CONCLUSION GÉNÉRALE
Finalement, au terme de cette étude sur les demandeurs
d'asile français et plus spécifiquement dijonnais, il
paraît évident que leur situation est bien plus complexe et
périlleuse que ne le laissent entendre les discours fallacieux et
réducteurs entretenus par de nombreux gouvernants actuels. L'amalgame
est constamment fait entre migrants économiques, demandeurs d'asile,
clandestins, personnes en attente de régularisation ou d'attribution de
la nationalité française. Le débat public en devient
confus, passionné, déraisonné, ce qu'à très
bien souligné l'historien Gérard Noiriel, qui pour protester
contre le récent « Ministère de l'Immigration et de
l'Identité Nationale », n'a pas hésité à
démissionné en Mai 2007 de la Cité Nationale de
l'Histoire de l'Immigration. Celui-ci estimait, à juste titre
que cette appellation ne pouvait que conforter des préjugés
malsains, clairement négatifs et excluant en ce qui concerne «
l'étranger ».
Quoi qu'il en soit, nous avons lors de nos nombreux
entretiens, partagé avec les demandeurs d'asile divers « morceaux
de vie », tous aussi tumultueux, différents, les uns les autres
dans leur singularité et leur spécificité. Au moment
où nous rédigeons ces lignes, nous venons d'apprendre
qu'Hélène a obtenu en Avril la nationalité
française et que Venantia et François ont depuis nos derniers
entretiens acquis le statut tant attendu de réfugié.
Les témoignages que nous avons recueillis, les
discussions que nous avons eues avec les divers travailleurs sociaux,
médecins, fonctionnaires nous ont amenées à être
directement exposés à leurs doutes et incertitudes quant au bien
fondé du traitement réservé ces dernières
années aux demandeurs d'asile, dont la situation psychologique,
matérielle, identitaire se trouve durant un laps de temps variable et
non clairement définie tout simplement en suspens. La plupart des
acteurs professionnels dijonnais qui leur viennent en aide au quotidien
affichent clairement leur volonté et leur satisfaction de pouvoir leur
apporter une aide mais regrettent dans un même temps le
désengagement financier évident, progressif de la part de l'Etat
qui leur accorde chaque année de moins en moins de moyens pour les
prendre en charge dignement.
Sans nier la qualité des décisions de l'OFPRA et
de la CRR, ni remettre en cause le caractère infondé de certaines
demandes, on peut tout de même constater que les délais
raisonnables d'instruction des affaires liés aux demandeurs d'asile sont
de plus en plus aléatoires.
La volonté de la France mais plus globalement de
l'Europe de réduire absolument et à tout prix les flux
migratoires, se fait souvent au détriment des droits reconnus aux
demandeurs d'asile par la Convention de Genève. Ainsi, depuis 1995,
la déclaration de Barcelone qui met en place le
partenariat euro-méditerranéen impose au Maroc
de sous traiter la politique d'immigration européenne. Le Maroc se
trouve en effet dans la dure position de devoir empêcher par tous les
moyens appropriés et souvent au déni des droits de l'homme tout
immigré africain, quelle que soit son origine de passer par son
territoire pour se rendre en Europe. Dans les faits, cela se traduit par de
mauvais traitements infligés aux nombreux migrants qui se
réunissent dans des camps informels constitués notamment dans la
Foret de Bel Younes, heureusement relayés de temps à autres par
l'équipe de Médecins Sans Frontières. Quoi qu'il en soit,
cette répression s'exerce à l'égard de tous types de
migrants et dans la pratique, les autorités ne cherchent pas à
savoir si une personne fuit son pays pour survivre et « pour son combat en
faveur de la liberté ».
En France, la CNCDH qui s'inquiète du traitement
réservé parfois aux demandeurs d'asile rappelle que tout
étranger résidant sur le territoire national
bénéficie d'un certain nombre de droits qui doivent
impérativement être respectés en toutes circonstances,
notamment ceux d'accès aux soins, à l'éducation et
d'hébergement d'urgence en cas de détresse sociale.
Cette peur de tout ce qui vient de l'étranger est
d'autant plus intrigante qu'un rapport de l'ONU de 2000 prévoit que
l'Europe, compte tenu de son vieillissement, devrait de nouveau faire appel
d'ici 2050 à entre 47,5 et 150 millions d'immigrés! Cela viserait
le maintien de la population européenne et la préservation de
l'équilibre de 4 à 5 actifs pour un retraité. Aussi, plus
récemment, le rapport de la Commission parlementaire
présenté par Jacques Attali en Janvier 2008, chargée de
trouver une issue pour « libérer la croissance » prône
même le recours à l'immigration: pour « faire face à
un marché du travail en tension », l'immigration apparaît
comme un « facteur de développement de la population » et en
tant que telle comme une source de création de richesse, donc de
croissance.
Sous l'effet de la mondialisation, l'immigration va d'ici
quelques années s'intensifier et d'elle va dépendre le sort de
nos sociétés modernes, tant du point de vue de leurs structures
économiques que démographiques. Il y a de grandes chances qu'elle
transforme le monde global tel que nous le connaissons aujourd'hui et le
rôle qu'elle sera amenée à jouer dans le cadre du
métissage des cultures, de l'intercompréhension des civilisations
devrait être de plus en plus majeur. Le traitement qui est aujourd'hui
réservé en France aux demandeurs d'asile, reste
révélateur de la méfiance qui subsiste face à
« l'autre ». Il est temps que l'Europe comprenne que nous entrons
dans l'ère de la mobilité et que plutôt que réduire
à tout prix et avec démesure les flux migratoires, il convient
plus que tout de les réglementer justement et sans entretenir la
peur.
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