SECTION3 : CONTRIBUTION THEORIQUE DES BANQUES AU
FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT ET LIMITES DE CELLES-CI AU CAMEROUN
Cette dernière section aura pour objectif après un
aperçu théorique de la contribution de l'activité bancaire
au développement économique de montrer les limites de celles-ci
dans le cas particulier du Cameroun.
I. Banques et financement du développement
économique
Le système bancaire devient l'un des partenaires de l'Etat
en matière de développement du fait qu'il joue un rôle
primordial dans la création et la mobilisation des ressources de
développement aussi bien nationales qu'étrangères. Il est
également capable de fournir la garantie et l'expertise
nécessaire au bon choix des projets de développement et
prémunir les investisseurs publics et privés contre les risques
de dérapage et de mauvaise gestion. En effet, les crédits de
campagne, le soutien d'une activité commerciale ou des services sont
autant de contribution au financement du développement que les
financements de création industrielle ou d'infrastructures agricoles ou
encore d'autres activités économiques. La participation du
système bancaire au développement se concrétise donc dans
le rôle que doit jouer le système banquier à savoir :
la collecte de l'épargne disponible, la création de
l'épargne productive, la création de l'investissement productif,
l'investissement direct et la coopération technique.
A. Du point de vue de l'épargne
Tout d'abord en ce qui concerne l'épargne disponible, les
banques canalisent l'épargne sous diverses formes puis la redistribue
dans l'économie en crédits à des agents économiques
organisés et productifs.
En ce qui concerne la création de l'épargne
productive, le système bancaire représente la seule et unique
structure institutionnelle capable d'induire, de créer, de
développer et de motiver l'épargne productive :
l'orientation des liquidités disponibles vers des canaux qui doivent
être transformés par la suite en investissement productifs en
faveur de l'épargnant et du pays en général. Raison pour
laquelle, le système bancaire est important dans les pays du tiers monde
caractérisés par une propension publique et privée
à l'épargne faible, la fuite des capitaux nationaux à
l'étranger semblant être plus ou moins forte, l'acquisition
spéculative au nom des biens réels plus ou moins productifs et
plus ou moins nécessaires constituant le mode essentiel de la
transformation des disponibilités liquides au niveau des ménages
et la fiscalité aussi bien directe qu'indirecte frappant la production
et la consommation est lourde, de plus elle est inégalement
répartie et peu indicatrice de l'accumulation du capital productif.
B. Du point de vue de l'investissement
En ce qui concerne la création des investissement
productifs, l'intermédiation bancaire joue un rôle de financement
de l'investissement indirecte tout d'abord : octroi des crédits
d'investissement aux agents économiques. En effet, la banque est en
mesure de sélectionner, encourager, soutenir l'investissement productif
de l'entreprise et décourager et même éliminer les mauvais
choix. Par ailleurs, l'économie dans le tiers monde est entée
dans une phase de création de richesse, où les contraintes de
ressources productives sont devenues plus astreignantes et les problèmes
de gestion deviennent primordiaux, c'est alors que le rôle du
système bancaire qui consiste à orienter les ressources
disponibles vers les meilleurs projets de développement devient
crucial ; puis de l'investissement direct : la création des
portefeuilles productifs, fait d'affaires, directement crées et
gérées à travers ses filiales, le soutien plus ou moins
directe des projets industriels, agricoles ou commerciaux. C'est ainsi que les
systèmes monétaires et financiers des pays en voie de
développement doivent trouver les moyens afin de stabiliser les
ressources des banques, renforcer les capitaux propres et inciter les banques
à prendre une part plus active dans la création directe des
projets qui leurs sont propres.
En ce qui concerne la coopération technique, le
système bancaire national doit jouer le rôle de conseiller et de
guide, de formation des cadres financiers des entreprises à tous les
niveaux, et particulièrement de la formation des cadres capables
d'évaluer les projets. En fait, tous ces aspects concrétisent la
fonction des banques comme conseiller de développement.
II. Limites de l'activité bancaire au
Cameroun
Les principales obstacles rencontrés par
l'intermédiation bancaire au Cameroun sont : le taux de
bancarisation ainsi que la prolifération du secteur informel.
A. Le taux de bancarisation
Aujourd'hui, parmi les nombreux obstacles
rencontrés par l'intermédiation bancaire, figure en premier lieu
la faible bancarisation de l'économie. En effet, la plupart des agences
des banques sont concentrés dans le centre urbain. Au Cameroun,
près de 42% du réseau bancaire se trouve dans les grandes villes.
On observe donc une inégale répartition et une insuffisance de
couverture du territoire nationale (Tchouasi, 1996). L'insuffisance de ces
structures se fait donc ressentir au niveau même de l'implantation des
banques qui choisissent des grandes villes en délaissant les campagnes.
Cette situation a pour conséquence une incitation à la
thésaurisation dans les zones rurales. La banque apparaît donc
comme une institution « des gens de la ville » ou des
« gens riches ». Les zones rurales sont peu desservies, et
on assiste à un affaiblissement du taux de bancarisation qui est le
rapport de la population estimée sur le nombre d'agences des banques.
Etant donné que le système bancaire
camerounais est un système hérité de la métropole
et malgré les restructurations qui sont intervenues, le système
s'est développé culturellement et économiquement en
rupture avec les mentalités de la population ; ce qui n'est pas
favorable au financement du développement.
L'atrophie du réseau des banques commerciales
dans presque tous les pays d'Afrique et en l'occurrence au Cameroun n'a servi
qu'à affaiblir le taux de bancarisation, ce qui influence
négativement le rôle des banques en matière de collecte et
d'affectation de l'épargne et de la distribution du crédit.
TABLEAU : Taux de bancarisation de l'économie
Camerounaise
Années
|
1989
|
1990
|
1991
|
1992
|
1993
|
Tb
|
1,09
|
1,08
|
0,67
|
0,81
|
0,72
|
Tc
|
54129
|
51444
|
50791,9
|
35322
|
26791
|
Tg
|
15,8
|
12,9
|
10,76
|
11,4
|
8,72
|
SOURCE : Ezé Ezé (2001)
Tb = Population totale / nombres de banques
Tc = Population totale / nombres de comptes
Tg = Population totale / nombres de guichets
B. le secteur informel
De plus, on note au Cameroun une absence de relation
étroite entre les banques et les clients permettant d'avoir une
information fiable sur l'emprunteur. Cette carence incite les banques à
prêter à une clientèle estimée parfois à
tort. Les agents économiques dans un tel contexte font alors recours au
secteur informel dont l'élévation induit du taux
d'intérêt favorise les détenteurs du portefeuille
liquidité du marché. La diminution observée au Cameroun du
crédit bancaire aura pour conséquence une demande
excédentaire de liquidité sur le marché informel. Les
manifestations les plus visibles au Cameroun de l'intermédiation sont
les tontines et les mutuelles (Bekolo ,1989). Elles sont plus proches de
la population.
Le développement du système financier
informel rend précaire le rôle de l'intermédiation formel.
En effet, ce système présente divers instruments permettant de
mobiliser l'épargne tant en milieu urbain qu'en zone rurale et
revêt plusieurs formes parmi lesquelles en plus de celles citées
plutôt figurent également les coopératives
d'épargne, les caisses populaires et autres, ces formes étant
plus proches et ayant les capacités d'adaptation à une
clientèle qui ne trouve pas de réponses à ses
problèmes dans le système bancaire classique. Le
développement du système informel constitue donc une limite
à l'activité de l'intermédiation bancaire.
La méfiance qu'éprouve la population
vis-à-vis des banques depuis les crises bancaires survenues dans les
années 80 ; et cela malgré les réformes est
également à l'origine du recul de l'intermédiation
bancaire.
C. L'environnement difficile
Les cadres juridiques et institutionnels sont
généralement déficients et les améliorations sont
lentes dans des pays tel que la Cameroun. Le système juridique manque de
moyens financiers et le public ne compte guère sur l'objectivité
et la rapidité des procédures devant les tribunaux. L'indice
d'information des créanciers, qui mesure la capacité des
établissements financiers, d'obtenir des informations sur la
solvabilité des clients et l'indice du cadre juridique est
également faible. La faible protection des droits privés et la
difficulté de faire respecter les contrats représentent
également une limite à l'intermédiation
financière : les établissements financiers hésitent
à prêter ; car ils ont du mal à obtenir des garanties
de paiement et à saisir des actifs en cas de défaut de paiement.
Les emprunteurs ont souvent du mal à apporter des garanties en raison du
flou des titres fonciers du aux manques de pièces justificatives et
à la coexistence de plusieurs systèmes de
propriétés.
En définitive, ce chapitre nous permet de
constater que de manière théorique il existe bien un lien entre
l'intermédiation bancaire et la croissance économique dans le cas
du Cameroun ; celui-ci s'exprime soit à travers le taux
d'intérêts réels, le taux d'investissement et la
productivité marginale du capital. Mais l'étude historique de
l'évolution de l'intermédiation bancaire camerounaise nous montre
qu'en dépit des réformes engagées dans les années
90 pour assainir notre système bancaire, celui-ci n'arrive toujours pas
même au jours d'aujourd'hui à influencer positivement et de
manière tangible la croissance économique.
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