II. Les clausules
Clôturer un récit est l'une des techniques les
plus importantes dans la composition d'une oeuvre. En effet, c'est un moment
crucial dans le parcours d'une trame narrative, moment aussi très
difficile pour l'écrivain contraint de mettre terme à son
"nouveau bébé ". Il est ainsi soumis à une «
tension entre la nécessité de finir structurellement et
l'impossibilité d'achever l'histoire
narrée»1. Partant du fait qu'un récit est
une suite de mots concrétisant une manifestation de la pensée,
peut-on réellement mettre fin à une pensée? Limiter
l'insaisissable? Préfère-t-on peut être parler d'une
"illusion de fin" et non pas de clôture proprement dite.
Nous commençons d'abord par une définition de
cette notion d'excipit, puis nous nous livrerons à une détection
de tout signe permettant de découvrir les différentes
stratégies utilisées par F.Guène dans la clausule de son
récit.
II.1.Définition :
Le mot clausule provient du latin clausula qui est un
"diminutif dérivé de claudere, clore,
terminer"2. Ainsi, la clausule d'un récit est le moment
où l'écrivain décide de congédier la narration en
mettant le point imposant de la fin. Elle est donc un « espace textuel
situé à la fin du récit et ayant pour fonction de
préparer et de signifier l'achèvement de la narration (...). Elle
est aussi définie comme un lieu, un moment de la lecture où
celle-ci touche à sa fin3.
Délimiter la clôture d'un texte se
révèle, elle aussi, difficile à saisir. Ainsi nous devons
chercher tous les signes qui marquent un effet de clôture. Ces signes de
fin ou "démarcateurs"4 opèrent une fracture dans le
texte qui peut être "soit formelle, soit thématique"5.
Un auteur marque la fin de son récit de plusieurs manières et
livre
1 Zekri, Khalid, Etude des incipit et des
clausules dans l'oeuvre romanesque de Rachid Mimouni et dans celle de
Jean-Marie Gustave Le Clézio, op.cit, p53.
2Morier, Henri, Dictionnaire de Poétique et
de rhétorique, Paris, P.U.F., 1989, p. 199. (Pour la
première édition : 1961). Cité par : Zekri, Khalid,
op.cit, p.53
3 « La clôture du récit aragonien
» in Le Point Final, p. 131. Cité par Zekri, Khalid, ibid., p.
51
4 Zekri, Khalid, op. cit., p.56
5 Del Lungo, Andrea, "Pour une poétique de
l'incipit", cité par Zekri, Khalid, ibid, p.43.
au lecteur des signaux de fin comme points de repère
pour sa lecture Ces démarcateurs se manifestent sous différentes
formes : "le changement de temps, le changement du discours narratif
(rupture ou infraction à l'homogénéité, les
contrastes stylistiques, etc.), le changement de la voix et de la personne,
l'épuisement ou la saturation des possibilités narratives.
1"
Selon Khalid Zekri ces signaux peuvent être explicites,
le texte déclare alors sa fin d'une façon appelée
"cadence déclarative"2. Dans ce cas, la narration
adopte dans un premier lieu un procédé métalinguistique
(métadiscours) annonçant sa fin, et dans le second lieu la fin se
résume en une "seule phrase faisant paragraphe à la fin du texte
et où se concentre toute la force clôturale3", ce type
de clôture est appelée " clôture
épigrammatique4".
Le deuxième type des signaux de la fin concerne les
"démarcateurs aspectuels d'ordre terminatif"2. Guy Larroux
précise qu'il "serait sans doute utile, pour ce qui est du roman,
d'étendre la notion de démarcateur à tous les
changements, à tous les glissements et à toutes les ruptures qui
dénoncent l'hétérogénéité de la
portion finale de texte et l'autonomisent par là
même"5.
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