-99 / janvier 1999 à septembre 1999, p. 77

Theodora PAPADIMITRIOU, « Constitution européenne et constitutions nationales : l'habile convergence des juges constitutionnels français et espagnol. À propos des décisions n° 2004-505 DC du Conseil constitutionnel français et 1/2004 DTC du Tribunal constitutionnel espagnol », CCC, n° 18-2005 / novembre 2004 à mars 2005, p. 162

TABLE DES MATIÈRES

Introduction..................................................................................................................................page 1

Partie I : L'aménagement de la définition du principe à la base de sa reconnaissance................page 3

A. Le fondement constitutionnel de la primauté du droit communautaire..................................page 3

Section 1 : L'acceptation du principe sur la base de l'article 55 de la Constitution française......page 3

Section 2 : L'acceptation du principe sur la base de la constitutionnalisation interne

du procéssus d'intégration............................................................................................................page 6

B. L'encadrement de la portée de la primauté du droit communautaire......................................page 7

Section 1 : Des réserves de constitutionnalité à la primauté sous l'angle de la protection

des droits fondamentaux..............................................................................................................page 7

Section 2 : L'étendue limitée de la primauté au sein de la hiérarchie normative interne.............page 9

Partie II : La relative résistance aux corollaires existentiels du principe...................................page 12

A. La résistance avortée à l'applicabilité directe du droit communautaire................................page 12

Section 1 : La garantie d'effectivité de la primauté à travers l'effet direct.................................page 12

Section 2 : Le refus de l'effet direct de substitution des directives non transposées.................page 13

Section 3 : La garantie d'effectivité de la primauté par l'effet utile des directives....................page 14

B. L'abondon progressif des résistances à l'applicabilité uniforme du droit

communautaire...........................................................................................................................page 17

Section 1 : Le mécanisme préjudiciel, « pierre angulaire » de la primauté du droit

communautaire...........................................................................................................................page 17

Section 2 : Des obstacles à la primauté effective par les réserves à l'applicabilité uniforme

du droit communautaire.............................................................................................................page 18

Section 3 : L'abondon progressif des obstacles vers un « dialogue des juges » harmonieux

dans le sens d'une effectivité de la primauté..............................................................................page 19

Conclusion.................................................................................................................................page 21

Bibliographie..............................................................................................................................page 22

Table des matières......................................................................................................................page 24

* 1 On peut se reporter à une étude très approfondie de cette question complexe : Florence CHALTIEL, La souveraineté de l'Etat et l'Union européenne, l'exemple français. Recherches sur la souveraineté de l'Etat membre, L.G.D.J, 1999, 606 p.

Elle développe en particulier l'idée selon laquelle une contribution réciproque est à l'oeuvre entre ces deux modèles juridiques, l'évolution d'un "Etat de droit européen" ne se substituant pas à L'Etat-nation souverain, c'est au niveau de leur souveraineté respective que jouent ces intéractions.

* 2 A ce propos on doit retenir le tryptique des arrêts de la CJCE, Van Gend en Loos CJCE 5 février 1963, affaire 26/62 ; Costa c. Enel CJCE 15 juillet 1964, affaire 6/64 ; Simmenthal CJCE 9 septembre 1978, affaire 70/77.

* 3 L'arrêt Costa, ibidem, est la "pierre angulaire" de la consécration de ce caractère absolu au sens où il rattache ce caractère à l'existence même du système d'intégration. La CJCE considére, dans le droit fil de ce raisonnement, que le droit communautaire primaire et dérivé doit prévaloir sur l'ensemble du droit interne des Etats membres et ce, même sur les dispositions de nature constitutionnelle nationale.

* 4 La CJCE, dans l'arrêt Costa, ibid., considére que la Communauté constitue un nouvel ordre juridique autonome et spécifique car celle-ci exerce indépendemment des compétences que lui ont transférés les Etats membres. Ce transfert de compétences déterminées mais définitif marque l'originalité de ce système.

* 5 Il ne s'agit pas du tout d'une révision judiciaire en l'espèce dans la mesure où la Cour n'opère pas une modification substantielle de l'objet et du but des traités institutifs affectant le consentement originel des Etats membres qui y ont adhéré. Elle met en oeuvre son pouvoir d'interprétation desdits traités, au titre de sa fonction prévue par l'article 220 TCE, et les Etats membres ont accepté une telle prérogative reconnue à la CJCE. Mais s'agissant d'une construction jurisprudentielle de l'organe juridictionnel de la Communauté, ils ne sont pas tenus de se conformer à celle-ci dès lors qu'ils estiment qu'une telle interprétation n'est pas tout à fait compatible avec les principes auxquels ils ont consenti. Cela relève ici de leur autonomie procédurale qui n'est expréssement encadrée que par l'art. 10 TCE qui prévoit une obligation de "coopération loyale", c'est à dire une simple obligation de moyens.

* 6 Il faut entendre ici le pouvoir judiciaire au sens générique. Par cette large définition, il convient d'examiner les résistances tant du juge ordinaire que du juge constitutionnel. Et bien que certaines particularités puissent exister, à plusieurs égards, selon les Etats membres, il s'agit de retenir celles dont la fonction est de "dire le droit".

* 7 Il s'agit principalement du pouvoir judiciaire de l'Allemagne, de l'Italie, et bien plus encore de la France, voir en ce sens Dominique CARREAU, "Droit communautaire et droits nationaux : concurrence ou primauté ?", RTDE, 1978, pp. 319-418.

* 8 Arrêt Costa, ibid.

* 9 Dans l'arrêt Costa, ibid., la cour adopte un raisonnement comme suit : "qu'issu d'une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu'il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même".

* 10 Après une série de réticences, elles ont admis in fine le principe de la primauté du droit communautaire. A cet égard l'arrêt de principe rendu par le juge judiciaire suprême est l'arrêt Société des cafés Jacques Vabre , C. Cass, ch. Mixte 24 mai 1975. Pour la haute juridiction administrative, il s'agit de l'arrêt Nicolo CE 20 octobre 1989.

* 11 Arrêt Sté des cafés J. Vabre, ibid., cette solution de principe constitue un revirement de la jurisprudence initiée depuis longtemps, notamment sous l'impulsion de l'avocat général Matter, qui consistait à faire prévaloir sur les engagements internationaux la loi qui leur serait postérieure.

* 12 A la différence de l'avocat général Touffait qui, dans ses conclusions, invitait la Cour à suivre la CJCE sur le fondement de la spécificité, la C. cass. se contente d'en tenir compte et ne retient comme fondement à part entière que l'art. 55 C.

* 13 C'est ici une résistance, certes moins évidente que celle du juge administratif, en ce que le juge judiciaire semble réticent à admettre ce fondement tenant à la singularité de l'ordre juridique communautaire.

* 14 Après avoir résisté à la reconnaissance du principe de primauté du droit communautaire sur les lois postérieures, la jurisprudence administrative, par l'arrêt Nicolo, fait sienne la solution de la CJCE en ce qu'elle accepte ce principe de primauté.

* 15 Alors qu'il refusait de se reconnaître lié par l'art. 55 C, de contrôler la conformité de la loi postérieure au regard du droit communautaire et plus généralement du droit international, il renonce à ce paradigme dans l'arrêt Nicolo. On peut noter que Paul Sabourin estime qu'il s'agit d'une méthode tout à fait réflechie et fondée entreprise par le juge administratif car, il s'agissait de l'appréhension de son propre rôle qui présidait à l'évolution d'une telle jurisprudence. On peut renvoyer aux remarques pertinentes de cet auteur : Sabourin Paul, « Le conseil d'Etat face au droit communautaire, méthodes et raisonnements », RDP, 1993, pp. 398-430.

* 16 On fait référence ici à la décision dite IVG Cons. Const., 15 janvier 1975, n° 74-54.

* 17 Cet article I-6 correspond en quelque sorte à la consécration institutionnelle du principe de primauté tel que "découvert" par la jurisprudence de la CJCE.

* 18 Florence Chaltiel a anticipé avec pertinence ce mouvement systémique auquel participe cette solution du Cons. Const. Car, elle tire la conclusion de ce que la souveraineté nationale s'acommode progressivement de l'intégration, op. cit.

* 19 Cette idée que l'on peut rattacher à l'arrêt Costa, ibid., a été ensuite explicitée, notamment à travers la jurisprudence Internationale Handelsgesellschaft CJCE 17 décembre 1970, Aff. 11/70.

* 20 Ce sont ici les arrêts Pozzani, Cour constitutionnelle italienne 27 décembre 1973, n° 183/73 ; et Solange I, Tribunal constitutionnel allemand 29 mai 1974.

* 21 Burgorgue-Larsen Laurence, « Les résistances des Etats de droit », De la Communauté de droit vers l'Union de droit, J. Rideau (dir.), Colloque de Nice d'avril 1999, Paris, LGDJ, 2000, pp. 423-458.

* 22 Il s'agit ici des arrêts Sarran CE 1998, SNIP CE 2001 ; et Fraisse C. cass. 2000.

* 23 Burgorgue-Larsen Laurence, ibid., au delà de la solution de principe elle-même, c'est bien plus largement la vaste tendance, plus ou moins développée, visant à maintenir les caractères traditionnels de la souveraineté nationale que regrettent de nombreux observateurs.

* 24 Maugüé Christine, « L'arrêt Sarran, entre apparence et réalité », CCC, n° 7-99, p. 87.

* 25 Cayla Olivier, « Lire l'article 55 : Comment comprendre un texte établissant une hiérarchie des normes comme étant lui-même le texte d'une norme ? », CCC, n° 7-99, p. 77.

* 26 La formule est celle utilisée par l'arrêt SNIP, ibid.

* 27 La construction prétorienne de la Cour, où certains commentateurs voient un « activisme judiciaire », n'a eu de cesse de mettre en oeuvre des principes innovants traduisant la singularité de l'intégration. Parmi ceux-ci figurent les principes de primauté et d'applicabilité du droit communautaire, puisque le droit né des traités communautaires constitue une source normative autonome et intégrée au sein de l'ordre juridique interne des Etats membres.

* 28 Arrêt Van Geen en Loos, ibid., puis Costa, ibid.

* 29 Selon la célèbre formule employée par le commissaire de gouvernement Genevois dans ses conclusions.

* 30 Il faut se référer à l'arrêt Van Duyn, CJCE, 4 décembre 1974, Aff. C-41/74.

* 31 Arrêt Cohn Bendit, CE, Ass., 22 décembre 1978. Aux termes de cet arrêt, le recours pour excès de pouvoir est irrecevable devant le juge administratif en vue de contrôler la légalité d'un acte administratif unilatéral de caractère individuel au regard d'une directive communautaire non transposée.

* 32 Toute norme internationale n'est applicable par elle-même dans l'ordre interne, qu'à la condition qu'elle comporte un caractère auto-exécutoire, c'est à dire suffisament clair et précis.

* 33 Arrêt Boisdet CE 1990. L'affirmation de la suprématie des réglements communautaires n'est que le prolongement de l'arrêt Nicolo.

* 34 Cf. GAJA, Dalloz, 14ème édition, 2003, observations pp. 693-694 sur l'arrêt Alitalia, on peut préciser d'ailleurs que cette jurisprudence permet à tout intéressé d'inviter les autorités administratives compétentes à mettre la réglementation nationale en conformité avec les objectifs des directives communautaires. On observe ainsi que le juge administratif est pragmatique en ce qu'il entend dégager des solutions qui permettent d'assurer un effet utile aux directives comunautaires.

* 35 SA Rothmans CE 1992, Arizona Tobacco CE 1992.

* 36 Il s'agit de solutions soucieuses de ne pas compromettre l'effectivité de la primauté du droit communautaire car il semble acquis que le juge administratif n'est pas enclin à suivre scrupuleusement la jurisprudence communautaire, sa démarche consiste à établir progressivement un ensemble de solutions, selon sa propre logique, afin d'aboutir à une garantie d'effectivité de ladite primauté.

* 37 Art. 234 TCE (ex-art. 177). Ce mécanisme de renvoi préjudiciel assure à la Cour un pouvoir général d'interprétation du droit communautaire, elle agit ici comme la gardienne exclusive du respect du droit communautaire.

* 38 Cartou Louis, « La Cour de justice des Communautés européennes et le droit communautaire », Mélanges Waline, Le juge et le droit public, Paris, LGDJ,1974, Tome I, pp. 163-171.

* 39 Deux attitudes possibles que l'on pouvait attendre, ce sont celles des juges ordinaires ne statuant pas en dernier ressort et des juges constitutionnels, notamment espagnols et français, dont la vocation structurelle n'est pas d'ordre contentieux et dont la nature du contrôle exercée ne permet pas d'avoir recours à ce renvoi.

* 40 Société de Pétroles Shell Berre, CE,19 juin 1964, lequel a été critiqué mais a connu un certain succès.

* 41 CILFIT, CJCE, 6 octobre 1982, Aff. 283/81.

* 42 Cf. points 16 et 21 de l'arrêt CILFIT précité, on peut analyser ce raisonnement comme la mise en jeu de la coopération loyale, telle que prévue à l'art. 10 TCE, au sens où c'est sous sa « propre responsabilité » que le juge interne décide d'activer ou non le mécanisme préjudiciel.






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius