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La compensation

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par Aymen Aberkane
Faculté de droit de Sfax - Master en droit privé 2008
  

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Introduction

Quelle que soit sa source, l'obligation n'est pas éternelle. Elle s'éteint par les différents modes d'extinction énumérés au sein de l'article 339 du C.O.C. Dans ce cadre, la doctrine distingue entre les modes apportant satisfaction aux créanciers et ceux qui ne le font pas.

En effet, en dehors du paiement, d'autres modes permettent au créancier d'obtenir la satisfaction attendue de l'obligation. Parmi ces modes, on trouve la compensation consacrée dans l'article 339 du C.O.C. aux termes duquel « Les obligations s'éteignent par (...) 5/ la compensation  ».

Cette cause d'extinction est réglementée dans le chapitre V du titre VII intitulé « De L'extinction des obligations ». Ce chapitre, dénommé « La compensation », est constitué des articles 369 à 381 du C.O.C.

Conformément à l'article 369 du C.O.C., « La compensation s'opère lorsque les parties sont réciproquement et personnellement créancières et débitrices l'une de l'autre ». Or, ce même article dans sa version arabe dispose que

"ÊÊãñ ÇáãÞÇÕñÉ ÈÑÖÇ ÇáÑíÞíä æ ÈãÑ ÇáÍÇßã"

La compensation s'opère par la volonté des parties ou par ordre du juge. Cette mention fait défaut dans le texte français de l'article.

La compensation a été définie par le Doyen Carbonnier comme étant « L'extinction de deux obligations de la même espèce, en particulier de deux obligations de somme d'argent existant réciproquement entre deux personnes ; extinction totale, si les deux obligations ont le même montant, partielle, jusqu'à concurrence de la plus faible, si elles ont des montants inégaux »1(*). De ce fait, la compensation est l'extinction simultanée de deux obligations ayant un objet semblable et coexistant en sens inverse l'une de l'autre, le créancier de l'une étant débiteur de l'autre et réciproquement.

Ainsi présentée, la compensation peut avoir trois formes qui doivent être distinguées les unes des autres : il s'agit de la compensation légale, de la compensation conventionnelle et enfin de la compensation judiciaire.

· D'abord, la compensation légale est subordonnée à des conditions définies en dehors desquelles ses effets légaux automatiques ne pourraient se produire si bien qu'il faudrait alors, pour compenser les deux dettes, recourir à une convention ou à un jugement.

· Ensuite, la compensation conventionnelle s'opère dans les cas où l'une des conditions requises pour la compensation légale fait défaut. C'est l'oeuvre de la volonté des parties.

· Enfin, la compensation judiciaire peut être définie comme « une demande incidente par laquelle le défendeur provoque la reconnaissance ou la liquidation d'une créance qu'il prétend avoir contre le demandeur afin de pouvoir ensuite la compenser avec la dette dont ce dernier réclame le paiement  »2(*).

Toutefois, la compensation se distingue des notions voisines à l'image du paiement et du droit de rétention. Il est ici à signaler que la doctrine avait, dans une époque antérieure, qualifié la compensation comme étant à la fois un paiement forcé où la volonté des parties se trouve anéantie et d'une exécution automatique.

En effet, selon le Doyen Carbonnier, « compenser, dit-on encore, c'est payer, et la compensation apparaît comme un paiement abrégé, par lequel s'épargne un double transfert de fonds ».

Certes, la compensation a longtemps été considérée comme un paiement et elle l'est encore. Mais elle n'est pas seulement un paiement réciproque, simplifié et abrégé. Il est à préciser qu'elle « est également une garantie de paiement »3(*).

Cependant, même si elle peut être « envisagée dans le prolongement du paiement »4(*), la compensation a un domaine plus réduit que celui du paiement car le mécanisme compensatoire implique des conditions différentes de celles requises pour le paiement. La compensation ne peut être qu'entre dettes de même espèce (par exemple entre choses mobilières de même espèce et quotité).

Aussi, un commerçant qui aurait besoin d'être payé pour faire face à des échéances commerciales ne sera pas satisfait d'une compensation de sa créance avec une dette civile.

S'agissant du droit de rétention, il y a lieu de remarquer qu'il peut avoir pour objet des choses mobilières ainsi que les titres normatifs à l'ordre du porteur5(*).

Connue comme un mode d'extinction de l'obligation, l'institution de la compensation est née à Rome comme un mécanisme de procédure, et non sans peine, car elle allait contre un principe du procès romain : l'unité de la question.

En droit classique, sa manifestation la plus usuelle est « l'exeptio doli » que le débiteur-créancier poursuivi en justice oppose au créancier-débiteur car il est contraire à l'équité et à la bonne foi de réclamer ce qu'on sera obligé de restituer aussitôt sur une autre action. Mais dans une constitution de Justinien, il est écrit que la compensation aura lieu désormais ipso jure.

Suivant l'interprétation la plus courante aujourd'hui, cette expression signifie seulement que la compensation n'aurait plus exceptionis ope et que le défendeur n'aura plus besoin d'opposer l'exception du dol. Cependant, le glossateur italien Martin Gosia avait interprété cet ipso jure en ce sens que la compensation opère de plein droit en dehors de la volonté des parties.

Néanmoins, pour des raisons d'ordre procédural, la compensation judiciaire n'a pas été développée que tardivement.

En Droit musulman, la compensation a été définie comme étant :

"ÁÇÓÞÇØ Ïíä ãØáæÈ áÔÎÕ ãä ÛÑíãå í ãÞÇÈáÉ Ïíä ãØáæÈ ãä Ðáß ÇáÔÎÕ áÐáß ÇáÛÑíã" 6(*)

Ibn Ârafa l'a également perçue comme étant :

"ãÊÇÑßÉ ãØáæÈ ÈããÇËá Öãä ãÇ Úáíå íãÇ ÐßÑ ÚáíåãÇ"

L'admission de la compensation a été faite en se référant à Ibn Omar qui disait :

" ÊíÊ ÇáäÈíñ Õáñì Çááñå Úáíå æ Óáñã ÞáÊ: Åäñí ÈíÚ ÇáÅÈá ÈÇáÈÞíÚ ÈíÚ ÈÇáÏäÇäíÑ æ ÂÎÐ ÈÇáÏÑÇåã æ ÈíÚ ÈÇáÏÑÇåã ÂÎÐ ÈÇáÏäÇäíÑ ÞÇá: áÇ ÈÓ ä ÊÎÐ ÈÓÚÑ íæãåÇ ãÇ áã ÊÊÑÞÇ æ ÈíäßãÇ ÔíÁ "

La compensation en Droit musulman se divise en deux catégories :

- La compensation légale qui s'effectue sans le consentement des deux parties.

- La compensation conventionnelle qui nécessite pour son accomplissement l'approbation des deux parties.

Selon le rite Chaféite :

"ÅÐÇ ßÇä áÑÌá Úáì ÑÌá ãÇá æ ßÇä Úáíå ãËáå áÇ íÎÊáÇä áÇ í æÒä æ áÇ ÚÏÏ æ ßÇäÇ ÍÇáñíä ãÚÇ åæ ÞÕÇÕ. Åä ßÇäÇ ãÎÊáíä áã íßä ÞÕÇÕ ÅáñÇ ÈÊÑÇÖ æ áã íßä ÇáÊñÑÇÖí ÌÇÆÒÇ ÅáñÇ ÈãÇ Íáñ Èå ÇáÈíæÚ" 7(*)

Sur le plan pratique, la compensation a une portée considérable aussi bien en matière civile qu'en matière commerciale.

En matière civile, la compensation évite un double mouvement de fonds. De ce fait, elle simplifie les paiements et échappe ainsi aux risques de perte. Elle apparaît aussi comme un paiement par préférence. Le créancier débiteur d'un insolvable a intérêt à compenser ; sans la compensation, il devrait payer intégralement sa dette, puis réclamer sa créance en concours avec les autres créanciers ce qui ne le laisserait espérer qu'un dividende. Grâce à la compensation, il se paye sur sa propre dette par préférence à tout autre créancier. Ainsi, les autres créanciers chirographaires de ce débiteur insolvable voient leur gage général amputé de cet élément du patrimoine que constituait la créance éteinte par compensation et sur laquelle ils perdent tout droit ou action.

Mode de paiement, le mécanisme compensatoire par sa nature contient également une garantie équivalente à une sûreté réelle spéciale. À cet égard, et du point de vue allemand, les deux obligations se servent mutuellement de couverture ; chaque créancier a en main sa propre dette comme une sorte de gage.

En matière commerciale, la compensation joue un rôle très important dans le monde des affaires où s'entremêlent les rapports juridiques en raison de ses avantages économiques remarquables (rapidité, sécurité, inutilité d'avoir recours aux instruments monétaires ou aux moyens bancaires). Ainsi, en matière bancaire et partant du fait que les conditions sont rarement réunies pour des dettes autres que des sommes d'argent, dans le domaine des paiements bancaires (chèques, effets de commerce...), il y a lieu de remarquer l'existence d'un organisme central de compensation entre les différentes banques qui permet d'éviter un nombre important de transferts et qui arrête la position des créanciers-débiteurs des différentes banques entre elles par le moyen de la compensation.

En France, il a même été créé, en matière bancaire, des chambres de compensation comme celles créées en Tunisie au sein de la banque centrale qui opèrent la balance entre les effets de leurs clients respectifs. Une multitude de transactions sont ainsi soldées par un simple jeu d'écriture.

La compensation présente aussi un avantage en matière de commerce international. Elle se traduit par des accords de livraisons réciproques (échange de marchandises ou de produits sans interface monétaire).

De ce point de vue, la compensation conventionnelle a un domaine plus large en matière commerciale qu'en matière civile.

La loi est très exigeante pour admettre le jeu de la compensation. Elle impose qu'elle soit subordonnée à des conditions définies en dehors desquelles ses effets ne pourraient se produire. De là se dégage la problématique de savoir :

Quel est le régime juridique de la compensation ?

Il convient alors d'examiner les conditions nécessaires pour qu'il y ait compensation (Partie I) pour mettre l'accent ensuite sur ses effets (Partie II).

PREMIERE PARTIE : Les conditions légales de la compensation

Les conditions légales de la compensation ont été clairement définies par le législateur. Dans ce cadre, la doctrine distingue entre les conditions positives (Section 1) et les conditions négatives de la compensation (Section 2).

Section 1 : Les conditions positives de la compensation

La loi est très exigeante pour admettre le jeu de la compensation ; elle pose que les obligations doivent être réciproques, fongibles, liquides, exigibles et disponibles.

Concernant la réciprocité : la compensation suppose d'abord que les deux parties soient réciproquement créancières et débitrices l'une de l'autre à titre personnel et principal. En celà la réciprocité des obligations n'est pas seulement une condition de la compensation, mais un de ses éléments fondamentaux sans lequel elle ne pourrait se concevoir8(*).

Dans ce cadre, l'article 369 du C.O.C. dispose que « la compensation s'opère lorsque les parties sont réciproquement et personnellement créancières et débitrices l'une de l'autre ».

En d'autres termes, il faut que la personne qui désire compenser soit le créancier de la personne contre laquelle elle entend diriger la compensation. Par conséquent, si la compensation peut être considérée comme un paiement, elle ne l'est en tout cas qu'entre des créances réciproques.

Cependant, la compensation ne peut avoir lieu que contre les personnes titulaires de ces créances à l'exclusion de toutes autres. C'est ce qui fût affirmé par la Cour de cassation dans un arrêt de 19839(*): La compensation n'aura lieu qu'avec le créancier personnel sans son représentant. Il n'est donc pas possible de compenser une créance qui n'est pas dans ce rapport de réciprocité.

Ainsi, n'est-il pas possible de compenser une créance contre une société avec la dette de son actionnaire ?

La réponse est claire dans le texte de l'article 372 du C.O.C. qui dispose que : « L'associé ne peut opposer à son créancier la compensation de ce qui est du par le créancier à la société. Le créancier de la société ne peut opposer à l'associé la compensation de ce qui est dû personnellement par l'un des associés ».

Également, faute de réciprocité, le débiteur ne peut compenser sa dette envers une société avec sa créance contre une autre société au motif que les deux sociétés font partie du même groupe puisqu'elles ont des personnalités juridiques distinctes10(*).

Par conséquent, la dette d'un associé envers une société n'est pas compensable avec la dette d'une autre société à son égard, même si la première société serait responsable des dettes de son groupe dès lors que la société débitrice constitue une personne morale distincte de la société créancière11(*).

Ce n'est pas le cas pour les sociétés n'ayant pas la personnalité morale (exemple : la société civile) et de ce fait l'article 372 n'interdit pas à ces sociétés la compensation de leurs dettes.

En ce qui concerne la fongibilité : elle est prévue par l'article 373 du C.O.C. qui dispose que « la compensation n'a lieu qu'entre dettes de même espèce et par exemple, entre choses mobilières de même espèce et qualité, ou entre du numéraire et denrées ». Il en découle que chacune des obligations doit avoir pour objet des choses fongibles entre elles, c'est-à-dire susceptibles de se substituer l'une par l'autre. En celà la fongibilité est, comme la réciprocité, un élément fondamental de la compensation.

Selon l'article 373, cette compensation est possible entre les numéraires et les denrées. Mais, selon Mr. MELKI, le prix de ces denrées doit être fixé, tel est le cas du blé ou de l'huile d'olive. Or, la compensation entre choses mobilières de même espèce et qualité ou entre des numéraires et denrées ne trouve pas de grand intérêt pratique vu qu'une personne préfère souvent recevoir de l'argent que de conserver du blé vu qu'en dehors de somme d'argent, il est bien rare que les obligations réciproques aient un objet interchangeable.

Dans cet ordre d'idées, les tribunaux tunisiens auraient appliqué le jugement exceptionnel de l'article 373 du C.O.C. prévoyant la possibilité de la compensation pour les sommes d'argent et les marchandises alimentaires12(*).

Pour ce qui est de la liquidité et exigibilité de la dette : ces deux conditions ont été prévues dans l'article 374 du C.O.C. disposant que  « pour opérer la compensation il faut que les deux dettes soient liquides et exigibles ».

On en déduit que, d'un côté, les deux dettes doivent être liquides c'est-à-dire déterminées dans leur quotité et, d'un autre côté, la compensation étant conçue comme un paiement, il est normal que les dettes soient exigibles13(*) puisque l'exigibilité est nécessaire au paiement14(*).

Cependant, cette dernière condition conduit à exclure de la compensation trois sortes de dettes : les dettes conditionnelles ou à terme qui ne sont pas actuellement exigibles ou encore les dettes naturelles.

En effet, il n'y a pas lieu à compensation lorsque l'une des parties est créancière d'une obligation dépourvue d'action ce qui se justifie à travers l'article 376 du C.O.C. disposant qu'« une dette prescrite ne peut être opposée en compensation ».

Cela dit, un débiteur ne peut être contraint de payer une dette avant terme ou en dehors des cas légaux de déchéance. Pour que la dette soit exigible, il faut qu'elle soit déductible en justice. L'absence d'exigibilité ne peut être invoquée que si elle résulte d'un terme conventionnel ou légal.

Le délai de grâce ne peut être un obstacle à la compensation puisque il constitue une faveur accordée au débiteur. La Cour de cassation a combiné l'exigence de la liquidité et de l'exigibilité à plusieurs reprises15(*). C'est souvent quand l'une des deux dettes n'est pas liquide que la compensation est paralysée16(*). Une dette n'est liquide que lorsqu'elle est claire et certaine à la fois dans son existence et dans son montant. En conséquence, n'est pas admissible en compensation une dette dont le quantum ne peut être fixe que par un règlement de compte. C'est le cas pour la créance de la victime d'un accident qui n'est pas liquide tant que la somme des dommages- intérêts n'a pas été judiciairement fixée.

La jurisprudence française écarte l'exigibilité et la liquidité chaque fois que les dettes sont connexes et naissent du même rapport de droit. Mais l'article 377 du C.O.C. prévoit que « la compensation peut avoir lieu entre les dettes qui ont des causes ou des quotités différentes », c'est-à-dire que la connexité n'est pas exigée par le législateur.

Cependant, il existe des obstacles qui peuvent empêcher la compensation d'avoir lieu.

Section 2 : Les obstacles à la compensation 

Le législateur a posé des restrictions au jeu de la compensation. On peut les résumer en deux catégories : celles portant sur la nature des créances (A) et celles visant la protection des tiers (B).

A) Les empêchements fondés sur la nature de la créance

En raison de leurs finalités, certaines créances peuvent échapper à la compensation. L'article 378 du COC prévoit cinq cas de figures.

- Le premier cas est celui lorsque l'une des dettes a pour cause des aliments ou autres créances non saisissables prévues spécialement dans l'article 308 et 358 du C.P.C.C.

Pour les créances alimentaires, le caractère vital de ces créances explique le fait que le créancier ne peut pas les compenser. Ainsi, la compensation n'a pas lieu lorsqu'elle a pour cause des aliments déclarés insaisissables à tel point que certains auteurs en sont venus à faire de la saisissabilité17(*) une condition de la compensation. Plusieurs décisions ont appliqué cette position en ce qui concerne des créances alimentaires notamment allouées après divorce, jugeant que seul le paiement effectif de la pension libèrerait le débiteur et lui éviterait les peines qui sanctionnent le délit d'abondant de famille18(*).

C'est le cas aussi des prestations sociales des allocations et des indemnités dues à la victime d'un accident de travail. Les salaires sont exclus du domaine d'application de la compensation. Cette interdiction est consacrée dans les articles 149 et 150 du Code du travail. L'article 149 énonce que « la compensation ne joue pas au profit des employeurs entre le montant des salaires dus par eux à leurs ouvriers et les sommes qui leur seraient dues à eux-mêmes pour fournitures diverses ». Cette même position fût défendue par G. Vachet, dans son article publié à la Revue Droit Social de 1997, en raison du caractère alimentaire du salaire. Cependant ce qui est à craindre, c'est d'inciter l'employeur à refuser tout crédit au salarié19(*).

- Concernant le deuxième cas, il concerne la demande en restitution d'une chose dont le propriétaire a été injustement dépareillé, soit par violence, soit par fraude ou d'une créance ayant une chose de façon dolosive. Le plus souvent le spoliateur, le dépositaire ou le bénéficiaire d'un prêt à usage sont en effet débiteur d'un corps certain auquel manque le caractère de fongibilité nécessaire à la compensation.

- Le détenteur de la chose prêtée ou déposée ne peut pas la garder en invoquant une dette du prêteur ou dépositaire à son égard, c'est le troisième cas de figure prévu par l'article 378 du C.O.C. Encore, il faut ajouter que la compensation n'a pas lieu contre la demande en dommages -intérêts, résultant des contrats de prêts ou de dépôt, au cas de perte de la chose due. Dans ce cas, celui qui a reçu le prêt doit payer les dommages et intérêts au prêteur avant de pouvoir par la suite lui demander la créance à son profit.

- Le quatrième cas, prévoit que la compensation ne se réalise pas lorsque le débiteur a renoncé à l'origine à la compensation, c'est le principe de l'autonomie de la volonté. Il est donc loisible aux parties de renoncer tant à une compensation acquis20(*) qu'à une compensation à venir. Cette renonciation peut se faire aussi bien tacitement qu'expressément. Elle a lieu tacitement lorsque l'une des parties fait un acte incompatible avec l'extinction des créances qu'engendre la compensation. La compensation n'a pas lieu aussi entre musulmans dans le cas où elle constituerait une violation de la loi religieuse (369).

- Quant au cinquième cas, la compensation n'aura pas lieu aussi contre les créances de l'Etat et des communes pour contribution aux taxes, à moins que la créance de celui qui oppose la compensation ne soit due par la même caisse qui réclame la contribution aux taxes. Il s'agit des créances fiscales de l'Etat.

La compensation n'opère pas non plus pour les rentes résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles conformément à la loi n° 28 de 1994 datant du 21 février 1994.

B) Les restrictions visant à protéger les tiers 

Cette protection est nette dans la loi relative au redressement des entreprises en difficultés économiques, notamment dans les articles 34 et 33 selon lesquels la compensation ne peut s'opérer entre les dettes respectives de deux sociétés après le jugement prononçant le règlement judiciaire de l'une d'elle. A cet égard, l'article 379 du C.O.C. dispose que « la compensation n'a pas lieu au préjudice des droits régulièrement acquis des tiers ».

Il en fait son application à l'hypothèse ou la première créance a déjà fait l'objet d'une saisie arrêt de la part d'un tiers lorsque vient à naître, en sens inverse, la seconde créance : la compensation n'aura pas lieu car la première n'est pas disponible. Elle est en quelque sorte mise en réserve au profit du saisissant Le même sort est appliqué dans le cas de la faillite du débiteur ou de son redressement. À compter d'un tel jugement, aucun créancier ne peut plus prétendre se faire payer individuellement au détriment des autres ou encore compenser à leur détriment.

Ce jugement suspend les poursuites individuelles contre le débiteur. Ses créanciers ne peuvent donc pas invoquer la compensation avec leurs propres dettes, dès lors que les conditions de liquidité et d'exigibilité n'étaient pas remplies antérieurement au jugement déclaratif de règlement judiciaire ou de liquidation des biens.

Sur ce point précis, B. Starck professe que « La conséquence sera très grave : ces créanciers seraient obligés de payer intégralement leurs dettes, alors que, pour obtenir le paiement de ce qui leur est dû, ils subiront le concours des autres créanciers et ne recevront qu'une fraction de la créance »21(*).

Deuxième Partie : Les effets de la compensation

Les effets de la compensation ont été ordonnés par le législateur au sein des articles 378, 380 et 381 du C.O.C. Ceux-ci sont d'une importance incontestable puisque la compensation produit des effets tant entre les parties (Section 1) que vis-à-vis des tiers (Section 2).

Section 1 : Les effets de la compensation entre les parties

Le principal effet de la compensation est l'extinction des deux dettes22(*). Il s'agit d'éteindre définitivement les créances réciproques affectées à l'opération.

La compensation n'est pas d'ordre public. La renonciation à ses effets est possible soit en avance, soit après que cette compensation aura lieu. Cette renonciation peut être expresse ou tacite ; tel est le cas de l'un des débiteurs qui paie sa dette sans se prévaloir de la compensation.

L'extinction s'étend aux accessoires de la dette, comme le cas de l'extinction de l'obligation principale qui fait éteindre le cautionnement23(*).

Conformément à l'article 380 du C.O.C., l'effet de la compensation est opéré jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives et l'article 377 du C.O.C. permet la compensation de dettes différentes, c'est-à-dire elle s'opère à la hauteur de la dette la moins élevée. Et le titulaire de la créance la plus élevée est tenu d'accepter la compensation.

Celà est contraire à la règle suivant laquelle le créancier peut refuser un paiement partiel. Dans ce sens, la majorité de la doctrine admet que si une compensation s'opère entre deux dettes inégales, il y a paiement partiel auquel est contraint le titulaire de la dette la plus importante. Ceci n'offense guère le principe de l'indivisibilité de l'engagement et n'y constitue pas une exception car c'est un résultat logique pour le fonctionnement d'un mode spécial de l'extinction des obligations réciproques qui est la compensation24(*). Dans ce cas, les effets de la compensation ne s'exercent que pour la portion effectivement éteinte.

La créance dont le montant est plus élevé subsiste dans le reste avec ses accessoires. Le reste du montant de la créance la plus élevée reste en dehors du domaine de l'effet extinctif de la compensation.

Il peut arriver qu'un des débiteurs soit redevable de plusieurs dettes compensables. Dans ce cas, l'article 381 du C.O.C. renvoie aux règles établies pour l'imputation de l'article 343 du C.O.C. qui envisagent le paiement en premier lieu de la dette qui a le plus d'intérêt à acquitter et de préférence sur celle qui est échue. S'il y a plusieurs dettes également garanties, celle qui est onéreuse pour le débiteur sera payée en premier lieu. Si plusieurs dettes sont également onéreuses, on payera la plus ancienne en date.

Quand la compensation produit son effet extinctif ?

La réponse à cette question est importante vu son impact sur les délais de prescription et le cours des intérêts. La compensation n'aura lieu qu'après la réunion de ses conditions précitées.

L'effet extinctif de la compensation ne se produit qu'à partir du moment où les dettes se sont trouvées exister à la fois dans les conditions déterminées par la loi25(*).

Généralement, le moment de l'extinction des dettes ne coïncide pas avec la date de la compensation :

S'il y a deux dettes compensables - dont les conditions pour l'opération de la compensation existent - et une des parties a soulevé la compensation, cette dernière s'opère d'un effet rétroactif (à la date de l'opération de la créance).

Mais celà ne signifie pas que les deux dates (celle de la compensation et celle de l'extinction des dettes) ne peuvent pas coïncider. Elles coïncident lorsque les conditions de la compensation se réunissent enfin par la volonté d'une des parties qui demandera la compensation, par exemple si un créancier-débiteur renonce au terme pour faire opérer la compensation.

L'effet extinctif de la compensation est commun pour les différents types de celle-ci. Qu'elle soit conventionnelle ou judiciaire, son effet extinctif existe. L'intervention du juge n'affecte en rien le mécanisme compensatoire.

Cependant, la détermination de la date de la compensation judiciaire fait l'objet de plusieurs discussions. A cet égard, il parait douteux que la compensation puisse remonter à une date antérieure au jugement. Pour cela, la jurisprudence dominante considère que la compensation judiciaire produit son effet extinctif à partir de la date du jugement.

Par la compensation, normalement, s'éteint la relation débiteur- créancier. Elle ne s'éteint pas quand les dettes sont de quotités différentes.

Dés que la compensation est opérée, le créancier-débiteur (partie à la compensation) ne peut pas demander le paiement de sa créance sauf si la compensation ne portait pas sur l'ensemble de la créance mais sur une partie.

La compensation, comme ce qui a été mentionné, a un effet rétroactif. Cela signifie aussi que les parties ne peuvent pas se rétracter et renoncer à la compensation déjà opérée.

Après compensation, les dettes et créances s'éteignent d'où leur cession est interdite.

Cette extinction conduit à son tour à l'extinction de toutes les sûretés réelles ou personnelles en relation avec les dettes compensées et ce conformément au principe de l'unité du l'accessoire avec le principal.

Pour les sûretés réelles, cette idée se trouve concrétisée au sein de l'article 263 du C.D.R. pour les gages et l'article 291 du C.D.R. pour l'hypothèque.

En ce qui concerne les sûretés personnelles, c'est la même solution qui a été retenue et ce à travers l'article 1512 du C.O.C. qui permet à la caution de se prévaloir de tous les modes d'extinction de la créance et spécialement dans notre cas la compensation.

Il est à noter finalement que si une extinction partielle a eu lieu par le fait de la compensation. Elle n'annulera à l'évidence que les sûretés liées à la dette de moindre importance.

Reste à préciser que l'effet de la compensation peut s'étendre aussi aux tiers.

Section 2 : Les effets de la compensation à l'égard des tiers 

La question que se pose est de savoir si l'extinction d'une créance suite à la compensation peut être opposée aux tiers ?

Selon l'article 379 du C.O.C., « la compensation n'a lieu au préjudice des droits régulièrement acquis aux tiers ».

Cet article pose un principe général que la compensation ne doit pas porter préjudice au tiers.

Aux termes de l'article 1299 du code civil français, « celui qui a payé une dette, qui était, de droit, éteinte par la compensation, ne peut plus, en exerçant la créance dont-il n'a point opposé la compensation, se prévaloir au préjudice des tiers, des privilèges ou hypothèques qui y étaient attachés, à moins qu'il n'ait eu une juste cause d'ignorer la créance qui devrait compenser sa dette ».

Le droit tunisien ne contient pas un texte similaire qui protège les tiers dans le cas le paiement d'une dette déjà compensée.

Mais qui est ce tiers que la compensation ne peut pas lui porter préjudice ?

Le mandataire n'est pas un tiers et les héritiers ne le sont pas aussi. Parmi les tiers on trouve les créanciers des parties qui ont acquis des droits sur leurs créances.

Le titulaire de la créance compensée peut avoir lui-même des créanciers qui comptaient sur cette créance pour se faire payer.

Dans ce cas, si ces créanciers avaient opéré une saisie arrêt de la créance entre les mains du débiteur, la compensation ne jouait plus à leur égard. La saisie arrêt défend au débiteur de payer puisqu'un paiement n'était pas possible, la compensation ne peut pas s'opérer.

L'article 426 du projet du code civil et commercial tunisien prévoyait que « la compensation n'a pas lieu au préjudice des droits régulièrement acquis à des tiers et, notamment, de ceux résultant d'une hypothèque, d'une saisie arrêt, d'une déclaration de faillite ».

Cet article est plus précis que l'article 379 du C.O.C. qui n'a repris que sa première partie. Il est, cependant, à noter que cette règle admet des exceptions si les dettes mutuelles sont étroitement liées tel que l'a affirmé la jurisprudence française qui a accepté la compensation bien qu'une saisie arrêt fût en cours dans plusieurs arrêts de la Cour de cassation française26(*).

Dans le cas de la cession de créance, l'acceptation d'une créance par le débiteur cédé vaut engagement abstrait et personnel de payer le cessionnaire27(*).

Ainsi, conformément à l'article 371 du C.O.C, si le débiteur cédé accepte purement et simplement la cession, il ne peut plus opposer au cessionnaire la compensation de ce qu'il aurait pu opposer au créancier primitif avant l'acceptation.

En tout cas, la cession des créances doit obéir aux règles générales prévues dans les articles 200 et suivants du C.O.C.

Dans le cas de la faillite, l'article 374 du C.O.C. prévoit que « la déchéance du terme produite par l'insolvabilité du débiteur (...) a pour effet rendre la dette compensable ». Par conséquent, la compensation aura lieu dans le cas de la faillite du débiteur.

Mais est-ce que cette disposition ne porte pas atteinte aux dispositions de l'article 379 prévoyant la protection des intérêts des tiers qui peuvent être dans ce cas les autres créanciers du débiteur failli ?

La solution de principe consiste en la considération que la compensation ne porte pas préjudice aux créanciers du failli avec la possibilité de porter atteinte aux droits de ceux-ci dans le cas où il existe une relation entre ces créanciers.

La compensation ne peut pas s'opérer après le jugement de faillite puisque le patrimoine du débiteur sera fixé le jour du jugement ouvrant la procédure de faillite et la compensation ne doit pas faire changer le contenu de ce patrimoine.

Bibliographie

I- Ouvrages généraux

v Jacques Guestin, Marc Billiau et Grégoire Loiseau : « Traité de droit civil : Le régime des créances et des dettes ».

v Henry Roland et Laurent Boyer : « Droit civil : Obligations ; régime général ».

v Jean Carbonnier : « Les obligations ».

v Boris Starck : « Les obligations ».

v Laurent Aynes : « Les obligations ».

v Alex Weil : « Les obligations ».

v G.Marty et P. Raynaud : « Les obligations »

v ÚÈÏ ÇáÑÒÇÞ ÇáÓäåæÑí : "ÇáæÓíØ í ÔÑÍ ÇáÞÇäæä ÇáãÏäí"

v ÍãÏ Èæ ÇáÊæÍ : "ÇáãÚÇãáÇÊ í ÇáÔÑíÚÉ ÇáÅÓáÇãíÉ"

v ãÍãÏ ÇáãÇáÞí : "ÔÑÍ ÇáÞÇäæä ÇáãÏäí"

II- Mémoires

Ø ÍÇÊã ÇáãÍãÏí: ãÐßÑÉ áäíá ÔåÇÏÉ ÇáÏÑÇÓÇÊ ÇáãÚãÞÉ "ÇáãÞÇÕÉ"

Ø ÍÓíä Èä ÔÑíÉ: ãÐßÑÉ ÎÊã ÇáÏÑæÓ ÈÇáãÚåÏ ÇáÚáì ááÞÖÇÁ. ÇáæÌ 12

III- Articles

Ø G.Vachet « La compensation », Droit Social 1997.

Ø René Demogue : « De la nature et des effets du droit éventuel » R.T.D. civil 1906.

IV- Site Internet

www.legifrance/gouvernement.fr

ANNEXE

Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 16 octobre 2007
N° de pourvoi : 06-14574
Non publié au bulletin Rejet

Président : Mme FAVRE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Lyon, 9 mars 2006), que, s'étant rendu caution, au profit de l'URSSAF, de la société Ceri Antirouille (la société), titulaire d'un compte courant ouvert dans ses livres suivant une convention signée en 1993, le Crédit industriel d'Alsace Lorraine (la banque) a payé à l'URSSAF une certaine somme qu'elle a portée le 29 juillet 2002 au débit d'un compte spécifique, tandis qu'elle inscrivait au crédit du compte courant le 30 juillet 2002 le montant d'effets de commerce remis à l'escompte par la société les 23 et 26 juillet 2002 ; que la banque a alors opéré la compensation des sommes figurant au crédit du compte courant et de celle portée au débit du compte spécifique ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 6 août 2002, la date de cessation des paiements étant fixée au 15 juin 2002, puis en liquidation judiciaire le 28 novembre 2002 ; que le liquidateur judiciaire, M. X..., a assigné la banque pour voir déclarer "inopposables à la masse des créanciers" les remises en compte courant opérées après la cessation des paiements et pour obtenir la restitution de ces sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant notamment à voir dire "inopposables à l'ensemble des créanciers" les paiements effectués par la banque les 29 et 30 juillet 2002 en connaissance de l'état de cessation des paiements de la société, alors, selon le moyen :

1 / que les paiements effectués par le débiteur au profit de sa banque au moyen de l'encaissement d'effets de commerce sur son compte courant, peuvent être annulés si la banque avait alors connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur ; qu'un tel paiement est réalisé, non au jour de la remise des effets de commerce, mais au jour de l'inscription par la banque des sommes correspondantes au crédit du compte courant du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la banque avait eu connaissance de l'état de cessation des paiements de la société le 26 juillet 2002 et qu'elle avait néanmoins porté au crédit de son compte courant, le 30 juillet 2002, la somme de 80 113,58 euros correspondant au montant de sept effets de commerce remis à l'encaissement par sa cliente les 23 et 26 juillet 2002, pour les virer immédiatement sur un compte spécifique qu'elle avait ouvert dans le but d'enregistrer la créance qu'elle détenait sur la société et d'en compenser le montant avec le solde de son compte courant ; que dès lors, en refusant d'annuler les opérations ainsi effectuées le 30 juillet 2002 au crédit du compte de la débitrice en liquidation judiciaire, à un moment où la banque avait connaissance de l'état de cessation des paiements de celle-ci, au motif que seule devait être prise en compte la date de remise desdits effets, la cour d'appel a violé l'article L. 621-108 du code de commerce ;

2 / qu'en s'abstenant de réfuter les motifs du jugement de première instance, dont M. X... avait demandé la confirmation, aux termes desquels la chronologie précise des faits, à savoir, le virement de 10 000 euros effectué par la banque le 30 juillet 2002, du compte courant de la société sur le compte interne créé à cet effet, qui n'avait été possible qu'en suite de la passation au crédit du compte courant de la société le 30 juillet 2002 de deux virements externes de 4 686,82 et 9 749,79 euros et d'un effet escompté à hauteur de 423,06 euros et le virement de 79 000 euros effectué par la banque le 30 juillet 2002, du compte courant de la société sur le même compte interne, qui n'avait été possible qu'après escompte de différents effets, à hauteurs respectives de 26 404,28 euros et 53 286,24 euros également en date du 30 juillet 2002, révélait la volonté affichée par la banque de réduire autant que faire se pouvait sa créance, nonobstant sa connaissance dès le 26 juillet 2002 de l'état de cessation des paiements dans lequel se trouvait sa cliente, et au préjudice tant du débiteur que de la masse des créanciers, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que la connaissance par la banque de la cessation des paiements de la société n'était acquise qu' à compter du 26 juillet 2002 et relevé que les effets de commerce ont été remis à l'escompte par le débiteur le 23 juillet 2002, pour les six premiers, et le 26 juillet 2002 pour le septième sans qu'il soit établi que, lors de la remise du dernier effet, la banque avait reçu la lettre de l'URSSAF lui faisant savoir que la société avait déclaré sa cessation des paiements, l'arrêt, réfutant les motifs du jugement infirmé, en déduit exactement que le montant des effets sont entrés au crédit du compte courant dès leur remise à l'escompte, peu important la date à laquelle a été opérée la régularisation comptable, de sorte que la nullité des remises ne pouvait être prononcée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que le liquidateur reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à voir annuler les opérations de compensation réalisées par la banque les 29 et 30 juillet 2002 et à la voir condamner à lui verser la somme de 123 553,68 euros correspondant au montant de ces opérations, alors, selon le moyen :

1 / que si l'interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire ne fait pas obstacle à ce que la compensation opère entre des dettes connexes, encore faut-il que les parties ou l'une d'entre elles n'aient pas délibérément provoqué cette connexité ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que, d'une part, la banque avait eu connaissance de l'état de cessation des paiements de la société le 26 juillet 2002, date de réception de la lettre de l'URSSAF l'informant que cette société avait déclaré sa cessation des paiements et que, d'autre part, le 29 juillet 2002, elle avait ouvert unilatéralement un compte spécifique dans le but d'enregistrer sa créance certaine, liquide et exigible au titre de la somme acquittée le 30 juillet 2002 à l'URSSAF en vertu de la caution consentie le 16 mai 2001 et de compenser le montant de cette somme avec le solde du compte courant de sa cliente ; que dès lors, en décidant que la compensation pour dettes connexes ainsi délibérément provoquée par la banque, à un moment où elle connaissait l'état de cessation des paiements de la société, était opposable aux créanciers de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 621-108 du code de commerce ;

2 / que la clause conventionnelle de compensation ne peut être considérée comme valable à l'égard de la procédure collective que lorsqu'elle a été convenue et a commencé à fonctionner bien avant la période suspecte, laquelle débute la première heure du jour fixé pour la date de cessation des paiements ; qu'en l'espèce la cour d'appel a constaté que la date de cessation des paiements de la société avait été fixée au 15 juin 2002 par le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'il résulte également des constatations de l'arrêt que la clause de compensation litigieuse conclue dès l'ouverture du compte courant en 1993, n'avait commencé à fonctionner qu'au mois de juillet 2002, soit pendant la période suspecte ; qu'en donnant néanmoins effet à cette clause de compensation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles L. 621-24 et L. 621-108 du code de commerce ;

3 / que dans ses conclusions d'appel, M. X..., ès qualités, soutenait que la clause 5 des conditions générales du compte courant de la société ne pouvait pas être interprétée comme autorisant la banque à ouvrir un autre compte sans l'autorisation de son client, dès lors que cette clause stipulait dans son alinéa 2 que le client était seul responsable de la situation de ses divers comptes dont il devait surveiller en permanence la situation, ce qui impliquait nécessairement que celui-ci eût donné son accord à l'ouverture de chacun de ses comptes ; que dès lors, en s'attachant exclusivement à l'alinéa 1er de la clause litigieuse, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de son alinéa 2, mettant à la charge du seul client l'entière responsabilité de la situation et du fonctionnement de ses divers comptes, que celui-ci devait nécessairement avoir autorisé l'ouverture de chacun de ses comptes, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par une interprétation souveraine des clauses de la convention de compte courant conclue en 1993, que la banque avait la faculté d'ouvrir, pour certaines opérations, des comptes spécifiques, sous-comptes du compte courant général, qu'elle pouvait à tout moment et sans formalité considérer comme fusionnés en un solde unique, l'arrêt retient que le cautionnement accordé par la banque à la société en raison de leurs relations d'affaires constitue un élément d'un ensemble contractuel unique, les parties ayant fait du compte courant le cadre général de leurs relations et en déduit exactement que la banque pouvait, en vertu de la clause convenue à cet effet avant la date de cessation des paiements, peu important la date de sa première mise en oeuvre, procéder à la compensation entre la créance certaine, liquide et exigible qu'elle détenait sur la société au titre de la somme acquittée au profit de l'URSSAF le 30 juillet 2001 et les créances connexes représentées par le solde du compte courant ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille sept.

Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mardi 20 mars 2007
N° de pourvoi : 05-44602
Non publié au bulletin Cassation

Président : Mme MORIN conseiller, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 213-1-1, L. 213-2 , L. 213-4 et L. 132-4 du code du travail, ensemble les articles 24 de la convention collective nationale des entrepôts d'alimentation du 29 mai 1969, 5-12 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, l'accord collectif de la société Easydis du 11 septembre 2001 et l'annexe 3 de l'accord d'entreprise Casino du 19 décembre 1996 ;

Attendu que l'article 24 de la convention collective des entrepôts d'alimentation applicable à la société Casino prévoyait une majoration de 20 % pour les heures de travail de nuit habituellement effectuées de 22 heures à 5 heures du matin ; qu'à la suite de la promulgation de la loi du 9 mai 2001, l'article 5-12 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, remplaçant la précédente convention, répute travail de nuit le travail effectué entre 21 heures et 6 heures du matin et maintient la majoration de 20 % pour les heures de nuit de 22 heures à 5 heures du matin dans l'attente d'une modification conventionnelle du régime des heures de nuit ; que la société Easydis, née le 1er juillet 2000 de la restructuration de la société Casino, a conclu un accord de substitution le 11 septembre 2001 prévoyant le maintien de l'application de l'accord Casino du 19 décembre 1996 dont l'annexe 3 prévoyait une majoration de 30 % pour les heures de travail de nuit ; que M. X... et huit autres salariés de la société Easydis ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande en application de la majoration des heures de nuit de 21 heures à 6 heures du matin à compter de la promulgation de la loi du 9 mai 2001 ;

Attendu que pour condamner la société Easydis au paiement de sommes au profit de ces salariés à titre de majoration de 30 % pour travail de nuit et à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, le jugement retient qu'en l'absence de définition du travail de nuit, l'accord Casino du 19 décembre 1996 se référait aux dispositions légales et conventionnelles alors applicables et que si l'article 24 de la convention nationale des entrepôts d'alimentation définissait ce travail de nuit comme celui accompli de 22 heures à 5 heures du matin, l'article L. 213-1-1 du code du travail issu des dispositions d'ordre public de la loi du 9 mai 2001 prévoit qu'est considéré comme travail de nuit celui accompli de 21 heures à 6 heures du matin, si bien que ladite convention collective était moins favorable que ces nouvelles dispositions légales ;

Attendu, cependant, qu'aux termes des trois premiers des articles susvisés, la contrepartie dont doivent obligatoirement bénéficier les travailleurs de nuit, au titre des périodes pendant lesquelles ils sont occupés, doit être prévue sous forme de repos compensateurs à laquelle peut s'ajouter le cas échéant une compensation salariale ; d'où il résulte que la définition du travail de nuit prévue par l'article L. 213-1-1 du code du travail n'a pas pour effet de modifier les conditions d'attribution de la compensation salariale du travail de nuit fixée par une convention collective, alors même qu'elle ne prendrait pas en compte la totalité des heures entre 21 heures et 6 heures ;

D'où il suit qu'en statuant comme il l'a fait, alors que les salariés ne pouvaient prétendre en application des dispositions conventionnelles applicables, qui n'étaient pas moins favorables que les dispositions légales, à une compensation salariale pour les heures de 21 heures à 22 heures et de 5 heures à 6 heures, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deux dernières branches du premier moyen et le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 juillet 2005, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Montauban ;

Condamne les défendeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille sept.


Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 5 mai 2004
N° de pourvoi : 03-87366
Non publié au bulletin Rejet

Président : M. COTTE, président

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Phouvilaykham,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, qui, pour abus de biens sociaux et banqueroute, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement dont 9 mois avec sursis, 7 500 euros d'amende, et à l'interdiction définitive de gérer ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3-40, L. 241-9, L. 626-1 et L. 626-2 du Code de commerce, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Phouvilaykham X... coupable d'abus de biens sociaux et de banqueroute par tenue de comptabilité incomplète ;

"aux motifs, repris des premiers juges, que Phouvilaykham X... a contesté être le gérant de fait de la société Data International Computer ; que cependant, il a déclaré avoir créé la société Data Equipement Kampany Computer, dans laquelle il était associé majoritaire ; que suite à la liquidation amiable de cette société, la société Data International Computer avait été créée à son initiative pour reprendre tous les actifs de la société DEK ; qu'il avait financé à 100 % la société Data International Computer, à l'exception du capital social ; qu'îl avait la signature sur les comptes de la société, ce qui est confirmé par le carton de signature du compte de celle-ci à la Banque San Paolo, et avait signé la quasi totalité des chèques de la société ; qu'il résulte de ses explications concernant les chèques établis à son ordre ou à celui de sa coprévenue qu'il avait entière liberté d'utilisation des comptes de la société ; qu'il assurait les relations avec les fournisseurs ; qu'il avait signé la majeure partie des documents juridiques et fiscaux, comme les DADS, ce qui est confirmé par le rapport des services fiscaux (D 172), qui indique également que de nombreuses factures d'achat étaient adressées à la société Data International Computer - Phouvilaykham X... ; que son salaire était supérieur à celui du gérant de droit, M. Y..., le mandataire liquidateur ayant fait état d'un salaire brut de 18 450 francs pour Phouvilaykham X... et d'un salaire brut de 13 000 francs pour M. Y... ;

qu'il a expliqué cette différence par le fait qu'il amenait tous les financements ; qu'il a soutenu qu'il décidait des embauches avec M. Y..., ce qui a été contesté par ce dernier, qui a indiqué que Phouvilaykham X... Phouvilaykham décidait des embauches et des salaires ; qu'il a reconnu qu'il s'occupait de la partie commerciale, et M. Y... de la partie technique ; qu'il résulte de cet ensemble d'éléments que Phouvilaykham X... exerçait une activité de direction et de gestion de la société Data International Computer et doit être considéré comme gérant de fait de celle-ci ;

"1) alors qu'en matière d'abus de biens sociaux, le contenu de la notion de dirigeant de fait n'est pas la même selon que l'on est dans le cadre d'une société anonyme ou d'une SARL ; que dans les sociétés anonymes, parce que les directeurs généraux peuvent être poursuivis en application des dispositions de l'article L. 242-6 du Code du commerce, peuvent être considérés comme des dirigeants de fait aux termes de l'article L. 245-16 non seulement ceux qui ont sous le couvert ou aux lieu et place des dirigeants de droit, exercé la direction ou la gestion mais aussi l'administration ;

qu'en revanche, dans les SARL, parce que seuls les gérants peuvent être poursuivis aux termes de l'article L. 241-3, ne peuvent être considérés comme des dirigeants de fait que ceux qui ont exercé la gestion conformément à l'article L. 241-9 sous le couvert ou aux lieu et place du gérant légal c'est-à-dire ceux qui ont usurpé l'ensemble des pouvoirs du gérant de droit et que par conséquent l'exercice de simples pouvoirs d'administration tel que le pouvoir d'établir des chèques ou de signer les documents juridiques et fiscaux ou la direction du compartiment commercial de la société impliquant nécessairement des relations avec les fournisseurs ou un certain pouvoir d'embauche, ne permettent pas de caractériser la gérance de fait en sorte que les motifs susvisés de l'arrêt procèdent d'une violation de la loi ;

"2) alors qu'en matière de banqueroute, seuls peuvent être considérés comme des gérants de fait, ceux qui, conformément à l'article L. 626-1 du Code de commerce ont "dîrigé" ou "liquidé" la personne morale concernée ; qu'il s'ensuît que, pour condamner en sa qualité de dirigeant de fait une personne qui n'a pas liquidé une SARL, les juges du fond doivent constater qu'elle a exercé l'ensemble des pouvoirs de direction au sein de la société, de simple pouvoir d'administration ou de simple direction du compartiment commercial de la société, tels que ceux relevés par l'arrêt, ne permettant pas de caractériser la direction d'ensemble de la société" ;

Attendu que, pour déclarer Phouvilaykham X... coupable d'abus de biens sociaux et de banqueroute en qualité de gérant de fait de la société Data international Computer, l'arrêt attaqué prononce par les motifs adoptés exactement repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent que le prévenu a accompli des actes de gestion en toute indépendance et sous le couvert des organes statutaires de la société, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3-40 et L. 241-9 du Code de commerce, 1289 et suivants du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Phouvilaykham X... coupable de l'abus de biens sociaux ;

"aux motifs que Phouvilaykham X... reconnaît avoir constitué la société Data International Computer au mois d'avril 1994 dans le but d'écouler le stock d'une précédente société créée entre lui et sa sceur en 1991 : la société Data Equipement Kampany Computer, dissoute amiablement au mois de juin 1994 après que des poursuites eurent été engagées contre lui pour recel de matériel informatique ; qu'il reconnaît avoir prélevé sur les fonds sociaux une somme de 2 215 700 francs au moyen de huit chèques émis par lui grâce, à sa procuration, sur le compte de la société ; que selon ses explications, il voulait ainsi se payer du matériel qu'il avait apporté à la société Data International Computer lors de sa création ; qu'il n'est pas discuté que le matériel en cause provenait de la société Data Equipement Kampany Computer, dissoute amiablement ; qu'or le prévenu ne rapporte pas la preuve qu'il aurait racheté à cette dernière le stock restant pour en faire apport à la nouvelle société et les statuts de la société ne mentionnent aucun apport en nature ni aucune intervention d'un commissaire aux apports ; que dès lors le prélèvement de cette somme, qui n'est appuyé d'aucune pièce justificative, constitue un usage abusif des biens de la société pénalement punissable ; qu'il en est de même des chèques d'un montant de 465 000 francs émis dans des conditions identiques par Phouvilaykham X... au profit de Chantal Z..., épouse A... ;

"1) alors que dans la mesure où la société Data Equipement Kampany Computer avait été dissoute amiablement, ce qui impliquait d'évidence un partage entre les associés parmi lesquels figurait Phouvilaykham X..., ce dernier n'avait nullement à rapporter la preuve qu'il avait racheté le matériel de cette société pour l'apporter à la société Data International Computer et que, par conséquent, la cour d'appel a statué par un motif manifestement inopérant ;

"2) alors que, dès lors que Phouvilaykham X... invoquait l'existence d'une créance réciproque entre lui-même et la société Data International Computer, la cour d'appel qui constatait implicitement que l'existence de cette créance réciproque ne pouvait être écartée puisque selon ses propres constatations la société Data International Computer avait été constituée en vue de reprendre le matériel de la société Data Equipement Kampany Computer, ne pouvait s'abstenir d'ordonner un supplément d'information ayant pour but de rechercher si les conditions de la compensation légale étaient réunies" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 626-1 et L. 626-2 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Phouvilaykham X... coupable de banqueroute par tenue incomplète de comptabilité ;

"aux motifs que la société Data International Computer, qui a fait l'objet de deux contrôles fiscaux au cours de l'année 1997, a cessé son activité à la fin de l'année 1997 et sur saisine d'office, a été mise en liquidation judiciaire le 6 juin 1998, la date de cessation des paiements étant fixée au 31 décembre 1997 ; que l'administration des Impôts, dont les notifications de redressement sont régulièrement jointes à la procédure, et le mandataire liquidateur ont constaté qu'aucune comptabilité n'avait été tenue pour 1994 et 1995 et que pour les exercices 1996 et 1997 une comptabilité avait été reconstituée mais de manière très incomplète en raison du refus de Phouvilaykham X... de remettre les pièces comptables et en particulier celles afférentes aux achats et aux ventes, de sorte que cet embryon de comptabilité avait été rejeté par l'administration des Impôts comme irrégulier et non probant ; que le prévenu reconnaît que la société s'est délibérément abstenue de tenir une comptabilité et ne dénie pas sa responsabilité ;

"1) alors que le juge répressif ayant l'obligation de constater l'existence des éléments constitutifs de l'infraction poursuivie, il ne saurait se borner à justifier sa décision par la considération que le prévenu reconnaît les faits ;

"2) alors que le juge répressif saisi de faits constitutifs du délit de banqueroute par tenue irrégulière ou incomplète de comptabilité, ne saurait fonder sa décision quant à l'existence de ce délit sur les conclusions des documents établis par l'administration fiscale selon ses procédures propres dès lors qu'il n'en a pas vérifié lui-même l'exactitude ;

"3) alors que le délit de banqueroute par tenue irrégulière ou incomplète de comptabilité n'est constitué qu'autant que la méconnaissance de ses obligations comptables par l'entreprise a provoqué la cessation des paiements et que la cour d'appel, qui n'a constaté dans sa décision l'existence d'aucun lien de cause à effet entre le caractère incomplet de la comptabilité et la cessation des paiements de la société Data International Computer, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes du Code de commerce susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du protocole n° 7 du 22 novembre 1984 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 15 de la charte des droits fondamentaux signée par les quinze pays de l'union européenne à Nice le 7 décembre 2000, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, préliminaire du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé à l'encontre de Phouvilaykham X..., à titre définitif, une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale, artisanale et toute personne morale ;

"1) alors que l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme interdit le prononcé d'une double peine pour les mêmes faits ; que l'interdiction susvisée est par sa nature une peine au sens de ce texte conventionnel et que la cour d'appel ayant déjà prononcé à l'encontre de Phouvilaykham X... une peine d'emprisonnement en partie ferme et une amende pour les mêmes faits, ne pouvait, sans méconnaître le texte susvisé, prononcer à son encontre une interdiction générale de gérer et d'administrer ;

"2) alors qu'aux termes de l'article 15-1 de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie et acceptée ; que ce texte signé par la France ne prévoit aucune restriction à ce principe fondamental et qu'en prononçant à titre définitif à l'encontre de Phouvilaykham X... une interdiction générale de gérer et d'administrer toute entreprise et toute personne morale, la cour d'appel a méconnu les engagements internationaux de la France ;

"3) alors qu'aux termes de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme, la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et qu'une peine perpétuelle ne correspond pas au principe général édicté par ce texte ;

"4) alors que le principe de proportionnalité des contraintes auquel peut être soumise une personne énoncée par l'article préliminaire du Code de procédure pénale, ayant été édicté par la loi du 15 juin 2000 c'est-à-dire postérieurement aux textes des articles L. 625-8 et L. 626-6 du Code de commerce ainsi qu'à l'article 131-27 du Code pénal autorisant le prononcé d'une interdiction définitive de gérer à l'encontre des personnes condamnées pour banqueroute, implique l'abrogatîon implicite de cette interdiction" ;

Attendu qu'en condamnant Phouvilaykham X..., déclaré coupable de banqueroute, à la peine complémentaire de l'interdiction définitive de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale, artisanale et toute personne morale, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles L. 626-5 du Code de commerce et 131-27 du Code pénal, sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

Que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre

* 1 Le Doyen CARBONNIER : « Les obligations »

* 2 Jacques Ghestin, Marc Billiau et Grégoire Loiseau « Le régime des créances et des dettes ».

* 3 Guy Duboc « La compensation et les droits des tiers ».

* 4 Carbonnier, « Les obligations ».

* 5 Art. 312 du C.O.C.

* 6 ÍãÏ Èæ ÇáÊæÍ : ÇáãÚÇãáÇÊ í ÇáÔÑíÚÉ ÇáÅÓáÇãíñÉ ÇáÌÒÁ Çáæá

* 7 ÍÓíä Èä ÔÑíÉ: ÑÓÇáÉ ÎÊã ÏÑæÓ ÇáãÚåÏ ÇáÚáì ááÞÖÇÁ "ÇáãÞÇÕÉ"

* 8 Jacques Ghestin avec le concours de Marc Billiau, Traité de droit civil : les obligations : les effets du contrat, 1ére éd., L.G.D.J., 1992, p. 353.

* 9 Arrêt n° 4443 du 28 février 1983.

* 10 Com. 28 mai 1991, R.T.D. 1992, p. 103.

* 11 Com. 12 février 1980, Bulletin civil IV n° 57.

* 12 Tribunal de première instance de Mahdia, jugement rendu en matière civile n°139 du 10 mai 1965, R.J.L. 1966, n° 2, p. 67.

* 13 Cass. civ. n° 10250 du 6 mars 1975, B.C.C. 1975, Partie 1, p. 134.

"ÍíË äñå íÔÊÑØ í ÇáãÞÇÕñÉ ä íßæä ÇáÏñíäÇä ÍÇáñíä æ ãÚáæãí ÇáãÞÏÇÑ"

* 14 Cass. civ. n° 9470 du 31 mai 1984, B.C.C 1984, Partie 1, p. 354.

"ÍíË ÇÞÊÖì ÇáÕá 369ãä ã.Å.Ú... æ ÍíË äñ åÐÇ ÇáäñÕñ íÔÊÑØ í ÇáãÞÇÕñÉ ËÈæÊ ÇáÏñíäíä"

* 15 Cass. civ. n° 3679 du 3 octobre 1939.

* 16 Jean Carbonnier, « Les obligations ».

* 17 G. MARTY et P.RAYNAUD, « Les obligations », 1962, n° 638, p. 614 ; A. BENABART, « Les obligations » 9ème éd., 2003, n° 823, p. 553.

* 18 Cass. crim., 28 janvier 1957, p. 298 ; 7 décembre 1967.D., p.353 ; 4 janvier 1973 Bulletin criminel n° 3.

* 19 G. VACHET, « La compensation », Dr. Soc. 1997, p. 600.

* 20 René DEMOGUE, « De la nature et des effets du droit éventuel » R.T.D. Civil 1906, p. 309 ;

* 21 BORIS STARCK, « Les obligations » p.741

* 22 Art. 380 du C.O.C.

* 23 Art. 1512 du C.O.C.

* 24 Hatem Lemhamdi, « La compensation », Mémoire de D.E.A., Faculté de Droit et de sciences politiques de Tunis 1995.

* 25 Art. 380 du C.O.C.

* 26 Chambre civile 1, Cour de cassation française, 25 octobre 1972.

* 27 Voir Hatem Mhamdi, ouvrage précité.






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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand