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Le droit international à l'épreuve de l'emploi d'armes nucléaires aux termes de l'avis consultatif de la Cour internationale de Justice du 8 juillet 1996

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par Sylvain-Patrick LUMU MBAYA
Université de Kinshasa - Licence en droit-Avocat au Barreau de Kinshasa/Matete et Assistant à la Faculté de droit de l'UNIKIN 2004
  

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SECTION II. LES LIMITES À L'EXERCICE DU DROIT DE LÉGITIME DÉFENSE

§1. Position du problème et points de vue contradictoires des Etats

L'opposition entre les partisans de la licéité et ceux défendant l'illicéité de l'emploi de l'arme nucléaire en cas de la légitime défense ne s'arrêtait pas sur les problèmes d'ordre théorique de la véritable nature du droit de légitime défense. Elle a également eu lieu un niveau d'analyse plus technique et moins abstrait.

Il s'agissait surtout de savoir si une agression armée d'une envergure importante ou même sans limites contre un Etat donné peut justifier l'emploi de l'arme nucléaire par ce dernier ou par un allié qui la possède, à une échelle importante et parfois sans limites, en application des exigeances mêmes de la légitimité de l'exercice du droit de la défense qui s'apprécient principalement en fonction de la gravité de l'agression armée. En d'autres termes, une riposte nucléaire ne serait-elle pas toujours conforme aux exigences de nécessité et de proportionnalité si elle n'a pour but que de repousser une attaque de la même envergure.

D'une manière claie et précise, il s'agit là d'une question de mesure entre l'attaque que subit l'Etat victime et la riposte envisagée en cas de la légitime défense. Du moins, C'est cela qu'avaient affirmé les Etats défenseurs de la licéité de l'emploi de l'arme nucléaire (218(*)).

En revanche, les partisans de l'illicéité ont, pour leur part, estimé que toutefois, l'effet de multiplication des ravages que peut causer l'emploi de l'arme nucléaire, amène à raisonner d'emblée en des termes tranchés visant particulièrement à affirmer que n'importe quel emploi ne saurait se conformer à l'ensemble des exigences qui visent à éviter le dérapage vers l'abus dans l'exercice du droit de la légitime défense, à savoir la condition de proportionnalité (219(*)).

§2. La décision de la Cour

La Cour Internationale de Justice tout en soutenant que les restrictions à l'exercice de ce droit sont « inhérentes à la notion même de la légitime défense »(220(*)), affirme dans son avis que le droit de défense ne saurait être légitime si son exercice se révèle excessif par rapport aux différentes restrictions auxquelles il est soumis et qui visent à le contenir (221(*)).

Elle refuse, par ailleurs, de s'exprimer dès l'abord en des termes tranchés sur la compatibilité ou l'incompatibilité de l'emploi de l'arme nucléaire aux exigences qui conditionnent la légitimité du droit de défense. Sans davantage d'explications, la Cour note particulièrement que «  le principe de proportionnalité ne peut pas, par lui-même, exclure le recours aux armes nucléaires en légitime défense » (222(*)).

Une telle position indique clairement que tout emploi de l'arme nucléaire n'est nullement contraire aux exigences qui conditionnent la légitimité du droit de défense. Il convient par conséquent de raisonner suivant le cas d'espèce.

En effet, si la Cour refuse de se livrer à l'examen de différentes hypothèses d'école, elle affirme néanmoins que l'arme nucléaire peut parfois être compatible avec les exigences auxquelles est soumise la légitimité du droit de défense (223(*)).

Bien que la Cour n'envisage pas se livrer à l'étude des différentes hypothèses pratiques (224(*)) pour donner des réponses précises, elle devrait tout au moins déterminer les critères de l'exercices du droit de légitime défense à la lumière des restrictions auxquelles celui-ci est soumis et examiner la portée de l'ensemble des exigences qui conditionnent la légitime défense quant au déclanchement de son exercice, la qualité et la quantité des forces à employer sa durée légitime ainsi que les conditions de sa cessation.

L'avis de la Cour ne traite pas de ces problèmes particuliers et n'offre pas la moindre indication claire quant au critère qualitatif de la proportionnalité. L'Organe judiciaire principal de l'ONU se contente plutôt d'affirmer que l'emploi de la force en cas de légitime doit satisfaire «  aux exigences du droit applicable dans les conflits armés, dont en particulier les principes et règles du droit humanitaire » (225(*)), ce qui renvoi aux différents principes relatifs à la protections des populations civiles et au choix des moyens de nuire à l'ennemi en temps des conflits armés. Ces principes s'appliquent bien entendu à toutes circonstances et peuvent particulièrement règlementer l'emploi de l'arme nucléaire contre une attaque conventionnelle. La légitimité de cet emploi s'appréciera selon ce que la riposte viole les différents principes du droit humanitaire.

§3. Commentaires de la doctrine

Le moment du déclenchement du droit de la légitime défense avait particulièrement retenu l'attention de la doctrine. Il s'agissait pour elle de savoir si l'on peut avoir recours à la légitime défense, avant la véritable initiation d'une agression armée, dans un but essentiellement préventif (jus preventionis) (226(*)) ou, s'il faudra attendre « une action matérialisée » (227(*)) d'agression ou au moins « un début d'exécution » pour que l'exercice du droit de défense soit légitime.

La question n'implique pas seulement une interprétation littérale de l'article 51 de la Charte des Nations Unies. En effet, l'article 51 est clair en ce qu'il indique que l'agression armée est une condition préalable et sine qua non à l'exercice du droit de légitime défense (228(*)). Mais la question de la défense préventive soulève aussi un problème au regard des principes de nécessité et de proportionnalité.

En effet, l'on a pu effectivement se poser la question de savoir si le recours dit « préventif » à la légitime défense est nécessaire pour arrêter et repousser l'agression qui n'a même pas eu lieu, ou s'il est proportionnel à une attaque qui ne s'est pas encore matérialisée, et qui risque de ne jamais l'être.

La controverse sur la légitimité en droit international de la défense préventive s'aggrave considérablement quand il s'agit de considérer le facteur nucléaire.

Pour certains, l'introduction des armes nucléaires ne fait que renforcer la position selon laquelle la défense préventive et légitime (229(*)) car, dans une guerre nucléaire le temps est important (230(*)). L'agression qui envisagerait l'emploi de l'arme nucléaire en premier frappe ciblerait dans son attaque non seulement les infrastructures consacrées à la riposte de l'Etat victime - ce qui paralyserait ses capacités de riposte- mais aussi les populations civiles. A maints égards, la première frappe serait la décisive car elle est fatale pour l'Etat victime. L'Etat potentiellement victime d'une agression avec l'emploi d'arme nucléaire ne saurait réellement attendre jusqu'à ce qu'il soit frappé pour riposter (231(*)). Il a le droit de se défendre en anticipant la première frappe sous la bannière de la légitime défense préventive. Il s'agit là d'une doctrine qui admet et soutient, comme les partisans de la licéité, que le droit de légitime défense est inhérent à l'existence de l'Etat. Il est en effet facile pour eux de s'affranchir de toute restriction liée à l'exercice de ce droit par la défense préventive, notion sans fondement juridique réel au nom de la sauvegarde de la propre existence de l'Etat.

Pour d'autres, le facteur nucléaire fut une raison de plus pour ne pas légitimer la défense préventive (232(*)). Outre l'argument de la non-conformité de l'emploi de l'arme nucléaire en défense préventive aux exigences de la nécessité et de la proportionnalité, il est fait état de risque de mauvaise interprétation (233(*)) des menaces inévitables dans les perceptions subjectives des agissements belliqueux d'autrui. De telles situations auront, dans le contexte des armes nucléaires, des conséquences désastreuses pour tous (234(*)). La défense préventive qui permet de s'affranchir facilement des conditions objectives de l'exercice du droit de légitime défense, ouvre la voie aux interprétations subjectives les plus désordonnées.

La Cour, soutiennent ces auteurs, fidèle à sa position antérieure de désintéressement (235(*)), ne s'est pas prononcée sur la légitimité en droit international de la défense préventive avec l'emploi de l'arme nucléaire. Elle a toutefois envisagé une telle possibilité, pensent-ils, quand elle considère le cas extrême dans lequel la « survie » même de l'Etat est en cause.

Si la survie de l'Etat est menacée dans le contexte d'une longue et épuisante confrontation, elle peut aussi être en cause par une menace de première frappe nucléaire. Dans cette dernière hypothèse, l'Etat potentiellement victime ne peut avoir recours à la force pour se défendre que préventivement, car si sa survie est menacée, il ne peut nullement se défendre s'il attend le véritable impact d'une telle agression ; il doit fatalement anticiper par prévention.

La Cour, tout en envisageant une telle situation, ne pousse pas plus loin son raisonnement juridique et se contente de constater une certaine indifférence du droit, qui est artificielle pour les uns et politiquement accommodatrice pour d'autres

* 218 Voir par exemple UK, Plaid.,15/11/1995, p.39 ; CIJ, Recueil 1996, p.245, paragraphe 42

* 219 Voir par exemple Iles Salomon, Plaid., p.47 ; voir aussi GRIEF (Nicholas), « The Legality of Nuclear Weapons », Nuclear Weapons and International Law (Instavan Pogny ed.), 1987, p.p.22-52 ; CIJ, Recueil 1996, p.245, paragraphe 43

* 220 CIJ, Recueil 1996, p.244, paragraphe 40

* 221 Ibid, p.245, paragraphe 41

* 222 Ibid., p.245, paragraphe 42

* 223 Idem

* 224 CIJ, Recueil 1996, p.245, paragraphe 43

* 225 CIJ, Recueil 1996, p.245, paragraphe 42

* 226 Les défenseurs de la légitime défense préventive rappelle que le premier cas de légitime défense traitée par la jurisprudence classique, le cas de Caroline, impliquait la légitime défense préventive. Voir à ce sujet BRIERLY (JL), The Law of Nations, An Introduction to The International Law of Peace (SiHumprey Waldock ed.), 6th ed, Oxford, 1963, p.p.417-420

* 227 ABI-SAAB (Georges), « Cours général de droit international public », Académie de la Haye, Recueil des cours, Tome 207, 1987 VII, p.371.

* 228 Voir COMBACAU (Jean), « The Exception of Self-Defence in Un Practice » The Current Legal Regulation of the Use of Force (A. Cassese ed.), Nijhoff, 1986, p.P.24-25

* 229 Idem

* 230 McDougall (Myres) and FELICIANO (Florentino P.), The International Law of War, Transnational Coercition and World Public Order, New Haven, 1994, pp.238-239

* 231 Idem

* 232 Voir par exemple SINGH (Nagendra) & MC WHINNEY (Edward), Nuclear and Contemporary International Law, Nijhoff, 1989, pp.87-88.

* 233 Voir BROWNLIE (Ian), International Law and The Use of Force by States, Oxford, 1963, p.259

* 234 Voir D'AMATO (Anthony), International Law : Process and Prospect, New-York, 1995,pp.76-77

* 235 ALEXENDROY (Stanimir A.), Self-Defence against the Use of Force in International Law, Kluwer, 1996, p.145.

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