Introduction
Quelle que soit sa source, l'obligation n'est pas
éternelle. Elle s'éteint par les différents modes
d'extinction énumérés au sein de l'article 339 du C.O.C.
Dans ce cadre, la doctrine distingue entre les modes apportant satisfaction
aux créanciers et ceux qui ne le font pas.
En effet, en dehors du paiement, d'autres modes permettent au
créancier d'obtenir la satisfaction attendue de l'obligation. Parmi ces
modes, on trouve la compensation consacrée dans l'article 339 du C.O.C.
aux termes duquel « Les obligations s'éteignent
par (...) 5/ la compensation ».
Cette cause d'extinction est réglementée dans le
chapitre V du titre VII intitulé « De L'extinction des
obligations ». Ce chapitre, dénommé
« La compensation », est constitué
des articles 369 à 381 du C.O.C.
Conformément à l'article 369 du C.O.C.,
« La compensation s'opère lorsque les parties sont
réciproquement et personnellement créancières et
débitrices l'une de l'autre ».
Or, ce même article dans sa version arabe
dispose que
"ÊÊãñ
ÇáãÞÇÕñÉ
ÈÑÖÇ
ÇáÑíÞíä æ
鋄
ÇáÍÇßã"
La compensation s'opère par la volonté des
parties ou par ordre du juge. Cette mention fait défaut dans le texte
français de l'article.
La compensation a été définie par le
Doyen Carbonnier comme étant « L'extinction de
deux obligations de la même espèce, en particulier de deux
obligations de somme d'argent existant réciproquement entre deux
personnes ; extinction totale, si les deux obligations ont le même
montant, partielle, jusqu'à concurrence de la plus faible, si elles ont
des montants inégaux »1(*). De ce fait, la
compensation est l'extinction simultanée de deux obligations ayant un
objet semblable et coexistant en sens inverse l'une de l'autre, le
créancier de l'une étant débiteur de l'autre et
réciproquement.
Ainsi présentée, la compensation peut avoir
trois formes qui doivent être distinguées les unes des
autres : il s'agit de la compensation légale, de la compensation
conventionnelle et enfin de la compensation judiciaire.
· D'abord, la compensation légale est
subordonnée à des conditions définies en dehors desquelles
ses effets légaux automatiques ne pourraient se produire si bien qu'il
faudrait alors, pour compenser les deux dettes, recourir à une
convention ou à un jugement.
· Ensuite, la compensation conventionnelle s'opère
dans les cas où l'une des conditions requises pour la compensation
légale fait défaut. C'est l'oeuvre de la volonté des
parties.
· Enfin, la compensation judiciaire peut être
définie comme « une demande incidente par laquelle
le défendeur provoque la reconnaissance ou la liquidation d'une
créance qu'il prétend avoir contre le demandeur afin de pouvoir
ensuite la compenser avec la dette dont ce dernier réclame le paiement
»2(*).
Toutefois, la compensation se distingue des notions voisines
à l'image du paiement et du droit de rétention. Il est ici
à signaler que la doctrine avait, dans une époque
antérieure, qualifié la compensation comme étant à
la fois un paiement forcé où la volonté des parties se
trouve anéantie et d'une exécution automatique.
En effet, selon le Doyen Carbonnier,
« compenser, dit-on encore, c'est payer, et
la compensation apparaît comme un paiement abrégé, par
lequel s'épargne un double transfert de
fonds ».
Certes, la compensation a longtemps été
considérée comme un paiement et elle l'est encore. Mais elle
n'est pas seulement un paiement réciproque, simplifié et
abrégé. Il est à préciser qu'elle «
est également une garantie de paiement
»3(*).
Cependant, même si elle peut être
« envisagée dans le prolongement du
paiement »4(*), la compensation a un domaine plus
réduit que celui du paiement car le mécanisme compensatoire
implique des conditions différentes de celles requises pour le paiement.
La compensation ne peut être qu'entre dettes de même espèce
(par exemple entre choses mobilières de même espèce et
quotité).
Aussi, un commerçant qui aurait besoin d'être
payé pour faire face à des échéances commerciales
ne sera pas satisfait d'une compensation de sa créance avec une dette
civile.
S'agissant du droit de rétention, il y a lieu de
remarquer qu'il peut avoir pour objet des choses mobilières ainsi que
les titres normatifs à l'ordre du porteur5(*).
Connue comme un mode d'extinction de l'obligation,
l'institution de la compensation est née à Rome comme un
mécanisme de procédure, et non sans peine, car elle allait contre
un principe du procès romain : l'unité de la question.
En droit classique, sa manifestation la plus usuelle est
« l'exeptio doli » que
le débiteur-créancier poursuivi en justice oppose au
créancier-débiteur car il est contraire à
l'équité et à la bonne foi de réclamer ce qu'on
sera obligé de restituer aussitôt sur une autre action. Mais dans
une constitution de Justinien, il est écrit que la compensation aura
lieu désormais ipso jure.
Suivant l'interprétation la plus courante aujourd'hui,
cette expression signifie seulement que la compensation n'aurait plus
exceptionis ope et que le défendeur n'aura plus besoin
d'opposer l'exception du dol. Cependant, le glossateur italien Martin Gosia
avait interprété cet ipso jure en ce sens que la
compensation opère de plein droit en dehors de la volonté des
parties.
Néanmoins, pour des raisons d'ordre procédural,
la compensation judiciaire n'a pas été développée
que tardivement.
En Droit musulman, la compensation a été
définie comme étant :
"ÁÇÓÞÇØ
Ïíä ãØáæÈ
áÔÎÕ ãä
ÛÑíãå í
ãÞÇÈáÉ Ïíä
ãØáæÈ ãä Ðáß
ÇáÔÎÕ áÐáß
ÇáÛÑíã" 6(*)
Ibn Ârafa l'a également perçue comme
étant :
"ãÊÇÑßÉ
ãØáæÈ
ÈããÇËá Öãä
ãÇ Úáíå íãÇ
ÐßÑ ÚáíåãÇ"
L'admission de la compensation a été faite en se
référant à Ibn Omar qui disait :
" ÊíÊ
ÇáäÈíñ Õáñì
Çááñå Úáíå æ
Óáñã ÞáÊ:
Åäñí ÈíÚ
ÇáÅÈá
ÈÇáÈÞíÚ
ÈíÚ
ÈÇáÏäÇäíÑ æ
ÂÎÐ
ÈÇáÏÑÇåã æ
ÈíÚ
ÈÇáÏÑÇåã
ÂÎÐ
ÈÇáÏäÇäíÑ
ÞÇá: áÇ ÈÓ ä
ÊÎÐ ÈÓÚÑ
íæãåÇ ãÇ áã
ÊÊÑÞÇ æ
ÈíäßãÇ ÔíÁ "
La compensation en Droit musulman se divise en deux
catégories :
- La compensation légale qui s'effectue sans le
consentement des deux parties.
- La compensation conventionnelle qui nécessite pour
son accomplissement l'approbation des deux parties.
Selon le rite Chaféite :
"ÅÐÇ ßÇä
áÑÌá Úáì
ÑÌá ãÇá æ ßÇä
Úáíå ãËáå áÇ
íÎÊáÇä áÇ í
æÒä æ áÇ ÚÏÏ æ
ßÇäÇ ÍÇáñíä
ãÚÇ åæ ÞÕÇÕ.
Åä ßÇäÇ
ãÎÊáíä áã
íßä ÞÕÇÕ
ÅáñÇ ÈÊÑÇÖ æ
áã íßä
ÇáÊñÑÇÖí
ÌÇÆÒÇ ÅáñÇ
ÈãÇ Íáñ Èå
ÇáÈíæÚ" 7(*)
Sur le plan pratique, la compensation a une portée
considérable aussi bien en matière civile qu'en matière
commerciale.
En matière civile, la compensation évite
un double mouvement de fonds. De ce fait, elle simplifie les paiements et
échappe ainsi aux risques de perte. Elle apparaît aussi comme un
paiement par préférence. Le créancier débiteur d'un
insolvable a intérêt à compenser ; sans la
compensation, il devrait payer intégralement sa dette, puis
réclamer sa créance en concours avec les autres
créanciers ce qui ne le laisserait espérer qu'un dividende.
Grâce à la compensation, il se paye sur sa propre dette par
préférence à tout autre créancier. Ainsi, les
autres créanciers chirographaires de ce débiteur insolvable
voient leur gage général amputé de cet
élément du patrimoine que constituait la créance
éteinte par compensation et sur laquelle ils perdent tout droit ou
action.
Mode de paiement, le mécanisme compensatoire par sa
nature contient également une garantie équivalente à une
sûreté réelle spéciale. À cet égard,
et du point de vue allemand, les deux obligations se servent mutuellement de
couverture ; chaque créancier a en main sa propre dette comme une
sorte de gage.
En matière commerciale, la compensation joue un
rôle très important dans le monde des affaires où
s'entremêlent les rapports juridiques en raison de ses avantages
économiques remarquables (rapidité, sécurité,
inutilité d'avoir recours aux instruments monétaires ou aux
moyens bancaires). Ainsi, en matière bancaire et partant du fait que les
conditions sont rarement réunies pour des dettes autres que des sommes
d'argent, dans le domaine des paiements bancaires (chèques, effets de
commerce...), il y a lieu de remarquer l'existence d'un organisme central de
compensation entre les différentes banques qui permet d'éviter un
nombre important de transferts et qui arrête la position des
créanciers-débiteurs des différentes banques entre elles
par le moyen de la compensation.
En France, il a même été
créé, en matière bancaire, des chambres de compensation
comme celles créées en Tunisie au sein de la banque centrale qui
opèrent la balance entre les effets de leurs clients respectifs. Une
multitude de transactions sont ainsi soldées par un simple jeu
d'écriture.
La compensation présente aussi un avantage en
matière de commerce international. Elle se traduit par des accords de
livraisons réciproques (échange de marchandises ou de produits
sans interface monétaire).
De ce point de vue, la compensation conventionnelle a un
domaine plus large en matière commerciale qu'en matière
civile.
La loi est très exigeante pour admettre le jeu de la
compensation. Elle impose qu'elle soit subordonnée à des
conditions définies en dehors desquelles ses effets ne pourraient se
produire. De là se dégage la problématique de
savoir :
Quel est le régime juridique de
la compensation ?
Il convient alors d'examiner les conditions nécessaires
pour qu'il y ait compensation (Partie I) pour mettre l'accent
ensuite sur ses effets (Partie II).
PREMIERE PARTIE : Les conditions légales de
la compensation
Les conditions légales de la compensation ont
été clairement définies par le législateur. Dans ce
cadre, la doctrine distingue entre les conditions positives (Section
1) et les conditions négatives de la compensation
(Section 2).
Section 1 : Les conditions positives de la
compensation
La loi est très exigeante pour admettre le jeu de la
compensation ; elle pose que les obligations doivent être
réciproques, fongibles, liquides, exigibles et disponibles.
Concernant la
réciprocité : la compensation suppose d'abord que
les deux parties soient réciproquement créancières et
débitrices l'une de l'autre à titre personnel et principal. En
celà la réciprocité des obligations n'est pas seulement
une condition de la compensation, mais un de ses éléments
fondamentaux sans lequel elle ne pourrait se concevoir8(*).
Dans ce cadre, l'article 369 du C.O.C. dispose
que « la compensation
s'opère lorsque les parties sont réciproquement et
personnellement créancières et débitrices l'une de
l'autre ».
En d'autres termes, il faut que la personne qui
désire compenser soit le créancier de la personne contre laquelle
elle entend diriger la compensation. Par conséquent, si la compensation
peut être considérée comme un paiement, elle ne l'est en
tout cas qu'entre des créances réciproques.
Cependant, la compensation ne peut avoir lieu que contre les
personnes titulaires de ces créances à l'exclusion de toutes
autres. C'est ce qui fût affirmé par la Cour de cassation dans un
arrêt de 19839(*): La compensation n'aura lieu qu'avec le
créancier personnel sans son représentant. Il n'est donc
pas possible de compenser une créance qui n'est pas dans ce rapport de
réciprocité.
Ainsi, n'est-il pas possible de compenser une créance
contre une société avec la dette de son actionnaire ?
La réponse est claire dans le texte de l'article 372 du
C.O.C. qui dispose que : « L'associé ne
peut opposer à son créancier la compensation de ce qui est du par
le créancier à la société. Le créancier de
la société ne peut opposer à l'associé la
compensation de ce qui est dû personnellement par l'un des
associés ».
Également, faute de réciprocité, le
débiteur ne peut compenser sa dette envers une société
avec sa créance contre une autre société au motif que les
deux sociétés font partie du même groupe puisqu'elles ont
des personnalités juridiques distinctes10(*).
Par conséquent, la dette d'un associé envers une
société n'est pas compensable avec la dette d'une autre
société à son égard, même si la
première société serait responsable des dettes de son
groupe dès lors que la société débitrice constitue
une personne morale distincte de la société
créancière11(*).
Ce n'est pas le cas pour les sociétés n'ayant
pas la personnalité morale (exemple : la société
civile) et de ce fait l'article 372 n'interdit pas à ces
sociétés la compensation de leurs dettes.
En ce qui concerne la
fongibilité : elle est prévue par l'article 373 du
C.O.C. qui dispose que « la compensation
n'a lieu qu'entre dettes de même espèce et par exemple, entre
choses mobilières de même espèce et qualité, ou
entre du numéraire et denrées ». Il en
découle que chacune des obligations doit avoir pour objet des choses
fongibles entre elles, c'est-à-dire susceptibles de se substituer l'une
par l'autre. En celà la fongibilité est, comme la
réciprocité, un élément fondamental de la
compensation.
Selon l'article 373, cette compensation est possible entre les
numéraires et les denrées. Mais, selon Mr. MELKI, le prix de ces
denrées doit être fixé, tel est le cas du blé ou de
l'huile d'olive. Or, la compensation entre choses mobilières de
même espèce et qualité ou entre des numéraires et
denrées ne trouve pas de grand intérêt pratique vu qu'une
personne préfère souvent recevoir de l'argent que de conserver du
blé vu qu'en dehors de somme d'argent, il est bien rare que les
obligations réciproques aient un objet interchangeable.
Dans cet ordre d'idées, les tribunaux tunisiens
auraient appliqué le jugement exceptionnel de l'article 373 du C.O.C.
prévoyant la possibilité de la compensation pour les sommes
d'argent et les marchandises alimentaires12(*).
Pour ce qui est de la liquidité et
exigibilité de la dette : ces deux conditions ont
été prévues dans l'article 374 du C.O.C. disposant
que « pour opérer la compensation il faut
que les deux dettes soient liquides et exigibles ».
On en déduit que, d'un côté, les deux
dettes doivent être liquides c'est-à-dire
déterminées dans leur quotité et, d'un autre
côté, la compensation étant conçue comme un
paiement, il est normal que les dettes soient exigibles13(*) puisque
l'exigibilité est nécessaire au paiement14(*).
Cependant, cette dernière condition conduit à
exclure de la compensation trois sortes de dettes : les dettes
conditionnelles ou à terme qui ne sont pas actuellement exigibles ou
encore les dettes naturelles.
En effet, il n'y a pas lieu à compensation lorsque
l'une des parties est créancière d'une obligation
dépourvue d'action ce qui se justifie à travers l'article 376 du
C.O.C. disposant qu'« une dette prescrite ne peut
être opposée en compensation ».
Cela dit, un débiteur ne peut être contraint de
payer une dette avant terme ou en dehors des cas légaux de
déchéance. Pour que la dette soit exigible, il faut qu'elle soit
déductible en justice. L'absence d'exigibilité ne peut être
invoquée que si elle résulte d'un terme conventionnel ou
légal.
Le délai de grâce ne peut être un obstacle
à la compensation puisque il constitue une faveur accordée au
débiteur. La Cour de cassation a combiné l'exigence de la
liquidité et de l'exigibilité à plusieurs
reprises15(*). C'est souvent quand l'une des deux dettes
n'est pas liquide que la compensation est paralysée16(*). Une dette n'est
liquide que lorsqu'elle est claire et certaine à la fois dans son
existence et dans son montant. En conséquence, n'est pas admissible
en compensation une dette dont le quantum ne peut être fixe que par un
règlement de compte. C'est le cas pour la créance de la victime
d'un accident qui n'est pas liquide tant que la somme des dommages-
intérêts n'a pas été judiciairement fixée.
La jurisprudence française écarte
l'exigibilité et la liquidité chaque fois que les dettes sont
connexes et naissent du même rapport de droit. Mais l'article 377 du
C.O.C. prévoit que « la compensation peut avoir
lieu entre les dettes qui ont des causes ou des quotités
différentes », c'est-à-dire que
la connexité n'est pas exigée par le législateur.
Cependant, il existe des obstacles qui peuvent empêcher
la compensation d'avoir lieu.
Section 2 : Les obstacles à la
compensation
Le législateur a posé
des restrictions au jeu de la compensation. On peut les
résumer en deux catégories : celles portant sur la nature
des créances (A) et celles visant la protection des
tiers (B).
A) Les empêchements fondés sur la nature de la
créance
En raison de leurs finalités, certaines créances
peuvent échapper à la compensation. L'article 378 du COC
prévoit cinq cas de figures.
- Le premier cas est celui lorsque l'une des dettes a pour
cause des aliments ou autres créances non saisissables prévues
spécialement dans l'article 308 et 358 du C.P.C.C.
Pour les créances alimentaires, le caractère
vital de ces créances explique le fait que le créancier ne peut
pas les compenser. Ainsi, la compensation n'a pas lieu lorsqu'elle a pour cause
des aliments déclarés insaisissables à tel point que
certains auteurs en sont venus à faire de la
saisissabilité17(*) une condition de la compensation. Plusieurs
décisions ont appliqué cette position en ce qui concerne des
créances alimentaires notamment allouées après divorce,
jugeant que seul le paiement effectif de la pension libèrerait le
débiteur et lui éviterait les peines qui sanctionnent le
délit d'abondant de famille18(*).
C'est le cas aussi des prestations sociales des allocations et
des indemnités dues à la victime d'un accident de travail. Les
salaires sont exclus du domaine d'application de la compensation. Cette
interdiction est consacrée dans les articles 149 et 150 du Code du
travail. L'article 149 énonce que « la
compensation ne joue pas au profit des employeurs entre le montant des salaires
dus par eux à leurs ouvriers et les sommes qui leur seraient dues
à eux-mêmes pour fournitures diverses ». Cette
même position fût défendue par G. Vachet, dans son article
publié à la Revue Droit Social de 1997, en raison du
caractère alimentaire du salaire. Cependant ce qui est à
craindre, c'est d'inciter l'employeur à refuser tout crédit au
salarié19(*).
- Concernant le deuxième cas, il concerne la demande en
restitution d'une chose dont le propriétaire a été
injustement dépareillé, soit par violence, soit par fraude ou
d'une créance ayant une chose de façon dolosive. Le plus
souvent le spoliateur, le dépositaire ou le bénéficiaire
d'un prêt à usage sont en effet débiteur d'un corps certain
auquel manque le caractère de fongibilité nécessaire
à la compensation.
- Le détenteur de la chose prêtée ou
déposée ne peut pas la garder en invoquant une dette du
prêteur ou dépositaire à son égard, c'est le
troisième cas de figure prévu par l'article 378 du C.O.C. Encore,
il faut ajouter que la compensation n'a pas lieu contre la demande en dommages
-intérêts, résultant des contrats de prêts ou de
dépôt, au cas de perte de la chose due. Dans ce cas, celui qui a
reçu le prêt doit payer les dommages et intérêts au
prêteur avant de pouvoir par la suite lui demander la créance
à son profit.
- Le quatrième cas, prévoit que la compensation
ne se réalise pas lorsque le débiteur a renoncé à
l'origine à la compensation, c'est le principe de l'autonomie de la
volonté. Il est donc loisible aux parties de renoncer tant à une
compensation acquis20(*) qu'à une compensation à venir.
Cette renonciation peut se faire aussi bien tacitement qu'expressément.
Elle a lieu tacitement lorsque l'une des parties fait un acte incompatible avec
l'extinction des créances qu'engendre la compensation. La compensation
n'a pas lieu aussi entre musulmans dans le cas où elle constituerait une
violation de la loi religieuse (369).
- Quant au cinquième cas, la compensation n'aura pas
lieu aussi contre les créances de l'Etat et des communes pour
contribution aux taxes, à moins que la créance de celui qui
oppose la compensation ne soit due par la même caisse qui réclame
la contribution aux taxes. Il s'agit des créances fiscales de l'Etat.
La compensation n'opère pas non plus pour les rentes
résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles
conformément à la loi n° 28 de 1994 datant du 21
février 1994.
B) Les restrictions visant à
protéger les tiers
Cette protection est nette dans la loi relative au
redressement des entreprises en difficultés économiques,
notamment dans les articles 34 et 33 selon lesquels la compensation ne
peut s'opérer entre les dettes respectives de deux
sociétés après le jugement prononçant le
règlement judiciaire de l'une d'elle. A cet égard, l'article 379
du C.O.C. dispose que « la compensation n'a pas lieu au
préjudice des droits régulièrement acquis des
tiers ».
Il en fait son application à l'hypothèse ou la
première créance a déjà fait l'objet d'une saisie
arrêt de la part d'un tiers lorsque vient à naître, en sens
inverse, la seconde créance : la compensation n'aura pas lieu car
la première n'est pas disponible. Elle est en quelque sorte mise en
réserve au profit du saisissant Le même sort est appliqué
dans le cas de la faillite du débiteur ou de son redressement. À
compter d'un tel jugement, aucun créancier ne peut plus prétendre
se faire payer individuellement au détriment des autres ou encore
compenser à leur détriment.
Ce jugement suspend les poursuites individuelles contre le
débiteur. Ses créanciers ne peuvent donc pas invoquer la
compensation avec leurs propres dettes, dès lors que les conditions de
liquidité et d'exigibilité n'étaient pas remplies
antérieurement au jugement déclaratif de règlement
judiciaire ou de liquidation des biens.
Sur ce point précis, B. Starck professe
que « La conséquence sera très
grave : ces créanciers seraient obligés de payer
intégralement leurs dettes, alors que, pour obtenir le paiement de ce
qui leur est dû, ils subiront le concours des autres créanciers et
ne recevront qu'une fraction de la
créance »21(*).
Deuxième Partie : Les effets de la
compensation
Les effets de la compensation ont été
ordonnés par le législateur au sein des articles 378, 380 et 381
du C.O.C. Ceux-ci sont d'une importance incontestable puisque la compensation
produit des effets tant entre les parties (Section 1) que
vis-à-vis des tiers (Section 2).
Section 1 : Les effets de la compensation entre les
parties
Le principal effet de la compensation est l'extinction des
deux dettes22(*). Il s'agit d'éteindre
définitivement les créances réciproques affectées
à l'opération.
La compensation n'est pas d'ordre public. La renonciation
à ses effets est possible soit en avance, soit après que cette
compensation aura lieu. Cette renonciation peut être expresse ou
tacite ; tel est le cas de l'un des débiteurs qui paie sa dette
sans se prévaloir de la compensation.
L'extinction s'étend aux accessoires de la dette, comme
le cas de l'extinction de l'obligation principale qui fait éteindre le
cautionnement23(*).
Conformément à l'article 380 du C.O.C., l'effet
de la compensation est opéré jusqu'à concurrence de leurs
quotités respectives et l'article 377 du C.O.C. permet la compensation
de dettes différentes, c'est-à-dire elle s'opère à
la hauteur de la dette la moins élevée. Et le titulaire de la
créance la plus élevée est tenu d'accepter la
compensation.
Celà est contraire à la règle suivant
laquelle le créancier peut refuser un paiement partiel. Dans ce sens, la
majorité de la doctrine admet que si une compensation s'opère
entre deux dettes inégales, il y a paiement partiel auquel est contraint
le titulaire de la dette la plus importante. Ceci n'offense guère le
principe de l'indivisibilité de l'engagement et n'y constitue pas une
exception car c'est un résultat logique pour le fonctionnement d'un mode
spécial de l'extinction des obligations réciproques qui est la
compensation24(*). Dans ce cas, les effets de la compensation
ne s'exercent que pour la portion effectivement éteinte.
La créance dont le montant est plus élevé
subsiste dans le reste avec ses accessoires. Le reste du montant de la
créance la plus élevée reste en dehors du domaine de
l'effet extinctif de la compensation.
Il peut arriver qu'un des débiteurs soit redevable de
plusieurs dettes compensables. Dans ce cas, l'article 381 du C.O.C. renvoie aux
règles établies pour l'imputation de l'article 343 du C.O.C. qui
envisagent le paiement en premier lieu de la dette qui a le plus
d'intérêt à acquitter et de préférence sur
celle qui est échue. S'il y a plusieurs dettes également
garanties, celle qui est onéreuse pour le débiteur sera
payée en premier lieu. Si plusieurs dettes sont également
onéreuses, on payera la plus ancienne en date.
Quand la compensation produit son effet
extinctif ?
La réponse à cette question est importante vu
son impact sur les délais de prescription et le cours des
intérêts. La compensation n'aura lieu qu'après la
réunion de ses conditions précitées.
L'effet extinctif de la compensation ne se produit qu'à
partir du moment où les dettes se sont trouvées exister à
la fois dans les conditions déterminées par la
loi25(*).
Généralement, le moment de l'extinction des
dettes ne coïncide pas avec la date de la compensation :
S'il y a deux dettes compensables - dont les conditions pour
l'opération de la compensation existent - et une des parties a
soulevé la compensation, cette dernière s'opère d'un effet
rétroactif (à la date de l'opération de la
créance).
Mais celà ne signifie pas que les deux dates (celle de
la compensation et celle de l'extinction des dettes) ne peuvent pas
coïncider. Elles coïncident lorsque les conditions de la compensation
se réunissent enfin par la volonté d'une des parties qui
demandera la compensation, par exemple si un créancier-débiteur
renonce au terme pour faire opérer la compensation.
L'effet extinctif de la compensation est commun pour les
différents types de celle-ci. Qu'elle soit conventionnelle ou
judiciaire, son effet extinctif existe. L'intervention du juge n'affecte en
rien le mécanisme compensatoire.
Cependant, la détermination de la date de la
compensation judiciaire fait l'objet de plusieurs discussions. A cet
égard, il parait douteux que la compensation puisse remonter à
une date antérieure au jugement. Pour cela, la jurisprudence dominante
considère que la compensation judiciaire produit son effet extinctif
à partir de la date du jugement.
Par la compensation, normalement, s'éteint la relation
débiteur- créancier. Elle ne s'éteint pas quand les dettes
sont de quotités différentes.
Dés que la compensation est opérée, le
créancier-débiteur (partie à la compensation) ne peut pas
demander le paiement de sa créance sauf si la compensation ne portait
pas sur l'ensemble de la créance mais sur une partie.
La compensation, comme ce qui a été
mentionné, a un effet rétroactif. Cela signifie aussi que les
parties ne peuvent pas se rétracter et renoncer à la compensation
déjà opérée.
Après compensation, les dettes et créances
s'éteignent d'où leur cession est interdite.
Cette extinction conduit à son tour à
l'extinction de toutes les sûretés réelles ou personnelles
en relation avec les dettes compensées et ce conformément au
principe de l'unité du l'accessoire avec le principal.
Pour les sûretés réelles, cette
idée se trouve concrétisée au sein de l'article 263 du
C.D.R. pour les gages et l'article 291 du C.D.R. pour l'hypothèque.
En ce qui concerne les sûretés personnelles,
c'est la même solution qui a été retenue et ce à
travers l'article 1512 du C.O.C. qui permet à la caution de se
prévaloir de tous les modes d'extinction de la créance et
spécialement dans notre cas la compensation.
Il est à noter finalement que si une extinction
partielle a eu lieu par le fait de la compensation. Elle n'annulera à
l'évidence que les sûretés liées à la dette
de moindre importance.
Reste à préciser que l'effet de la compensation
peut s'étendre aussi aux tiers.
Section 2 : Les effets de la compensation à
l'égard des tiers
La question que se pose est de savoir si l'extinction d'une
créance suite à la compensation peut être opposée
aux tiers ?
Selon l'article 379 du
C.O.C., « la compensation n'a lieu au
préjudice des droits régulièrement acquis aux
tiers ».
Cet article pose un principe général que la
compensation ne doit pas porter préjudice au tiers.
Aux termes de l'article 1299 du code civil
français, « celui qui a payé une
dette, qui était, de droit, éteinte par la compensation, ne peut
plus, en exerçant la créance dont-il n'a point opposé la
compensation, se prévaloir au préjudice des tiers, des
privilèges ou hypothèques qui y étaient attachés,
à moins qu'il n'ait eu une juste cause d'ignorer la créance qui
devrait compenser sa dette ».
Le droit tunisien ne contient pas un texte similaire qui
protège les tiers dans le cas le paiement d'une dette déjà
compensée.
Mais qui est ce tiers que la compensation ne peut pas lui
porter préjudice ?
Le mandataire n'est pas un tiers et les héritiers ne le
sont pas aussi. Parmi les tiers on trouve les créanciers des parties qui
ont acquis des droits sur leurs créances.
Le titulaire de la créance compensée peut avoir
lui-même des créanciers qui comptaient sur cette créance
pour se faire payer.
Dans ce cas, si ces créanciers avaient
opéré une saisie arrêt de la créance entre les mains
du débiteur, la compensation ne jouait plus à leur égard.
La saisie arrêt défend au débiteur de payer puisqu'un
paiement n'était pas possible, la compensation ne peut pas
s'opérer.
L'article 426 du projet du code civil et commercial tunisien
prévoyait que « la compensation n'a pas lieu
au préjudice des droits régulièrement acquis à des
tiers et, notamment, de ceux résultant d'une hypothèque, d'une
saisie arrêt, d'une déclaration de
faillite ».
Cet article est plus précis que l'article 379 du C.O.C.
qui n'a repris que sa première partie. Il est, cependant, à
noter que cette règle admet des exceptions si les dettes mutuelles sont
étroitement liées tel que l'a affirmé la jurisprudence
française qui a accepté la compensation bien qu'une saisie
arrêt fût en cours dans plusieurs arrêts de la Cour de
cassation française26(*).
Dans le cas de la cession de créance, l'acceptation
d'une créance par le débiteur cédé vaut engagement
abstrait et personnel de payer le cessionnaire27(*).
Ainsi, conformément à l'article 371 du C.O.C, si
le débiteur cédé accepte purement et simplement la
cession, il ne peut plus opposer au cessionnaire la compensation de ce qu'il
aurait pu opposer au créancier primitif avant l'acceptation.
En tout cas, la cession des créances doit obéir
aux règles générales prévues dans les articles 200
et suivants du C.O.C.
Dans le cas de la faillite, l'article 374 du C.O.C.
prévoit que « la déchéance du
terme produite par l'insolvabilité du débiteur (...) a pour effet
rendre la dette compensable ». Par conséquent,
la compensation aura lieu dans le cas de la faillite du débiteur.
Mais est-ce que cette disposition ne porte pas atteinte aux
dispositions de l'article 379 prévoyant la protection des
intérêts des tiers qui peuvent être dans ce cas les autres
créanciers du débiteur failli ?
La solution de principe consiste en la considération
que la compensation ne porte pas préjudice aux créanciers du
failli avec la possibilité de porter atteinte aux droits de ceux-ci dans
le cas où il existe une relation entre ces créanciers.
La compensation ne peut pas s'opérer après le
jugement de faillite puisque le patrimoine du débiteur sera fixé
le jour du jugement ouvrant la procédure de faillite et la compensation
ne doit pas faire changer le contenu de ce patrimoine.
Bibliographie
I- Ouvrages généraux
v Jacques Guestin, Marc Billiau et Grégoire Loiseau :
« Traité de droit civil : Le régime des
créances et des dettes ».
v Henry Roland et Laurent Boyer : « Droit
civil : Obligations ; régime général ».
v Jean Carbonnier : « Les obligations ».
v Boris Starck : « Les obligations ».
v Laurent Aynes : « Les
obligations ».
v Alex Weil : « Les obligations ».
v G.Marty et P. Raynaud : « Les
obligations »
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II- Mémoires
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12
III- Articles
Ø G.Vachet « La compensation », Droit
Social 1997.
Ø René Demogue : « De la nature
et des effets du droit éventuel » R.T.D. civil 1906.
IV- Site Internet
www.legifrance/gouvernement.fr
ANNEXE
Cour de cassation chambre commerciale Audience
publique du mardi 16 octobre 2007 N° de pourvoi : 06-14574
Non publié au bulletin Rejet
Président : Mme FAVRE, président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET
ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Lyon, 9
mars 2006), que, s'étant rendu caution, au profit de l'URSSAF, de la
société Ceri Antirouille (la société), titulaire
d'un compte courant ouvert dans ses livres suivant une convention signée
en 1993, le Crédit industriel d'Alsace Lorraine (la banque) a
payé à l'URSSAF une certaine somme qu'elle a portée le 29
juillet 2002 au débit d'un compte spécifique, tandis qu'elle
inscrivait au crédit du compte courant le 30 juillet 2002 le montant
d'effets de commerce remis à l'escompte par la société les
23 et 26 juillet 2002 ; que la banque a alors opéré la
compensation des sommes figurant au crédit du compte
courant et de celle portée au débit du compte spécifique ;
que la société a été mise en redressement
judiciaire le 6 août 2002, la date de cessation des paiements
étant fixée au 15 juin 2002, puis en liquidation judiciaire le 28
novembre 2002 ; que le liquidateur judiciaire, M. X..., a
assigné la banque pour voir déclarer "inopposables à la
masse des créanciers" les remises en compte courant
opérées après la cessation des paiements et pour obtenir
la restitution de ces sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt
d'avoir rejeté ses demandes tendant notamment à voir dire
"inopposables à l'ensemble des créanciers" les paiements
effectués par la banque les 29 et 30 juillet 2002 en connaissance de
l'état de cessation des paiements de la société, alors,
selon le moyen :
1 / que les paiements effectués par le débiteur au
profit de sa banque au moyen de l'encaissement d'effets de commerce sur son
compte courant, peuvent être annulés si la banque avait alors
connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur ;
qu'un tel paiement est réalisé, non au jour de la remise des
effets de commerce, mais au jour de l'inscription par la banque des sommes
correspondantes au crédit du compte courant du débiteur ; qu'en
l'espèce, la cour d'appel a constaté que la banque avait eu
connaissance de l'état de cessation des paiements de la
société le 26 juillet 2002 et qu'elle avait néanmoins
porté au crédit de son compte courant, le 30 juillet 2002, la
somme de 80 113,58 euros correspondant au montant de sept effets de commerce
remis à l'encaissement par sa cliente les 23 et 26 juillet 2002, pour
les virer immédiatement sur un compte spécifique qu'elle avait
ouvert dans le but d'enregistrer la créance qu'elle détenait sur
la société et d'en compenser le montant avec le solde de son
compte courant ; que dès lors, en refusant d'annuler les
opérations ainsi effectuées le 30 juillet 2002 au crédit
du compte de la débitrice en liquidation judiciaire, à un moment
où la banque avait connaissance de l'état de cessation des
paiements de celle-ci, au motif que seule devait être prise en compte la
date de remise desdits effets, la cour d'appel a violé l'article L.
621-108 du code de commerce ;
2 / qu'en s'abstenant de réfuter les motifs du jugement de
première instance, dont M. X... avait demandé la
confirmation, aux termes desquels la chronologie précise des faits,
à savoir, le virement de 10 000 euros effectué par la banque le
30 juillet 2002, du compte courant de la société sur le compte
interne créé à cet effet, qui n'avait été
possible qu'en suite de la passation au crédit du compte courant de la
société le 30 juillet 2002 de deux virements externes de 4 686,82
et 9 749,79 euros et d'un effet escompté à hauteur de 423,06
euros et le virement de 79 000 euros effectué par la banque le 30
juillet 2002, du compte courant de la société sur le même
compte interne, qui n'avait été possible qu'après escompte
de différents effets, à hauteurs respectives de 26 404,28 euros
et 53 286,24 euros également en date du 30 juillet 2002,
révélait la volonté affichée par la banque de
réduire autant que faire se pouvait sa créance, nonobstant sa
connaissance dès le 26 juillet 2002 de l'état de cessation des
paiements dans lequel se trouvait sa cliente, et au préjudice tant du
débiteur que de la masse des créanciers, la cour d'appel a
violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que la connaissance par
la banque de la cessation des paiements de la société
n'était acquise qu' à compter du 26 juillet 2002 et relevé
que les effets de commerce ont été remis à l'escompte par
le débiteur le 23 juillet 2002, pour les six premiers, et le 26 juillet
2002 pour le septième sans qu'il soit établi que, lors de la
remise du dernier effet, la banque avait reçu la lettre de l'URSSAF lui
faisant savoir que la société avait déclaré sa
cessation des paiements, l'arrêt, réfutant les motifs du jugement
infirmé, en déduit exactement que le montant des effets sont
entrés au crédit du compte courant dès leur remise
à l'escompte, peu important la date à laquelle a
été opérée la régularisation comptable, de
sorte que la nullité des remises ne pouvait être prononcée
; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que le liquidateur reproche à l'arrêt
d'avoir rejeté ses demandes tendant à voir annuler les
opérations de compensation réalisées par
la banque les 29 et 30 juillet 2002 et à la voir condamner à lui
verser la somme de 123 553,68 euros correspondant au montant de ces
opérations, alors, selon le moyen :
1 / que si l'interdiction de payer toute créance
née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement
judiciaire ne fait pas obstacle à ce que la
compensation opère entre des dettes connexes, encore
faut-il que les parties ou l'une d'entre elles n'aient pas
délibérément provoqué cette connexité ;
qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de
l'arrêt que, d'une part, la banque avait eu connaissance de l'état
de cessation des paiements de la société le 26 juillet 2002, date
de réception de la lettre de l'URSSAF l'informant que cette
société avait déclaré sa cessation des paiements et
que, d'autre part, le 29 juillet 2002, elle avait ouvert unilatéralement
un compte spécifique dans le but d'enregistrer sa créance
certaine, liquide et exigible au titre de la somme acquittée le 30
juillet 2002 à l'URSSAF en vertu de la caution consentie le 16 mai 2001
et de compenser le montant de cette somme avec le solde du compte courant de sa
cliente ; que dès lors, en décidant que la
compensation pour dettes connexes ainsi
délibérément provoquée par la banque, à un
moment où elle connaissait l'état de cessation des paiements de
la société, était opposable aux créanciers de la
procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L.
621-108 du code de commerce ;
2 / que la clause conventionnelle de
compensation ne peut être considérée comme
valable à l'égard de la procédure collective que
lorsqu'elle a été convenue et a commencé à
fonctionner bien avant la période suspecte, laquelle débute la
première heure du jour fixé pour la date de cessation des
paiements ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que la date
de cessation des paiements de la société avait été
fixée au 15 juin 2002 par le jugement d'ouverture de la procédure
collective ; qu'il résulte également des constatations de
l'arrêt que la clause de compensation litigieuse conclue
dès l'ouverture du compte courant en 1993, n'avait commencé
à fonctionner qu'au mois de juillet 2002, soit pendant la période
suspecte ; qu'en donnant néanmoins effet à cette clause de
compensation, la cour d'appel n'a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi
les articles L. 621-24 et L. 621-108 du code de commerce ;
3 / que dans ses conclusions d'appel, M. X...,
ès qualités, soutenait que la clause 5 des conditions
générales du compte courant de la société ne
pouvait pas être interprétée comme autorisant la banque
à ouvrir un autre compte sans l'autorisation de son client, dès
lors que cette clause stipulait dans son alinéa 2 que le client
était seul responsable de la situation de ses divers comptes dont il
devait surveiller en permanence la situation, ce qui impliquait
nécessairement que celui-ci eût donné son accord à
l'ouverture de chacun de ses comptes ; que dès lors, en s'attachant
exclusivement à l'alinéa 1er de la clause litigieuse, sans
rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait
pas de son alinéa 2, mettant à la charge du seul client
l'entière responsabilité de la situation et du fonctionnement de
ses divers comptes, que celui-ci devait nécessairement avoir
autorisé l'ouverture de chacun de ses comptes, la cour d'appel a
privé sa décision de toute base légale au regard de
l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par une
interprétation souveraine des clauses de la convention de compte courant
conclue en 1993, que la banque avait la faculté d'ouvrir, pour certaines
opérations, des comptes spécifiques, sous-comptes du compte
courant général, qu'elle pouvait à tout moment et sans
formalité considérer comme fusionnés en un solde unique,
l'arrêt retient que le cautionnement accordé par la banque
à la société en raison de leurs relations d'affaires
constitue un élément d'un ensemble contractuel unique, les
parties ayant fait du compte courant le cadre général de leurs
relations et en déduit exactement que la banque pouvait, en vertu de la
clause convenue à cet effet avant la date de cessation des paiements,
peu important la date de sa première mise en oeuvre, procéder
à la compensation entre la créance certaine,
liquide et exigible qu'elle détenait sur la société au
titre de la somme acquittée au profit de l'URSSAF le 30 juillet 2001 et
les créances connexes représentées par le solde du compte
courant ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux
dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
commerciale, financière et économique, et prononcé par le
président en son audience publique du seize octobre deux mille sept.
Cour de cassation chambre sociale Audience
publique du mardi 20 mars 2007 N° de pourvoi : 05-44602
Non publié au bulletin Cassation
Président : Mme MORIN conseiller,
président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt
suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 213-1-1, L. 213-2 , L. 213-4 et L. 132-4 du
code du travail, ensemble les articles 24 de la convention collective nationale
des entrepôts d'alimentation du 29 mai 1969, 5-12 de la convention
collective nationale du commerce de détail et de gros à
prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, l'accord collectif de la
société Easydis du 11 septembre 2001 et l'annexe 3 de l'accord
d'entreprise Casino du 19 décembre 1996 ;
Attendu que l'article 24 de la convention collective des
entrepôts d'alimentation applicable à la société
Casino prévoyait une majoration de 20 % pour les heures de travail de
nuit habituellement effectuées de 22 heures à 5 heures du matin ;
qu'à la suite de la promulgation de la loi du 9 mai 2001, l'article 5-12
de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros
à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, remplaçant
la précédente convention, répute travail de nuit le
travail effectué entre 21 heures et 6 heures du matin et maintient la
majoration de 20 % pour les heures de nuit de 22 heures à 5 heures du
matin dans l'attente d'une modification conventionnelle du régime des
heures de nuit ; que la société Easydis, née le 1er
juillet 2000 de la restructuration de la société Casino, a conclu
un accord de substitution le 11 septembre 2001 prévoyant le maintien de
l'application de l'accord Casino du 19 décembre 1996 dont l'annexe 3
prévoyait une majoration de 30 % pour les heures de travail de nuit ;
que M. X... et huit autres salariés de la société Easydis
ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en application de la
majoration des heures de nuit de 21 heures à 6 heures du matin à
compter de la promulgation de la loi du 9 mai 2001 ;
Attendu que pour condamner la société Easydis au
paiement de sommes au profit de ces salariés à titre de
majoration de 30 % pour travail de nuit et à titre de
dommages-intérêts pour résistance abusive, le jugement
retient qu'en l'absence de définition du travail de nuit, l'accord
Casino du 19 décembre 1996 se référait aux dispositions
légales et conventionnelles alors applicables et que si
l'article 24 de la convention nationale des entrepôts d'alimentation
définissait ce travail de nuit comme celui accompli de 22 heures
à 5 heures du matin, l'article L. 213-1-1 du code du travail issu des
dispositions d'ordre public de la loi du 9 mai 2001 prévoit qu'est
considéré comme travail de nuit celui accompli de 21 heures
à 6 heures du matin, si bien que ladite convention collective
était moins favorable que ces nouvelles dispositions
légales ;
Attendu, cependant, qu'aux termes des trois premiers des articles
susvisés, la contrepartie dont doivent obligatoirement
bénéficier les travailleurs de nuit, au titre des périodes
pendant lesquelles ils sont occupés, doit être prévue sous
forme de repos compensateurs à laquelle peut s'ajouter le cas
échéant une compensation salariale ; d'où
il résulte que la définition du travail de nuit prévue par
l'article L. 213-1-1 du code du travail n'a pas pour effet de modifier les
conditions d'attribution de la compensation salariale du
travail de nuit fixée par une convention collective, alors même
qu'elle ne prendrait pas en compte la totalité des heures entre 21
heures et 6 heures ;
D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, alors que
les salariés ne pouvaient prétendre en application des
dispositions conventionnelles applicables, qui n'étaient pas moins
favorables que les dispositions légales, à une
compensation salariale pour les heures de 21 heures à
22 heures et de 5 heures à 6 heures, le conseil de prud'hommes a
violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer
sur les deux dernières branches du premier moyen et le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu
le 5 juillet 2005, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Toulouse
; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état
où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait
droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Montauban ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général
près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis
pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement
cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre
sociale, et prononcé par le président en son audience publique du
vingt mars deux mille sept.
Cour de cassation chambre criminelle Audience
publique du mercredi 5 mai 2004 N° de pourvoi : 03-87366
Non publié au bulletin Rejet
Président : M. COTTE, président
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience
publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq mai deux mille
quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la
société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la
Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Phouvilaykham,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème
chambre, qui, pour abus de biens sociaux et banqueroute, l'a condamné
à 18 mois d'emprisonnement dont 9 mois avec sursis, 7 500 euros
d'amende, et à l'interdiction définitive de gérer ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des
articles L. 241-3-40, L. 241-9, L. 626-1 et L. 626-2 du Code de commerce, 485,
591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs,
manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
Phouvilaykham X... coupable d'abus de biens sociaux et de banqueroute par tenue
de comptabilité incomplète ;
"aux motifs, repris des premiers juges, que Phouvilaykham X... a
contesté être le gérant de fait de la société
Data International Computer ; que cependant, il a déclaré avoir
créé la société Data Equipement Kampany Computer,
dans laquelle il était associé majoritaire ; que suite à
la liquidation amiable de cette société, la société
Data International Computer avait été créée
à son initiative pour reprendre tous les actifs de la
société DEK ; qu'il avait financé à 100 % la
société Data International Computer, à l'exception du
capital social ; qu'îl avait la signature sur les comptes de la
société, ce qui est confirmé par le carton de signature du
compte de celle-ci à la Banque San Paolo, et avait signé la quasi
totalité des chèques de la société ; qu'il
résulte de ses explications concernant les chèques établis
à son ordre ou à celui de sa coprévenue qu'il avait
entière liberté d'utilisation des comptes de la
société ; qu'il assurait les relations avec les fournisseurs ;
qu'il avait signé la majeure partie des documents juridiques et fiscaux,
comme les DADS, ce qui est confirmé par le rapport des services fiscaux
(D 172), qui indique également que de nombreuses factures d'achat
étaient adressées à la société Data
International Computer - Phouvilaykham X... ; que son salaire était
supérieur à celui du gérant de droit, M. Y..., le mandataire liquidateur ayant fait état d'un salaire
brut de 18 450 francs pour Phouvilaykham X... et d'un salaire
brut de 13 000 francs pour M. Y... ;
qu'il a expliqué cette différence par le fait qu'il
amenait tous les financements ; qu'il a soutenu qu'il décidait des
embauches avec M. Y..., ce qui a été
contesté par ce dernier, qui a indiqué que Phouvilaykham X... Phouvilaykham décidait des embauches et des salaires ;
qu'il a reconnu qu'il s'occupait de la partie commerciale, et M. Y... de la partie technique ; qu'il résulte de cet ensemble
d'éléments que Phouvilaykham X...
exerçait une activité de direction et de gestion de la
société Data International Computer et doit être
considéré comme gérant de fait de celle-ci ;
"1) alors qu'en matière d'abus de biens sociaux, le
contenu de la notion de dirigeant de fait n'est pas la même selon que
l'on est dans le cadre d'une société anonyme ou d'une SARL ; que
dans les sociétés anonymes, parce que les directeurs
généraux peuvent être poursuivis en application des
dispositions de l'article L. 242-6 du Code du commerce, peuvent être
considérés comme des dirigeants de fait aux termes de l'article
L. 245-16 non seulement ceux qui ont sous le couvert ou aux lieu et place des
dirigeants de droit, exercé la direction ou la gestion mais aussi
l'administration ;
qu'en revanche, dans les SARL, parce que seuls les gérants
peuvent être poursuivis aux termes de l'article L. 241-3, ne peuvent
être considérés comme des dirigeants de fait que ceux qui
ont exercé la gestion conformément à l'article L. 241-9
sous le couvert ou aux lieu et place du gérant légal
c'est-à-dire ceux qui ont usurpé l'ensemble des pouvoirs du
gérant de droit et que par conséquent l'exercice de simples
pouvoirs d'administration tel que le pouvoir d'établir des
chèques ou de signer les documents juridiques et fiscaux ou la direction
du compartiment commercial de la société impliquant
nécessairement des relations avec les fournisseurs ou un certain pouvoir
d'embauche, ne permettent pas de caractériser la gérance de fait
en sorte que les motifs susvisés de l'arrêt procèdent d'une
violation de la loi ;
"2) alors qu'en matière de banqueroute, seuls peuvent
être considérés comme des gérants de fait, ceux qui,
conformément à l'article L. 626-1 du Code de commerce ont
"dîrigé" ou "liquidé" la personne morale concernée ;
qu'il s'ensuît que, pour condamner en sa qualité de dirigeant de
fait une personne qui n'a pas liquidé une SARL, les juges du fond
doivent constater qu'elle a exercé l'ensemble des pouvoirs de direction
au sein de la société, de simple pouvoir d'administration ou de
simple direction du compartiment commercial de la société, tels
que ceux relevés par l'arrêt, ne permettant pas de
caractériser la direction d'ensemble de la société" ;
Attendu que, pour déclarer Phouvilaykham X... coupable d'abus de biens sociaux et de banqueroute en
qualité de gérant de fait de la société Data
international Computer, l'arrêt attaqué prononce par les motifs
adoptés exactement repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui
établissent que le prévenu a accompli des actes de gestion en
toute indépendance et sous le couvert des organes statutaires de la
société, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli
;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation
des articles L. 241-3-40 et L. 241-9 du Code de commerce, 1289 et suivants du
Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut
de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
Phouvilaykham X... coupable de l'abus de biens sociaux ;
"aux motifs que Phouvilaykham X...
reconnaît avoir constitué la société Data
International Computer au mois d'avril 1994 dans le but d'écouler le
stock d'une précédente société créée
entre lui et sa sceur en 1991 : la société Data Equipement
Kampany Computer, dissoute amiablement au mois de juin 1994 après que
des poursuites eurent été engagées contre lui pour recel
de matériel informatique ; qu'il reconnaît avoir
prélevé sur les fonds sociaux une somme de 2 215 700 francs au
moyen de huit chèques émis par lui grâce, à sa
procuration, sur le compte de la société ; que selon ses
explications, il voulait ainsi se payer du matériel qu'il avait
apporté à la société Data International Computer
lors de sa création ; qu'il n'est pas discuté que le
matériel en cause provenait de la société Data Equipement
Kampany Computer, dissoute amiablement ; qu'or le prévenu ne rapporte
pas la preuve qu'il aurait racheté à cette dernière le
stock restant pour en faire apport à la nouvelle société
et les statuts de la société ne mentionnent aucun apport en
nature ni aucune intervention d'un commissaire aux apports ; que dès
lors le prélèvement de cette somme, qui n'est appuyé
d'aucune pièce justificative, constitue un usage abusif des biens de la
société pénalement punissable ; qu'il en est de même
des chèques d'un montant de 465 000 francs émis dans des
conditions identiques par Phouvilaykham X... au profit de
Chantal Z..., épouse A... ;
"1) alors que dans la mesure où la société
Data Equipement Kampany Computer avait été dissoute amiablement,
ce qui impliquait d'évidence un partage entre les associés parmi
lesquels figurait Phouvilaykham X..., ce dernier n'avait
nullement à rapporter la preuve qu'il avait racheté le
matériel de cette société pour l'apporter à la
société Data International Computer et que, par
conséquent, la cour d'appel a statué par un motif manifestement
inopérant ;
"2) alors que, dès lors que Phouvilaykham X... invoquait l'existence d'une créance réciproque
entre lui-même et la société Data International Computer,
la cour d'appel qui constatait implicitement que l'existence de cette
créance réciproque ne pouvait être écartée
puisque selon ses propres constatations la société Data
International Computer avait été constituée en vue de
reprendre le matériel de la société Data Equipement
Kampany Computer, ne pouvait s'abstenir d'ordonner un supplément
d'information ayant pour but de rechercher si les conditions de la
compensation légale étaient
réunies" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation
des articles L. 626-1 et L. 626-2 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de
procédure pénale, défaut de motifs, manque de base
légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré
Phouvilaykham X... coupable de banqueroute par tenue
incomplète de comptabilité ;
"aux motifs que la société Data International
Computer, qui a fait l'objet de deux contrôles fiscaux au cours de
l'année 1997, a cessé son activité à la fin de
l'année 1997 et sur saisine d'office, a été mise en
liquidation judiciaire le 6 juin 1998, la date de cessation des paiements
étant fixée au 31 décembre 1997 ; que l'administration des
Impôts, dont les notifications de redressement sont
régulièrement jointes à la procédure, et le
mandataire liquidateur ont constaté qu'aucune comptabilité
n'avait été tenue pour 1994 et 1995 et que pour les exercices
1996 et 1997 une comptabilité avait été
reconstituée mais de manière très incomplète en
raison du refus de Phouvilaykham X... de remettre les
pièces comptables et en particulier celles afférentes aux achats
et aux ventes, de sorte que cet embryon de comptabilité avait
été rejeté par l'administration des Impôts comme
irrégulier et non probant ; que le prévenu reconnaît que la
société s'est délibérément abstenue de tenir
une comptabilité et ne dénie pas sa responsabilité ;
"1) alors que le juge répressif ayant l'obligation de
constater l'existence des éléments constitutifs de l'infraction
poursuivie, il ne saurait se borner à justifier sa décision par
la considération que le prévenu reconnaît les faits ;
"2) alors que le juge répressif saisi de faits
constitutifs du délit de banqueroute par tenue irrégulière
ou incomplète de comptabilité, ne saurait fonder sa
décision quant à l'existence de ce délit sur les
conclusions des documents établis par l'administration fiscale selon ses
procédures propres dès lors qu'il n'en a pas
vérifié lui-même l'exactitude ;
"3) alors que le délit de banqueroute par tenue
irrégulière ou incomplète de comptabilité n'est
constitué qu'autant que la méconnaissance de ses obligations
comptables par l'entreprise a provoqué la cessation des paiements et que
la cour d'appel, qui n'a constaté dans sa décision l'existence
d'aucun lien de cause à effet entre le caractère incomplet de la
comptabilité et la cessation des paiements de la société
Data International Computer, n'a pas légalement
justifié sa décision au regard des textes du Code de commerce
susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt
attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour
d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en
tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les
délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute dont elle a
déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à
remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond,
des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de
preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation
des articles 4 du protocole n° 7 du 22 novembre 1984 additionnel à
la Convention européenne des droits de l'homme, 15 de la charte des
droits fondamentaux signée par les quinze pays de l'union
européenne à Nice le 7 décembre 2000, 8 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789,
préliminaire du Code de procédure pénale, ensemble
violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé
à l'encontre de Phouvilaykham X..., à titre
définitif, une interdiction de diriger, gérer, administrer ou
contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale,
artisanale et toute personne morale ;
"1) alors que l'article 4 du protocole n° 7 additionnel
à la Convention européenne des droits de l'homme interdit le
prononcé d'une double peine pour les mêmes faits ; que
l'interdiction susvisée est par sa nature une peine au sens de ce texte
conventionnel et que la cour d'appel ayant déjà prononcé
à l'encontre de Phouvilaykham X... une peine
d'emprisonnement en partie ferme et une amende pour les mêmes faits, ne
pouvait, sans méconnaître le texte susvisé, prononcer
à son encontre une interdiction générale de gérer
et d'administrer ;
"2) alors qu'aux termes de l'article 15-1 de la charte des droits
fondamentaux, toute personne a le droit de travailler et d'exercer une
profession librement choisie et acceptée ; que ce texte signé par
la France ne prévoit aucune restriction à ce principe fondamental
et qu'en prononçant à titre définitif à l'encontre
de Phouvilaykham X... une interdiction générale
de gérer et d'administrer toute entreprise et toute personne morale, la
cour d'appel a méconnu les engagements internationaux de la France ;
"3) alors qu'aux termes de l'article 8 de la déclaration
des droits de l'homme, la loi ne doit établir que des peines strictement
et évidemment nécessaires et qu'une peine perpétuelle ne
correspond pas au principe général édicté par ce
texte ;
"4) alors que le principe de proportionnalité des
contraintes auquel peut être soumise une personne énoncée
par l'article préliminaire du Code de procédure pénale,
ayant été édicté par la loi du 15 juin 2000
c'est-à-dire postérieurement aux textes des articles L. 625-8 et
L. 626-6 du Code de commerce ainsi qu'à l'article 131-27 du Code
pénal autorisant le prononcé d'une interdiction définitive
de gérer à l'encontre des personnes condamnées pour
banqueroute, implique l'abrogatîon implicite de cette interdiction" ;
Attendu qu'en condamnant Phouvilaykham X...,
déclaré coupable de banqueroute, à la peine
complémentaire de l'interdiction définitive de diriger,
gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement,
toute entreprise commerciale, artisanale et toute personne morale, la cour
d'appel a fait l'exacte application des articles L. 626-5 du Code de commerce
et 131-27 du Code pénal, sans méconnaître les dispositions
légales et conventionnelles invoquées ;
Que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation,
chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au
délibéré, dans la formation prévue à
l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M.
Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Challe conseiller
de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été
signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre
* 1
Le Doyen CARBONNIER : « Les obligations »
* 2 Jacques Ghestin, Marc
Billiau et Grégoire Loiseau « Le régime des créances
et des dettes ».
* 3 Guy Duboc « La
compensation et les droits des tiers ».
* 4 Carbonnier, « Les
obligations ».
* 5 Art. 312 du C.O.C.
* 6
ÍãÏ Èæ ÇáÊæÍ :
ÇáãÚÇãáÇÊ
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* 7
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"ÇáãÞÇÕÉ"
* 8 Jacques Ghestin avec le
concours de Marc Billiau, Traité de droit civil : les
obligations : les effets du contrat, 1ére éd., L.G.D.J.,
1992, p. 353.
* 9
Arrêt n° 4443 du 28 février 1983.
* 10 Com. 28 mai 1991, R.T.D.
1992, p. 103.
* 11 Com. 12 février
1980, Bulletin civil IV n° 57.
* 12 Tribunal de
première instance de Mahdia, jugement rendu en matière civile
n°139 du 10 mai 1965, R.J.L. 1966, n° 2, p. 67.
* 13 Cass. civ. n° 10250
du 6 mars 1975, B.C.C. 1975, Partie 1, p. 134.
"ÍíË äñå
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* 14 Cass. civ. n° 9470
du 31 mai 1984, B.C.C 1984, Partie 1, p. 354.
"ÍíË ÇÞÊÖì
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ÇáÏñíäíä"
* 15
Cass. civ. n° 3679 du 3 octobre 1939.
* 16
Jean Carbonnier, « Les obligations ».
* 17 G. MARTY et P.RAYNAUD,
« Les obligations », 1962, n° 638, p. 614 ; A.
BENABART, « Les obligations » 9ème
éd., 2003, n° 823, p. 553.
* 18 Cass. crim., 28 janvier
1957, p. 298 ; 7 décembre 1967.D., p.353 ; 4 janvier 1973
Bulletin criminel n° 3.
* 19 G. VACHET, « La
compensation », Dr. Soc. 1997, p. 600.
* 20
René DEMOGUE, « De la nature et des effets du droit
éventuel » R.T.D. Civil 1906, p. 309 ;
* 21 BORIS STARCK,
« Les obligations » p.741
* 22 Art. 380 du C.O.C.
* 23 Art. 1512 du C.O.C.
* 24 Hatem Lemhamdi,
« La compensation », Mémoire de D.E.A.,
Faculté de Droit et de sciences politiques de Tunis 1995.
* 25 Art. 380 du C.O.C.
* 26 Chambre civile 1, Cour de
cassation française, 25 octobre 1972.
* 27 Voir Hatem Mhamdi,
ouvrage précité.
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