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Le centre de détention de CASABIANDA, emblématique prison de paradoxes

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par Paul-Roger GONTARD
Université Aix-Marseille III - Master 2 de droit, spécialité lutte contre l'insécurité 2008
  

Disponible en mode multipage

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Université Paul CEZANE - Aix-Marseille III

Faculté de Droit et de Science Politique

Le Centre de Détention de CASABIANDA

- Emblématique prison de paradoxes -

Paul-Roger GONTARD

- Master 2 Lutte Contre l'Insécurité -

Sous la direction de Monsieur Bernard LEVY

- Août 2008 -

« Ce travail est dédié à tous ceux qui oeuvrent quotidiennement pour un progrès humaniste des institutions de la République. »

Remerciements :

à l'équipe pédagogique et à l'administration de la Faculté de Droit et de Science Politique de l'Université Paul CEZANE - Aix-Marseille III, et plus particulièrement :

à Monsieur Bernard LEVY, Directeur de la Maison d'arrêt de Luynes, mon directeur de mémoire, pour son soutien dans l'élaboration de ce travail.

à Maître Gaëtan DI MARINO, responsable du Master, pour son accueil dans la formation qu'il dirige.

à Monsieur ASSET, Directeur Régional de l'administration pénitentiaire de Marseille, qui a bien voulu autoriser mon accès à l'établissement de CASABIANDA.

à Madame DOUCET, Directrice du centre de détention de CASABIANDA, et à Madame DANY, Directrice adjointe, pour leur soutien et leur ouverture.

à l'ensemble du personnel du centre de détention, qui m'a accueilli avec générosité, et aux détenus de CASABIANDA qui ont accepté de collaborer à cette étude.

à Coralie, ma compagne, pour son courage et sa patience dans la vie ... et dans son aide de correction.

à ma famille, toujours présente, pour rendre la vie et le travail plus aisé chaque jour.

Et pour leur aide particulière je veux adresser ici mes remerciements les plus sincères à M. FRATICELLI, conseiller général de Haute Corse et Maire d'Aléria ; aux habitants d'Aléria et plus particulièrement à M. BIANCARDINI pour son aide dans mes recherches, à Jean-Baptiste PAOLI, instituteur de CASABIANDA, pour sa disponibilité pleine de bonne humeur ; à M. DUMAS, premier directeur de CASABIANDA, précieuse mémoire de cet établissement ; à M. CAPELLO, directeur du centre pénitentiaire du Pontet ; à M. CARLIER, Historien ; et plus largement à tous ceux qui m'ont accompagné, aidé, aiguillé, conseillé pour faire de ce mémoire un travail que j'espère de qualité.

« L'Université n'entend donner aucune approbation ou imputation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propre à l'auteur. »

« La sanction pénale est le complément de la loi.

L'application effective de la peine aux coupables est l'accomplissement de la justice sociale. »

Pellegrino ROSSI, Traité de Droit Pénal, 1825

« Le détenu est sous l'oeil du gardien, le gardien sous l'oeil du directeur, la prison sous l'oeil du peuple. »

Jeremy Bentham, le Panoptique, 1786

« Celui qui ouvre une porte d' école, ferme une prison. »

Victor HUGO

Sommaire

Sommaire 9

Table des abréviations 11

Chronologie comparée de l'Histoire de CASABIANDA 12

Introduction 14

- Partie I - CASABIANDA, établissement pénitentiaire hors norme. 19

- Partie II - CASABIANDA, prison unique et emblématique. 102

Conclusion 153

Bibliographie 156

Table des matières 165

Table des abr\u233·viations

C.D. : Centre de Détention

C.I.P. : Conseiller d'Insertion et de Probation

C.N.O. : Centre National d'Observation

C.N.O.S.A.P. : Comité National des OEuvres Sociales sportives et

culturelles de l'Administration Pénitentiaire

C.P.P. : Code de Procédure Pénale

L.O.L.F. : Loi Organique des Lois de Finances

R.I.E.P. : Régie Industrielle des Etablissements Pénitentiaires

S.P.I.P. : Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation

U.C.S.A. : Unité Carcérale de Soins Ambulatoires

U.V.F. : Unité de Vie Familiale

1810 :

Le code Pénal privilégie la prison comme peine.

1840 :

Dumenicu Cesaru FRANCESCHETTI revient sur les terres de sa famille..

1884 :

Fermeture du pénitencier agricole de CASABIANDA..

1862 :

Vente aux enchères du domaine de CASABIANDA ; acquisition par l'Etat.

Ouverture du Pénitencier agricole de CASABIANDA.

Sources : www.justice.gouv.fr ; www.criminocorpus.cnrs.fr ; www.eleves.ens.fr (Ecole Normale Supérieur) ;

1900

1890

1880

1870

1860

1850

1800

1810

1820

1830

1840

1838-1850 : Ouverture des 12 premières colonies agricoles pénitentiaires

1872 :

Création de la commission parlementaire d'Haussonville.

1885 :

Loi Bérenger sur la libération conditionnelle et le sursis.

1875 :

Loi Bérenger sur l'emprisonnement cellulaire.

1854 :

Loi sur les bagnes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie..

1815

1804

1824

1848

1852

1871

Histoire de Casabianda

1839 :

Le règlement intérieur des maisons centrales porte interdiction de parler, de fumer, de boire du vin et obligation de travailler et de porter le costume pénal.

1842 :

Le cachot, principale sanction disciplinaire.

Louis

Philippe

Charles

X

Restauration

Louis XVIII

Premier

Empire

Consulat

IIIième

République

Histoire de France

Histoire des réformes et de l'administration pénitentiaire française

IInd

Empire

IInde République

Chronologie comparée de l'Histoire de CASABIANDA 1981 : Abolition de la peine de mort.

1987 : Loi précisant les missions de l'administration pénitentiaire.

1911 : L'administration pénitentiaire est rattachée au Ministère de la Justice.

1975 : Création des centres de détention.

1959 : Création du sursis avec mise à l'épreuve.

1945 : Réforme Amor.

1977: Meurtre du surveillant FRATANI.

1984: Ouverture des « chambres d'amour ».

1948 : Ouverture du Centre pénitentiaire agricole de CASABIANDA.

Sources : www.justice.gouv.fr ; www.criminocorpus.cnrs.fr ; www.eleves.ens.fr (Ecole Normale Supérieur) ;

1938 : Fermeture du dernier bagne colonial.

2000

G.P.R.F.

Gouvernement de Vichy

IIIième

République

1958

1945

1944

1940

Vième

République

IVième

République

Histoire des réformes et de l'administration pénitentiaire française

Histoire de France

Histoire de Casabianda

1990

1980

1970

1960

1950

1900

1910

1920

1930

1940

Introduction

« Parmi les peines et la manière de les infliger, il faut donc choisir celle qui, proportion gardée, doit faire l'impression la plus efficace et la plus durable sur l'esprit des hommes et la moins cruelle sur le criminel. »

Cesare Bonesana BECCARIA, Traité des délits et des peines.1(*)

Ce principe posé en 1764 par le Marquis BECCARIA, père de la conception moderne du droit pénal, ne cesse, de charpenter le renouvellement et l'invention des sanctions pénales, et leurs applications.

Notre époque n'échappe pas à la règle. Le 28 juillet 2008, Rachida DATI, Garde des Sceaux, présentait en Conseil des Ministres un nouveau projet de loi pénitentiaire qui devrait être débattu par les Assemblées parlementaires à l'automne.

Les enjeux sont d'importance. Le parc pénitentiaire est vieillissant, et de l'avis de certains, « indigne d'un pays comme la France2(*) ». La population carcérale a battu un nouveau record le 1er juillet 2008 avec 64.250 personnes détenues3(*). Les débats autour de la récidive des sortants de prison, entretenus par plusieurs fait divers4(*) et de nouveaux textes législatifs5(*), agitent régulièrement l'opinion.

Par son projet de loi, la Ministre de la Justice veut développer « une prison moderne, digne, et une nouvelle vision de la privation de liberté avec la prison "hors les murs" ». Elle rappelle par ailleurs que «  le fait de condamner, de sanctionner, de priver de liberté peut prendre d'autres formes que l'emprisonnement. »6(*)

Cependant, rien, dans ce projet de loi, n'indique la volonté de développer un modèle français qui semble pourtant déjà avoir fait ses preuves et réponde efficacement aux actuelles préoccupations carcérales : le modèle du centre de détention de CASABIANDA.

Quiconque s'intéresse aujourd'hui à la pénologie carcérale et à son interprétation criminologique, est interpellé par la découverte de cette prison « sans murs ».

Mais lorsque la curiosité pousse jusqu'à la recherche de documentation, force est de constater que très peu de travaux ont été entrepris à son sujet. En effet, aucune étude récente, aucun article scientifique, aucune communication universitaire ne traite de cet établissement. Il semble que son éloignement du continent l'est rendu invisible aux yeux avisés des professionnels du droit. Un étonnant désintérêt pour un établissement qui fut ouvert il y a 60 ans.

Et il en est de même pour les politiques. Lorsqu'ils évoquent ce centre de détention, ils partagent l'étonnement que suscite l'établissement, mais ne propose toutefois pas de s'en inspirer, ou d'étudier plus avant son modèle. L'une des seules traces de rapport parlementaire à son sujet se résume dans ces quelques lignes :

« Situé au bord de la mer sur la côte orientale de la Corse, le centre de détention de Casabianda qui accueillait, au 1er janvier 2000, 210 détenus, tous condamnés pour délinquance sexuelle, dont certains à de longues peines, ne ressemble absolument pas, aux dires des membres de la commission qui l'ont visité, à l'idée que l'on se fait d'une prison : pas d'enceinte, cellules ouvertes, pavillon pour accueillir les couples dans la journée. Les détenus y travaillent à des travaux agricoles et sont correctement rémunérés. Il n'y a que peu d'incidents, pas de violence, pas de caïdat, pas d'évasion ; la menace d'être transféré dans un autre centre de détention semble très dissuasive ce qui illustre bien le caractère inégalitaire de la détention, selon l'établissement où l'on se trouve incarcéré. »7(*)

Etablissement pour peine réservé aux hommes, le centre de détention de CASABIANDA s'est installé en Corse à quelques kilomètres du village d'Aléria. Au nord du domaine se trouve l'étang Dél Sale, au nord-ouest, le Tagnone, affluant du Tavignano, à l'est, la Mer Tyrrhénienne, au sud, l'étang d'Urbino et au sud-ouest une plantation d'eucalyptus. Dans cet environnement de verdure et bordé par la plage, a cours un régime de détention qualifié par ceux qui le connaissent, d'unique en Europe.

C'est pourquoi, de ce double constat d'intérêt collectivement admis, et de carence scientifique, s'est imposée à moi l'étude de centre de détention comme sujet de recherche dans le cadre de mes travaux universitaires.

Le présent ouvrage aura donc pour premier objet de combler ce vide, en rassemblant les éléments, jusque là épars, qui évoquent d'un point de vue criminologique ou pénologique l'expérience de CASABIANDA.

De plus, l'exemple de cet établissement nous permettra dans un second temps, d'avancer des solutions alternatives, originales et efficaces aux actuelles préoccupations liées au traitement de la population pénale.

Ce sera, en outre, l'occasion de rendre un peu de mémoire à cet établissement et à la terre qui l'accueille. De nombreux documents relatifs au centre de détention figureront donc en annexes de ce travail pour rassembler dans un seul ouvrage (pour l'avenir et pour d'autres travaux peut-être) des pièces aujourd'hui dispersées dans les bibliothèques, les archives de l'Administration Pénitentiaire, ou, chez des particuliers.

Ce mémoire se veut donc être un outil complet pour comprendre dans toutes ces acceptions pénales, carcérales et fonctionnelles le centre de détention de CASABIANDA, pour, ensuite, tenter de théoriser l'expérience de cette structure et essayer d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposent.

Par égard pour cet établissement, j'invite ici ceux qui souhaiteraient à la suite de ce travail, communiquer sur l'existence de ce lieu, à le faire avec précaution. Non parce qu'il existe certaines informations sensibles ou dissimulées à son sujet, mais parce que les premières impressions que suscite cet établissement font souvent appel à l'émotion plus qu'à la raison.

Les a priori à son égard allant même jusqu'à faire douter certains de son identité carcérale, nous nous attacherons donc, dans un premier temps, à observer et à réaffirmer ses caractéristiques pénitentiaires, bien que parfois originales (Partie 1). Puis, dans un second temps, nous analyserons les conséquences de l'accumulation de ses originalités, puisqu'elles ont su faire de CASABIANDA une prison certainement unique, et même emblématique d'un renouveau possible de la conception française de l'emprisonnement (Partie 2).

- Partie I - CASABIANDA, \u233·tablissement p\u233·nitentiaire hors norme.

Titre 1 : L'identité carcérale de CASABIANDA

Tous ceux qui ont parcouru les quelques kilomètres qui séparent la route nationale qui traverse le domaine, des bâtiments de détention sur la côte Est de la Corse, retiennent immanquablement cette première image : une interminable allée de platanes bordée par d'immenses étendues de champs, où les oiseaux vous accueillent avec bienveillance par leurs douces mélodies ; puis, au milieu du chemin, un panneau planté entre deux arbres qui rappelle que nous sommes sur un terrain du Ministère de la Justice dont l'accès est strictement réglementé. Ainsi, il y a toujours à CASABIANDA quelque chose pour vous rappeler que vous êtes dans un lieu de détention ; des rappels sans lesquels ce domaine pourrait bien passer pour un paisible coin de Corse que les touristes ont pour l'instant raisonnablement épargné. C'est en partie pour cela que les clichés et les caricatures y sont faciles. S'arrêter à cette première vision, où à toute autre qui lui ressemble dans CASABIANDA (le soleil et la mer, la plage et les cannes à pêche, les champs et les grands arbres, les troupeaux d'élevages et les animaux sauvages ...) et les présenter comme étant tout CASABIANDA, serait méconnaître la réalité de ce lieu. Certes ce sont là des composantes bien singulières pour une prison, mais ce centre de détention n'en reste pas moins une véritable prison. Voilà pourquoi nous devons, avant de découvrir les particularités du centre de détention de CASABIANDA, réaffirmer cette identité carcérale par l'étude de ces composantes (Chapitre 2).

Mais avant tout, la terre et la prison de CASABIANDA ont une longue histoire. Ces histoires ont forgé à leur manière l'émergence de l'identité carcérale du lieu, et expliquent pour beaucoup les originalités actuelles. Preuve de ce lien qui unit la prison à sa terre, le C.D. de CASABIANDA est un de ces rares établissements pénitentiaires qui ne porte pas le nom de la ville sur lequel il est implanté, mais plutôt, dans le cas qui nous occupe, l'appellation d'un domaine. Cette particularité n'est qu'une des composantes qui font l'originalité identitaire de CASABIANDA, mais elle souligne bien le caractère historique de ce lieu. Nous débuterons donc dans un premier temps par un premier parcours de plusieurs siècles sur ces terres corses, et emprunterons le chemin qui a mené l'Histoire jusqu'à la construction du centre de détention que nous connaissons aujourd'hui (Chapitre 1).

Chapitre 1 : Brève histoire d'une prison, et de sa terre.

Afin d'appréhender dans toute son identité l'actuel centre de détention de CASABIANDA, il est avant tout nécessaire d'en saisir toutes les origines et celles de sa terre. Bien que ce mémoire n'ait pas la prétention d'avoir la valeur d'une étude historique, j'ai voulu, devant la carence actuelle d'une historiographie exhaustive, tant sur la prison, que sur le domaine de CASABIANDA, profiter de ce travail écrit pour rassembler, dans un seul document, les sources essentielles qui permettent de cheminer dans l'histoire de cette terre et de ceux qui y ont vécu. Une histoire d'autant plus riche que bien souvent elle prête ce lieu au déroulement d'évènements historiques significatifs pour la région et même au-delà. Nous évoquerons donc l'histoire de cette terre nommée plus tard domaine de CASABIANDA, dès les premiers temps de l'Histoire des Hommes (Section 1). Puis nous découvrirons le premier établissement pénitentiaire qui fut construit sur ces terres au XIXème siècle (Section 2), avant d'évoquer ce que l'on peut bien qualifier aujourd'hui d'alchimie historique, la genèse, puis l'histoire, de l'actuel Centre de détention de CASABIANDA (Section 3).

Section 1 : De l'origine du domaine

Les terres et les environs du domaine de CASABIANDA sont primordiaux pour l'histoire de la Corse. Tête de pont de la colonisation civilisatrice de l'antiquité, CASABIANDA et la région d'Aléria vivront ensuite au rythme des dominateurs successifs du bassin méditerranéen. Une valse historique conclue par le rattachement de l'île à la France en 1769.

§ 1 : De la période antique8(*)

Bien que l'île fût investie par les Hommes depuis le VIème millénaire avant J.C., la sortie de la préhistoire se fit en Corse autour de 564 avant J.C. C'est en effet à cette date que les greco-phocéens venus de Marseille débarquèrent sur l'île, dans la proche région de CASABIANDA, si ce n'est sur l'emplacement même de l'actuel domaine, dans les terres lacustres de l'embouchure du Tavignane. Les fondateurs de Marseille décidèrent alors, après que la tradition des oracles soit dûment respectées, d'installer là un comptoir agricole et de commerce du nom d' (Alalia)9(*). De modeste comptoir de commerce, la colonie d'Alalia devient vite, par l'apport de nouveaux arrivants phocéens, une cité d'importance dans la mer Tyrrhénienne. Cette carte extraite de l'ouvrage historique de référence Le mémorial des Corses, en 7 volumes10(*), nous permet d'appréhender la place et l'ampleur de l'étendue supposée de cette cité antique, ainsi que l'inclusion du domaine de CASABIANDA dans celle-ci.

Une place qui inquiéta Etrusques et Carthaginois qui dominaient jusqu'alors cette région de la Méditerranée. Pour mettre fin à ce qui commençait à être une nouvelle concurrence, une coalition de navires de guerres Etrusques et Puniques prit la mer en 535 av. J.C. Le but avoué de cette expédition : s'attaquer à la ville et s'emparer de toute sa région. Une bataille navale s'engagea alors, au large de ce qui est aujourd'hui CASABIANDA, entre une flotte de cent vingt navires coalisés et soixante bateaux phocéens rassemblés pour l'occasion.11(*) L'issue de la bataille donna peu de temps après l'avantage aux Etrusco-Carthaginois, ce qui historiquement marqua d'un point final l'expansion grecque à l'ouest de la Méditerranée. Cet épisode antique, qui se déroule aux larges des plages de ce qui est aujourd'hui le centre de détention, se conclut par le départ des phocéens d'Alalia, laissant la place libre à la domination des Etrusques voisins, puis dans un deuxième temps des Carthaginois.12(*)

L'Histoire suivant son cours, ce sont les Romains, ayant pris le pas sur les Etrusques dans la péninsule italienne, qui s'intéresseront désormais à la cité portuaire. Alors que Rome et Carthage se disputent la Méditerranée, le général romain, Cornélius Scipion se charge de conquérir puis de raser Alalia, alors carthaginoise, en 259 av. J.C.

Profitant d'une situation géographique stratégique, face à la cité éternelle, la République romaine, désormais souveraine de ces terres, fondera sur ces ruines autour de l'an 100 av. J.C. la nouvelle cité d'Aléria. Alors qu'entre le IIème et Ier siècle av. J.C. c'est toute l'île qui tombe sous domination romaine, d'un modeste port de commerce installé sur la côte orientale de l'île, Rome fera d'Aléria la nouvelle capitale de la Corse, et un grenier à blé pour toute l'Italie.

Les premiers temps du Christianisme ont peut-être eux aussi laissés leurs traces sur les rives de l'embouchure du Tavignane. En effet, pour certains, la légende voudrait que sainte Dévote (sainte patronne de la Corse) y fût martyrisée autour du IIIème siècle de notre ère13(*). Peut être que quelques pierres de son supplice gisent encore dans les champs de CASABIANDA.

De toutes ces périodes, la région d'Alalia, puis celle d'Aléria, retirera les bénéfices que pouvait être en droit d'espérer un port situé dans un emplacement si stratégique. De riches et exotiques marchandises, des idées nouvelles et le progrès technique se répandront en Corse grâce à cette cité d'Aléria installée près de l'embouchure du Tavignane.

§ 2 : D'un empire à un autre

Lorsqu'au IVème siècle, Rome sombra dans la décadence, les pirates et les invasions barbares fondirent sur la Corse en même temps que sur le reste du bassin méditerranéen. Les Vandales, peuple germanique désormais maître des terres de Rome et de Carthage, détruisirent Aléria au milieu du Vème siècle, et occupèrent pour plusieurs siècles la côte orientale de l'île. L'histoire du domaine de CASABIANDA retiendra pour l'avenir que les Vandales, en traversant la Mer Tyrrhénienne, ont importé le germe de la malaria qui sévissait alors sur la côte occidentale de l'Italie.

Dès lors, les terres de CASABIANDA vont vivre au rythme des guerres de possession dont la Corse va faire l'objet pendant plus d'un millénaire. Passée aux mains de l'Empire d'Orient, puis dans celles des rois Francs, l'île finit par être donnée par Charlemagne à l'Etat pontifical. Les Maures, en quête de terres sans protection pour en piller les richesses, font de nombreux raids au cours du IXème siècle.

Assurant une mission pour le Pape, Pise et Gènes s'allient pour combattre les Maures en Corse, ce qui, en récompense, vaudra à l'évêque de Pise le gouvernement de l'île. Pendant deux siècles, jusqu'à la fin du XIIème siècle, les Pisans administreront la Corse. Puis, Pise laissera la place à Gènes qui s'appropriera l'île jusqu'au XVIIIème siècle. De cette longue période, Aléria et sa région, CASABIANDA ne faisant pas exception, garde des traces de la domination Génoise. En particulier par la construction du fort d'Aléria au XVème siècle et l'édification de grenier de stockage le long de la côte orientale. De l'observation que j'ai pu faire de quelques vestiges présents sur le domaine de CASABIANDA, il est fort probable que les pans de murs de briques rouges les plus en amont du domaine soient des vestiges de ces grands greniers. Le domaine de CASABIANDA était alors un « procoio », un domaine constitué de terres confisquées aux communautés corses au profit d'un riche génois14(*). Cette carte reproduite elle aussi depuis le premier volume du Mémorial des Corses15(*), montre que dès le Moyen Âge, et plus vraisemblablement à la Renaissance, le domaine fût référencé dans la cartographie génoise.

Plusieurs familles de propriétaires semblent s'être d'ailleurs succédées sur ce domaine pendant la période génoise. Giorgio DORIA y fait construire une maison en 156916(*). La famille SPINOLA tire de l'exploitation de ce domaine 20.000 lires en 166517(*), une somme qui montre la bonne productivité de leur exploitation.

La région d'Aléria accueillera à nouveau un débarquement historique en 1755, lorsque Pascal PAOLI accostera dans son port pour commencer son oeuvre d'indépendance de l'île. La famille MATRA, gouverneur du fort d'Aléria, fera partie des familles nobiliaires les plus opposées à son entreprise, lui préférant une allégeance à l'autorité génoise. Mais Gènes cèdera bientôt la souveraineté de la Corse à la France en 1768, premier acte qui scellera jusqu'à nos jours, le rattachement de cette île à la République.

De la terre de CASABIANDA, on ne sait que très peu de chose sur la période pré-révolutionnaire. Les quelques éléments de son histoire que je vais ici restitué sont l'agrégat d'informations des rares documents disponibles, et du témoignage de quelques anciens érudits du village d'Aléria.

Au soir du XVIIIème siècle, le domaine de CASABIANDA semble être la propriété de la famille FRANCESCHETTI. Comment en sont-ils devenu propriétaire, nul n'a su à ce jour m'en donner une réponse formelle. Plusieurs hypothèses coexistent, sans pour autant être sûr que l'authentique raison en fasse toutefois partie. Pour certains, le mouvement indépendantiste de PAOLI a pu causer une redistribution des propriétés après que les alliés des Génois soient assassinés, renvoyés, ou se soient trop tardivement rapprochés de la « cause ». Il est établit que la famille dominante dans la région d'Aléria, lors de ce mouvement d'indépendance, était la famille MATRA, famille qui combattit vigoureusement la prise de pouvoir de PAOLI. Dans le Dictionnaire historique de la Corse18(*), il est mentionné dans l'article consacré à Saverio MATRA, que cette famille d'Aléria possédait alors des terres dans la plaine. Peut être les terres de CASABIANDA étaient elles rattachées à cette famille ou à l'un de leurs alliés, et leur position pro génoise leur aurait coûté celles-ci.

Autre hypothèse de spoliation, celles opérées par la France au lendemain de son accord conclu avec Gènes. Afin de s'assurer de la fidélité de quelques familles influentes, il n'était pas rare que la couronne de France redistribue les terres nouvellement dominées à de fidèles et zélés serviteurs.

Pour en revenir à la famille FRANCESCHETTI, elle était réputée alors comme alliée à la famille de PAOLI19(*). FRANCESCHETTI Ambroghju était même le beau frère de l'indépendantiste. Peut être cette alliance aura-t-elle jouée un rôle au moment des redistributions de terres. Cependant, un personnage en particulier figure le premier dans la littérature comme le propriétaire du domaine, c'est FRANCESCHETTI Dumenicu Cesaru Francescu, qui semble quant à lui bien moins attaché à la cause indépendantiste. Il a 18 ans lorsqu'il s'engage en 1794 dans les armées de la République. Il s'illustrera à plusieurs reprises pendant les guerres du Consulat et de l'Empire, au point d'acquérir le grade de général, et de devenir l'un des plus proche de Joachim MURAT, Maréchal d'Empire et Roi de Naples. Il est par ailleurs marié à la fille du maire de Vescovato (village situé entre Aléria et Bastia).

Dès lors, si il est bien le premier FRANCESCHETTI du domaine de CASABIANDA, il peut en avoir acquis la propriété au détriment de Paolistes, réputés ennemis de la République puis de l'Empire, pour les faits d'armes qui l'auront distingués.

Enfin, dernière hypothèse portée à ma connaissance, il est une tradition corse qui amuse les anciens d'aujourd'hui. Lors des mariages, la jeune mariée était, comme cela en était alors l'usage, dotée d'un certain nombre de biens. Ainsi, lorsque la famille de la mariée avait des terres, il n'était pas rare que celles dites « à malaria » (souvent en bord de mer, celles et ayant donc le moins de valeur et exigeant le plus d'efforts), comme celles de CASABIANDA, fussent mises en dote de l'épousée. Des terres qui, aujourd'hui assainies, se vendent à prix d'or pour accueillir les touristes. CASABIANDA aurait donc pu être un bien de la belle famille de Dumenicu Cesaru Francescu FRANCESCHETTI, transmis à l'occasion de son mariage.

Cependant, de tout cela, la seule certitude permise est la propriété de CASABIANDA détenue par la famille FRANCESCHETTI depuis le début du XIXème siècle, comme le retranscrit Joseph-Marie César FRANCESCHETTI, fils de Dumenicu Cesaru Francescu, dans son mémoire sur l'histoire de son exploitation du domaine20(*).

§ 3 : De la propriété du domaine au XIXème siècle.

En cette moitié du XIXème siècle, un jeune trentenaire capitaine des zouaves, Joseph-Marie César FRANCESCHETTI, vient à redécouvrir, à l'occasion d'un séjour thermal en Corse pour panser ses blessures, les terres détenues par sa famille sur la côte orientale de l'île. Il décrit ce qu'il voit en passant sur le domaine de CASABIANDA en ces termes :

« La Corse se trouvait alors dans un déplorable abandon. La route orientale n'était pas même tracée. La plaine d'Aléria surtout était déserte, et d'un telle insalubrité que, malgré l'extrême fertilité du sol, les plus hardis n'osaient s'y établir. Il fallait assainir, défricher, cultiver, peupler la contrée ; »21(*)

Il décide alors d'y « planter sa tente », et entreprend de remettre en état d'exploitation les hectares du domaine. En 1842, il achète les parcelles alentour et emploie montagnards corses et immigrés italiens pour accomplir des travaux d'assainissements en vue de semer puis récolter la première moisson. Cependant, la présence de la malaria dans les marécages de la région touche de nombreux ouvriers, et le capitaine FRANCESCHETTI lui-même sera contaminée. La reprise des combats de l'armée française en Afrique du Nord allait de plus l'obliger à rejoindre sa compagnie à la frontière du Maroc, laissant l'administration du domaine à son beau-frère, un MATRA.

A son retour, il entreprend de redoubler d'efforts et associe les propriétaires des domaines adjacents pour profondément transformer la région. Il décrit l'ampleur de la tâche accomplie ainsi :

« [...] routes, canalisation, défrichement des marais, introduction de la grande culture, greffe de 20.000 pieds d'arbres, création de prairies artificielles, plantation de vignes, d'oliviers, construction de bâtiments d'exploitation [...] ».

Mais de tels travaux ont un coût, et certains associés de FRANCESCHETTI en venaient même à réclamer de « rentrer dans leurs fonds ». Il fallut donc contracter plusieurs emprunts auprès du Crédit Foncier.

Après une évaluation du domaine à 1.612.000 francs, un premier prêt de 300.000 francs est accordé, un second de la même somme ne pouvant être débloqué qu'après réalisation de certains travaux. Mais les grandes entreprises, tout comme les hautes administrations, ne se sentent pas forcément liées par les décisions des prédécesseurs lorsque de nouveaux directeurs prennent leurs fonctions. Ainsi un litige avec le Crédit Foncier sur le deuxième prêt de 300.000 francs va naître d'un changement de direction. Mais comme souvent en Corse, l'histoire des territoires rejoint l'histoire de la famille Bonaparte, ce litige amène l'Empereur Napoléon III à intervenir personnellement dans l'affaire pour que soient alloués des fonds au développement de l'exploitation. 200.000 francs sont alors débloqués, mais sous certaines conditions. Les fonds prêtés par le Crédit Foncier seront garantis par l'Empereur lui-même, qui sécurisera sa propre position par la création d'une société en commandite, la Société Agricole d'Aléria, dans laquelle il détiendrait des actions. Les autres actionnaires étant les nombreux créanciers de FRANCESCHETTI qui renonceront à leurs créances en échange d'actions, et enfin le capitaine FRANCESCHETTI lui-même. Plusieurs autres avances financières devront intervenir encore avant que le Crédit Foncier ne décide de faire saisir le domaine pour être remboursé de ses prêts. Après plusieurs péripéties qui n'ont ici que peu d'importance, la garantie du prêt de l'Empereur ne remplit en rien ses effets escomptés, et c'est finalement par une vente aux enchères que va se solder l'histoire des FRANCESCHETTI sur le domaine de CASABIANDA, malgré l'abnégation dont semble avoir fait preuve le Capitaine Joseph-Marie César FRANCESCHETTI. La bonne foi manifestée par le Capitaine doit cependant être relativisée par cet extrait des Papiers secrets et Correspondance du Second Empire22(*) relatif à une note du Ministère de la Maison :

« M. FRANCESCHETTI, régisseur avec une pension de 6.000 francs, semble avoir peu fait pour remplir certains engagements relatifs à sa gérance. Selon la note, il se contente de vivre sur CASABIANDA sans l'améliorer, vendant à son profit chevaux, récoltes et tout l'attirail d'exploitation. »

L'épilogue de cette histoire est donc cette vente aux enchères en 1862 qui rend pour 528.000 francs l'Etat acquéreur du domaine de CASABIANDA de 3.000 ha, bien qu'aucun acheteur ne se soit présenté pour 200.000 francs ! 23(*) Un montant cependant bien en dessous des 1.200.000 francs du capital social de la société gestionnaire du domaine. Une différence qui lèsera substantiellement les anciens créanciers du Capitaine FRANCESCHETTI qui avaient accepté de convertir leurs droits en participation à la société. En témoigne une pétition adressée au Corps Législatif par l'un d'entre eux, qui vient demander réparation de l'intégralité du préjudice, intérêt compris24(*) (voir annexes).

Cette nouvelle acquisition de l'Etat sur l'île interviendra au moment où le gouvernement développe un programme de construction de pénitenciers agricoles. Une coïncidence qui verra naître le premier établissement pénitentiaire de CASABIANDA.

Section 2 : Du pénitencier agricole au XIXème siècle

« L'amélioration des condamnés, l'assainissement du pays, la mise en valeur d'un sol mouvementé et inculte, tel est le but des établissements créés par le gouvernement de l'Empereur sur des points opposés de la Corse, dans des contrées différentes par l'exposition et la nature du terrain. »25(*)

Il n'y a pas de présentation plus explicite des raisons qui ont prévalues à la création de pénitenciers en Corse. Ces quelques lignes extraites des « statistiques annuelles faites sur les prisons et autres établissements pénitentiaires » définissent la philosophie de ce temps où les pouvoirs publics voyaient dans le travail pénitentiaire des vertus pour le prisonnier et pour le territoire. Ainsi, pour le détenu, la doctrine de ces pénitenciers agricoles, de Corse et d'ailleurs, pourrait se résumer en ces termes : « En réformant la terre, l'homme apprend à se réformer lui-même ». Et pour le territoire, cette démarche se voit couplée d'une ambition d'aménagements d'utilité publique réalisée par la force de travail de ces hommes incarcérés.

Avec un Napoléon III à la tête de la France qui disait de l'île de beauté : « La Corse n'est pas pour moi un département comme un autre, c'est ma famille26(*) », on ne pouvait imaginer qu'il ne fit pas bénéficier l'île de cette philosophie pénitentiaire. Voilà pourquoi, après l'ouverture du pénitencier de COTI-CHIAVARI en 1855, en Corse du Sud, et celle en 1860 du pénitencier de CASTELLUCCIO sur le même territoire, le site de CASABIANDA est inauguré en 1862.

Afin de rendre plus vivante cette évocation d'établissements corses disparus depuis plus d'un siècle (§1), je citerai ici plusieurs témoignages de chroniqueurs de l'époque ; nous verrons par leurs yeux le quotidien de ces pénitenciers et les critiques qui pouvaient leur être adressées. Nous nous attarderons ensuite sur le pénitencier de CASABIANDA en particulier (§2).

§ 1 : Des pénitenciers agricoles de Corse en général

Le principal instigateur de l'instauration de pénitencier agricole en Corse est le préfet Constant THUILLIER. En poste à la tête du département de 1852 à 1856 il se donne pour mission la « suppression des bandits qui détruisaient les personnes, suppression des chèvres qui ravageaient les propriétés »27(*). Bien qu'il ne fût plus en fonction lorsque deux des trois pénitenciers fussent ouvert, il n'en demeure pas moins que sa démarche inspira l'inauguration de CASTELLUCCIO et CASABIANDA.

Les trois pénitenciers ont eu un fonctionnement assez similaire. La discipline, l'éducation morale et religieuse y sont théoriquement soumises aux mêmes règles que dans les maisons centrales. Cependant, de l'avis même des personnels de l'administration pénitentiaire, « l'application de ces règles rencontre de sérieuses difficultés qui proviennent surtout de la dissémination des travailleurs sur de vastes étendues de terrain, et des mouvements des condamnés qui s'opèrent entre le siège principal de chaque pénitencier et ses annexes. »

Pour ce qui est de la population carcérale, étant donné la mission attribuée à ces établissements, les détenus, des hommes exclusivement, doivent pouvoir travailler à des postes demandant une activité physique intense et continue. A cela s'ajoute la caractéristique de pénitencier « agricole », qui sous entend l'aptitude des détenus à travailler aux champs, et demande donc de préférence, des détenus en provenance de milieux ruraux.

Parmi les autres préconisations liées à la qualité des détenus pouvant rentrer dans les effectifs de ces établissements pénitentiaires, il faut noter la nécessité qu'ils soient catholiques, « la Corse ne possédant ni pasteurs protestants, ni rabbins. »28(*), et qu'ils ne soient « ni d'origine étrangère, ni Corse, afin de prévenir pour les uns les difficultés d'expulsion du territoire français, après la libération, et pour les autres les facilités d'évasion »29(*).

Mais là encore, force est de constater que ce qui doit être n'est pas forcément ce qui est. J'en veux pour preuve cette circulaire du Ministère de l'Intérieur de l'époque adressée aux inspecteurs généraux :

Paris, le 10 juin 1865,

Monsieur l'Inspecteur Général, il résulte d'un rapport récemment adressé à mon administration par le préfet de la Corse que les condamnés désignés, l'année dernière, pour être envoyés aux pénitenciers de Chiavari et de Casabianda ne présentaient pas, pour un grand nombre d'entre eux, les conditions déterminées par la circulaire du 18 avril 1864.

La première condition est, vous le savez, que les détenus destinés pour la Corse soient propres aux travaux agricoles exercés dans les pénitenciers de ce département.

Or, sur 399 condamnés que les directeurs des différentes maisons centrales ont désignés, à cet effet, avec votre concours ou celui de vos collègues en tournée, 300 seulement pouvaient être utilement appliqués à l'agriculture. Les autres (c'est-à-dire on quart d'entre eux moins un) n'auraient pas du être dirigés sur la Corse. Les uns étaient dans un état de santé tellement grave, qu'il a fallu, dès leur arrivée, les placer à l'infirmerie qu'ils n'ont point quittée : parmi ceux-là même il y en a qui ont déjà succombé ; les autres avaient des habitudes depuis longtemps constatées de paresse et d'insubordination qui conseillaient de ne pas les envoyer dans des établissements où les évasions sont d'autant plus faciles que les travaux s'exécutent en plein air et sur des terrains accidentés.

Enfin, contrairement aux dispositions formelles de l'instruction précitée, dans quelques maisons centrales, on avait négligé de faire examiner par les médecins, et au moment de leur départ, les détenus que l'on avait choisis pour être transférés en Corse.

Je crois devoir, Monsieur l'Inspecteur Général, appeler d'urgence sur ces faits votre attention spéciale. Ce serait méconnaître la pensée qui a présidé à la formation des pénitenciers de la Corse et rendre stériles les sacrifices que leur entretien impose à l'Etat, que de les recruter avec les condamnés dont, pour divers motifs, on chercherait à débarrasser les maisons centrales.

Je vous invite, en conséquence, à veiller à ce que les conditions spécifiées dans l'instruction du 18 avril 1864 soient fidèlement observées, cette année, dans les désignations qui vous seront faites et à les contrôler avec le plus grand soin. »30(*)

La sélection d'hommes en bonne condition physique est d'autant plus importante que le deuxième « fléaux » de la Corse, après la criminalité, est à cette époque le paludisme, ou mal'aria (mauvais air). Une infection qui aura emporté des milliers de détenus et de personnels de l'administration pénitentiaire pendant les années où seront ouverts ces pénitenciers.

Parmi les solutions proposées pour lutter contre les effets dévastateurs des épidémies, l'administration a retenu la possibilité de faire établir, dans la montagne, des sites secondaires pour accueillir la population des pénitenciers pendant la saison des moustiques.

Chaque été des prisonniers, sous la garde de quelques gardiens, quittent Chiavari, près d'Ajaccio, et viennent s'établir dans la forêt pour y confectionner des sabots. C'est une manière de tirer partie des arbres et non sans doute d'offrir une villégiature aux détenus...

La fille du conservateur des Eaux et Forêts de Corse, allait, lors de son séjour sur l'île entre 1860 et 1862 croiser à plusieurs reprises les détenus des pénitenciers lors de leurs séjours en forêt. Voici la description d'une de ces rencontres :

« La première promenade en forêt fut pour entendre la messe. chaque dimanche, un prêtre, l'aumônier sans doute, la disait aux détenus du pénitencier établi à deux ou trois kilomètres de nous...des condamnés, rien que des condamnés... tous portent la tenue ignominieuse, pantalon, vareuse et béret gris. Ils sont une centaine en rangs serrés, flanqués à droite et à gauche de leurs gardiens.

Étaient-ils là par ordre sans pouvoir s'y soustraire? certains d'entre eux cherchèrent bientôt l'occasion de faire savoir à mon père ce qu'ils pensaient de leur déchéance morale et sociale.

A la fin du déjeuner, un émissaire du pénitencier chargea un garde de remettre à mon père un pli à son adresse. C'était une poésie...:

"En bas c'est la clameur des hommes; c'est la boue qui salit les pieds blancs; c'est la honte et l'affront; le mot impur qui fait soudain rougir la joue; le vent qui brûle ou glace en passant sur le front...". »31(*)

Mais à ces plaies sanitaires, et aux conditions de travail difficiles pour les détenus, semblent se rajouter des difficultés dans l'administration des pénitenciers, et dans la surveillance de ceux-ci. Ainsi en 1860, un Inspecteur Général de l'Agriculture décrivait-il les gardiens corses en ces termes :

« Un des défauts des gardiens corses, c'est d'avoir en aversion le travail manuel. Ils plaignent les détenus d'être obligés de travailler de leurs mains, comme font les Lucquois, objet de mépris et de dédain des Corses. Le gardien corse surveille mollement les détenus confiés à ses soins. Il ne prend aucun intérêt à leurs travaux et n'est pas capable de leur donner des conseils ou des leçons. Il en est même qui trouvent trop lourde la tâche de surveiller les travailleurs et qui, au lieu de faire leur service, vont dormir dans le maquis voisin, ayant la précaution de placer en vedette un détenu chargé de l'avertir dès l'arrivée du régisseur des cultures. Guidés par de tels surveillants, les détenus profitent immédiatement de ce mauvais exemple. Ils se reposent au lieu de travailler et n'accomplissent pas la tâche qui leur est imposée. Il faudrait envoyer dans les maisons centrales du continent les gardiens corses reconnus incapables pour la surveillance des travaux agricoles et les remplacer par des gardiens continentaux bien choisis ».32(*)

Le quotidien des trois pénitenciers est parfaitement décrit en 1884 par l'ancien chef de cabinet du Préfet de Corse, Charles BAILLY, à qui l'on confia une étude sur la question33(*). Il y décrit avec détails les deux repas par jour et le costume réglementaire porté par les détenus ; les journées de travail commençant en été à 5h00 et à 6h30 en hiver ; les dimanches, les détenus assistant à deux offices religieux. Le respect de la discipline y fut aussi parfois difficile, notamment lorsqu'il fallut empêcher le troc ou la contrebande avec les habitants des villages voisins. Pour conclure son étude, Charles BAILLY reproduit les conclusions déjà faites par une commission parlementaire en 1872 :

« Les pénitenciers agricoles de Castelluccio, Chiavari et Casabianda ont été créés en Corse sous le régime impérial ; tandis que dans les maisons centrales les condamnés restent constamment enfermés, soumis à une discipline rigoureuse, à la loi du silence, ils vivent au contraire en Corse, dans une espèce de liberté relative, employés tout le jour aux travaux agricoles de culture ou de défrichement. De grandes espérances avaient été fondées sur ces colonies; se sont-elles réalisées ? C'est ce qu'il est très important aussi d'examiner. Au point de vue matériel, les pénitenciers de la Corse ont obtenu de très beaux résultats ; des plantations de vignes, d'oliviers, d'amandiers ont bien réussi dans les montagnes de Castelluccio et de Chiavari et une grande ferme est installée dans les plaines de Casabianda. Mais la surveillance des condamnés est si difficile à faire, dans des conditions pareilles, qu'il a été presque impossible jusqu'ici d'apprécier les résultats moraux produits par ce genre de colonisation. Des fièvres paludéennes ont été cause, au début, d'une grande mortalité, parmi les détenus ; grâce aux précautions prises, l'état sanitaire est satisfaisant aujourd'hui.

Cependant l'administration ne peut transférer en Corse que des hommes d'une très forte constitution, et encore ceux-ci ne résistent-ils guère plus de trois ans aux pénibles travaux de défrichement [...]

Les pénitenciers agricoles ont-ils été, jusqu'ici, pour le gouvernement une source de fortes dépenses ? Il semble qu'il y ait lieu de répondre affirmativement, car un détenu qui ne coûte guère dans une maison centrale que 0,65 centimes environ par jour, coûte peut-être 1fr.50. Mais il faut évidemment tenir compte, par compensation, de l'augmentation de la valeur du sol défriché et cultivé. »

De lourds et coûteux investissements, un quotidien plus onéreux que la moyenne des autres établissements pénitentiaires français, de graves crises sanitaires, des résultats pénologiques insuffisants... Charles BAILLY résume sa propre conclusion en trois mots : les pénitenciers agricoles de Corses sont « Inefficaces, coûteux, dangereux. » Il n'en faudra pas plus pour que la Troisième République reconsidère cette création du Second Empire.

§ 2 : Du pénitencier de CASABIANDA en particulier

CASABIANDA a, comme les deux autres pénitenciers, certaines particularités qui lui sont propres. Mais avant de les découvrir, laissons des voyageurs de passages sur les terres du domaine, nous présenter la vision qu'ils ont eue :

« Nous continuâmes, presque en ligne directe, sur l'établissement agricole de Casabianda, à travers la plaine déjà cultivée en grande partie par les détenus. La maison, en s'y approchant, me donnait l'idée d'une grande et bonne brasserie continentale ; elle était entourée de prés donnant la promesse d'une grande récolte. De bons chemins et beaucoup de chênes-lièges dépourvus de leur écorce, étaient aussi dans l'entourage, et de magnifiques troupeaux de bétail à lainage blanc, provenant, je crois, de la Toscane, pâturaient dans des parcs à côté. »34(*)

Les pénitenciers pouvaient à l'époque compter sur plusieurs centaines de détenus pour produire des céréales, du maréchage mais aussi de l'élevage. On y trouvait des boeufs et des vaches de Toscane, des brebis barbarines, des agneaux issus de croisement entre races corses et barbarines. Pour les cultures, il y poussait du blé, de l'orge, de l'avoine, du coton et de la luzerne. A cela se rajoutait une petite production de briques, de tuiles et un peu d'industrie locale.

Parti d'un effectif d'environ 300 détenus à son ouverture en 1862, l'administration pénitentiaire pu faire labourer, ensemencer et récolter 126 ha de céréales la première année ; l'année suivante ce sont 204 ha qui furent exploités. 35(*)

Cet effectif de 300 individus fut rapidement étoffé. Au 31 décembre 1865, il était de 461 détenus. À la même date en 1866, il était de 846 hommes. Soit une augmentation de plus de 83%36(*) en un an. Enfin, en 1880, peu avant la fermeture de l'établissement, son effectif se montait à 960 détenus37(*). Au 31 décembre 1882, le pénitencier de CASABIANDA avait déjà accueilli un total de 6.337 prisonniers.

Deux raisons principales président  à ce que cet effectif ait été dense et sans cesse renouvelé:

- La malaria y est, plus qu'ailleurs, particulièrement tenace. Les cinq premières années, elle y fera des centaines de morts. Le taux de mortalité est en 1862 de 18,3% ; en 1863 de 20,9% ; de 18,9% en 1864 ; de 24,48% en 1865 et retombe (après de gros travaux d'assainissement) à 7,21% en 1866. Entre 1862 et 1885, date de sa fermeture, la mortalité moyenne des détenus aura été de 10,08 % par an, avec un maxima à 24,48 % en 186538(*) (pour une moyenne nationale cette année là de 5,10%). Mais même en 1866, CASABIANDA restera en proportion l'établissement pénitentiaire (Maisons centrales ou assimilés) le plus mortifère de France. 39(*)

Du fait de cette forte mortalité, en 1862, le Ministère de l'intérieur se fait céder le couvent CERVIONE (à environ 35 km de CASABIANDA), à 300 m d'altitude dans les montagnes, pour servir de refuge d'été et d'infirmerie au pénitencier.

- Les condamnés de CASABIANDA obtenaient par ailleurs facilement des grâces totales ou partielles. En 1865, 11,82% des détenus en bénéficieront. En proportion, CASABIANDA se classe, là encore, premier établissement de France.40(*)

Mais qualitativement, excepté ces problèmes sanitaires, CASABIANDA semble être un établissement plutôt tranquille, mais à la discipline stricte. Le pénitencier était qualifié par l'administration pénitentiaire de l'époque en ces termes :

« Nombre peu élevé de délits de droit commun (voies de fait et vol) ; -- nombre très-peu élevé d'infractions disciplinaires -, -- usage fréquent de la cellule, séjour prolongé ; -- maximum des récompenses. »41(*)

Pour assurer cette stabilité, la population est soigneusement choisie avant d'être affectée à CASABIANDA (modulo la circulaire précédemment citée). Les récidivistes y sont par exemple peu affectés (32% en 1865 à CASABIANDA pour une moyenne française de 46,07% dans des maisons centrales ou établissements assimilés).

Si l'on regarde, toujours d'après la photographie de 1865, la répartition de la population pénale de CASABIANDA en fonction des crimes et délits qui ont causé la condamnation des détenus du pénitencier (graphique n° 1), nous pouvons observer que les auteurs d'infraction contre les personnes, et notamment les criminels de sang, sont, en proportion, peu nombreux dans l'effectif total.

La population affectée, pour les nécessités de production essentiellement agricole, est majoritairement d'origine rurale (graphique n°3), une population qui est réputée plus docile (242 détenus sont agriculteurs ou journaliers), et plutôt jeune (86% des détenus on moins de 40 ans). Un corollaire à cela, le niveau d'instruction y est majoritairement plus faible avec 60% d'illettrés (graphique n°5) que dans la moyenne carcérale française qui s'établissait en 1865 à 40% d'illettrés.

Graphique 1 : Répartition des détenus de CASABIANDA de 1865 en fonction de l'objet de leur condamnation.

Graphique 3 : Répartition des détenus de CASABIANDA par leur domiciliation au moment de leur incarcération en 1865.

Graphique 2 : Répartition des détenus de CASABIANDA par catégories pénales en 1865.

Figure 5 : Répartition des détenus de CASABIANDA par niveau d'instruction en 1865.

Figure 4 : Répartition par âge des détenus de CASABIANDA en 1865.

Carte 3 : Cartographie du domaine du pénitencier au XIXème siècle.

Pour encadrer cet établissement, l'administration pénitentiaire avait affectée au 1er Janvier 1866 : 1 Directeur ; 1 Inspecteur ; 1 Greffier ; 1 Agent comptable ; 3 Commis aux écritures ; 1 Econome ; 1 Teneur de Livre ; 1 Régisseur des cultures : 2 Conducteurs de travaux de culture ; 1 Conducteur de travaux de bâtiment ; 1 Architecte interne ; 1 aumônier catholique ; 2 Internes en médecine et chirurgie ; 1 gardien chef ; 2 premiers gardiens ; 1 Brigadier de garde externe ; 4 Gardiens externes ; 28 Gardiens ordinaires et gardiens-portiers ; soit un total de 51 personnels de l'administration pénitentiaire (sur 900 affectés dans des maisons centrales ou assimilés en France à la même date).42(*)

Parmi les évolutions du domaine pendant la période de pénitencier, il faut noter les importants travaux d'assainissement entrepris par l'administration pour endiguer la malaria. D'abord dirigés directement par la pénitentiaire, les travaux, qui avaient commencées à porter leurs fruits à la fin des années 1860, furent balayés en novembre 1871 par une forte tempête (un ouragan d'après le rapport de Charles BAILLY43(*)). D'où l'intervention des Ponts et Chaussées au début de l'année 1874, pour entamer de nouveaux travaux structurels (pompes, digues, écoulements ...). Ceux-ci n'auront pas l'efficacité escomptée puisque la malaria continuera à faire des victimes, et justifiera jusqu'à la fermeture du pénitencier un exode estival sur les hauteurs du couvent de Cervione.

Par ailleurs, une grande carence en eau subsistera toutes ces années au pénitencier. En 1884 (soit peu de temps avant la fermeture du lieu) Charles BAILLY raconte que les détenus doivent souvent faire 25 km en été pour faire à SATACCIO les approvisionnements nécessaires pour hommes et bêtes du pénitencier.

De plus, comme ces homologues corses, le pénitencier de CASABIANDA ne tiendra pas les promesses de production et de ressources qu'escomptait l'administration pénitentiaire. La malaria et certains trafics ont raison chaque année d'une partie des forces de production et de la production elle-même. Sur 960 détenus en 1880, seulement 744 étaient occupés, soit presque un quart des détenus ne participait pas aux activités de production.

Après avoir englouti quelques dix millions de francs or, et après avoir vu transiter quelques 7.000 détenus44(*), le gouvernement décide par la loi de finance de 1885, d'ordonner la désaffectation du pénitencier agricole de CASABIANDA.

CASABIANDA restera cependant dans la propriété nationale dans les décennies qui suivront. Il sera remis aux Domaines le 24 juillet 1886, en application du décret du 24 juillet 1886, puis, malgré plusieurs tentatives de revente aux enchères (comme en témoigne la loi mise en annexe à ce mémoire présentée en 1893 devant le Sénat), sa gestion sera confiée au Ministère de l'agriculture45(*) au tournant du XXème siècle.

Entre le pénitencier agricole et le centre de détention, l'Histoire retiendra que pendant la seconde guerre mondiale, une partie du domaine servit d'aérodrome aux Allemands et Italiens qui occupaient l'île depuis 1942.

Section 3 : De la prison du XXème siècle46(*)

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, un grand vent de réforme souffle sur l'administration pénitentiaire française. Les initiateurs de cette volonté de changement seront principalement deux magistrats : Paul AMOR, directeur de l'administration pénitentiaire et Pierre CANNAT, contrôleur général des services pénitentiaires. Ils vont oeuvrer quotidiennement pour transformer la peine carcérale ; pour cela ils fonderont notamment un nouveau corpus philosophique qui présidera à l'élaboration des nouvelles politiques publiques en la matière. La commission chargée d'étudier, d'élaborer et de soumettre au Garde des Sceaux les réformes relatives à l'administration pénitentiaire, que présidera Paul AMOR entre 1944 et 1945, innovera grandement en plaçant comme principes fondateurs de l'incarcération, l'amendement et le reclassement social du condamné. Elle érigera à nouveau le principe d'un travail pour chaque condamné de droit commun, et rejettera en général toute forme d'oisiveté.

C'est sur ces bases que le projet d'un nouveau CASABIANDA va émerger, à l'initiative des magistrats précités, auxquels se rajoute le Doyen honoraire de la Cour de Cassation André PERDRIAU, alors simple magistrat de l'administration pénitentiaire.

Le domaine était alors géré, mais avec très peu de moyens, par l'administration des Ponts et Chaussées, exploitant à l'époque seulement 115 ha47(*) dix ans avant la réouverture, et 30 ha48(*) sur les 1840 ha du domaine en 1948. Le domaine ayant été assaini par l'utilisation massive de DDT par les forces armées américaines lors de leur débarquement en 1944, il fût donc décidé, au moment où CASABIANDA allait redevenir établissement pénitentiaire, d'incorporer une partie du personnel spécialisé de cette administration dans l'encadrement du nouveau centre pénitentiaire.

Dès le 1er juillet 1948, un premier contingent d'une cinquantaine de détenus, un économe et quelques surveillants y sont envoyés afin de préparer l'arrivée d'une cohorte plus importante.

L'année 1949 marque la nomination du premier directeur de l'établissement, M. Roger DUMAS, qui prendra ses fonctions au printemps de la même année. Le travail à accomplir est alors très important. Le domaine ne dispose encore ni d'eau courante, ni d'électricité. Les bâtiments sont à rénover, voire à reconstruire pour certains. Le cheptel doit être reconstitué, les terres à redéfricher.

La présentation de ce dernier volet historique de CASABIANDA portera donc sur ces premiers temps du centre pénitentiaire au XXème siècle (§1), traités par l'étude de sa population carcérale, et l'organisation de sa détention. Puis nous parcourrons transversalement les décennies jusqu'au IIIème millénaire (§2).

§ 1 : Les premières années du nouveau Centre Pénitentiaire Agricole de CASABIANDA
A/ Population carcérale de CASABIANDA, origine et premières évolutions.

Graphique 6 : Evolution des détenus de CASABIANDA entre 1949 et 1954 en fonction de l'objet de leur condamnation.

Graphique 7 : Répartition par age de la population carcérale de CASABIANDA au 1er octobre 1954.

Graphique 8 : Motifs de sorties des détenus de CASABIANDA entre 1949 et 1954.

Graphique 9 : Flux d'entrée et de sortie de la population pénitentiaire de CASABIANDA entre 1949 et 1954.

La population carcérale était alors, pour les premières années, essentiellement composée de détenus qui furent condamnés pour faits de collaboration ou pour intelligence avec l'ennemi (graphique n°6). Ils devaient en outre posséder une qualification jugée utile à l'ouvrage à accomplir pour remettre en route l'établissement pénitentiaire, et une condition physique les rendant apte à supporter le travail de force qu'ils allaient devoir accomplir (d'où une population en 1954 de 80% de détenus ayant moins de 45 ans ; graphique n°7).

La proportion entre jugés pour faits de collaboration et les droits communs s'inversera avec les flux d'entrées et de sorties de 1953 (graphiques 6 et 9). La population de 1954 ayant absorbée ce changement se répartissait alors de la manière suivante :

Graphique 10: Répartition de la population carcérale de CASABIANDA de 1954 par objet de condamnation des détenus.

Nous observons ici le développement d'une proportion importante de détenus coupables d'une infraction à caractère sexuel, ce qui fait l'une des caractéristiques actuelles du centre de détention de CASABIANDA. Le choix de développer cette catégorie pénale dans le pénitencier agricole résulte d'un accord entre M. Roger DUMAS, alors directeur de CASABIANDA, M. Jean-Marcel COLY, directeur du Centre National d'Orientation de Fresnes, et un autre représentant de l'administration pénitentiaire centrale. Ce choix découlait d'un double constat :

CASABIANDA réclamait des détenus capables de travailler la terre, et d'être au mieux des coutumiers du travail agricole. Force est de constater que parmi les infractions pénales commises dans les années 1950, les délits et crimes sexuels accomplis dans le cadre du cercle familial sont surreprésentés dans la population de détenus issus du monde rural. Jean-Marcel COLY avait même sur cette question une pensée qui démontre le peu d'estime que pouvaient encore avoir ces contemporains citadins pour les habitants des campagnes :

« La grande majorité [des criminels sexuels] sont d'ailleurs des auteurs d'incestes et lorsqu'ils atteignent la quarantaine, ils ont de grandes filles, formées pubères. La mère est souvent vieillie avant l'âge par les durs travaux ménagers et les grossesses nombreuses. Les filles aînées prennent peu à peu sa place aux divers stades de la vie familiale et l'inceste ne tarde pas à se produire. »49(*)

Un constat que Pierre CANNAT expliquait par « une conception [du rapport sexuel] généralement plus frustre, moins évoluée, que la population urbaine. »50(*). Une idée bien réductrice que l'histoire de la criminologie montrera comme erronée ; le tissu social urbain possédant lui aussi son lot de délinquants et criminels sexuels.

CASABIANDA réclamait aussi des détenus capables de se responsabiliser, et, par-dessus tout, de résister à l'envie d'évasion, qui s'avérait d'autant plus facile du fait de l'absence dans l'enceinte du pénitencier de tout type de matériel traditionnellement prévu pour les contrer. La personnalité du détenu était alors primordiale. Puisque les délinquants sexuels étaient réputés souvent plus calmes et plus « dociles » aux règles de détention, ils présentaient alors une garantie supplémentaire de sécurité.

Pour reprendre le propos que me tenait M. Roger DUMAS, CASABIANDA était alors à la recherche d'un détenu « idéal », qui  « ne devait pas être traumatisé ni dépaysé par le travail à accomplir, et il ne devait pas créer de risque majeur de sécurité pour l'établissement ». Une double qualité que l'on trouvait alors souvent chez les « détenus sexuels ».

En outre, afin de choisir les éléments qui présentaient les meilleures chances d'adaptation, les détenus appelés à partir pour CASABIANDA n'étaient que rarement des récidivistes (autour du quart de la population carcérale au 1er Octobre 1954), mais surtout, faisaient le plus souvent possible l'objet d'une observation au CNO de Fresnes. Sur les 82 condamnés de droit commun au 1er Octobre 1954, 78% étaient passés par le centre de Fresnes.

Ce mode de sélection semble avoir été efficace puisque sur les 6 années sur lesquelles porte le rapport PERDRIAU (juillet 1948 - octobre 1954), 86 détenus ont été mutés pour des raisons disciplinaires ou de sécurité, soit autour de 12% du total de la population.

B/ De l'organisation de la détention dans les premiers temps de CASABIANDA51(*).

Comme le soulignait André PERDRIAU dans son rapport, l'objectif de la détention à CASABIANDA était de l'assimiler à « une forme d'existence honnête, proposée comme modèle » aux détenus qui y sont soumis.

La classification carcérale d'alors ne correspondant pas à l'identité en devenir de CASABIANDA, une nouvelle catégorie carcérale fût donc créée pour l'occasion : le Centre Pénitencier Agricole.

En accord avec les principes de la commission AMOR, le travail y avait une place prépondérante. Au 1er Octobre 1954, la population pénale était occupée de la manière suivante :

Graphique 11: Occupation des détenus de CASABIANDA au 1er Octobre 1954.

La surveillance des détenus était alors majoritairement assurée par les personnels techniques chargés des travaux. La journée était rythmée par trois appels quotidiens : 7h00, 13h00, 18h00. Excepté pour les appels, les détenus étaient libres de circuler pendant la journée sur l'ensemble du domaine, que ce soit pour leur travail, ou pour leur loisir. Le soir venu et jusqu'au matin (soit de 21h00 à 7h00), leur liberté de mouvement est restreinte à un périmètre autour des bâtiments d'habitation.

Lorsque à la fin des années cinquante, les nouveaux bâtiments de détention furent construits sur la côte, chaque détenu avait en sa possession la clef de sa chambre (car ce sont bien de petites chambres individuelles de 9 m² sans barreaux, et non des cellules, dont disposent les détenus, qui furent aménagés, dans certaines limites, à la libre convenance de chacun). Cette particularité de clef est là aussi le choix du directeur DUMAS. En partant du constat que les détenus travaillant à des horaires différenciés en fonction de leurs tâches, et du faible personnel de surveillance qu'il avait sous son autorité, il ne pouvait fermer entièrement tout le bâtiment de détention et le refaire ouvrir à la demande de chaque détenu. Il choisit donc de fermer individuellement chaque chambre et d'en confier la clef à chaque détenu, les surveillants ayant un passe ouvrant la totalité des portes. Cette façon de procéder aura pour autre vertu de permettre aux détenus de se créer une intimité propice à la lecture, à l'écriture et au repos qui succède légitimement au travail physique.

Pour encadrer le centre pénitentiaire, outre le Directeur, le personnel de CASABIANDA comprenait en 1954 : 1 greffier, 1 économe et 2 commis, 3 surveillants affectés aux bureaux, 1 surveillant chef, 1 surveillant chef adjoint, 14 surveillants (dont seulement 7 préposés à la surveillance générale (les autres étant affectés à la direction du mess, du potager ...), 9 membres du personnel technique contractuel (1 assistante médico-sociale, 1 chef de culture, 1 chef berger, 2 gardes troupeaux, 1 conducteur de travaux, 3 chefs d'atelier).

Il faut noter ici que dans l'attente de l'achèvement des bâtiments de détention en aval du domaine, détenus, personnels et familles de personnel cohabitaient dans la même enceinte sans qu'aucun incident grave ne fût signalé.

De plus, le Directeur DUMAS avait le souci d'entretenir de bon rapport avec son environnement proche, ce qui l'aura poussé à ouvrir CASABIANDA sur sa micro-région. Il permettait par exemple aux agriculteurs voisins d'utiliser les outils d'exploitation modernes du pénitencier ; il créa une brigade de lutte contre les incendies, très populaire auprès des villageois. Les prisonniers se trouvant à ces occasions dans une situation d'aide et de soutien qui revalorise l'individu, et donne une autre image du détenu.

Quant aux choix de productions agricoles ou de toutes autres initiatives pouvant induire des changements dans la région de CASABIANDA, le Directeur DUMAS s'est toujours astreint à respecter deux principes :

D'une part, toujours se poser deux questions : A qui cela va-t-il profiter ? et avant tout, à qui cela pourrait-il nuire ?

D'autre part, développer une production sur des marchés porteurs, et peu concurrentiels.

Voilà pourquoi, en collaboration avec les services de l'Agriculture et des Eaux et Forêts, des plantations expérimentales se développeront sur le domaine : riz (jamais exploité depuis la période romaine, 5 tonnes récoltés en 1950), arachide, eucalyptus (pour la pâte à papier, 34.000 pieds plantés en hiver 1958), et pour l'élevage, le choix se portera sur l'acclimations de races dites pures (vaches « Schwyz » et porcs « large white »). Mais pour ce qui est de la production commercialisable de 1953, les 500ha de plantation et le millier de têtes de bétail, se répartissaient de la manière suivante52(*) :

Graphique 12: Répartition de l'exploitation du domaine de CASABIANDA en 1953 par type de culture.

Graphique 13:

Répartition approximative du cheptel de CASABIANDA en 1953 par de tête de bétail.

En 1957, 72.000 litres de lait de brebis sont acheminés vers Roquefort. La production des 7 ha de cultures fruitières ou potagères, la coupe du bois, le lait et la viande produite sur place, permet à la population de CASABIANDA (détenus, personnels et leur famille) de vivre pour beaucoup de biens de première nécessité en complète autarcie.

Ceci cumulé aux autres fruits de la production, permettra en 1957 à l'exploitation de dégager un bénéfice net de 2.110.000 Frs (il est vrai après de lourds et coûteux investissements)53(*).

Par ailleurs, pour permettre aux détenus de conserver des liens familiaux, dans une époque où les moyens de télécommunication sont peu répandus, il a été institué les « week-end familiaux ». Une fois par mois, du samedi midi au dimanche soir, les détenus peuvent se « promener » avec leur compagne ou leur famille, partager un repas dans une salle à manger réservée pour l'occasion, et même profiter d'une plage affectée aux familles.

Autre innovation du Centre Pénitentiaire Agricole, le « comité du balai ». Collège de 10 détenus élus chaque année par leurs pairs, chargé de faire respecter la discipline intérieure, de « faire le ménage » dans les mauvaises pratiques (d'où le terme « balai »). Cette once de démocratie permettait alors de juguler toutes émergences de volonté de caïdat. Un de ces membres déclarait ainsi en 1958 : « les rouleurs de manivelle, ceux qui balancent les épaules n'ont aucune chance de driver notre camp ! »54(*).

Pour ce qui est des résultats de CASABIANDA, en 1958 sur les 132 détenus libérés depuis 1948, 15 avaient commis une nouvelle infraction ; le chiffre alors le plus bas de l'administration pénitentiaire55(*). Avant que les détenus ne soient transférés dans les nouveaux bâtiments de détention, aucun incident n'avait été relevé avec les familles de personnels (femmes ou enfants). Les évasions étaient rares, 19 tentatives en 10 ans (pour près de 900 détenus passés par CASABIANDA)56(*), et souvent infructueuses. Les rapports de détention étaient plus calmes qu'ailleurs. Le coût général de fonctionnement réduit, et la production de revenus conséquente.

§ 2 : CASABIANDA au fil des décennies, jusqu'au IIIème Millénaire

Sans retracer de manière exhaustive les 40 années qui mènent jusqu'à l'an 2000, nous développeront ici les évènements marquant ou les évolutions notables de ces quatre dernières décennies.

A/ 1958-198057(*)

Le Centre Pénitentiaire Agricole accueille alors autour de 200 détenus. Les 2/3 de ceux-ci sont d'origine rurale. Les objets de leur condamnation sont avant tout les crimes sexuels (souvent d'inceste), mais aussi les homicides, le vol et l'incendie. Dans son exposé pour la commission parlementaire compétente, Madame CRISTIANI, juge d'application des peines, relève que la population pénale se répartit en « clubs » de catégorie de criminels. Ainsi « les homicides méprisent les sexuels et tout le monde déteste les voleurs ».

À noter pour cette décennie, le tournage par l'ORTF de deux reportages sur CASABIANDA, dont le second, à ma connaissance, ne fût jamais diffusé.

Le début des années 70, en 1972 pour être plus précis, voit s'ouvrir sur le domaine de CASABIANDA le village de vacance interministériel géré par le Comité National des Oeuvres Sociales Sportives et Culturelles de l'Administration Pénitentiaire (CNOSAP). Ayant obtenu en 1971 un bail emphytéotique, le CNOSAP ouvre quelques mois plus tard un Centre de vacance installé à proximité du centre pénitentiaire. La construction du village et plus tard une partie de son fonctionnement quotidien seront assurées par une équipe de détenus du centre pénitentiaire, pour beaucoup coupables de crimes ou délits à caractère sexuel mais pourtant chargés de veiller à l'entretien des plages, des sanitaires, et certaines années, de la confection des repas des fonctionnaires pénitentiaires en vacances, totalement immergés dans l'environnement des familles le temps de leurs vacances en Corse. Aucun incident grave en presque 30 ans d'activité ne sera à déplorer.

L'année 1977, a quant à elle été marquée par la disparition tragique de M. FRATANI, surveillant de service la nuit où un détenu voulu s'évader pour certains, ou s'emparer d'une hypothétique caisse renfermant de l'argent pour d'autres. Le seul évènement qui ait eu une ampleur suffisante pour engager des réformes sensibles sur la gestion de la sécurité des personnels. Il sera décidé suite à cet évènement de ne plus laisser un surveillant seul pendant ses services de nuit.

B/ 1981-2000

Fidèle à sa tradition d'expérimentation, CASABIANDA va, en 1984, ouvrir deux « chambres conjugales », permettant d'accueillir les compagnes des détenus, de leur proposer un espace d'intimité qui offre au couple le moyen de préserver une composante de son équilibre, et par là de se préserver lui-même, lorsque cela peut encore l'être.

Cette démarche autorise l'espoir d'un après dans l'imaginaire du détenu, éléments primordial lorsqu'il se préparera à sortir de détention.

Un changement notable, géographique celui-là, le Conservatoire du Littoral acheta en 1998, 280 ha du domaine pour que l'Office National de la Chasse administre la gestion de la réserve qui y est logée, rapportant la superficie du domaine à moins de 1.500 ha.

Dans un tout autre registre, fidèle à son identité de symbole, CASABIANDA va être la cible à partir de 1991 d'une série d'attentat. 1991, 1996, 1997, 1998, 1999, 2002, 2003, toutes ces années ont été marquées par une explosion ou une tentative d'attentat dans le site du village de vacance, dans la résidence des personnels, ou encore dans les bâtiments proches de la détention. Des attentats revendiqués par le FLNC, puis le FLNC Canal Historique. Le seul dernier attentat aura eu un coût évalué à 1.400.000,00 €.

Il serait illusoire de vouloir entièrement expliquer ici ces actions, mais si l'on développe les raisons qui m'ont été soumises, l'action des indépendantistes se légitimerait par la revendication des terres agricoles qui devraient être attribuées, selon eux, aux jeunes agriculteurs de l'île. Ils considèrent en effet que la République est là, comme dans toutes les autres possessions de l'Etat en Corse, en situation d'occupation de la terre du « peuple corse ». Cependant, des raisons peut être moins nobles pourraient être à l'origine de certains de ces attentats. La cible du mess des personnels par exemple correspondrait en réalité à la rancune développée par certains, de voir trop de « passants » profiter des tarifs du lieu (pourtant théoriquement réservé aux personnels de l'établissement et à leurs familles), au détriment des commerces des localités environnantes. Comme me le suggérait un de mes interlocuteurs, les cibles des attentats en Corse ne se choisissent pas par hasard, un message implicite, au-delà des revendications indépendantistes, y est toujours attaché.

De cette période d'attentat, CASABIANDA en tirera des conséquences pour sa sécurité, et pour celle de ses occupants. Le Village de Vacances fut fermé, la loge d'accueil sécurisée par des barreaux aux fenêtres pour se prémunir du lancer de cocktails molotov. La résidence des personnels fut quant à elle encerclée par un grillage et une barrière de protection, et surveillée par un dispositif vidéo58(*).

L'objet de ce premier chapitre avait pour vocation de nous imprégner de deux histoires, celle d'un lieu : le domaine de CASABIANDA, et celle d'une prison : le Centre de détention de CASABIANDA. C'est au carrefour de ces deux histoires que s'est construite l'identité de l'actuel établissement pénitentiaire de CASABIANDA. Mais comme toutes les constructions humaines, cette identité évolue quotidiennement, soumise à l'influence de ceux qui la font vivre. C'est donc un instantané de cette vie, de cette identité, que je vous propose d'étudier dans un Chapitre 2, par l'observation du fonctionnement de CASABIANDA, de ses personnels qui l'animent, et de la réglementation qui l'encadre.

Chapitre 2 : Organisation et fonctionnement du centre de détention de CASABIANDA.

Certains éléments permettent bien souvent par eux-mêmes de comprendre que l'on est au seuil d'une prison : des barreaux aux fenêtres, de hauts murs de bétons, des miradors et des barbelés, les cris et bruits incessants aux abords de l'édifice, et, encore suspendus aux fenêtres, les restes du « yoyotage » de la veille. Tout ceci étant absent à CASABIANDA, son caractère pénitentiaire s'exprimera donc par d'autres indices majeurs de l'identité carcérale : le personnel qui y intervient d'une part, notamment par son organisation (Section 1), et d'autre part, les grands axes de son fonctionnement quotidien, présents dans tous les centres de détention de France (Section 2).

Section 1 : L'encadrement humain des détenus de CASABIANDA59(*)

Comme dans tous les établissements pénitentiaires, il existe deux grands ensembles de personnels qui interviennent dans l'enceinte de CASABIANDA : les personnels de l'administration pénitentiaire à proprement parlé, et les personnels détachés d'autres administrations (§1), tous répartis dans quelques grands services (§2).

§ 1 : Le personnel de l'établissement60(*)

En 2006, CASABIANDA comprenait 68 personnels.

Ils se répartissaient de la manière suivante :

- 1 Directeur,

- 1 Directeur Adjoint,

- 12 personnels administratifs,

- 10 personnels techniques,

- 40 personnels de surveillance,

- 4 personnels contractuels.

Pour l'année 2006, la pyramide des âges du personnel, et leurs années d'expérience s'échelonnées de la manière suivante.

Graphique 14: Répartition des personnels de CASABIANDA en 2006 en fonction de leur âge.

Graphique 15: Répartition des personnels de CASABIANDA en 2006 en fonction de leur nombre d'années d'expérience.


Ainsi, en 2006, plus de 85% des personnels du centre de détention affichaient plus de 40 ans ; et presque 60% avaient plus de 20 ans d'expérience. CASABIANDA bénéficie donc, du fait de ces statistiques, d'un personnel expérimenté, et par là même d'une certaine qualité.

L'actualité de ces chiffres n'est pas, dans leur globalité, à remettre en cause. Les changements opérés jusqu'à aujourd'hui tiennent à ceci :

- 1 personnel de surveillance supplémentaire,

- 1 personnel administratif en moins,

- la dissociation des personnels techniques de la Régie et du centre de détention, entraînant le chiffre actuel de 5 personnels techniques,

- 1 contractuel supplémentaire, portant leur nombre à 5 (1 psychologue PEP, 2 aumôniers, 2 contractuels dans les services administratifs).

Quant à l'origine géographique des personnels, il semble que la part des Corses de naissance se réduise (ils étaient 98% d'après un article du Nice Matin daté du 26/01/1984). En 2006 ils restaient cependant, en proportion, les plus nombreux dans le centre de détention avec 26,56% des personnels.

Pour être complet, il faut ajouter à cet ensemble 1 instituteur et des enseignants spécialisés, ainsi que 5 conseillers d'insertion et de probation rattachés à la Direction du Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation de Bastia.

§ 2 : L'organisation des services.

Le travail des personnels s'organise autour de quelques grands services.

A/ La direction et les services administratifs

Composé des postes du Directeur et du Directeur adjoint, auxquels est attaché un secrétariat, le service de direction a la charge, comme dans tout autre établissement pénitentiaire, de piloter l'établissement et de veiller au bon accomplissement de ses missions.

Mais de l'avis de la plupart de mes interlocuteurs, le rôle du directeur est à CASABIANDA, plus que dans tout autre établissement, particulièrement important dans la définition de l'identité du centre de détention. L'appréhension qu'il a de la pratique pénitentiaire, conditionne l'usage qu'il fera des particularités de CASABIANDA. Parce que CASABIANDA est, dans plusieurs domaines, en dehors des normes classiques des prisons françaises ; il peut décider de mettre en avant ces différences, ou au contraire, tenter de les gommer au profit d'une harmonisation de fonctionnement par rapport à un centre de détention classique.

La place qu'il occupe dans la région, peut-être un peu moins aujourd'hui qu'hier, le hisse au rang de notable régional en tant que représentant local de la République. En outre, du fait de l'importance de l'activité de production de CASABIANDA dans le dynamisme de la région61(*), il se doit d'adopter quelques réflexes et attentions particulières en lien avec cette responsabilité ; et ce d'autant plus que CASABIANDA est installé en Corse, et que certaines composantes de la population de l'île ont une susceptibilité plus marquée que la moyenne. Ainsi, pour reprendre le témoignage de l'ancien directeur Roger DUMAS, « compte tenu de la culture des habitants voisins, il est primordial de n'accorder aucun avantage particulier, ou passe droit quelconque, qui, s'ils contentent certains, développent les susceptibilités des autres, et peuvent être pris parfois comme des humiliations ».

Par ailleurs, assurer des fonctions de direction à CASABIANDA, c'est accepter une charge qui, outre demander de remplir les fonctions pénitentiaires traditionnelles, réclame un travail en lien avec les activités économiques ou écologiques liées à l'exploitation du domaine, peu habituel pour des directeurs de prison.

Les services administratifs ont, quant à eux, la responsabilité de la gestion courante de l'établissement et du quotidien des détenus. Ils comprennent les services financiers, les ressources humaines, les cuisines, le service informatique, le garage et les magasins.

B/ Le personnel de surveillance

L'équipe de surveillance, sous la responsabilité du Directeur, comprend 41 personnels dont 37 surveillants, 2 majors, 1 lieutenant et 1 commandant. Parmi ceux-ci tous ne font pas que de la surveillance. Le service du greffe est compris dans cet ensemble, et le moniteur de sport des détenus est un surveillant.

La surveillance est organisée par unité de 4 agents, avec des horaires de travail qui alternent permanences de jour puis de nuit et repos. Chaque équipe procède aux appels quotidiens dans la cour et gère les circulations dans l'enceinte du centre de détention.

Le service du greffe est quant à lui chargé du suivi des détenus dans leur parcours pénal, notamment dans leurs droits aux remises de peines ou leur demande de transfert. Un travail d'autant plus important à CASABIANDA que le travail des détenus ou leur motivation à suivre une formation peut leur donner droit à des remises de peines supplémentaires.

C/ L'Unité de Consultation et de Soins Ambulatoires (UCSA)

Cette unité gère les soins de base des détenus. Elle dispose de locaux pour accueillir une secrétaire médicale, une infirmière, un psychologue, un médecin généraliste, un dentiste, et un psychiatre.

Pour les soins plus importants, les détenus sont orientés vers Bastia, voire sur Marseille.

D/ Le SPIP62(*)

Composé de 5 Conseillers d'Insertion et de Probation, le service SPIP de CASABIANDA intervient auprès des détenus dans leur projet de préparation de fin de peine et pour leur faciliter l'accès à leurs droits de citoyen.

Ce service est ainsi l'interface avec les services administratifs de l'état civil, des collectivités territoriales en général et de certaines administrations déconcentrées (ANPE, AFPA, etc.). Une mission qui révèle parfois la mauvaise volonté dont peuvent faire usage les représentants des administrations françaises lorsqu'il s'agit de traiter des demandes de détenus.

Les CIP participent en outre au processus de reconnaissance de culpabilité mené par les détenus quand cela s'avère nécessaire, d'acceptation de la peine, de revalorisation de l'individu, et peut faire émerger, dans certains cas, une demande de prise en charge psychologique.

La mission de réinsertion assurée par le SPIP est parfois décrite par les CIP comme étant « un peu la débrouille ». Ce constat découle des difficultés inhérentes à la Corse et la population pénale atypique de CASABIANDA. Rester en Corse pour les anciens détenus, c'est parfois encourir le risque de la stigmatisation. Retourner sur le continent est parfois compliqué par le refus de certains foyers d'accueillir « d'anciens pointeurs ».

E/ Le service éducatif63(*)

Le personnel éducatif est lui constitué d'un instituteur à temps plein, désigné comme Responsable Local de l'Enseignement (RLE), et de professeurs vacataires intervenants sur des matières plus spécifiques.

Le RLE a la charge, en dehors de ses missions d'enseignement, de dépister et proposer une formation aux détenus illettrés, l'accompagnement et l'orientation des détenus dans des enseignements à distance, l'animation de l'atelier informatique et de la bibliothèque (aidé par un détenu employé au titre du Service Général), et la coordination du journal de la détention.

L'atelier informatique bénéficie d'un parc informatique de 10 ordinateurs et d'une imprimante réseau. Il permet l'aide à l'apprentissage des outils de bureautique et de la programmation. Il permet en outre la publication du journal « ARENA ».

La bibliothèque fonctionne en partie grâce aux prêts de la Bibliothèque de Corte, qui entretient un roulement des ouvrages par un renouvellement du fond une fois par semestre. Les rayonnages de la bibliothèque comprennent autour de 2000 ouvrages. Une centaine est prêtée chaque mois.

F/ Le service religieux

Ce service se décrit lui-même comme une assistance spirituelle ou morale. Il fait intervenir un diacre officiant comme aumônier catholique et un pasteur comme aumônier protestant.

Un office religieux hebdomadaire est proposé aux détenus qui le désirent.

Section 2 : Fonctionnement du centre de détention de CASABIANDA

Le centre de détention de CASABIANDA est régi par les mêmes dispositions du Code de Procédure Pénale que comme tout autre centre de détention (cf. l'article A39-1 du CPP). Au sens de l'article D.72 du CPP, son fonctionnement comporte un régime principalement orienté vers la réinsertion sociale et, le cas échéant, la préparation à la sortie des condamnés. Cependant, là où les détenus des centres de détention classiques ne peuvent pas circuler d'un étage ou d'un bâtiment à l'autre. À CASABIANDA, la plupart se retrouvent dès le matin au premier appel, et partagent leur journée dans le même grand espace jusqu'au soir.

Le régime de centre de détention trouve donc à CASABIANDA une interprétation originale. Un constat qui se retrouve dans la gestion de la sécurité au sein du centre (§1), dans les activités des détenus (§2), et dans le fonctionnement des « chambres d'amour » (§3).

§ 1 : Gestion de la sécurité à CASABIANDA64(*)

Parce que CASABIANDA est avant tout une prison, la première préoccupation qui régente le fonctionnement de l'établissement est la sécurité. Une sécurité pour la société, mais aussi pour les personnels qui y travaillent et pour les détenus eux-mêmes. Mais compte tenu des missions générales des centres de détention précisées à l'article D.72 du CPP, et des spécificités du lieu, les moyens de sécurité diffèrent quelque peu des autres établissements pénitentiaires.

A/ Dispositifs de sécurité passive

Appréhender la sécurité dans un établissement pénitentiaire se fait en premier lieu par le recensement des dispositifs matériels chargés de créer une sécurité dite passive. En l'occurrence, les murs chargés de créer une enceinte empêchant évasions et intrusions sont à CASABIANDA totalement inexistants. Il n'y a pas non plus de dispositifs alternatifs pour palier à cette absence comme une barrière continue ou un grillage. Inexistants aussi sont les miradors et chemin de ronde permettant une observation du périmètre de la prison.

Les bâtiments eux-mêmes dérogent à leur manière aux règles traditionnelles de la prison. Pour ce qui est des bâtiments dits de détention, les bâtiments dans lesquels logent les détenus ne comportent aucun barreau aux fenêtres, et seules les moustiquaires qui les remplacent font office de protection, mais plus contre les moustiques que contre les évasions ! Dans un autre domaine, alors que les bâtiments administratifs sont un peu à l'écart des autres bâtiments du lieu, ils n'en demeurent pas moins totalement accessibles aux détenus. Ceux-ci les fréquentant régulièrement lorsqu'ils doivent s'entretenir avec des personnels du SPIP, du greffe, de la comptabilité ou de la direction de l'établissement. Une liberté de mouvement (soumise cependant à autorisation ou convocation) que l'on ne retrouve pas dans les autres établissements du même type. Néanmoins, ce bâtiment qui abrite le poste de garde, est quand à lui sécurisé par des barreaux à ses ouvertures (voir annexe photos de CASABIANDA aujourd'hui). Une protection contre les « attaques » extérieures, plus que contre une émeute intérieure.

Pour ce qui est de la détection d'objet dangereux, CASABIANDA ne demande pas aux arrivants de se soumettre au passage du traditionnel portique de sécurité, ni de faire passer leurs effets personnels aux rayons X comme cela peut être le cas ailleurs. Cela dit, venir à CASABIANDA demande une autorisation préalable de l'administration pénitentiaire. Et quiconque évoluerait au milieu des personnels ou détenus sans cette autorisation serait rapidement remarqué par la communauté. Une communauté qui dans son ensemble a tout intérêt à ce qu'aucun incident ne vienne perturber le quotidien.

La détection et le contrôle des mouvements dans l'enceinte du site de détention sont quant à eux très limités. Les bâtiments où sont logés les détenus sont encerclés la nuit par une ceinture de détection par faisceaux, et les coursives et espaces communs de ces bâtiments sont placés sous vidéo surveillance. La journée, cependant, les outils du même type ne pourrait être pertinent pour gérer près de 1.500 ha de superficie.

Enfin, une particularité de CASABIANDA demeure la place de cet immense espace comme moyen matériel passif de lutte contre l'insécurité en détention. En effet, les tensions qui peuvent traditionnellement naître de la trop grande promiscuité dans les espaces de vie en commun, se diluent dans les hectares du domaine. Mais nous développerons ce point dans la partie traitant des rapports sociaux entretenus à CASABIANDA. Un atout qui devenait un inconvénient lorsque les détenus abusaient de leur liberté de mouvement pour partager des « parloirs sauvages » dans les hectares boisés. Une pratique qui a entraîné la mise en place des dispositifs de sécurisation aux abords des dortoirs du C.D. que nous venons de présenter.

B/ La place importante des personnels dans la sécurité de CASABIANDA

Le centre de détention étant peu ou prou dépourvu des moyens matériels traditionnels de sécurité commun dans les autres établissement, la place du facteur humain revient au centre de la stratégie de sécurisation qui, aux vues des résultats en la matière, est porteuse de réussite.

Comme nous l'évoquions précédemment, CASABIANDA bénéficie d'un personnel de surveillance expérimenté et capable. Un personnel qui continue à se former tout au long de sa carrière. En 2006, 56 formations avaient été suivies par des personnels de surveillance de catégorie C.

La qualité, et l'expérience de ce personnel permettent de compter sur leur subtilité et sur leur approche apaisée des détenus. Ce rapport moins conflictuel que dans les autres établissements pénitentiaires autorise plus facilement l'échange d'information et la prévention, voire le désamorçage de situations potentiellement dangereuses.

La typicité de la population carcérale sélectionnée en amont de leur affectation à CASABIANDA permet aussi, bien sûr, d'escompter des comportements plus calmes de leur part que dans tout autre établissement, cependant il ne faut pas pour autant minorer l'importance de la vigilance de chacun qui contribue efficacement à la prévention des atteintes à la sécurité de l'établissement et de ceux qui y vivent ou travaillent.

C/ Le règlement intérieur

Comme chaque établissement, le centre de détention dispose d'un règlement intérieur qui règle le fonctionnement du centre de détention.

Sur les questions de sécurité, il mentionne notamment les infractions et les peines encourues qui sont celles de tout centre de détention en France, les sanctions allant de l'avertissement, de la suspension de droit, jusqu'à la mise en cellule disciplinaire. Cependant, CASABIANDA étant dépourvu de cette cellule, les sanctions utilisant ces peines doivent être accomplies dans le Centre pénitentiaire de BORGO. Un déplacement souvent synonyme de réaffectation pour le détenu sanctionné. L'épée de Damoclès de la réaffectation qui pèse au-dessus de la tête de chaque détenu contribue, dans une large mesure, à la sécurité et à la tranquillité de l'établissement. Les détenus « sexuels » étant considérés dans les autres établissements comme la lie de la société, ils n'ont aucun intérêt à retrouver les brimades et les mauvais traitements dont ils font parfois les frais dans les autres centre de détention ; pour les autres, le cadre de vie et la relative liberté suffit à convaincre, la plupart, de respecter le règlement.

Finalement, le développement de moyens de sécurité dans l'histoire de CASABIANDA a plus été causé par des agressions extérieures (attentats le plus souvent) que par des atteintes internes à la sécurité (à l'exception notable de l'assassinat du surveillant FRATANI, qui entraîna le renforcement des équipes de surveillance). Les résultats en la matière étant aujourd'hui satisfaisant, et l'augmentation de moyens coercitifs pour la garantir étant parfois la source de troubles dans la communauté de CASABIANDA, il semble que l'équilibre atteint aujourd'hui permette un optimum intéressant.

§ 2 : Activités des détenus

Le quotidien du détenu de CASABIANDA est rythmé, à l'exception de quelques travailleurs affectés aux élevages, par un emploi du temps constant :

 

SEMAINE

SAMEDI

DIMANCHE + JOURS FERIES

Lever + petit déjeuner

06 H 00

07 H 00

07 H 00

Appel

06 H 45

08 H 00

08 H 00

Travail

07 H 00 - 11 H 30

 
 

Appel inoccupés

10 H 00

 
 

Repas

11 H 30 - 12 H 30

11 H 45

11 H 45

Appel

13 H 30

13 H 00

13 H 00

Travail

13 H 45 - 16 H 30

 
 

Appel inoccupés

16 H 00

17 H 45

17 H 45

Appel

17 H 45

 
 

Diner1

18 H 00

18 H 00

18 H 00

Appel général et fermeture

19 H 45

19 H 45

19 H 45

Les détenus sont soumis au régime de détention dit Auburnien65(*), l'obligation au silence en moins : vie et travail en collectivité le jour et encellulement individuel la nuit. Il est intéressant de relever ici que le réveil des détenus est leur prise d'activité se font dans des horaires comparables à la vie libre. Une hygiène de vie qui n'est pas partagée par tous les établissements.

Comme dans beaucoup de centre de détention, les détenus vont pouvoir exercer une activité professionnelle, mais pourront suivre aussi des formations qualifiantes, s'adonner à des loisirs et pratiquer différents sports.

A/ Le travail.66(*)

L'une des particularités de CASABIANDA est la priorité donnée à l'activité professionnelle.

Deux univers emploient des détenus à l'intérieur du domaine de CASABIANDA : le service général et l'exploitation agricole67(*).

Le service général comprend toutes les activités nécessaires au fonctionnement du centre de détention, et emploie pour chacune de ces activités un ou plusieurs détenus : maçonnerie, plomberie, électricité, buanderie...

La RIEP, Régie Industrielle des Etablissements Pénitentiaires, a la charge quant à elle de coordonner les activités agricoles du domaine. Elle emploie des détenus pour les différentes cultures, pour l'élevage, pour la coupe du bois, pour la surveillance des feux de forêt et pour l'entretien du matériel.

À cela s'ajoutent des emplois confiés par des concessionnaires et quelques placements extérieurs qui permettent une réaclimatation avec le monde du « dehors » avant la sortie.

L'argent tiré de ces activités permet en outre au détenu d'améliorer d'une part son ordinaire en « cantinant » dans la liste de produits proposés par l'établissement (dont les prix sont un peu plus élevés que la moyenne pénitentiaire du continent, mais comme partout en Corse), mais aussi de se préparer d'autre part un pécule de sortie, et enfin de régler tout ou partie de la dette qu'ils ont envers les victimes de leurs infractions. Autant dire que travailler en prison est le gage de préparation à une meilleure réinsertion.

B/ La formation

CASABIANDA propose à ses détenus outre les services de son unité d'enseignement, trois formations diplômantes, dont deux formations professionnalisantes :

Pour l'année scolaire 2006-2007, 10 détenus étaient inscrits à la formation BII (brevet d'initiation à l'informatique), 6 en avaient été diplômés ; 14 étaient inscrits au CAPA espace rural, 12 avaient été diplômés ; 15 étaient inscrits au CAP maçonnerie, 9 avaient été diplômés.

C/ Les actions socio-culturelles et sportives

Les détenus de CASABIANDA ont la possibilité de participer à plusieurs ateliers culturels : chorale, théâtre, musique, arts plastiques, photographie, vidéothèque, journal des détenus, ainsi qu'à plusieurs activités sportives. Ces initiatives permettent aux détenus arrivants de trouver un espace de socialisation et d'intégration, et pour tous de développer des compétences et attitudes adaptées à chaque atelier (patience, concentration, goût de l'effort ...) et constituent un exutoire pour les tensions accumulées pendant les journées de détention et de travail.

§ 3 : Les « chambres d'amour ».

Les « chambres d'amour » de CASABIANDA sont à la fois la marque de l'identité carcérale moderne de l'établissement, mais aussi le lien avec une forme d'originalité historique.

Ces « chambres d'amour » sont en effet les premières Unités de Vie Familiale des prisons françaises. Créées en 1984, elles étaient en France la première expérimentation d'un espace privatif dédié à l'accueil des familles des détenus, intégré dans l'espace carcéral, pour ménager un temps d'intimité aux couples et à leur famille.

La raison de cette expérimentation à CASABIANDA tient sans doute au fait que l'administration pénitentiaire avait déjà admis dans le fonctionnement de l'établissement l'organisation des « week-end » des familles dans les années cinquante68(*). L'éloignement des détenus du continent légitime toujours la création de conditions privilégiées pour accueillir leur famille, afin que celle-ci ne soit pas, à son tour, condamnée à subir de manière excessive l'incarcération d'un de leur membre. Ainsi, même si le courrier et le téléphone permettent de ne pas briser le lien familial quand celui-là a survécu à la condamnation et à l'incarcération, les rencontres physiques permettent de le raviver et de participer à la future réinsertion des détenus.

Le fonctionnement de ces espaces se fait hors de la présence du personnel. Des pavillons, spécialement aménagés, permettent aux détenus de recevoir leur famille pour un temps déterminé. Appelés « chambre d'amour » ou « chambre conjugale », ils offrent aux détenus la tranquillité nécessaire pour avoir des relations sexuelles avec leur conjoint dans des conditions sanitaires satisfaisantes (à comparer aux « parloirs sexuels » qui existent encore dans bon nombre des établissements pénitentiaires français). Les détenus doivent cependant obligatoirement assister aux différents appels de la journée. Il leur est en outre interdit de franchir le poste central pour aller réceptionner leurs visiteurs.

Les bénéficiaires de ces locaux n'excèdent pas la vingtaine de détenus. Le fait que de nombreux prisonniers du centre de détention bénéficient de régulières permissions de 10 jours pour se rendre sur le continent explique probablement cette sous utilisation.

Ces parloirs si particuliers semblent toutefois être aujourd'hui en deçà des libertés accordées par les nouvelles Unités de Vie Familiale. L'avenir de ces « chambres d'amour » réside sans doute dans l'évolution vers les normes constituées aujourd'hui par ces U.V.F.

Pour conclure ce Titre, je citerai un membre du personnel de l'établissement. A ma question qu'est-ce qui selon vous rend CASABIANDA si particulier ? il me répondit : « C'est une prison classique dans un lieu qui ne l'est pas ».

En effet, dans beaucoup de domaine, il apparaît évident que CASABIANDA est une prison, un espace de privation de la liberté d'aller et venir librement... mais un espace qui demeure immense par sa superficie. Ce qui amène les responsables du centre de détention à développer des stratégies qui permettent à ce lieu de remplir efficacement son rôle tout en composant avec des contraintes si particulières.

Ainsi, CASABIANDA, à sa manière, ramène l'identité carcérale à sa plus simple expression. Des Hommes qui en surveillent d'autres dans l'exécution de la sentence prononcée par la justice : la privation de la liberté d'aller et venir, et qui les accompagnent vers leur réinsertion dans la société, afin de ne plus repasser par la case prison.

Mais ses 1500 ha lui confèrent aussi une originalité unique qui lui permet de développer, dans le cadre de ses missions pénitentiaires, certaines particularités qui lui sont propres, et qui font de son identité, une identité carcérale originale.

Titre 2 : Les originalités de CASABIANDA

La vocation carcérale de CASABIANDA n'étant plus à démontrer, il nous faut à présent observer objectivement ce qui rend ce centre de détention original. Certains détails interpellent nécessairement lorsque vous arpentez les hectares de son domaine, et plus particulièrement ceux de la détention. Parmi ceux-ci, l'espace est la première des originalités. Un établissement pénitentiaire de près de 1.500 ha est aujourd'hui un établissement, littéralement, hors du commun.

En outre, CASABIANDA semble être en marge, en bien des domaines, des autres établissements pénitentiaires français. Ainsi, alors que les débats des années 2000 mettaient en exergue le manque d'hygiène subi par les détenus, notamment par le nombre limité de douches hebdomadaires, CASABIANDA permet à chacun d'en prendre quotidiennement plusieurs. Alors que des établissements pénitentiaires veulent, pour vitaliser leur intérieur, développer de petits espaces de verdure, CASABIANDA cherche quant à lui à éliminer une partie de la population de sanglier qui occupe son domaine69(*), et à maîtriser la prolifération de chats qui envahit la prison (et qui s'élevait en mars 2008 à plusieurs dizaines de membres).

Puis, comme nous venons de le voir, l'histoire de l'établissement pénitentiaire a profondément marqué l'identité du centre de détention. Une empreinte que l'on observe particulièrement dans deux domaines. Cette histoire, intrinsèquement liée à l'exploitation agricole, a donné à CASABIANDA une importante vocation économique (Chapitre 1). L'évolution historique de la population carcérale a, elle aussi, façonné la population actuelle du centre de détention ; il en découle que comparativement aux autres établissements pénitentiaires, CASABIANDA accueille des détenus sélectionnés, entraînant du même coup la spécification de sa population pénale (Chapitre 2).

Chapitre 1 : La vocation économique de CASABIANDA.

Le centre de détention hérite du passé une vocation du travail de la terre. Cet ouvrage nécessitant une importante main-d'oeuvre, le projet de CASABIANDA s'est façonné avec l'ambition d'occuper la plupart des détenus à cette tâche. Une volonté qui se traduit encore aujourd'hui dans la part importante des détenus occupés au sein de la population pénale de l'établissement (Section 2). La production issue de leur travail étant pour ainsi dire le fruit de l'administration, les pouvoirs publics ont toujours veillé à ce que l'impact de l'établissement sur l'économie locale se fasse dans l'intérêt du plus grand nombre, et plus particulièrement des habitants de la région qui abrite la prison (section 1).

Section 1 : L'intégration du centre de détention dans l'économie de la micro région qui l'entoure.

L'implication de CASABIANDA dans l'économie locale se ressent tant dans les niveaux de production annuelle de la RIEP de l'établissement (§2), que plus généralement dans l'impact local d'une administration publique hébergeant plusieurs centaines de personnes (§1).

§ 1 : De l'incidence de CASABIANDA sur l'économie de la micro région en général.

De l'avis du Maire d'Aléria, commune où est installé CASABIANDA, le premier des impacts notables de l'établissement sur son environnement est celui produit par la seule présence de son personnel. En effet, Aléria est un village de près de 2.000 habitants, et les personnels de CASABIANDA représentent à eux seuls une quarantaine de famille. Une population qui vit et consomme dans les commerces du village.

La présence de l'établissement, et surtout du volume de sa production agricole, a permis par ailleurs aux agriculteurs de la région de se constituer en coopérative agricole pour la vente de céréales.

Anecdotiquement, le domaine accueille sur ses terres, proches de la nationale qui le traverse, le terrain de football de la commune où les équipes locales viennent se défier tous les dimanches de la saison, un symbole de l'intégration du lieu dans la commune qui l'abrite.

Dans un autre registre, les grandes étendues contrôlées de CASABIANDA permettent à la région de bénéficier d'une réserve de chasse70(*) dans laquelle peuvent se reproduire tranquillement toutes sortes de gibiers (parfois au détriment des cultures du centre de détention d'ailleurs).

En revanche, l'emploi de détenus de CASABIANDA dans des chantiers extérieurs ou par des concessionnaires privés a une incidence plus controversée. De l'avis de certains, l'emploi de ces détenus se fait au détriment de Corses qui pourraient être employés sur ces postes. Pour d'autres, la présence d'une main d'oeuvre moins chère que la normale permet au contraire de développer une économie au bénéfice de la communauté. En outre, toujours selon ces derniers, la présence de cette population pénale parfois inoccupée, devrait permettre d'ouvrir des chantiers extérieurs de revalorisation du territoire (débroussaillage, nettoyage des rivières, ...) qui seraient utiles au développement, dans la région, d'un écotourisme, ou d'un tourisme « vert », sans cesse grandissant en France. Le débat ne sera pas tranché ici, mais il est indispensable que toute décision sur cette question soit préalablement concertée avec les représentants des pouvoirs publics locaux et la population environnante, et que l'intérêt collectif de ladite décision soit clairement admis par le plus grand nombre. Procéder différemment serait susceptible de créer de nouvelles tensions autour de l'existence même de CASABIANDA.

Ainsi, dans ce registre, la fermeture du centre de vacances du CNOSAP71(*), suite à de nombreux plasticages, est due pour certains à des liens trop distendus entre administrateurs et bénéficiaires du lieu d'une part, et la population locale d'autre part. Quoi qu'il en soit, cette fermeture a été un vrai préjudice pour l'économie locale. Outre la disparition de nombreux vacanciers venus consommer sur le territoire de la région, cette fermeture a entraîné la disparition de plusieurs emplois saisonniers dont les jeunes des communes alentour bénéficiaient. Cet échec ne doit pas définitivement hypothéquer le projet d'une participation du centre de détention à la vie touristique de la région. Un engagement des pouvoirs publics et des collectivités territoriales dans la réouverture d'un centre de vacances pourrait se faire au bénéfice de tous.

Pour ce qui est des perspectives économiques futures, CASABIANDA peut compter sur une situation géographique originale. Avec plus de 2.000 heures d'ensoleillement annuel, et plusieurs hectares impropres à l'agriculture, le domaine pourrait utilement abriter une ferme solaire photovoltaïque, et tirer de celle-ci une source de financements supplémentaires pour la structure. La Corse étant un territoire déficitaire en production électrique, une production solaire locale permettrait de participer d'une part à l'effort global de production d'énergie électrique renouvelable, et d'autre part de diminuer, à une modeste mesure, la dépendance énergétique de l'île à l'apport de fluides du continent.

§ 2 : De la production du centre de détention notamment par la RIEP de CASABIANDA en particulier.72(*)

La production du centre pénitentiaire, qu'elle soit agricole ou de biens de consommation, contribue à la promotion et au développement de biens propre à l'économie Corse. Elle supporte le développement d'espèces ou de races endémiques, et participe à la production de spécialités culinaires de l'île. Elle contribue à combler certaines carences en facteur de production propre à l'élevage, et s'attache à s'associer avec des producteurs locaux.

Afin de réaliser l'ampleur de cette contribution, il nous faut en quelques lignes détailler la production de la RIEP de CASABIANDA pour la campagne 2006-2007:

Production

Quantité

Production céréalière

Blé

520 quintaux (rendement de 24 qx/ha)

Orge

1.905 quintaux (rendement de 26,64 qx/ha)

Triticale (croisement du blé et du seigle)

1.497 quintaux (rendement de 24,24 qx/ha)

Féverole

225 quintaux (rendement de 12 qx/ha)

Paille

450 tonnes

Cultures fourragères

Cultures fourragères récoltés

1.238 tonnes

Cultures fourragères consommée sur pied par le bétail

indéterminée

Bois

Stères

Environ 7.000 unités

Plantes aromatiques

Immortelle de Corse

Non renseignée

Romarin à verbenum

Non renseignée

Verger

Oliveraie

La production des années 2006 et 2007 : détruite par la grêle et la sécheresse

Production de l'année 2008 à prévoir : 80 tonnes.

Elevage

Porcherie

Autour de 2.000 porc/an

Bovin

· 170 vaches allaitantes,

· 4 taureaux dont 3 inscrits au Herd-book race limousine;

· 71 génisses de renouvellement ;

· 70 jeunes disponibles à la vente.

Vente de 112 veaux en 2007

Ovin

· 809 brebis gestantes ;

· 25 béliers ;

· 328 agnelles

production de 175.000 litres de lait


Le choix d'une haute qualité de production, au détriment parfois d'autres objectifs de rendements, a été fait depuis plusieurs années par l'actuel régisseur. En témoigne le label AGRICULTURE BIOLOGIQUE (contrôlé par ECOCERT) acquis depuis 2004 par toute l'exploitation (à l'exception de la production oléicole), ce qui fait de CASABIANDA, d'après les dirigeants de la RIEP, la plus grande ferme BIO d'Europe. Une orientation stratégique, contestée par certains, qui répond cependant à un nouveau marché, et qui doit s'analyser dans une démarche globale de la Corse d'un accroissement de l'agriculture biologique, sous l'impulsion de l'Assemblée de Corse elle-même73(*).

Autre preuve du soutien de la production de CASABIANDA à la production corse, la location par l'établissement d'environ 30 ha à une coopérative agricole « en vue de favoriser la recherche et la sélection de brebis de race corse avec insémination artificielle à partir de béliers hautement sélectionnés »74(*). La totalité de la production porcine est destinée à des producteurs locaux chargés de finir l'engraissement des animaux selon des méthodes traditionnelles avant de confectionner les spécialités charcutières corses. Pour ce qui est de la production ovine, les agnelles (de race corse) sont exclusivement réservées pour la revente aux éleveurs locaux. Quant à la production de lait, elle est destinée actuellement à un industriel fromager local.

À la production de la RIEP, il faut ajouter l'implantation, dans l'enceinte de l'établissement, d'un concessionnaire qui emploie des détenus à la fabrication des canistrelli, biscuits traditionnels corses. Ainsi que la présence d'une unité des haras d'Uzès, qui met à la disposition des éleveurs locaux des étalons de grande qualité.

Il faut toutefois souligner que le choix d'une activité de production agricole entraîne, de facto, une certaine dépendance aux aléas du climat (en témoigne les pertes de production oléicole pour 2006 et 2007). Afin de réduire ces aléas, il serait nécessaire d'ouvrir des voies d'irrigation, ce qui suppose de lourds et nouveaux investissements (problème récurrent depuis le XIXème siècle).

Section 2 : Labeur et labour pour les détenus de CASABIANDA

Comme nous l'avons étudié plus en amont, CASABIANDA est, à plusieurs égards, l'héritier de la réforme AMOR. La volonté d'agir pour accompagner le futur reclassement social du condamné, et le rejet de toute forme d'oisiveté, entraîne tout naturellement cet établissement pénitentiaire à encourager le travail (§1), ainsi que la formation des détenus (§2).

§ 1 : Le travail des détenus de CASABIANDA

Les détenus de CASABIANDA peuvent exercer leur activité professionnelle sous la responsabilité de différents acteurs économiques, publics ou privés :

A/ Le service général du centre de détention de CASABIANDA

Afin d'accomplir les tâches d'entretien, de logistique et de maintenance qui participent au bon fonctionnement du centre de détention, CASABIANDA emploie des détenus dans plusieurs de ses services, toujours sous la direction d'un chef de service :

- Les espaces verts : la qualité de vie du domaine est en partie apportée par les grands espaces naturels qui l'entourent. Mais de tels espaces nécessitent un entretien régulier pour éviter le retour d'un maquis envahissant. Une équipe de détenus est donc chargée de l'entretien et de la création des espaces verts « domestiqués » du domaine, de la tonte de la pelouse et de la taille des arbres, massifs et haies qui parsèment la propriété. Ils ont en outre la charge de l'entretien des plages et bords de mer, du cimetière, de la « Résidence » (lieu de logement du personnel) et du parcours de santé dans la forêt. À ceci se rajoutent quelques travaux pour maintenir en état praticable les routes et chemins qui parcourent CASABIANDA.

- La cuisine : les repas des détenus et l'entretien du réfectoire sont effectués par une autre équipe de détenus. Ils préparent pour leurs collègues, d'après des menus élaborés par l'économat, les quelques 180 repas de chaque service. Une partie de ces détenus est affectée au mess des personnels situé dans la « Résidence », en amont du domaine.

- Service de maintenance des locaux : l'entretien général des locaux, du matériel, la réparation, l'aménagement, la rénovation et l'amélioration de certains espaces, la construction parfois, autant de secteurs qui offrent à une troisième équipe de détenus l'occasion de découvrir, ou d'entretenir, l'exercice de professions techniques. Ils interviennent aussi bien dans les cellules que dans les espaces communs ou dans les locaux annexes des bâtiments de détention comme dans les logements du personnel. Un savoir-faire important se dégage de cette structure, constituée de deux services distincts : le service d'entretien général d'une part, plus spécialement affecté à l'entretien et au maintien en fonction des installations et le service des réparations d'autre part, chargé des aménagements et lourdes réparations.

B/ La RIEP

La force de travail qui est à l'origine de la production agricole de CASABIANDA est celle des détenus. Ils sont employés dans tous les secteurs de production de la RIEP, mais toujours sous la responsabilité de cadres techniques :

- Cultures céréalières et arboriculture : Pour exploiter les centaines d'hectares susceptibles de produire à CASABIANDA, la RIEP peut compter sur la force de travail d'une équipe de détenus qui participe à tous les stades du processus de production, du labour à la récolte, et à l'entretien du verger oléicole du domaine.

- Gestion de l'alimentation du bétail : L'approvisionnement depuis l'extérieur, ou la production les rations alimentaires issues de la production agricole du centre de détention, sont sous la responsabilité de la régie. À ces fins, elle emploie une équipe de deux détenus spécialement affectée à cette tâche.

- L'élevage : Que ce soit pour la porcherie, pour la bergerie ou pour l'élevage bovin, le soin des bêtes est à la charge d'une équipe de détenus. Cette tâche implique tant l'entretien des espaces de production que la participation aux vêlages lors des périodes de mise bas.

- Parc des matériels agricoles : Vu l'importance du parc de matériel agricole utilisé sur l'exploitation, un atelier d'entretien est présent sur le domaine. Ainsi, la régie emploie un groupe de détenus en charge de la conduite des engins et une équipe de mécaniciens oeuvrant à l'entretien du parc de matériel.

- Lutte contre l'incendie : Afin de prévenir les risques d'incendie, la RIEP emploi périodiquement des détenus au débroussaillage des sous-bois et maquis, ou comme vigie pendant les périodes à risque.

C/ Les employeurs privés ou extérieurs à l'établissement

Comme nous l'indiquions plus haut, les détenus de l'établissement peuvent également être employés par des acteurs économiques extérieurs à l'administration pénitentiaire. Ainsi, certains peuvent travailler pour les Haras d'Uzès dans l'élevage et le soin des animaux de l'écurie de CASABIANDA, d'autres peuvent être employés par un concessionnaire privé pour la fabrication des canistrelli, un dernier groupe peut enfin aller, sous certaines conditions, travailler pour des employeurs privés ou publics, à l'extérieur de l'établissement et revenir chaque soir au centre de détention. Pour l'année 2006, quatorze détenus bénéficiaient d'un contrat de travail à l'extérieur de l'établissement. Sur ces quatorze, six n'étaient soumis à aucun régime de surveillance particulier.

§ 2 : La formation des détenus de CASABIANDA.

Les détenus du centre de détention de CASABIANDA peuvent suivre soit des enseignements scolaires et académiques, soit des formations professionnelles.

Si l'on observe les statistiques de l'année scolaire 2006-2007, la répartition des 62 détenus scolarisés (sur les 175-185 détenus que compte l'établissement) en fonction de leur niveau de scolarisation était la suivante :

Graphique 16 : Répartition de la population carcérale de CASABIANDA scolarisée en 2006-2007 en fonction de leur niveau de scolarisation.

Sur cet effectif de détenus, 36 ont obtenu un diplôme à l'issue de l'année scolaire. A noter que l'un d'entre eux n'a pas pu présenter son DNB du fait de sa libération conditionnelle. Ces 36 diplômés se répartissaient de la manière suivante :

Graphique 17 : Répartition des détenus ayant obtenu un diplôme en 2006-2007 en fonction du dit diplôme.

Les formations professionnalisantes de maçon et des espaces verts étant spécialement conçues pour répondre à la fois aux besoins de l'activité du centre de détention, mais correspondant aussi à des secteurs d'activité ayant des difficultés de recrutement de personnels qualifiés, aident ainsi à la réinsertion des détenus une fois libérés.

Il faut ajouter à cela une formation dispensée par les pompiers de Corte aux premiers secours. En 2006, vingt détenus ont obtenus leur Attestation de Formation aux Premiers Secours.

Nous ne pouvons pas clore ce chapitre sans évoquer la très faible proportion d'inactifs à CASABIANDA. Certains d'entre eux le sont par choix. La plupart le subissent. Etre inactif, c'est risquer d'être stigmatisé par ceux qui travaillent, voire par une partie du personnel. Il existe même une expression pour décrire leur quotidien : « ils pointent à la plage » ; et ce n'est pas un compliment. En outre, le vieillissement de la population entraîne des incapacités de travail (faiblesse physique, retraite, ...). Ceux-ci ont tendance plus que les autres à développer une forme d'ennui qui peut tourner à la dépression lorsque se développe chez eux un sentiment d'inutilité, renforcé par la constante activité du centre et de leurs codétenus, ainsi que par la fréquente rupture des liens familiaux.

Il serait salutaire de développer pour cette population, des activités occupationnelles et utiles, qui leur redonnerait le sentiment d'appartenir à une société à laquelle ils contribuent.

La vocation économique de CASABIANDA a, nous l'avons établi, un impact objectivement positif sur son environnement immédiat, et au-delà sur toute la région Corse. Cette importante originalité permet en outre aux détenus de développer de nouvelles compétences professionnelles pour certains, et, pour d'autres, d'entretenir leurs savoir-faire ; des atouts précieux lorsque vient le moment de la réinsertion dans le monde libre.

Chapitre 2 : Evolution et perspectives de la population pénale de CASABIANDA.

L'un des éléments identifié par tous comme une originalité de CASABIANDA repose sur la typologie de sa population pénale. Nous avons pu voir dans la partie historique de ce mémoire les facteurs qui ont progressivement influencé la structuration de cette population en majorité composée d'infracteurs sexuels. Voyons maintenant les caractéristiques de son actuelle composition au travers d'une étude statistique (Section 1), et de l'observation des catégories pénales qui composent l'établissement (section 2).

Section 1 : Eléments d'analyse et données statistiques de la population pénale de CASABIANDA

Grâce à l'étude des rapports d'activité du centre de détention, et de quelques autres documents relatifs à l'établissement, nous remarquerons une évolution sensible de la population carcérale de CASABIANDA durant la dernière décennie tant dans son effectif, que dans la typologie de sa population. Voici en quelques graphiques commentés l'illustration de cette évolution (§1), avec une attention particulière pour le travail du CNO dans l'orientation des détenus vers CASABIANDA (§2).

§ 1 : Analyses de quelques données statistiques relatives à la population carcérale de CASABIANDA

Graphique n°18 : L'effectif global des détenus de CASABIANDA, fluctuant autour des 175-185 détenus en fonction des mois, ne semble pas particulièrement avoir été atteint par l'augmentation nationale de la population carcérale depuis 2001, dont l'effectif passait de 47.837 personnes écrouées en 2001 à 60.403 en 2007.

Il faut cependant noter une légère évolution de la densité carcérale de l'établissement en raison de la fluctuation des places disponibles et aux normes.

Graphique n°19 : En revanche, une tendance lourde se dessine depuis quelques années avec l'augmentation de la part des détenus originaires de la région PACA, plus du doublement de ces détenus en 4 ans, au détriment des autres régions françaises ; la part des détenus étrangers ne variant que marginalement. Les raisons invoquées par l'administration pénitentiaire à cette augmentation, tiennent à la faiblesse du nombre de places disponibles dans les Centres de détention de la région PACA, d'où une affectation plus importante de ces détenus dans la Corse voisine. En revanche, les détenus d'origine corse restent quant à eux en très faible proportion (autour de 3%).

Graphique n°20 : Le vieillissement de la population de CASABIANDA est là aussi une tendance qui se confirme avec les années. Plus de 20% des ces détenus avaient plus de 60 ans au 1er Mars 2008 (pour 3,7% en moyenne nationale dans les établissements pénitentiaires). Une évolution entamée avec l'année 2007, et qui pourrait, si elle venait à trop se développer, poser quelques difficultés d'organisation pour un établissement qui est en premier lieu tourné vers des activités économiques qui réclament, pour la plupart, une bonne condition physique. Cette forte proportion peut s'expliquer, en partie, par la forte proportion d'auteurs d'agression sexuelle, qui sont, en général, condamnés à un âge déjà avancé, et à de longues peines.

Graphique n°21 : La part des auteurs de viols ou autres agressions sexuelles reste toujours élevée. Toutefois, nous pouvons assister à une érosion de cette catégorie pénale depuis le tournant des années 2000. Bien que l'établissement aie déjà connu des proportions bien plus faibles pour les infracteurs sexuels, cette diminution semble être une nouvelle étape dans la composition de la population carcérale de CASABIANDA. Une évolution admise afin d'observer le comportement d'une plus grande population de droit commun non sexuel dans l'environnement de CASABIANDA.

Graphiques n°22 et 23 : Du fait de l'aggravation des peines pour agression sexuelle dans la dernière décennie, et de la surexposition médiatique des procès pour ces infractions entraînant de la part des juges un élan d'exemplarité, les détenus de CASABIANDA ont suivi la tendance nationale de l'allongement des peines prononcées pour ces infractions. Une tendance qui se reflète dans ces deux graphiques.

Graphiques n°24 et 26 : Les politiques pénales de ces dernières années aidant à la multiplication des mesures de réduction de peines ou de libération conditionnelle, le public de CASABIANDA ayant toujours proportionnellement bénéficié plus que la moyenne nationale de ces mesures, nous pouvons observer que le turn-over des détenus de cet établissement s'est accéléré depuis le tournant des années 2000.

Par ailleurs, la diminution du nombre moyen de jours de détention passés à CASABIANDA poursuit son cours. Pour expliquer ce processus, il faut ajouter aux causes précédemment évoquées, l'augmentation en valeur absolue des détenus pour des infractions autres que sexuelles, qui ont, en général, un reliquat de peine moins élevée.

(Suite des analyses après les graphiques).

Graphique 19 : Origine géographique des détenus de CASABIANDA.

Graphique 18 : Evolution de l'effectif de la population carcérale de CASABIANDA.

Graphique 20 : Répartition par âge de la population carcérale de CASABIANDA.

Graphique 21 : Répartition proportionnelle par objet de condamnation des détenus de CASABIANDA.

Graphique 23 : Répartition par quantum de peine criminelle.

Graphique 22 : Répartition par quantum de peine correctionnelle.

Graphique 26 : Evolution de la durée moyenne du séjour des détenus à CASABIANDA en nombre de jours.

Graphique 25 : Motifs des sorties de 2007.

Graphique 24 : Flux d'entrée et de sortie de la population pénitentiaire de CASABIANDA

Graphique 28 : Répartition de la population carcérale de CASABIANDA au 31 mars 2008 en fonction du niveau d'instruction des détenus.

Graphique 27 : Part des orientation du CNO dans les détenus de CASABIANDA au 1er juillet 2008.

Graphique 29 : Détenus occupés et inoccupés de CASABIANDA.

Graphique n°25 : Sur les 10 transferts vers d'autres établissements pénitentiaires pour l'année 2007, deux détenus l'étaient pour réaffectation, aucun en 2004 et 2005, et un seul en 2003 et 2006.

Les libérations conditionnelles diminuent quant à elles sensiblement, après un nombre de 23 en 2004, 27 en 2005 et un pic à 35 en 2006, elles retombent à leur niveau de 2003 avec 20 libérations conditionnelles en 2007.

Graphique n°28 : Sur la population écrouée à CASABIANDA au 1er mars 2008, nous observons que plus de 65% des détenus ont un niveau secondaire ou supérieur, et seulement 2% ont un niveau illettré.

Graphique n°29 : Le taux d'occupation des détenus est lui aussi en évolution. Pour un effectif de 200 détenus approximativement en 1966, 194 étaient occupés, soit plus de 95%. Cette proportion était de 89% en 1991, 70% en 1998 et atteignait 82% en août 2008. Ce dernier chiffre est bien sûr à pondérer d'une part avec les chiffres nationaux de 32,9 % en maison d'arrêt et 52,3 % en établissement pour peine, mais aussi d'autre part au nombre moyen d'une quinzaine de détenus inoccupés sur l'année. Cependant, pour un établissement qui axe une partie de son identité sur le travail des détenus, ces presque 20% d'inoccupés par rapport à la population pénale totale peuvent interroger les observateurs.

Graphique n°27 : Ce graphique indique la proportion actuelle des détenus qui ont été orientés par le CNO avant leur arrivée à CASABIANDA. Ce taux est aujourd'hui bien moins élevé que ce qu'il a pu être par le passé. En 1966, tous les détenus condamnés à des peines criminelles étaient passés par le CNO, soit la majorité des détenus de CASABIANDA.

Il nous faut, à l'occasion de cette observation statistique, nous attarder sur le travail du CNO pour CASABIANDA, afin d'appréhender l'analyse de l'administration pénitentiaire quant aux caractéristiques idéales des détenus orientés vers la population pénale de CASABIANDA

§ 2 : Le travail du CNO dans le choix des détenus pour CASABIANDA
A/ Du Centre National d'Orientation en général

Le Centre National d'Orientation installé à Fresnes en 1950, puis devenu Centre National d'Observation en 1985, a pour double vocation de « faire le point sur la personnalité et la situation du condamné au moment où celui-ci est accueilli au CNO » et d'établir ensuite « des propositions concrètes, de nature à permettre l'intégration de toute peine d'emprisonnement dans un projet pénitentiaire global »75(*). Ce travail s'appuie sur la philosophie générale posée par l'article D74 du CPP qui définit ainsi la procédure d'orientation :

« Art. D74 du CPP : La procédure d'orientation consiste à réunir tous les éléments relatifs à la personnalité du condamné, son sexe, son âge, ses antécédents, sa catégorie pénale, son état de santé physique et mentale, ses aptitudes, ses possibilités de réinsertion sociale et, d'une manière générale, tous renseignements susceptibles d'éclairer l'autorité compétente pour décider de l'affectation la plus adéquate. »

Composé d'une équipe pluridisciplinaire (45 personnes réunissant des psychiatres, des psychologues, des éducateurs et assistants sociaux ainsi que des personnels de surveillance volontaires et spécialement formés), le CNO est chargé de structurer un dossier d'observation qui comprend un bilan pluridisciplinaire, une synthèse de détention et un bilan d'observation psychologique, afin que l'administration pénitentiaire puisse affecter les détenus concernés dans un établissement pour peine.

Pour effectuer ce travail, l'équipe du CNO accueille des cohortes de 30 à 40 détenus pour un cycle de 6 semaines et ce pour 9 cohortes par an.

Pour m'illustrer la rigueur du travail du centre, un détenu de CASABIANDA me confiait : « ils nous observe sous toutes les coutures ; limite s'ils ne regardent pas comment on va pisser ».

Le passage au CNO était en principe réservé aux condamnés dont le reliquat de peine était égal ou supérieur à 10 ans. Cependant, depuis la circulaire du 18 novembre 2003 les directions inter-régionales de l'administration pénitentiaire peuvent désormais proposer un passage au CNO quel que soit le quantum de peine du détenu afin de dresser un bilan d'évolution de la personnalité du condamné « dans la perspective d'une meilleure individualisation du régime de détention pouvant aboutir à un changement de régime de détention, ou en prévision d'une mesure d'aménagement de peine » ; la décision finale appartenant toujours à l'administration pénitentiaire.

Les détenus observés aux CNO sont donc souvent à un tournant de leur peine :

- Passage de Maison Centrale à centre de détention.

- Détenu signalé DPS (Détenu Particulièrement Surveillé) demandant la levée de cette mesure.

- Trouble particulier manifesté en détention.

- Depuis la loi DATI de février 2008, les demandes d'avis du CNO transmises par les Juge d'application des peines ou les Tribunaux d'application des peines, pour certaines libérations conditionnelles.

- Certaines réaffectations (dont celles vers CASABIANDA) nécessitant une attention particulière.

B/ Des orientations du CNO vers CASABIANDA en particulier

Nous l'avons étudié lors de l'historique, la politique d'orientation par le CNO de détenus vers CASABIANDA est une élaboration conjointe entre le premier directeur de l'établissement, et le premier directeur du centre de Fresnes. Cette politique s'articulait autour de la nécessité d'avoir des détenus capables de respecter les limites et tentations constituées par les libertés de CASABIANDA, et de pouvoir compter sur leur force de travail pour transformer la friche du domaine en performante exploitation agricole.

En 1966, dans le mémoire de Madame CRISTIANI76(*), les critères d'orientation n'avaient finalement que peu changé depuis leur origine :

« Pour CASABIANDA, le critère est double : d'abord, eu égard au caractère du Centre ouvert, il est exclu d'y envoyer des criminels dangereux, des caïds qui pourraient profiter des circonstances pour garder de dangereux contacts avec l'extérieur. Puis, le régime n'étant pas sévère, on y envoie des détenus de bonne volonté qui paraissent amendables, de préférences aux têtes dures qui ne cherchent qu'à faire de l'obstruction. Ceci pour le caractère des détenus ; mais aussi, on tient compte de la qualification professionnelle des condamnés. Cela va de soi, puisque la population pénale a la charge d'exploiter le Domaine ».

Aujourd'hui encore, ces préconisations sont toujours valables. De l'avis de personnels de l'administration pénitentiaire très avisés sur la question, les détenus préconisés par le CNO doivent « inspirer confiance ». Ils doivent « mériter » CASABIANDA. La « quiétude » du centre de détention est une « variable » dans le choix des détenus. Ce sont donc les « moins dangereux » qui y sont envoyés ; parfois ceux qui ont un projet professionnel autour des espaces verts.

Tous ces paramètres entraînent donc une forme « d'homogénéité » de la population carcérale de CASABIANDA. Chose remarquable toutefois, le critère de l'infraction pénale commise par l'auteur n'est pas un critère de choix mis en avant. Pourtant, force est de constater que l'homogénéité de CASABIANDA s'organise autour des infracteurs sexuels. Une population qui semble remplir les conditions de sécurité précédemment mentionnées.

Section 2 : Particularités de la population carcérale de CASABIANDA

Au 1er Janvier 2007 les condamnés pour viols et agressions sexuelles représentaient en France 19,7% des condamnés incarcérés (soit une population de près de 8.260 détenus). À CASABIANDA, à la même date, c'est plus de 80% de la population pénale qui s'était rendue coupable de ces infractions.

Pourtant, jusque très récemment, rien, à part cette forte proportion des détenus pour infraction à caractère sexuel, ne pouvait faire de CASABIANDA un établissement spécialisé dans l'accueil d'une population d'infracteurs sexuels.

Il faut donc, pour comprendre cette spécificité, s'arrêter quelques instants sur cette catégorie pénale (§1), mais aussi sur la part de la population de CASABIANDA qui ne relève pas de ces infractions (§2).

§1 : Etude succincte des détenus pour infractions pénales à caractère sexuel

Les violences à caractère sexuel représentent en France autour de 23.000 faits constatés chaque année par les forces de police ou de gendarmerie. Dans près de 60% des cas, la victime est mineure au moment des faits. En 2006, les auteurs de ces violences étaient au nombre de 14.276, dont 74,6% d'hommes majeurs, 23% d'hommes mineurs, 1,6% de femmes majeures et 0,7% de femmes mineures77(*).

Si l'on s'attarde sur les auteurs des violences sexuelles sur mineurs qui sont la part majoritaire de ces violences, nous constatons d'après une étude menée par le Groupe d'Intérêt Public enfance en danger en 200278(*) que 53,8% sont issus de la famille proche (dont 30,8% pour les pères des victimes).

Bien que les études au sujet des infracteurs sexuels fassent encore l'objet de nombreux débats dans la communauté scientifique, nous envisagerons tout d'abord pour mieux les comprendre, au travers des conclusions des courants scientifiques majoritaires, la psychologie de ces criminels (A/). Puis, CASABIANDA étant considéré par eux-mêmes comme une chance, nous observerons ensuite le sort que bien souvent les prisons traditionnelles leur réserve (B/).

A/ Profils psychologiques et psychopathologies des infracteurs sexuels

Si l'on considère que l'agression sexuelle est hors de la norme collective, comme le font majoritairement nos différents modes de contrôle sociaux (loi, morale, règles sociales interpersonnelles, ...), il est nécessaire de comprendre le modus operandi qui génère de tels comportements, afin de prévenir la récidive de leurs auteurs, mais aussi d'anticiper sur les infractions futures de potentiels criminels.

Envisagée sous l'angle criminologique, la définition de l'agression sexuelle peut être la suivante : Infraction pénale à caractère sexuelle, qui porte atteinte à l'intégrité physique d'une personne, afin, pour l'auteur, d'assouvir un désir pulsionnel dans le but d'y trouver un plaisir satisfaisant.

S'il y a passage à l'acte, c'est donc que la conscience de l'auteur a été insuffisamment adaptée à la norme sociale pour empêcher cette infraction. La défaillance de la conscience de l'infracteur peut s'envisager selon quatre niveaux, éventuellement concomitants :

- 1°) l'intériorisation de la loi a été insuffisante pour qu'elle prévale à l'assouvissement de la pulsion.

- 2°) l'auteur de l'infraction n'a pas su « gérer » sa pulsion. Il ne supporte pas la frustration que génèrerait l'insatisfaction de cette pulsion.

- 3°) l'auteur de l'infraction n'a eu aucune empathie pour la victime, il n'est pas affecté par la souffrance qu'il crée.

- 4°) le plaisir attendu par la réalisation de l'infraction est placé à un niveau tellement élevé dans l'échelle de satisfaction de l'individu, que dans une vision narcissique de ce plaisir, l'assouvissement de celui-ci justifie les moyens d'y parvenir, que la question de la souffrance de la victime soit conscientisée par l'auteur (dans les cas de sadisme), ou non.

En novembre 2001, se réunissait, à Paris, la 5ème conférence de consensus de la Fédération Française de Psychiatrie sur le thème des Psychopathologies et traitements actuels des auteurs d'agressions sexuelles ; une conférence fondatrice des orientations actuelles sur ces questions en matière criminologique et judiciaire.

Lors de cette conférence de nombreux experts ont exposé divers volets traitant des infracteurs sexuels et de leurs traitements. Le Professeur SENON présentait ainsi un recueil de Théories des causes impliquées dans les agressions sexuelles : intérêt en prévention, en clinique et en thérapeutique, celui-ci nous permet de mieux cerner l'état d'avancement des recherches en la matière79(*), et d'isoler celles propres à la psychologie de l'auteur de l'infraction :

Hypothèses des causes des agressions sexuelles

Intérêt en prévention

Intérêt en clinique

Intérêt en thérapeutique

Psychosociologiques

Famille relationnelle

Interventions précoces sur les familles symbiotiques

Repérage des psychopathologies familiales

Thérapies familiales

Carence paternelle

Actions socio-éducatives

Non établi

Prise en charge individuelle

Thérapies familiales ?

Dissociation familiale

Actions socio-éducatives

Non établi

Thérapies familiales ?

Hypothèses des causes des agressions sexuelles

Intérêt en prévention

Intérêt en clinique

Intérêt en thérapeutique

Criminologiques

Maladie mentale et agressions sexuelles

Non établi

Non établi

Prise en charge des comorbidités : alcoolisme, toxicomanies

Maltraitance

Actions socio-éducatives

Non établi

Non établi

Séparation viol/inceste/pédophilie

 Non établi

Non établi

Hiérarchiser les priorités de prise en charge

Sur-répression des infractions sexuelles

Actions d'information

Non établi

 Non établi

Biologiques

Androgènes

 Non établi

Non établi

Hormonothérapies

sur indications précises

Sérotonine

Non établi

Non établi

Non établi

Psychanalytiques

 

 Non établi

Modèle dans la pratique quotidienne

Psychothérapies aménagées

Régulation et supervision des interventions

Comportementales et cognitives

Préférences sexuelles

 Non établi

Non établi

Thérapies comportementales

Déficit des aptitudes sociales

Actions socio-éducatives

Non établi

Non établi

Distorsions cognitives

Actions socio-éducatives

Non établi

Thérapies cognitivo-comportementales

 

En commentaire à ce tableau, il est intéressant de noter que, de la même manière que cela a été fait pour les intérêts en prévention, en clinique et en thérapeutique, la sanction de l'infraction n'est pas envisagée dans le but d'élaborer une colonne permettant de dégager un intérêt pénologique à la cause de l'infraction.

Pourtant, nous pouvons penser que si des causes différentes pour une même infraction, ou une infraction similaire, appellent une réponse préventive, clinique ou thérapeutique différente, elles devraient, de la même manière, appeler une sanction pénale adaptée, voire différenciée (j'entends par là, aller au-delà de la simple réponse pénale proportionnée) en fonction des causes de l'infraction commise.

Peut-être, à l'avenir, les progrès scientifiques dans les causes référencées dans ce tableau, pourraient-ils permettre de sanctionner différemment un père incestueux d'un violeur récidiviste, en trouvant la peine la plus adaptée à sa réinsertion future ; celle-ci devant bien sûr protéger de manière optimale la société, mais aussi se limiter aux strictes et nécessaires suppressions des libertés individuelles de l'auteur et ainsi donner l'opportunité aux professionnels de combler les carences, ou de corriger les troubles, mis à jour par la recherche des causes de l'infraction.

Si l'on détaille la psychologie des auteurs d'infractions à caractère sexuel, malgré la diversité des profils, certains chercheurs mettent en avant des lignes directrices communes. Les auteurs d'agressions sexuelles sont souvent atteints de troubles graves du narcissisme, une fragilité du sentiment de continuité identitaire, et une menace d'effondrement dépressif, liés à des angoisses majeures d'altération voire de disparition de la représentation de soi80(*). En outre, ces mêmes chercheurs soulignent la récurrence d'une carence affective subie pendant l'enfance des infracteurs.

Dès lors, si l'on doit rapprocher ces analyses de la pénologie carcérale qui nous occupe ici, nous pouvons considérer que les infracteurs sexuels sont particulièrement réceptifs à un cadre structurant et contraignant, et qui les responsabilisent, voire les valorisent (ce qui aura le double effet de les rassurer et de satisfaire positivement leur ego, loin des satisfactions narcissiques répréhensibles qu'ils avaient jusqu'alors). Une peine adaptée à leur psychologie permettra ainsi d'autant mieux de les rendre disponibles à une prise en charge thérapeutique, qui demeure, dans leurs cas, indispensable.

B/ Devenir pénitentiaire de détenus pour infractions à caractère sexuel.

Les détenus pour infraction à caractère sexuel ont un surnom en prison : les « pointeurs » ou « pointus ». Sobriquet peu aimable qui dénote bien de l'irrespect latent qui existe à leur endroit dans les couloirs de détention. Ils sont considérés par beaucoup de leurs codétenus comme « des anormaux »81(*). Statut particulier dans une communauté d'individus qui tous, à leur manière, sont, ou ont été, en dehors de la norme sociale. Comme le montre avec beaucoup de pertinence les auteurs de Sexualités et violences en prison : ces abus qu'on dit sexuels en milieu carcéral82(*), ils sont placés au bas de la hiérarchie sociale carcérale, aux côtés des homosexuels et des « balances ». Par conséquent, ils subissent des pressions voire des violences de toutes sortes. Le premier passage en prison, qui se fait en maison d'arrêt pendant la détention préventive, est souvent le synonyme du début des humiliations. Pour décrire ce quotidien, je reprendrai la présentation qu'en faisait Christian SALOM dans son mémoire83(*) :

« D'après les témoignages recueillis avec beaucoup de retenue et de pudeur dans l'évocation des souvenirs carcéraux, des constantes se dégagent, seuls quelques rares établissements pénitentiaires en France réussissent à instaurer des conditions de détentions identiques pour tous les détenus.

Mais dans la majorité des cas, pour les « protéger » et souvent à leur demande, les détenus de cette catégorie d'infraction sont soit isolés, soit regroupés entre eux, parfois dans un quartier spécial ou une aile d'un bâtiment.

D'après le règlement, ils peuvent participer aux activités, aux séances de sport, aux cours scolaires.

Ils doivent aussi aller se doucher, se rendre à la bibliothèque, à un entretien avec le travailleur social ou le service médical.

Dans la pratique, chaque déplacement est une épreuve, un risque de rencontre avec les codétenus, d'agression verbale ou physique, de menaces qui renforcent un stress permanent.

Alors se mettent en place les premiers comportements d'adaptation aux dures réalités carcérales : pas de sport, pas de sortie en promenade, pas de demande d'activité ou d'enseignement, les déplacements à l'initiative du détenu sont réduits au strict minimum.

Pourtant, il faut bien sortir de la cellule, l'avocat insiste sur l'utilité d'entamer un suivi psychologique avant le procès pour montrer le repentir et l'évolution de son client, les mois ou années de la longue détention provisoire ne peuvent pas se passer à l'isolement sans dégâts, il faut travailler, s'occuper.

Chaque sortie est source d'angoisse, et oblige à rechercher la protection.

Cette condition carcérale particulière, les détenus en parlent peu, surtout quand ils ont subi des agressions sexuelles. »

Dans ce traitement subit par « les pointeurs », ce qui peut paraître le plus paradoxal pour un observateur extérieur, c'est cette importante propension à subir des violences sexuelles, alors même que c'est précisément le comportement déviant que leur reproche les autres détenus. Pour éclaircir ce paradoxe, les auteurs de Sexualités et violences en prison, expliquaient que « violer un pointeur, ce n'est pas devenir soi-même un violeur, ni même un « pédé », c'est infliger physiquement et symboliquement une sanction négative et imposer une marque de distinction selon les critères de hiérarchisation dominants »84(*). Par conséquent, afin de s'extraire de cette catégorie carcérale, certains auteurs de viol en réunion, ou des infracteurs sexuels au passé de voleurs ou de braqueurs, auront tendance à vouloir imposer leur domination aux pédophiles ou aux violeurs de personnes en état de faiblesse, et ainsi quitter symboliquement le groupe des « pointeurs ».

Une fois placés en centre de détention, les « pointeurs » subissent des pressions devenues plus subtiles. Mais les rackets, violences et autres agressions, restent, dans la majorité des cas, toujours le lot quasi quotidien des détenus pour infractions sexuelles. Ils chercheront donc par tous les moyens à dissimuler les raisons de leur incarcération, et la nature de leur infraction.

Les conséquences de ce traitement ont été longuement développées par Christian SALOM dans son mémoire. La conclusion majeure, pour notre étude, qu'il tire de son travail démontre que « le traitement subit par les infracteurs sexuels en détention crée ou renforce l'incapacité à reconnaître l'acte commis et rend plus délicat, voire impossible un travail d'incitation au soin85(*) ».

Par conséquent, une détention subie dans de bonne condition de sécurité pour les détenus participe notablement au travail nécessaire à une réinsertion sécurisante pour la société.

De l'observation de la psychologie des infracteurs sexuels et de leur devenir carcéral, se dégagent deux conclusions :

- Par leur faiblesse morale latente, par leur intérêt à quitter des centres de détention où les populations pénales les rejettent voire les humilient, et bien souvent par leur tendance naturelle à se soumettre à une hiérarchie, les infracteurs sexuels semblent en effet tout à fait adaptés à un régime de sécurité fondé en grande partie sur des obstacles psychologiques, et semble, en outre, avoir tout intérêt à respecter les règles de détention de CASABIANDA.

- Ensuite, le fonctionnement de CASABIANDA est sans doute plus à même que les autres types de détention, d'aider à la reconstruction psychologique des intéressés (sans toutefois croire que cela fasse des « miracles »).

§2 : Observation de la part minoritaire des détenus de CASABIANDA.

Si l'on s'intéresse aux autres détenus de CASABIANDA, qui correspondent à un peu moins du quart de la population pénale de l'établissement, nous constatons que les plus nombreux sont des auteurs d'homicides. A noter également la recrudescence, tant en valeur absolue que relative, des détenus pour Infraction sur la Législation des Stupéfiants. Une catégorie pénale qui avait pourtant causé des difficultés à l'établissement par le passé.

Selon certains, l'affectation pour quelques rares cas de détenus à CASABIANDA est une réponse de l'administration pénitentiaire à la collaboration de ceux-ci à la manifestation de la vérité dans une affaire dont ils ont eu connaissance. Mesure de reconnaissance, ou stratégie d'éloignement pour prévenir de possibles représailles, toujours est-il que ce transfert découle d'un intérêt commun à l'administration pénitentiaire et aux détenus concernés.

Les membres de ce dernier quart de la population attache parfois beaucoup d'importance à faire savoir au personnel, la nature de l'infraction qu'ils ont commise. Ou plus précisément, leur non appartenance à la catégorie « pointeur ». Leur manière de se présenter en vient parfois même à devenir singulière : « Moi je ne suis pas comme eux (les pointeurs) ; moi ce que j'ai fait, c'est pas grave par rapport à eux ». Pourtant, ce « qu'il a fait » en l'occurrence était un crime de sang. Une attention toute particulière doit donc être attachée à ces jugement de valeur, qui, bien que conforme à ce que pense probablement la majeure partie de l'opinion, entraîne dans le processus de reconstruction une forme de déni de gravité de l'acte qu'il a commis, diminuant d'autant la sincérité de son amendement.

De plus, et bien que cela ne soit pas encore dans des proportions pour l'instant inquiétantes, certains de ces détenus semblent chercher à se regrouper et se mettent parfois à adopter des comportements méprisant à l'égard des « pointus ». Tant que ces derniers seront majoritaires, défier cette catégorie dans sa globalité serait dangereux, mais la tendance actuelle à augmenter la proportion de détenus pour infractions non sexuelles doit être accompagnée d'une surveillance accrue des rapports sociaux en détention.

La population carcérale de CASABIANDA est, nous l'avons démontré au fil de notre étude, aujourd'hui clairement identifiable par la répartition des catégories pénales de ses détenus et par le profil psychologique des prisonniers qui y accèdent. Par ailleurs l'établissement répond, dans son fonctionnement actuel, tout à fait aux critères pénologiques les plus pertinents pour sanctionner, dans le cadre de la détention, les détenus coupables d'infraction sexuelle.

Toutefois, les dernières années de fonctionnement montrent une évolution notable de la population pénale de l'établissement (catégorie pénale, âge des détenus, orientation faites par d'autres acteurs que le CNO...). La vigilance doit donc être de mise pour que les équilibres jusque là préservés ne pâtissent pas de ces évolutions.

Cette première partie a permis, nous l'espérons, de rendre claire, et incontestable, l'identité et la tradition pénitentiaire de CASABIANDA. Certes des originalités existent, mais elles ne font finalement que recentrer l'établissement sur les fondamentaux d'un établissement carcéral, en limitant à leur plus simple expression les moyens de contrôle des détenus. La prison est un espace dans lequel s'exerce la limitation d'aller et venir qui est la peine des détenus. Il n'est pas fait mention dans les principes généraux du droit pénal que cette limitation doit se faire dans une cellule de 9 m² pour toute la durée de l'incarcération.

CASABIANDA a, en outre, comme composante de son identité, une tradition d'innovation. Que ce soit dans son organisation ou dans le traitement des libertés octroyés aux détenus, ce centre de détention a pu, à plusieurs reprises dans son histoire, être un espace d'expérimentation. La curiosité de cet établissement tient aussi au fait que ces expérimentations n'ont que rarement, voire jamais, été évaluées. Il n'existe pas, à ma connaissance, de projet d'établissement portant sur sa population pénale par exemple.

En observant le paysage carcéral français, nous pouvons constater que prises indépendamment, la plupart des originalités de CASABIANDA qui composent son identité, peuvent maintenant se retrouver dans d'autres établissements pénitentiaires. La majorité d'infracteurs sexuels à CAEN, ou encore la vocation agricole à MAUZAC. Mais l'accumulation de ces originalités rend toutefois CASABIANDA unique, et pas seulement en France. La deuxième partie de ce travail sera donc consacrée à l'étude de ce statut et aux conséquences de celui-ci.

- Partie II - CASABIANDA, prison unique et embl\u233·matique.

Titre 1 : Le caractère exceptionnel de CASABIANDA

CASABIANDA est unique. C'est bien souvent la définition qui vous est donnée de cet établissement par les gens qui travaillent, ou ont travaillé dans ce centre de détention. Cette qualité lui donne à l'évidence un caractère exceptionnel. En témoigne le flot régulier d'officiels qui foulent son sol une fois en fonction. La plupart des Gardes des Sceaux de la Vème République, de nombreux Directeurs de l'administration pénitentiaire, parlementaires ou délégations étrangères venues en observation. Pourtant, après s'être déclarés surpris, étonnés, interpellés par le fonctionnement original, voire unique de ce lieu, les réactions des officiels français semblent se borner à oublier CASABIANDA, l'administration réagissant ensuite en fonction de la politique pénale du moment. CASABIANDA pourra alors apparaître tantôt comme un élément encombrant à éviter de promouvoir, tantôt comme une expérimentation hors normes qui prouve le progrès de notre système pénitentiaire dans le chemin de l'humanisation des conditions d'incarcération (surtout quand vient le temps des condamnations des autorités internationales quant au caractère inhumain de certaines prisons françaises).

Cette inconsistance entraîne une inquiétude latente quant à l'avenir de ce lieu. Chaque fois qu'un projet pénitentiaire est envisagé en Corse, le spectre d'une possible fermeture de CASABIANDA refait son apparition. Ce fut déjà le cas lors de l'ouverture de la maison d'arrêt de BORGO, et le projet d'un nouvel établissement pénitentiaire à Ajaccio ravive aujourd'hui ces inquiétudes.

Afin de clarifier ce rôle unique que joue CASABIANDA dans l'administration pénitentiaire, et qui protège certainement ce centre de détention de toute velléité de fermeture, nous verrons comment celui-ci remplit les missions qui sont confiées à l'administration pénitentiaire (chapitre 1), la place qu'elle occupe dans la pénologie pénitentiaire en France et dans le monde (chapitre 2), et enfin, quelles conséquences dans son fonctionnement entraînent les originalités de CASABIANDA (chapitre 3).

Chapitre 1 : De l'applications des missions de l'administration pénitentiaire par le prisme de CASABIANDA.

Les missions de l'administration pénitentiaire sont encadrées par deux textes fondateurs du code de procédure pénale et une décision du conseil constitutionnel qui réaffirment ces principes:

« Article D188

Le service public pénitentiaire a pour fonction d'assurer la mise à exécution des décisions judiciaires prononçant une peine privative de liberté ou ordonnant une incarcération provisoire, et d'assurer la garde et l'entretien des personnes qui, dans les cas déterminés par la loi, doivent être placées ou maintenues en détention en vertu ou à la suite de décisions de justice.

Article D189

A l'égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale. »

« L'exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue, non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l'amendement de celui-ci et permettre son éventuelle réinsertion. »86(*)

Conseil Constitutionnel, Décision n° 93-334 du 20 janvier 1994

De ces articles et de cette décision se dégagent deux types de public à qui s'adresse l'exécution des peines : la société d'une part (section 1) et le détenu d'autre part (section2).

Section 1 : Des intérêts de la société dans l'application des peines à CASABIANDA.

Comme dans toute peine, l'emprisonnement à CASABIANDA a deux incidences sociétales. Il doit neutraliser l'individu pour toute la durée de sa peine en l'empêchant de commettre de nouvelles infractions (§1) ; et il doit s'efforcer d'empêcher la réitération de l'infraction, évitant ainsi de nouvelles victimes (§2).

§ 1 : De la neutralisation des détenus à CASABIANDA.

Lorsque le législateur de la Révolution Française décide d'ériger la peine privative de liberté comme principale sanction pénale87(*), il la considère comme la plus adaptée aux aspirations humanistes qui portent les discours des philosophes du XVIIIème, mais aussi comme tout à fait conforme à l'obligation de protection que doit nécessairement revêtir une sanction pénale. L'emprisonnement permet en effet d'écarter temporairement ou définitivement d'une société un de ses membres jugé dangereux, et de l'empêcher ainsi de causer de nouveaux dommages.

Le principal article réglementaire relatif à cette mission est l'article D.268 du code de procédure pénale qui stipule :

« Toutes dispositions doivent être prises en vue de prévenir les évasions, notamment en ce qui concerne la disposition des locaux, la fermeture ou l'obturation des portes ou passages, le dégagement des couloirs et des chemins de ronde et leur éclairage. Tout aménagement ou construction de nature à amoindrir la sécurité des murs d'enceinte est interdit. »

Force est de constater que CASABIANDA ne répond que partiellement à cette réglementation.

Tout d'abord, la dernière disposition de l'article est inapplicable puisque les murs d'enceinte sont inexistants à CASABIANDA.

Ensuite, la disposition des locaux peut être considérée comme peu pertinente au regard de la prévention des évasions : ils sont, en effet, à quelques centaines de mètres de la plage, et à 2 km à vol d'oiseau de la route nationale qui coupe le domaine.

Enfin, la fermeture ou l'obturation des passages sont limitées au regard des critères carcéraux habituels, puisque ce sont des moustiquaires qui obstruent les ouvertures en lieu et place de barreaux. Cependant, pour répondre à cette préoccupation de restriction des allers et venues des détenus, il a été mis en place une ceinture de détecteurs de mouvements activée autour des bâtiments accueillant leur « chambre ».

Toutefois, CASABIANDA répond plus à l'esprit de la règle, qu'à sa lettre. En effet, les espaces et les distances qui entourent le domaine font office de barrières, au moins psychologiques, qui peuvent décourager d'hypothétiques évasions. Mais la clef de la neutralisation des détenus à CASABIANDA est avant tout dans la tête de ceux-ci. Je citerai ici deux remarques que me faisaient des détenus. Pour le premier, « à CASABIANDA, les barreaux ils sont dans la tête », et le second rajoutait : « Les murs ici n'existent pas : quand tu prends ton tracteur, c'est toi qui dois en mettre dans ta tête à la nationale ». Et, vraisemblablement, ces murs et barreaux psychologiques sont particulièrement efficaces puisque aucune évasion n'est à déplorer dans cet établissement depuis de très nombreuses années. Comment cet établissement arrive-t-il à ce résultat ? Au lieu d'empêcher ou de décourager l'évasion, CASABIANDA la vide de son sens : l'individu n'a plus intérêt à quitter l'établissement, et la communauté des autres détenus n'a pas intérêt à ce que l'un de ses membres ne s'évadent.

Quitter CASABIANDA par la route ou par les terres signifie accepter de traverser le maquis ou les villages corses. Une épreuve qui nécessite des soutiens locaux, sans quoi la discrétion qui prévaut à ce genre de projet est vite compromise par la vigilance naturelle des natifs de l'île (d'où la très faible proportion de Corses dans la population pénale). Rejoindre le port ou l'aéroport le plus porche nécessitant au moins 1h30 de route, ce temps semble suffisant aux autorités pénitentiaires pour constater et signaler aux autorités aéroportuaires et maritimes la présence potentielle d'un fugitif qui pourrait utiliser leurs installations.

Mais le principal argument qui incite les prisonniers à rester le temps de leur peine à CASABIANDA est l'incontournable comparaison avec les autres centres de détention. Fuir et se faire reprendre, revient à être transférer dans un autre établissement pénitentiaire. Alors, pourquoi risquer de quitter un lieu ou la sécurité individuelle est plus garantie que dans tout autre établissement pénitentiaire ? Pourquoi quitter un lieu où de grands espaces de verdure et l'air marin sont des horizons quotidiens ? Pourquoi quitter un lieu où accueillir sa famille se fait avec beaucoup moins de honte et de ressentiment que dans les autres prisons ? S'évader de CASABIANDA n'a par conséquent que peu d'intérêt.

§ 2 : De l'exemplarité de la peine à CASABIANDA.

« Le but des châtiments n'est autre que d'empêcher le coupable de nuire encore à la société et de détourner ses concitoyens de tenter des crimes semblables. »

Cesare Bonesana BECCARIA, Traité des délits et des peines.88(*)

La fonction préventive s'adresse donc, selon BECCARIA, à la fois aux condamnés et aux potentiels nouveaux infracteurs. Voyons, tour à tour, pour chacun de ces publics l'exercice de la fonction d'exemplarité du centre de détention de CASABIANDA.

A/ Les condamnés

Depuis que les peines d'élimination ont disparu de l'arsenal répressif français, la peine de prison à temps fait figure de peine la plus sévère. Le cas de CASABIANDA en devient par conséquent paradoxal. En effet, la peine ne devrait, d'après l'analyse traditionnelle de sa vocation exemplaire, qu'inspirer peur et dégoût. L'incarcération devrait par conséquent être pénible et angoissante afin de dissuader celui qui la subit de vouloir commettre une nouvelle infraction.

Au premier abord, subir sa peine à CASABIANDA ne semble pas particulièrement pénible et angoissant. C'est cependant oublier que les détenus qui y arrivent ont déjà expérimenté l'incarcération dans un autre établissement. Un temps qui leur permet d'apprécier les conditions uniques de détention de CASABIANDA. Cette perception, accompagnée de la certitude que cette chance ne se présentera pas deux fois, influence l'esprit de celui qui recouvrira sa liberté.

En outre, en orientant majoritairement à CASABIANDA des infracteurs sexuels, détenus qui subissent souvent des pressions ou des violences pendant leur parcours carcéral, l'administration pénitentiaire choisit des détenus dont l'image négative de l'emprisonnement traditionnel est déjà suffisamment assimilée pour créer chez eux une empreinte que n'aurait pu aggraver de nouvelles années en détention traditionnelle.

De plus, la plupart des détenus pour d'autres infractions que sexuelles que j'ai pu rencontrer à CASABIANDA, semblaient relever de la catégorie élaborée par Enrico FERRI des criminels d'occasion, et plus particulièrement d'une division de ceux-ci : les criminels de passion89(*). Sans refaire ici le développement qui dépeint ces catégories de détenus, je rappellerai qu'ils sont, à l'inverse des catégories de criminels-nés et habituels, des détenus dont l'infraction a souvent, par nature, statistiquement peu de chance de se reproduire. Soit que les causes de leur infraction aient disparu en même temps que la consommation de celle-ci (dans le cas des crimes passionnels par exemple). Soit que l'application d'une sanction au condamné rend celle-ci certaine dans la psychologie de l'infracteur, là où elle n'était qu'hypothétique avant que la justice ne passe. Le criminel va, par conséquent, réévaluer sa perception du ratio risque/avantage qui l'a mené à commettre sa première infraction, lorsque la tentation d'une nouvelle se présentera à lui.

Enfin, il ne faut pas exclure le fait que l'incarcération à CASABIANDA, bien que dans certains aspects moins pénibles que dans d'autres lieux de détention, n'en reste pas moins une période de privation de liberté et d'éloignement de son environnement, avec tout ce que cela entraîne de pertes pour l'individu (perte familiale, perte d'une situation sociale, perte de revenus ...).

B/ Les criminels potentiels

Le deuxième public à qui s'adresse traditionnellement la fonction exemplaire de la peine est l'ensemble abstrait des criminels potentiels.

La force de dissuasion d'une peine est classiquement admise d'après deux indicateurs : la sévérité de la peine et la certitude de celle-ci. Or, depuis l'étude de Jack GIBBS de 196890(*), qui démontre que la certitude d'être sanctionné a deux fois plus de portées dissuasives que la sévérité de la peine applicable, il est admis que la certitude de la sanction et le principal facteur de dissuasion, la portée de la sévérité en est par conséquent diminuée d'autant.

L'argument qui prétendrait faire de CASABIANDA une incitation à l'infraction ne tient donc qu'imparfaitement. En outre, ce serait vite oublier que les détenus de CASABIANDA ont tout d'abord accompli la première partie de leur peine dans des modes de détention plus conforme à l'imaginaire collectif. Le criminel potentiel doit donc savoir que l'accomplissement de sa peine se fait par principe dans une prison fermée, et que CASABIANDA n'est qu'un régime d'exception réservé à certains détenus.

Section 2 : Des intérêts des détenus dans l'application des peines à CASABIANDA.

Avec la réforme AMOR, l'histoire des peines infligées par la société aux différents criminels a mis en avant deux conséquences majeures pour les criminels qui les subissent : permettre l'amendement du condamné (§1) ; et préparer sa réinsertion dans la société (§2).

§ 1 : De l'amendement du condamné à CASABIANDA.

« Que le châtiment, si je puis ainsi parler, frappe l'âme plutôt que le corps ».

G. de MABLY, De la législation, OEuvres complètes, 1789, T. IX.91(*)

Dans notre société de tradition judéo-chrétienne, il est admis que la peine doit, par sa dureté pour le corps, accompagner l'esprit vers la rédemption qui précède le Salut de l'Âme. Seulement, le progrès humaniste de notre société nous a permis d'abolir les peines corporelles, détruisant, par-là même, l'outil privilégié de supplice des criminels. La notion de rédemption a donc progressivement glissé vers la notion d'amendement bien plus matérialiste. La peine de prison doit donc servir au condamné de parenthèse lui permettant de s'interroger sur sa culpabilité, sur les raisons qui ont motivé ses actes et sur les changements qu'il doit opérer pour ne plus être un situation de commettre le crime consommé, ou plus largement, une nouvelle infraction.

Cet objectif idéal supporte parfois très mal la confrontation à la réalité carcérale. Un détenu de CASABIANDA me confiait sa réflexion sur ce sujet : « Ce n'est pas en mettant un clou tordu dans une boite hermétique, qu'il ressortira tout droit ?! ». L'incarcération crée souvent de nouvelles angoisses, de nouveaux traumatismes ... Des difficultés qui occupent en permanence l'esprit, alors que celui-ci devrait se concentrer sur sa reconstruction. Sans compter qu'une promiscuité permanente n'est pas la condition de vie la plus favorable à l'amélioration de l'individu.

Un environnement agressif, voire humiliant pour certains détenus, ne met donc pas les individus dans les meilleures dispositions pour commencer un travail thérapeutique.

Nous le verrons plus tard en détaillant les rapports sociaux dans le centre de détention, l'environnement de CASABIANDA est, quant à lui, beaucoup plus apaisé. Certains tourments qui inquiètent les détenus dans les autres établissements disparaissent rapidement en arrivant en Corse. L'amertume, voire la haine, parfois développée à l'encontre « d'une société qui inflige des peines humiliantes », peut parfois s'estomper compte tenu des conditions de détention. Deux éléments qui permettent de donner du temps au détenu pour la réflexion et pour son amélioration. Ce d'autant plus que les moyens humains d'accompagnement (prise en charge psychologique, conseiller d'insertion et de probation ...) seront suffisamment étoffés pour prendre en charge l'ensemble de la population carcérale de CASABIANDA.

§ 2 : De la préparation à la réinsertion du condamné à CASABIANDA.

Aux dires des conseillers d'insertion et de probation, une réinsertion réussie se fonde sur plusieurs facteurs :

- Un amendement accompli : nous venons de le voir, CASABIANDA y est probablement plus propice que d'autres établissements, pour une certaine part de la population pénale française au regard du sort qui est réservé à cette fraction dans d'autres centres de détention.

- L'aptitude à la resocialisation : de l'avis de certains détenus, la prison traditionnelle est qualifiée d'infantilisante. Le détenu ne participe que marginalement à l'organisation de son quotidien. Il régresse souvent plus qu'il ne progresse dans ses aptitudes intellectuelles ou professionnelles. À l'inverse, CASABIANDA est dans son quotidien plus conforme aux rapports sociaux du monde libre.

Qui plus est, les rapports à l'infraction et à la sanction sont eux aussi plus comparables à ce qui existe dehors. En jouissant d'un maximum de liberté, dans la limite de ce qui est autorisé par la sanction pénale, le détenu à beaucoup à perdre s'il ne respecte pas les règles de la détention, certainement plus que dans tout autre établissement pénitentiaire. Un risque comparable au risque d'incarcération qui demeure à l'extérieur en cas d'infraction. Une épée de Damoclès qui habitue le détenu à vivre sous la menace d'une perte de liberté en cas de récidive.

- La qualité de l'environnement d'accueil à la sortie : bien que l'éloignement du continent participe à la rupture des liens sociaux et familiaux antérieurs à l'incarcération, nous avons vu précédemment que les espaces d'accueil des familles permettent dans une certaine mesure de réduire cette incidence.

Cependant, la nature de l'infraction majoritairement commise par les détenus de CASABIANDA entraîne dans bien des cas un rejet du condamné de la part de leur famille. De la sérénité et de la qualité du travail entrepris en détention pour trouver un lieu d'accueil, dépendra en grande partie la qualité des premières semaines de sortie.

- Le temps d'inactivité professionnelle après la sortie de prison : nous l'avons vu précédemment, CASABIANDA insiste beaucoup pour entretenir ou développer un savoir professionnel de la part des détenus. Des atouts utiles pour minimiser l'impact de « l'étiquette » sortant de prison lors de l'arrivée sur le marché du travail.

- La qualité du suivi du conseiller d'insertion et de probation dans les cas de libération conditionnelle : la libération conditionnelle, dont bénéficie en moyenne un peu plus de détenus à CASABIANDA que les autres établissements, permet d'organiser un suivi des comportements à risques (addiction aux drogues, à l'alcool, aux jeux, ...), de s'assurer de la poursuite d'un suivi médical spécialisé dans les cas qui le nécessite, et de revenir autant de fois que nécessaire à la réalisation des points précédant.

Pour conclure ce chapitre je reviendrai sur la dernière utilité traditionnelle des peines pénales : la compensation du préjudice subi par la victime. Voilà sans doute le domaine où le centre de détention de CASABIANDA peut sembler moins performant que ses homologues français, bien que le paiement des dommages et intérêts y soit plus facile qu'ailleurs, compte tenu des revenus tirés de l'activité professionnelle des prisonniers. En effet, que pourrait penser une victime, qui plus est dans une situation sociale difficile, du cadre de vie des détenus de CASABIANDA. Cela susciterait sans doute un fort sentiment de révolte.

Pourtant, lorsque les victimes sont interrogées sur les peines qui doivent être réservée à leur assaillant, l'expression qui revient fréquemment dans leurs déclarations est de réclamer une peine « pour que leur agresseur ne recommence jamais ». Or, nous venons de le voir, CASABIANDA est, dans certains cas, l'outil pénitentiaire qui répond le mieux à cette demande.

Ainsi, que ce soit pour la société, pour le détenu, et même par extension pour les victimes, le centre de détention de CASABIANDA est, dans des cas de détenus bien précis, le mieux à même de remplir les missions confiées à l'administration pénitentiaire.

Chapitre 2 : La place de CASABIANDA dans la pénologie française, européenne et mondiale.

Comme tous les centres de détention français, CASABIANDA est soumis au règlement de l'article D94 du code de procédure pénale. Mais ceci ne l'empêche pas d'être unique dans le paysage français, et original dans le paysage global des Open Institutions. Comparativement à la moyenne des autres centres de détention, nous avons déjà pu étudier les originalités de population pénale de l'établissement et la place importante occupée par l'activité professionnelle du centre. Afin de mieux cerner la place de CASABIANDA d'un point de vue scientifique, il nous faut à présent nous attarder sur les observateurs qui ont eu à traiter de ses spécificités carcérales (section 1), et replacer celles-ci dans un contexte plus global (section 2).

Section 1 : Une prison médiatique mais peu étudiée

Les particularités que nous venons de voir, et les originalités qui suivront ce développement, légitimeraient, à mon sens, une grande publicité. Les médias ont, semble-t-il, compris l'intérêt unique que peut susciter cet établissement, en témoigne la récurrence des sujets faits par les différents médias, parfois malheureusement médiocres, au sujet de CASABIANDA (§2), alors que de leur coté, pouvoirs publics et chercheurs semblent n'avoir été que peu sensibilisés quant aux interrogations que pose CASABIANDA (§1).

§ 1 : Discrètes évocations de CASABIANDA dans la littérature scientifique ou politique.

Trouver des travaux scientifiques portant exclusivement ou partiellement sur CASABIANDA n'est pas chose aisée. Ci-après je vous propose une liste, aussi fidèle que possible, à l'état actuel des publications (A).

Mais pour apprécier la faible fréquence d'évocation de CASABIANDA dans les milieux juridiques ou politiques, il est intéressant d'observer en plus de cela les référencements de CASABIANDA, et la qualité de ceux-ci, sur les différentes sources d'informations numériques (B).

A/ Recensement des publications scientifiques relatives à CASABIANDA.

Parler de l'expérience hors norme de CASABIANDA semble être le plus souvent jusque là réservé à ceux qui ont travaillé dans le centre de détention, ou à ceux qui ont fortuitement croisés sa route.

Suite à mes recherches, j'ai pu constater que les études scientifiques portant sur le sujet sont en globalité peu nombreuses puisque au nombre de 5. De plus, sur les cinq études scientifiques traitant exclusivement de CASABIANDA, seulement quatre ont une valeur notable d'un point de vue criminologique, la cinquième se préoccupant principalement de la RIEP de l'établissement.

La plus ancienne de ces quatre premières études remonte à 1955, date du premier congrès des Nations Unies en matière de prévention du crime et de traitement des délinquants ; ce congrès ayant porté pour partie sur la thématique des « Open Institutions » recensée à travers le monde. La France disposant alors de l'exemple de CASABIANDA, il fut confié à M. André PERDRIAU92(*), alors magistrat et contrôleur général des services pénitentiaires français, d'effectuer une présentation du centre de détention et d'en tirer quelques conclusions utiles aux travaux des Nations Unis lors du congrès de Genève. Cette étude nous permet aujourd'hui de découvrir un CASABIANDA toujours majoritairement peuplé d'une population pénale rurale et dont les résultats sont satisfaisants de l'aveux même de l'administration pénitentiaire de l'époque. Cependant, le contrôleur PERDRIAU note, qu'alors, aucun projet de création d'établissement similaire n'a fait l'objet de prévision au Ministère de la Justice.

Dans la chronologie des études vient ensuite le travail, qui porte le nom d'exposé mais qui relève plutôt de la qualification de cours mémoire, de Mme CRISTIANI, juge d'application des peines, pour une commission parlementaire93(*). Ce travail fait référence dans son développement au précédant, mais aussi à une étude de M. G.-R. SCHMID, attaché de recherche au laboratoire de criminologie d'Aix-Marseille, ayant développé un protocole de recherche sur la population pénale de CASABIANDA. Malgré mes recherches, je n'ai pu retrouver ce travail ; cependant la citation qu'en fait le juge CRISTIANI permet de conclure qu'il corrobore les conclusions de l'étude PERDRIAU quant à la pertinence d'un lieu tel que CASABIANDA. M. SCHMID soulignant même que l'expérience de CASABIANDA est « un réel progrès de la pénalogie94(*) ». Dans un second temps, Mme CRISTIANI rappelait également l'intérêt porté par plusieurs pays étrangers quant à l'expérience de CASABIANDA, et cite notamment les propos d'un fonctionnaire du Home Office du Royaume-Uni, M. Carol JACKSON, qui dit ne connaître aucune expérience similaire en Angleterre.

Puis, en 1991, fut publié le travail d'un stagiaire de l'institut régional d'administration, Denis LAURENT95(*), qui se penche sur l'organisation et la gestion du lieu, et plus particulièrement sur sa production agricole. Bien que son étude n'ait pas de portée criminologique, elle permet cependant d'observer l'établissement au début de la décennie 1990, et de le comparer aux autres témoignages de son histoire.

De tous ces travaux, le plus récent, et le plus pertinent sans doute d'un point de vue juridique et criminologique, est le mémoire de M. Christian SALOM96(*) en l'an 2000. Alors conseiller d'orientation et de probation détaché à CASABIANDA, il effectue une année d'étude à l'Ecole Nationale d'Administration Pénitentiaire. Lors de cette formation, il rédige un mémoire de recherche sur les infracteurs sexuels détenus. Une large partie de son travail est consacré à CASABIANDA, et la qualité de son analyse de la population pénitentiaire de l'établissement permet une fois encore de corroborer les conclusions des travaux précédents.

Enfin, Maxime RENARD97(*) a, en 2001, pour sa formation de conseiller d'orientation psychologue, développé, dans un mémoire, la question de la demande de placement extérieur lorsque le condamné est détenu à CASABIANDA. Un travail portant sur l'application concrète dans un établissement déterminé, de la mesure générale du placement extérieur. Quelques éléments sur le quotidien de l'établissement d'alors sont par ailleurs mentionnés.

CASABIANDA est en outre cité dans quelques ouvrages de référence ayant trait à l'Histoire de la Corse, mais ces citations, pour la plupart, n'ont aucune portée criminologique ou pénale.

B/ Référencement dans les bases de données numériques.

Choisir d'étudier les référencements numériques d'une information dans une base de donnée, c'est-à-dire sa fréquence de citation et la pertinence ces citations, permet d'avoir une indication assez fiable de l'importance de cette information dans la base de données considérée.

Sur les sites Internet des Institutions de la République nous noterons au titre des référencements de CASABIANDA, et leur qualité :

- Assemblée Nationale : 2 fois. Simple citation. (Par comparaison, le centre de détention de MAUZAC est cité 15 fois, le nom FRESNES 197 fois).

- Sénat : 38 fois. Or, sur ces 38 fois les 25 questions parlementaires liées à ma requête ont trait à CASABLANCA au Maroc...98(*) La plupart des autres réponses ne font que citer le nom de CASABIANDA à l'occasion d'une énumération, et n'en font, par conséquent, aucune description ou analyse.

Au regard de ces résultats, les parlementaires français ne semblent pas être très informés ou sensibilisés quant à l'expérience de CASABIANDA.

Dans le même sens, il est intéressant de noter que dans son rapport de 2006 portant sur les prisons99(*), la Cour des Comptes a contrôlé 16 établissements dits « représentatifs des types d'établissement et des modes de gestions pratiqués », et, CASABIANDA, bien qu'unique, ne pouvant donc être assimilé à la pratique d'aucun autre établissement, ne figurait pas parmi les établissements sélectionnés.

Sur les sites de recherches en droit pénal et criminologie, nous retiendrons :

- Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénale : 0 fois.

- Champ Pénal, nouvelle revue française de criminologie : 2 fois. Citation sans lien avec l'expérience carcérale du lieu.

- Criminocurpus, le portail sur l'histoire de la justice, des crimes et des peines : 2 fois. Simplement des travaux relatifs à l'établissement du XIXème siècle.

Ces sites permettent d'apprécier la considération de notre sujet dans les cercles scientifiques français spécialisés en droit pénal et en criminologie. Là encore, la faiblesse des résultats démontre le peu d'intérêt actuel pour CASABIANDA de la part de la communauté scientifique.

Sur les sites de bibliothèques, nous relevons :

- Bibliothèque nationale de France : 11 fois. La plupart sont liées à l'histoire du pénitencier au XIXème siècle.

- Médiathèque Gabriel TARDE de l'école nationale de l'administration pénitentiaire : 3 fois dans le fond dit contemporain ; 3 fois dans le fond dit centre de ressource sur l'histoire des crimes et des peines. Dans ces documents figurent certaines des études citées précédemment, ainsi que de simples citations.

§ 2 : Une profusion d'articles de presse

Si l'approche scientifique de l'expérience de CASABIANDA est parfois bien maigre, il n'en est pas de même de sa présence médiatique. Cette prison est en effet un sujet de choix pour interpeller, choquer ou créer une polémique ; tout ce qui attire l'attention des lecteurs et augmente les ventes.

Mais chose remarquable, des journalistes semblent assez périodiquement redécouvrir complètement CASABIANDA, comme si depuis 60 ans ce lieu leur avait été dissimulé par l'administration, quand bien même depuis son ouverture de nombreux articles de presse se sont succédés à son sujet, allant de la presse régionale, en passant par les hebdomadaire nationaux, et jusqu'aux chaînes de télévision nationale.

Voici quelques titres consacrés à CASABIANDA :

- 11/12/1953, Nice Matin : Un domaine témoin, CASABIANDA...

- 26-27/04/1958, Figaro : Casabianda, première prison ouverte. En arrachant 648 hectares au maquis les cent détenus rapportent de l'argent à l'Etat.

- Avril 1958, Constellation : CASABIANDA, chance unique des détenus.

- 26/01/1984, Nice Matin : Prison ouverte ... sur chambre d'amour.

- 06/07/1989, Nice Matin : La clef des champs... pour travaux forcés.

- 06/07/1999, Marianne : A Casabianda, même les matons ne sont pas bien gardés.

- 01/09/1999, Figaro : Corse, scandale au centre pénitentiaire. Des détenus côtoyaient des enfants.

- et autres ...

Le traitement de l'information au sujet de CASABIANDA est souvent le reflet de l'identité du journal. Les articles des hebdomadaires étant souvent ceux qui cherchent le plus à faire réagir le lecteur. Ainsi l'article du Point, n°1837, daté du 29/11/2007 commence ainsi :

« C'est l'une des plus belles plages de Corse. Une langue de sable blanc qui s'étire sur une dizaine de kilomètres. Il est 11 heures et, malgré l'automne qui tire à sa fin, le soleil est généreux. Alignées face à la mer, douze cannes à pêche sont plantées dans le sable. Deux pêcheurs commentent leurs prises. Un superbe loup qu'ils cuisineront ce soir, peut-être au barbecue. Plus haut sur les dunes, contre la pinède, un homme tire sur sa cigarette, un bouquin entre les mains. Tandis que trois autres fixent en silence, comme hypnotisés, l'horizon bleu indigo. Partout où se porte le regard, on ne voit que des hommes. La plupart d'entre eux ont été condamnés pour viol, pédophilie ou inceste. »

Après avoir montré un visage idyllique du lieu, on assène, presque brutalement, l'identité pénale des bénéficiaires du lieu : les « violeurs, pédophiles et incestueux » ! Comment ne pas voir dans l'accroche de cet article l'envie de faire du sensationnel. Exercice périlleux qui peut nuire à l'image de cet établissement.

Pourtant, la communication est nécessaire pour un centre de détention aussi atypique. Ne pas accepter de recevoir la presse reviendrait à dissimuler son existence, autorisant par là le développement de divagation ou de fantasmes médiatiques qui pourraient être, eux, bien plus nuisibles encore pour CASABIANDA.

Dans son numéro du 5 juillet 2007, le magazine LIEN SOCIAL, presse spécialisée dans les questions socioculturelles, consacre son édito et un long article à l'établissement. Le papier est moins caricatural que le précédent, il n'échappe cependant pas à la mise en avant, pour accrocher le lecteur, de quelques rapprochements qui interpellent :

« A 70 kilomètres au sud de Bastia, dans la pleine orientale Corse, s'étend une prison hors norme. Dans cette exploitation agricole sans mur d'enceinte, les détenus, condamnés à 80% des cas pour de graves affaires de moeurs, sont bien plus qu'un numéro d'écrou. »

Le développement qui suit sera cependant lui plus étudié, la présentation de l'expérience de CASABIANDA, moins caricaturale. Une volonté de comprendre émerge même de l'article. Un bon exemple d'une présentation médiatique sincère, bien qu'incomplète, de CASABIANDA.

La presse spécialisée serait elle, peut être, plus capable que son homologue grand public de saisir les subtilités du lieu ?

Dans une autre forme, le nouveau média que représente Internet permet à certains sites spécialisés de réagir selon leur centre d'intérêt respectif :

- www.investigateur.info, 28/08/2003 : Manifestation de surveillants à Casabianda.

- www.unita-naziunale.org, 20/05/2007 : CASABIANDA : TERRA NOSTRA !

- www.corsematin.com, 21/05/2007 : A Casabianda, 70% des détenus ont commis des délits sexuels.

Et les bloggeurs ne sont pas en reste :

- www.blogg.org, le blog de Mac Léon III, 18/07/2006 : Paradis pour pédophiles et violeurs.

- www.wmaker.net/apiazzett, 28/05/2008 : Pédophiles, consanguins, assassins : benvenuti in Casabianda. (en corse dans le texte).

Et ce sont là pour les deux derniers exemples, des réponses à ma requête indexée parmi les 10 premières réponses d'une recherche de l'item CASABIANDA sur Google ! La preuve que les simples citoyens qui s'expriment au sujet de ce centre de détention, le font souvent, par ignorance sans doute, avec agressivité, voire vulgarité. Je n'ai, en outre, pas trouvé à ce jour de site Internet ou de blog de citoyens lambda, qui s'efforce de présenter l'expérience de CASABIANDA comme une originalité positive.

Il est donc plus que jamais nécessaire de faire oeuvre de pédagogie autour de CASABIANDA. En laissant la communication autour de ce centre de détention dans les seules mains des journalistes, et des apprentis journalistes du Net, il y a fort à penser que l'avenir de l'image de CASABIANDA sera terni par la quête de sensationnel, et par le défoulement de quelques indépendantistes ou ignorants de toutes sortes. Voilà pourquoi il faut expliquer ouvertement ce lieu, l'étudier et le conceptualiser. Remettre le débat sur la table de la recherche, le dépassionner, sans pour autant l'interdire aux médias qui pourront, et ce alimenté par un juste message, présenter ce lieu pour ce qu'il est : un progrès pour l'administration pénitentiaire.

Section 2 : Un exemple d'Open Institution

Le centre de détention de CASABIANDA est un établissement qualifié très tôt dans l'Histoire par les institutions internationales d'Open Institutions. Une classification ancienne remontant au lendemain de la seconde guerre mondiale, élaborée par les Nations Unies en 1955, faisant suite aux conclusions du Congrès Pénal et Pénitentiaire International de La Haye dès 14-19 Août 1950 (§1). Cette catégorie d'établissement pénitentiaire s'est développée un peu partout en Europe et dans le monde, et l'exemple de CASABIANDA, maintenant que nous en connaissons mieux l'identité, peut leur être utilement comparé. (§2).

§1 : Caractéristiques des Open Institutions

La première évocation de cette catégorie d'établissement semble apparaître dans la troisième session de la Commission des questions sociales, dans le programme de travail de l'Organisation des Nations Unies en matière de défense sociale100(*). L'étude de ces établissements a été qualifiée d'urgente dans les travaux de la cinquième session de la même Commission (5-19 décembre 1949)101(*). Les travaux de La Haye de 1950, que j'évoquais en introduction à ce développement, ont permis de délimiter les premiers contours caractéristiques de ces établissements. En voici quelques extraits102(*) :

« 1. -- a) Aux fins de la présente discussion, nous avons considéré que le terme « établissement ouvert » désigne un établissement pénitentiaire dans lequel les mesures préventives contre l'évasion ne résident pas dans des obstacles matériels tels que murs, serrures, barreaux ou gardes supplémentaires,-

b) Nous considérons que les prisons cellulaires sans murs d'enceinte ou les prisons prévoyant un régime ouvert à l'intérieur d'un mur d'enceinte ou de barrières, ou encore les prisons dans lesquelles le mur est remplacé par une garde spéciale, devraient plutôt être désignées comme prisons de sécurité moyenne.

2. -- Il s'ensuit que la caractéristique essentielle d'une institution ouverte doit résider dans le fait que l'on demande aux prisonniers de se soumettre à la discipline de la prison sans une surveillance étroite et constante, et que le fondement du régime consiste à inculquer aux prisonniers le sentiment de la responsabilité personnelle (self-responsibility). »

Cette résolution émet également quelques recommandations relatives à l'implantation des ces établissements pénitentiaires et à leur population pénale. Elle souligne par exemple la nécessité, en amont de tout transfert, d'une affectation dans un centre d'observation pour une durée limitée, afin que soit évaluée la compatibilité du détenu avec le projet pénitentiaire de l'Open Institution. Concernant la population pouvant être affectée dans un tel établissement, le Congrès de La Haye affirme « que le critère de sélection des détenus, en ce qui concerne leur affectation aux établissements ouvert, devrait reposer non sur l'appartenance à une catégorie pénale ou pénitentiaire, ni sur la durée de la peine, mais sur l'aptitude du délinquant à être admis dans un établissement ouvert et sur le fait que ce traitement a plus de chances de favoriser réadaptation. ». En outre, la résolution met en avant le rôle important joué par les personnels dans la bonne marche de ces établissements, soulignant la nécessité d'une haute qualification de ceux-ci. Enfin, les conclusions des travaux mettent en avant cinq avantages à l'ouverture d'Open Institutions :

« a) Tant la santé physique que la santé mentale des prisonniers sont également améliorées;

b) Les conditions de l'emprisonnement peuvent se rapprocher plus du genre d'une vie normale que celles d'un établissement fermé;

c) Les tensions de la vie pénitentiaire normale sont atténuées, il est plus aisé de maintenir la discipline et il est rarement besoin de recourir aux peines disciplinaires;

d) L'absence d'un appareil physique de répression et d'emprisonnement, et les relations de confiance accrue entre les prisonniers et le personnel, sont aptes à affecter la conception anti-sociale des prisonniers, et à susciter des conditions propices à un désir sincère de réadaptation;

e) Les établissements ouverts sont économiques, tant du point de vue des constructions que de celui du personnel. »

Pour l'essentiel, les conclusions de cette résolution seront reprises par les travaux ultérieurs des Nations Unies. Du 8 décembre 1952 au 6 novembre 1954, se sont quatre cycle d'études régionaux (Europe, Amérique Latine, Moyen Orient, Asie et Extrême Orient) qui se sont succédés pour préparer la tenue du Premier Congrès des Nations Unies en matière de prévention du crime et de traitement des délinquants. Congrès qui proposa une résolution adoptée en assemblée plénière de l'assemblée générale des Nations Unies103(*), dont la première conclusion fut de considérer que « l'établissement ouvert marque une étape importante dans l'évolution des systèmes pénitentiaires de notre époque et représente l'une des applications les plus heureuses du principe de l'individualisation de la peine en vue d'une réadaptation sociale ».

Plus récemment, la Commission de Coopération Pénologique du Conseil de l'Europe, évoquait, dans son bulletin d'information pénologique104(*), l'expérience de plusieurs pays en matière d'établissement ouvert. Des expériences qui redessinent la notion d'Open Institution.

§ 2 : Quelques exemples d'autres Open Institutions en Europe

En observant à travers le monde la cartographie des établissements pénitentiaires réputés ouverts, nous constatons qu'il y en a bien souvent plus d'un dans les pays qui utilisent cette forme de prison. Rappelons ici que la France ne possède, en la matière, que l'expérience de CASABIANDA.

Dans la seule Union Européenne, nous pouvons citer ici quelques exemples de ces établissements, sans toutefois être totalement exhaustif :

- Pays frontaliers de la France :

Pour la Belgique les prisons de HOOGSTRATEN, MARNEFFE, RUISELEDE et SAINT-HUBERT105(*) ; au Luxembourg, la prison de GIVENICH ; en Angleterre, les prisons de FORD, KIRKHAM, NORTH SEA CAMP, SPRING HILL, STANDFORD, SUDBURY, WARREN HILL106(*) ;

- pour les pays d'Europe du Nord :

Pour la Finlande les prisons de HELSINKI Open Prison/VANTAA et les unités de SUOMENLINNA, VANAJA, KÄYRÄ, VILPPULA, SATAKUNTA, VILPPULA, NAARAJÄRVI, SULKAVA, JUUKA, LAUKAA PRISON, PELSO, YLITORNIO107(*) ; au Danemark, l'unité de la prison de VRIDSLØSELILLE, et les prisons de HORSERØD, JYDERUP, KRAGSKOVHEDE108(*) ; en Norvège, les prisons de BASTØY109(*), BERGEN110(*) ; en Suède, la prison de TILLBERGA ; etc.

Il faut dès à présent signaler que toutes ces prisons ne sont pas dépourvues de murs, mais ont cependant toutes un niveau très bas de protection par des moyens matériels dits passifs. Le concept d'Open Institution accepte par conséquent des nuances d'un pays à l'autre. Voici quelques exemples d'application de ce concept selon les pays :

- La Belgique définit ses Open Institutions comme des « établissements ouverts où la sécurité est assurée dans un régime éducatif qui s'appuie sur une discipline volontairement acceptée sans utiliser les moyens de contrainte habituels sauf en cas de nécessité ». La priorité affichée du Ministère Belge de la Justice est de former les détenus à des métiers qu'il qualifie « d'en état de pénurie dans le pays».

- Certains pays comme la Finlande insistent sur le fait que les Open Institutions ne doivent pas accueillir de personnes dépendantes aux drogues.

- Le système britannique divise lui sa population en quatre catégories de prisonniers : A, B, C et D. Les prisonniers de catégorie A étant les plus dangereux, les D les plus calmes. La prison ouverte de SPRING HILL, qui n'accueille que des détenus de catégorie D, n'accepte elle par principe aucun infracteur sexuel111(*). »

- Lors d'une enquête du Conseil de l'Europe portant sur un plan de réforme des prisons de Bosnie112(*), il était mentionné en annexe l'expérience de la prison ouverte de TILLBERGA en Suède. Le rapporteur soulignait alors le devenir des infracteurs sexuels dans cette prison. Au nombre de 24 sur une population totale de 90 lors de la visite du rapporteur, celui-ci remarquait qu'ils n'étaient pas séparés des autres détenus (comme cela peut être le cas dans les établissements pénitentiaire afin de préserver leur sécurité). Toutefois, la direction de l'établissement était très claire avec les autres détenus, «if any sex offender was attacked, the attacker would be transferred to a closed prison and that the prisoner who had been attacked would not be transferred.113(*) ».

- En Norvège, les prisons ouvertes sont, pour certaines, installées sur des îles, et s'étendent sur l'ensemble de leur périmètre. BASTØY, par exemple, n'a aucun mur d'enceinte, mais passée la dernière navette du soir, il n'y a plus aucun moyen de rejoindre ou de quitter l'île. Soulignons en outre que cette prison se réclame elle-même d'être « the frist World's Human Ecoligical Prison 114(*)». Outre dispenser des formations qualifiantes, la prison de BASTØY attache beaucoup d'importance à l'éducation des prisonniers aux principes écologiques, et à se conformer elle-même à des règles de fonctionnement les plus respectueuses possibles de l'environnement (recyclage, énergie renouvelable, ...). Voici en quelques lignes la description des résultats de ce lieu :

« Le système est basé sur la confiance à 100%", témoigne Kjell Roar Hansen, un gardien. "L'hiver, un seul surveillant accompagne cinq ou six détenus qui vont chercher du bois en forêt, chacun avec leur tronçonneuse".

Autre signe qui ne trompe pas, le ferry qui relie Bastoey au continent est géré par des prisonniers.

Une seule tentative d'évasion a été enregistrée ces six dernières années, selon M. Alnaes. Tout écart se traduit par un retour à la case prison traditionnelle, un épouvantail pour les pensionnaires de Bastoey.

Purgeant une peine de trois ans pour avoir "importé" des stupéfiants, "Tormod" est, comme beaucoup d'autres, d'abord passé par une prison de très haute sécurité.

"Là-bas, ça fait peur aux gamins, alors leurs visites sont très limitées. Ici, c'est convivial, ça permet de les voir plus souvent", explique ce père de trois enfants.

Aucune statistique n'existe quant au taux de récidive. "Mais on voit que ça marche. Les prisonniers arrivent ici avec une posture de gros durs. Après deux mois, ils sont tout sourire", affirme M. Alnaes, certainement l'un des rares directeurs de prison à verser chaque année à Amnesty International un écot prélevé sur le budget de son établissement. »115(*)

CASABIANDA, malgré ses spécificités, trouve bien sûr toute sa place aux côtés de ces autres « Open Institutions » européennes.

Mais nous venons de le voir, les expériences de chacune de ces prisons peuvent être complémentaires, CASABIANDA pourrait donc utilement puiser dans ces multiples expériences, comme autant de nouvelles sources d'inspirations pour améliorer encore son fonctionnement, et progresser ainsi vers l'accomplissement de ses principes fondateurs : responsabilisation et resocialisation des détenus, intégration dans son environnement, réduction au minimum nécessaire des moyens passifs de sécurité.

Chapitre 3 : Des conséquences d'une situation originale.

La situation géographique, la population pénale, le mode de gestion de la détention. Tous ces éléments originaux et concomitants du centre de détention de CASABIANDA entraînent nécessairement des conséquences majeures pour le quotidien et l'organisation du centre. Deux de ces conséquences sont à mettre plus particulièrement en avant. Les rapports sociaux entre les différents acteurs du centre de détention sont tout d'abord notablement différents des autres prisons (section 1). Que ce soit pour les détenus comme pour les personnels, CASABIANDA change le mode de vie carcéral, ce qui influence nécessairement les rapports de coexistence à l'intérieur de l'établissement.

De la même manière, les coûts de fonctionnement du lieu se trouvent grandement affectés par les originalités de CASABIANDA (section 2). Ils pâtissent de la situation d'isolement du centre, mais profitent du mode d'encadrement des détenus.

Section 1 : Les rapports sociaux dans la microsociété de CASABIANDA.

Outre les premières impressions d'espace que vous ressentez lorsque vous arrivez sur le domaine de CASABIANDA, ce qui étonne plus encore c'est l'apaisement qui semble bercer le lieu. Une impression renforcée dès que vous observez interagir les détenus et les personnels du centre de détention. Les rapports humains qui règlent cette micro société sont notablement différents, à plusieurs titres, des autres prisons françaises. En laissant régulièrement la parole aux membres de l'établissement, nous observerons ces originalités au travers des comportements réciproques des détenus (§1) et des personnels (§2).

§ 1 : Comportements sociaux des détenus

Dans un de mes entretiens, un détenu me confiait : « arrivé en prison, on perd son statut d'humain, sans pour autant devenir un animal. ». Arriver à CASABIANDA, c'est un peu redevenir un Homme. Redevenir un individu sociable, dont les rapports avec ses semblables se normalisent.

Dans les autres lieux de détention, l'atmosphère m'était qualifiée d'à « couteaux tirés ». Pour expliquer cela, l'un de mes interlocuteur me faisait cette subtile remarque : « déjà en couple, au quotidien, c'est pas toujours facile. Alors avec 3 ou 4 gars qu'on a pas choisi 23h00 sur 24h00, et en plus leurs manies ... ». L'absence de fin à sa phrase laissait aisément comprendre l'implicite pénibilité du quotidien. Nous pouvons donc, à partir de ce constat, aisément comprendre, que, si ces conditions participent à l'animosité entre les détenus des prisons française, être, comme à CASBIANDA, seul dans sa cellule le soir, et avoir 1.500 ha pour éviter les individus que vous ne souhaitez pas côtoyer, changent notablement les rapports de coexistence.

La qualité des rapports sociaux se signale aussi par les sujets de conversation qui occupent les détenus. Alors qu'en maison d'arrêt, revient comme une lancinante question un « T'es là pourquoi ? », à CASABIANDA, le lieu commun serait plutôt de débattre de son travail de la journée. Les détenus me confiaient qu'ils se sentaient ici moins jugés que dans tout autre établissement pénitentiaire. Que l'objet de l'infraction ne focalisait presque plus l'attention ni les rapports de détention.

Les activités de loisirs qui succèdent aux journées de travail permettent aussi de créer des espaces de socialisation et de convivialité. Les parties de pétanque organisées entre les bâtiments de détention en témoigne116(*).

Les repas, pris dans des locaux comparables à un réfectoire d'entreprise, redeviennent des moments d'échanges qui se déroulent dans des conditions proches de la normalité extérieure.

Le dialogue est en outre un facteur de socialisation primordial à CASABIANDA. Il permet aux nouveaux arrivants d'apprendre des anciens les limites de leur liberté relative. Une transmission des savoirs qui permet à l'identité du lieu de perdurer, et, parfois, de museler quelques velléités de nouveaux détenus qui auraient la volonté d'abuser de ces nouveaux droits. La plupart des anciens ont compris que le prix de ces conditions exceptionnelles de détention était avant tout la quiétude et la discrétion de ce lieu. Dans leur propre intérêt, ils s'attachent donc, de manière informelle le plus souvent, à faire respecter cet objectif.

Il nous faut bien sûr nuancer cette description grandement positive par quelques difficultés relationnelles qui font parfois surface entre groupes de détenus. Mais tout cela reste, pour l'instant, dans des proportions anecdotiques.

En ce qui concerne les rapports entretenus avec les personnels, ils sont là aussi étonnements sereins. Ce qui souligne le plus cette ambiance ce sont ces poignées de mains que s'échangent surveillants et détenus lorsque les premiers sont en observation.

Les traditionnelles injonctions mono verbales qui rythment parfois le quotidien des rapports de détention d'autres établissements (« Détenu X, Parloir / Infirmerie / Promenade ...), laissent à CASABIANDA la place au respect de l'interlocuteur, voire à sa considération. Il n'y a pas, de la part des personnels de surveillance, de trace de perversion ou d'humiliation inutile des détenus pour réaffirmer leur autorité.

Le détenu est à CASABIANDA reconsidéré, c'est du moins le sentiment de la plupart de ceux que j'ai rencontré.

§ 2 : Comportements sociaux des personnels

Du point de vue des personnels, les rapports avec les détenus sont avant tout fondés sur la confiance. Une confiance mesurée d'après l'expérience et le professionnalisme des travailleurs de CASABIANDA, mais une confiance qui permet de prendre le risque de responsabiliser les détenus.

Ainsi, il est par exemple confié aux chauffeurs de la RIEP des véhicules d'une valeur d'achat parfois supérieur à cent milles euros ; ou encore aux travailleurs des exploitations forestières des tronçonneuses qui, mal utilisées, pourraient aisément constituer des armes mortelles.

De plus, les détenus appelés dans les locaux administratifs pour des rendez-vous au greffe, à l'économat, ou dans tout autre service, peuvent, après avoir signalés leur présence à la loge d'entrée, se rendre dans les locaux sans être accompagné d'un personnel de surveillance, ni d'une toute autre surveillance particulière d'ailleurs.

En outre, l'impression des personnels est d'être eux aussi plus détendu que sur le continent. La tension due aux risques d'évasion n'est pas, d'après eux, aussi étouffante que dans les autres établissements pénitentiaires. Ce qui renforce ce sentiment, ce peut être aussi la simplicité de l'arrivée au centre de détention. Elle se fait beaucoup plus naturellement, sans fouille, portique ou autre contrôle de sécurité.

Peut être, à leur manière, les personnels d'origine corse participent-ils aussi à cette ambiance d'efficacité décontractée ? Ils paraissent en effet, par leur expérience, et peut être aussi par leur culture, avoir développé un sens aiguë de la relativité des choses, et une aptitude singulière à interpréter de façon originale les réglementations. Ce qui permet, semble-t-il, de créer une forme d'utile clinamen117(*) dans la rigueur de l'administration pénitentiaire.

Travailler à CASABIANDA apparaît donc, pour beaucoup de ses personnels, comme une expérience positive dans leur carrière.

Section 2 : Le coût financier de CASABIANDA118(*).

L'une des conséquences les plus notables du fonctionnement original de CASABIANDA se dévoile dans l'étude de ses comptes. Pour mieux apprécier la démonstration qui va suivre, il faut tout d'abord rappeler qu'en 2006, le coût moyen du jour de détention en France s'élevé à 77,30 €119(*), dont 58,21 € de dépenses de personnel pension comprise, et 42,76 € hors pension ; 4,51 € de dépenses de santé et 14,58 € de dépenses de fonctionnement des établissements. Comparée aux coûts de personnel de CASABIANDA (§1), et à ses coûts de fonctionnement et de santé (§2), la moyenne française semble pouvoir tirer des leçons de l'expérience de CASABIANDA.

§ 1 : Ses coûts de personnel

« Aujourd'hui, on compte 2,6 détenus par surveillant, étant rappelé que, sur le terrain, un seul surveillant a souvent en charge une coursive accueillant une centaine de détenus.

Si l'on se réfère aux autres pays de l'Union européenne (sauf la Grèce, le Portugal et le Luxembourg), la France se caractérise par un faible taux d'encadrement de ses détenus comme l'a reconnu Mme Martine Viallet, directrice de l'administration pénitentiaire, devant la commission : " En 1996, le ratio était de 2,3 détenus par surveillant en Angleterre, 1,7 aux Pays-Bas et 1,3 au Danemark. Donc, la qualité du service rendu ne peut pas être la même en fonction de ce ratio "120(*)

Le ratio exposé en 2000 par cette enquête parlementaire sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaire reste sensiblement identique aujourd'hui :

D'après les chiffres de l'administration pénitentiaire121(*) :

Statistiques françaises 2008.

Personnels de surveillance : 23 669 (effectif théorique).

Personnes incarcérées : 63 211 au 1er avril 2008122(*).

Ratio : 63 211 / 23 669 = 2,67 détenus / personnel de surveillance.

Pour ce qui est de CASABIANDA, sa spécificité d'encadrement entraîne le ratio suivant :

Statistiques de CASABIANDA 2008.

Personnels de surveillance : 41 (effectif théorique).

Personnes incarcérées : 184 au 31 mars 2008.

Ratio : 184 / 41 = 4,5 détenus / personnel de surveillance.

De cette différence dans le taux d'encadrement des détenus découle naturellement une économie de moyen sur ce qui représente le premier poste budgétaire de dépense dans le coût moyen de jour de détention : les personnels. Ainsi, qu'ils soient administratifs ou de détention, là où nationalement, la France dépensait en moyenne par détenus en 2006 58,21€ par jour de détention, CASABIANDA ne dépensait pour son personnel que 50,12 €. Une économie substantielle qui ne nuit pas à l'exigence de sécurité compte tenu, nous l'avons vu, des résultats de CASABIANDA en cette matière.

§ 2 : Ses dépenses de fonctionnement et de santé.

Le budget de fonctionnement de CASABIANDA, eu égard à la spécificité de l'activité du lieu, et du facteur d'éloignement qui entraîne des surcoûts en carburant, est quant à lui supérieur à la moyenne nationale.

Les dépenses de fonctionnement comprennent notamment les frais d'alimentation, les frais énergétiques, le matériel général, l'entretien et la maintenance, le Service général, les frais de déplacement, les frais de poste et télécommunication, entre autres. En moyenne en France, ces dépenses s'établissaient en 2006 à 14,58€ par jour de détention. A CASABIANDA, ce même indicateur s'élevait à 23,96 €.

Pour expliquer ce chiffre élevé, il faut considérer CASABIANDA dans la spécificité de ses coûts originaux. Les frais entraînés par l'entretien de la résidence où logent les personnels de l'établissement sont compris dans ce total. A cela faut-il encore rajouter les dépenses d'énergie et de fluide de la RIEP qui sont loin d'être négligeables. Des dépenses qui n'entrent pas en ligne de compte, en de mêmes proportions, dans la comptabilité des autres établissements français.

Qui plus est, CASABIANDA dispose de marges importantes de progression. Lorsque l'on sait que les détenus se chauffent à l'aide de radiateurs électriques alors que l'établissement dispose d'au moins 6 bâtiments de 50 à 60 mètres linéaires avec un toit en 2 pentes, dont trois sont ceux les logements des détenus, et trois ont une exposition plein Sud. Dans une région qui bénéficie comme nous l'avons déjà vu de plus de 2.000 heures d'ensoleillement par an, un chauffage solaire semble plus pertinent et bien moins onéreux.

En ce qui concerne les dépenses de santé, elles sont pour CASABIANDA de 1,00 € par jour de détention, là où celles-ci se montent à 4,51€ pour la moyenne française.

Ainsi, une journée de détention à CASABIANDA coûte en moyenne 75,08€, soit 2,22€ de moins que la moyenne française, et 3,79€123(*) de moins que la moyenne nationale des centres de détention en gestion publique.

Titre 2 : Une prison emblématique

« En 1789, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen a posé les bases juridiques qui, aujourd'hui encore, fondent le système répressif français. Elle a affirmé la règle de la présomption d'innocence et le principe selon lequel la loi n'établit que des peines « strictement et évidemment nécessaires ». En 1791, le Code Pénal définit la prison en tant que lieu d'accomplissement d'une peine. »

Rapport de la Cours des Comptes124(*)

Cette mise en perspective historique de notre régime carcéral français nous laisse apprécier toute la latitude disponible dans l'application des peines aux condamnés.

En effet, si l'on considère que les évaluations des critères « strictement et évidemment nécessaires » de la peine sont aussi nombreuses que les condamnés à qui elles s'appliquent, les peines effectivement applicables pourraient être démultipliées.

Toutefois, la rationalité et les contraintes de l'exercice d'édiction de la règle, et de son application, appellent une certaine forme d'harmonisation.

C'est donc entre ces deux contraintes, la recherche d'un idéal, et les limites empiriquement établies à sa mise en pratique que doit s'inventer notre système répressif pénitentiaire.

Le centre de détention de CASABIANDA peut aujourd'hui apparaître comme une nouvelle réponse à cette double contrainte.

Nouvelle parce que plus que jamais conforme aux conclusions des débats actuels portant sur le « traitement » de la population pénale (chapitre 1).

Alors, après avoir établi la modernité et l'actualité du modèle carcéral de ce centre de détention, nous en évaluerons les résultats (chapitre 2), pour enfin s'interroger sur sa possible reproduction (chapitre 3).

Chapitre 1 : La place de CASABIANDA dans les débats actuels sur le « traitement » de la population pénale.

Depuis le tournant des années 2000, et plus particulièrement l'ouvrage de Véronique VASSEUR, Médecin chef de la santé125(*), la société et les politiques se sont remis à regarder en face l'univers carcéral des prisons françaises. Or des multiples rapports et débats qui encadrent cette question depuis presque dix ans maintenant, deux constats d'échec ou de fortes interrogations émergent comme les principales préoccupations actuelles : la problématique récurrente de la surpopulation carcérale (section 1), et la lutte contre la récidive (section 2).

Nous verrons, dans ce développement, la place que CASABIANDA occupe aujourd'hui dans la thématique des ces débats, et celle que son modèle pourrait occuper demain.

Section 1 : La surpopulation carcérale.

Ce problème endémique au système judiciaire français a récemment vécu un dernier rebondissement avec l'établissement d'un triste record de détenu en France le 1er juillet dernier avec 64.250 détenus incarcérés, d'où découle un taux d'occupation exorbitant de 126%.

Afin de mieux saisir ce problème, il nous faut en rappeler, en quelques lignes, les principaux enjeux (§1), puis observer la réponse que le modèle de CASABIANDA peut apporter (§2).

§ 1 : Enjeux de la surpopulation carcérale française.

Le diagnostic des causes de la surpopulation carcérale française a été régulièrement posé depuis le tournant que nous évoquions déjà dans les années 2000, mais la critique la plus synthétique vient sans doute du Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe formulé lors de son rapport portant sur les prisons françaises de février 2006126(*). En voici quelques extraits.

«  La surpopulation empêche [...] de mettre en pratique une véritable politique pénitentiaire, de séparer les prévenus des condamnés, les mineurs des adultes. Elle ne permet pas la mise en oeuvre d'un traitement social, psychologique..., ni d'une action spécifique à la situation de chaque détenu. Cela a un effet totalement négatif sur le principe de réinsertion. Si on ne peut pas faire un travail dans ce sens, on touche à la sécurité future, car la prison devient un dépôt et non un lieu où se prépare la réinsertion. »

« A ma demande adressée à l'administration pénitentiaire concernant les causes de l'existence si nombreuse d'établissements à régimes mélangés, il m'a été répondu que principalement cela tient au manque de financement et à l'absence de construction de locaux pénitentiaires, rendant ainsi inévitable le placement des personnes relevant de régimes et situations différents dans les mêmes établissements. »

« Une autre raison de la présence massive dans les maisons d'arrêt de condamnés devant être transférés dans des établissements pour peine tient, selon mes interlocuteurs, au fait qu'il n'existe qu'un seul service central de transfèrement. Tout transfert est effectué par des représentants de ce service de manière centralisée selon un planning pré-établi et arrêté d'avance. Il serait par ailleurs assez difficile de procéder aux changements de ce planning peu flexible car le service en question est surchargé. Dès lors, les délais d'attente de transfert se rallongent et un grand nombre de personnes en dépend »

Si l'on suit la pensée du Commissaire, la surpopulation carcérale crée une véritable insécurité dans les établissements pénitentiaires, et même au-delà pour la société en général.

Elle génère une insécurité pour l'individu détenu tout d'abord. La trop grande promiscuité, qui plus est souvent dans des locaux vétustes, accroît en effet considérablement les risques sanitaires, et développe les facteurs de risque de troubles psychologiques, voire psychiatriques.

Ensuite, elle crée une insécurité latente pour l'ensemble de la détention, et pour ses personnels, puisqu'elle favorise l'animosité et l'agressivité des détenus, première origine des mouvements collectifs en détention.

Elle est, enfin, créatrice d'insécurité pour la société, puisqu'elle nuit au travail d'amendement et de réinsertion des détenus, lorsqu'elle ne favorise pas la création de synergies criminelles, rendant parfois ces détenus plus dangereux à leur sortie de prison, que lors de leur entrée.

§ 2 : Place du modèle de CASABIANDA dans le débat de la surpopulation carcérale.

Comme nous l'avons constaté dans l'étude statistique de sa population pénale, le centre de détention ne souffre pas, ces dernières années, d'une surpopulation chronique.

Pour ce qui est du modèle de cette structure, il pourrait être, à l'avenir, une réponse pertinente à plusieurs des causes du développement de la surpopulation carcérale françaises, et à ses conséquences.

Si le principal facteur de la surpopulation carcérale est le manque de financement pour de nouveaux locaux, choisir le modèle du centre de détention corse pour les futurs établissements pénitentiaires constituerait le choix de l'économie, sans que la qualité du succès des missions pénitentiaires de l'administration en pâtisse pour autant.

En effet, la plupart des nouveaux programmes pénitentiaires de construction se font aujourd'hui à proximité des villes, et avec de très lourds investissements pour sécuriser efficacement les locaux, mais aussi leurs alentours. Le modèle de CASABIANDA, encourage, quant à lui, l'utilisation d'espaces éloignés des centres urbains, où le foncier est moins cher, et des infrastructures de mise en sécurité bien moins coûteuses.

En outre, nous l'avons démontré plus haut, cet établissement est, en terme de gestion, une structure de détention sensiblement moins onéreuse que la moyenne française.

L'économie réalisée serait alors double : lors de la construction, et en terme de coûts annuel de gestion.

Si le second facteur de la surpopulation carcérale est le manque d'établissement pour peine, le régime de CASABIANDA est tout à fait pertinent pour figurer dans les futurs programmes pénitentiaires puisque c'est un centre de détention.

En outre, si la difficulté vient du manque de place dans les cohortes orientées par le CNO vers ces structures pénale, tout en sachant que le modèle de CASABIANDA n'est pas là pour les remplacer, il permettra cependant, lorsque celles-ci seront inévitablement multipliées, d'accélérer la procédure d'affectation.

En effet, nous l'avons vu, les équipes du CNO ont déjà développées une solide expérience dans le ciblage du public le plus pertinent pour des établissements du type de CASABIANDA, et n'auront plus alors qu'à adapter un modèle existant aux particularités de nouveaux établissements pénitentiaires labellisés « Open Institution ».

Section 2 : La lutte contre la récidive.

La médiatisation des affaires impliquant des criminels récidivistes a développé, dans l'opinion, le sentiment que la sanction pénale, telle qu'elle existe aujourd'hui, manquait d'efficacité.

Or, dans une publication d'Infostat justice de 2006127(*), il apparaissait qu'avec une étude portant sur les condamnés de 1984 à 2004, le pourcentage de récidivistes dans les condamnations criminelles oscillait, de 2000 à 2004, entre 2,4 % et 4,4 %. Avec, pour l'année 2004, un ratio 1,3% de récidivistes dans les condamnations pour viols.

Toutefois, même si la lutte contre la récidive des criminels se limitait à résorber d'aussi faible taux, le devoir de l'administration pénitentiaire appelle à l'effort et à une exigence de recherche d'excellence.

La lutte contre la récidive des anciens détenus s'envisage dans les débats contemporaines d'après deux axes majeurs : la sphère médico-psychologique d'une part (§1), et la préparation de la libération d'autre part (§2). Ces deux domaines appellent des constats encore à affiner en considération de l'expérience de CASABIANDA.

§ 1 : Débats sur le traitement médico-psychologique des détenus.

Le débat sur le traitement médico-psychologique des détenus attire notre attention suivant deux champs distincts. D'une part, le traitement des troubles mentaux des détenus en prison, devenus un danger pour eux-mêmes, et pour les autres. D'autre part, le traitement spécifique des détenus coupables d'infraction à caractère sexuel destiné à prévenir une éventuelle récidive.

A/ Traitement des troubles psychiatriques128(*).

Plusieurs études récentes montrent une importante proportion de détenus souffrant de troubles psychiatriques, tous générateurs de risques pour eux-mêmes ou pour leur entourage.

Pour ce qui est des troubles dépressifs, une étude épidémiologique sur la santé mentale des personnes détenus menée en 2004 révélait qu'une moyenne de près de 40% des détenues souffraient de syndromes dépressifs. Que 7,9% souffraient d'attaques de panique ou de névroses d'angoisse, 16.6 % d'agoraphobie, 15,4 % de phobie sociale. Tous des facteurs, cumulatifs parfois, d'une possible tendance suicidaire.

Bien que le secret médical n'ait pu me permettre d'avoir connaissance des chiffres de CASABIANDA, il est avéré aujourd'hui, dans la société « libre », que l'espace et la nature sont des outils thérapeutiques efficacement proposés pour traiter ces troubles psychiatriques. L'absence de suicide dans cette structure peut, d'une certaine manière, corroborer la vocation médicale de ces facteurs environnementaux.

Le modèle de CASABIANDA pourrait être alors une réponse préventive à l'apparition de certains de ces troubles psychiques consécutifs à une incarcération, diminuant ainsi d'autant les facteurs de tension des détenus. Ce pourrait être aussi un frein au cycle psychiquement destructeur susceptible de mener les individus jusqu'à commettre des actes violents pendant, ou après leur détention.

B/ Traitement des infracteurs sexuels

Le traitement des infracteurs sexuels revêt aujourd'hui, outre les psychothérapies traditionnelles, deux nouveaux visages.

- Les groupes de parole médico-psychologique ou criminologique qui ont pour objectif, comme les présente leur promoteur, le Dr R. COUTANCEAU129(*), « d'amener le sujet à reconnaître les faits, à reconnaître sa responsabilité, à comprendre ce qui motive son acte, à appréhender les conséquences pour les victimes, à lui apprendre aussi à mieux connaître ses failles, ses moments difficiles, à lui apprendre à se contrôler, à maîtriser sa violence ou ses fantasmes. »

- La prescription de traitement médicamenteux, qualifiés pour certains de castrateurs chimiques, qui a pour but de diminuer l'intensité des fantasmes et des désirs, avec pour effet de les rendre contrôlables par l'individu traité.

Le centre de détention de CASABIANDA est aujourd'hui l'un des sites pilote pour le programme du Dr COUTANCEAU. Toutefois, sa mise en oeuvre récente ne nous permet pas de tirer aujourd'hui un quelconque bilan de ce travail.

Néanmoins, un chiffre peut apporter un début d'information sur le traitement médico-psychologique des détenus. En 2006, CASABIANDA avait enregistré 1143 consultations psychologiques ou psychiatriques. Ce qui fait une moyenne comprise entre 6 et 7 consultations annuelles par détenus.

§ 2 : Débats sur la préparation à la libération des détenus.

Force est de constater que les détenus ayant subi des peines d'incarcération de plusieurs années ont souvent des difficultés à reprendre une vie « normale » à l'issue de leur libération. Les raisons en sont multiples :

- perte de repères familiaux et sociaux.

- absence d'emploi.

- difficultés pour trouver un logement.

- et d'autres causes diverses.

Certes, nous avons déjà pu voir quelle pouvait être l'influence du régime de CASABIANDA sur certains de ces facteurs précités, mais quelques données statistiques complémentaires seront apportées dans le développement du chapitre suivant.

Ainsi, porterons-nous maintenant une attention plus particulière aux débats pénologiques d'exécution des peines.

En Avril 2003, Jean-Luc WARSMANN, député des Ardennes, remettait un rapport au Garde des Sceaux130(*), qui fut positivement accueilli par de nombreux professionnels. Or, l'expérience de CASABIANDA s'invite naturellement à une mise en perspective avec certaines conclusions de ce rapport.

Ainsi, dans son développement, ce rapport insiste avec force sur la nécessité de réduire au maximum le nombre de sorties « sèches », à savoir celles sans aménagement de peine. Il préconise pour cela l'accroissement des libérations conditionnelles. Il n'envisage toutefois pas de développer un temps d'incarcération spécifique entre le régime carcéral traditionnel et la libération conditionnelle. Une formule qui concilierait pourtant une réclusion en établissement spécialisé, tout en permettant aux détenus de se réapproprier les règles élémentaires de vie quotidienne et de vie en société.

Or, le régime de CASABIANDA peut répondre à cet objectif. Outre le fait que l'individu reste incarcéré, ce qui limite les critiques sociales adressées aux régimes de semi-liberté, cette formule permet de créer, à la manière d'un sas de décompression, une étape de réacclimatation à une vie plus libre. Cette étape pourrait permettre à plus de détenus de reprendre confiance en leur humanité, voire en leur citoyenneté ; et, ainsi, les aider à se réinsérer avec moins de rancoeur et d'animosité à l'égard de la société ou de leurs pairs.

Chapitre 2 : Les résultats de CASABIANDA.

Mettre en avant la pertinence d'une expérience, exige de s'appuyer sur des données statistiques vérifiées et vérifiables, afin de valider le contenu des arguments proposés. Ainsi, si CASABIANDA peut être présenté comme une solution emblématique d'un nouveau mode de détention pour la pénitentiaire française, bien qu'après 60 ans d'expérience ce régime ait déjà eu l'occasion de faire ses preuves, nous devons pouvoir démontrer l'existence de résultats probants et performants en comparaison avec la moyenne française, obtenue en majorité par le régime classique de détention.

Nous devons donc, pour présenter objectivement les résultats de ce lieu de détention, évaluer sa performance en se basant sur des indicateurs suffisamment pertinents et précis pour être utilement comparés à d'autres sujets d'étude.

Pour ce faire, le plus approprié apparaît être la prise en compte des indicateurs opérationnels élaborés par l'Administration Pénitentiaire131(*) lors de l'application de la Loi Organique des Lois de Finances132(*), puisque ceux-ci revêtent un caractère national.

Mais ce mode d'évaluation à ses limites, et d'autres indicateurs doivent compléter cette étude.

Nous verrons donc dans le développent de ce chapitre, le renseignement pour CASABIANDA des Objectifs et Indicateurs LOLF retenus comme pertinent pour notre étude (Section 1). Mais aussi d'autres indicateurs qui ne figurent pas dans l'évaluation LOLF (Section 2).

Section 1 : Les résultats de CASABIANDA aux travers des objectifs et indicateurs LOLF.

§ 1 : OBJECTIF 1 : Renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires
A/ INDICATEUR 1.1 : Nombre d'évasions.

CASABIANDA n'a pas connu d'évasion des ses locaux depuis au moins une dizaine d'années. Sur la même période, la France avait dénombré plus de 200 évadés133(*).

Il faut cependant relever, pour être tout à fait objectif, que dans l'année écoulée, ce qui n'était pas arrivé depuis de très nombreuses années, deux détenus n'ont pas réintégré la détention à l'issue d'une permission temporaire de sortie.

B/ INDICATEUR 1.2 : Taux d'incidents.

Nature de l'incident

Nombre d'incidents en France en 2006

Nombre d'incidents à CASABIANDA en 2006

Mouvements collectifs

265

0

Agressions graves commises contre le personnel

550

0

Suicides

93

0

Grève de la faim

1.016 pour 62 438 détenus (chiffre de 2005, données 2006 non fournies)

0 (en 2005 et en 2006)

Sanctions prononcées

39.618 pour 60.963 détenus (chiffre de 2003, données 2006 non fournies)134(*)

5 avertissements,

5 cellules disciplinaires avec sursis,

1 disciplinaire ferme. Pour 6 infractions du 2ème degrés et 5 du 3ème.

§ 2 : OBJECTIF 3 : Développer les aménagements de peine.
INDICATEUR 3.1 : Pourcentage de personnes placées sous écrou et condamnées bénéficiant d'un aménagement de peine

Chiffres 2006 :

- en France : 5.649 libérations conditionnelles pour 85.713 libérations. Soit 6,6% des libérations.

- à CASABIANDA : 35 libérations conditionnelles pour 66 sorties. Soit 53,03 % des libérations.

§ 3 : OBJECTIF 6 : Favoriser les conditions d'insertion professionnelle des détenus
A/ INDICATEUR 6.1 : Pourcentage de détenus bénéficiant d'une formation générale et / ou professionnelle.

Chiffres 2006 :

- en France : 3.692.241 heures de formations ont bénéficié à 21.605 détenus, sur une population de 58.402 personnes écrouées au 1er janvier 2007. Soit une moyenne de 63,22 heures par détenu de la population totale.

- à CASABIANDA : 34.950 heures de formations ont bénéficié à 66 détenus, sur une population totale de 170 détenus au 1er janvier 2007. Soit une moyenne de 205,59 heures par détenu de la population totale.

B/ INDICATEUR 6.2 : Pourcentage de détenus bénéficiant d'une activité rémunérée.

Chiffres 2006 :

- en France : 1.845.569 journées travaillées pour une population de 58.402 personnes écrouées au 1er janvier 2007. Soit une moyenne de 31,60 journées travaillées par détenu de la population globale.

- à CASABIANDA : 32.012 journées travaillées pour une population de 170 personnes écrouées au 1er janvier 2007. Soit une moyenne de 188,30 journées travaillées par détenu de la population globale.

Section 2 : Les résultats de CASABIANDA soumis à d'autres types d'indicateurs.

Pour compléter l'analyse précédente, il nous faut observer trois types d'indicateurs : des indicateurs économiques (§1), des indicateurs d'évaluation des conditions de détention (§2), et, pour conclure, des indicateurs relevant du devenir pénal des détenus de CASABIANDA (§3).

Cependant, malgré les recherches entreprises, je n'ai pu renseigner plusieurs de ces indicateurs qui seraient essentiel à une évaluation exhaustive de l'établissement. Je me contenterai donc de les présenter, d'exposer les difficultés rencontrées pour les évaluer, et laisserai, à regret, le soin à une étude ultérieure d'en dégager des conclusions.

§ 1 : Indicateurs économiques

C'est semble-t-il volontairement que les indicateurs économiques n'ont pas été intégré dans ceux de la LOLF, ce qui semble paradoxal dans le cadre de l'application d'une loi portant sur les finances publiques. Le Directeur de l'Administration Pénitentiaire, M. D'HARCOURT explique ceci par les raisons suivantes135(*) :

« L`Administration pénitentiaire n'a pas retenu d'indicateur de coût dans les objectifs de performance. Cependant, l'ensemble des données relatives au coût de la journée de détention est présenté dans la partie JPE. En effet, le coût d'une journée de détention doit être utilisé avec précaution, car s'il permet des comparaisons dans le temps, entre différentes structures et différents modes de gestion (gestion publique et gestion mixte), son interprétation est délicate. Ainsi, une baisse du coût peut signifier soit un gain de productivité, soit une baisse de la qualité. Il doit être analysé au regard du taux d'occupation des établissements. »

Cette précaution enregistrée, nous pouvons néanmoins faire ressortir de notre étude que CASABIANDA s'avère moins onéreux que la plupart des autres établissements pénitentiaires français. Et ce avec une surpopulation quasi inexistante dans son histoire.

Je ne me relivrerai pas ici à la démonstration déjà effectuée du calcul du coût global de fonctionnement de CASABIANDA136(*), je me contenterai de le replacer dans une perspective plus globale.

Si l'on pose l'hypothèse que sur les 41.038 détenus condamnés sans aménagement de peine au 1er juin 2008, l'on affecté 1.000 détenus (soit moins de 2,5% du total de la population pénale incarcérée à cette date) à un établissement dont le régime de détention serait similaire à celui de CASABIANDA, l'Etat pourrait potentiellement économiser annuellement, toute chose étant égale par ailleurs en se référant à l'économie moyenne réalisée par CASABIANDA ramenée aux résultats des autres centres de détention en gestion publique :

3,79€ x 1.000 détenus x 365 jours = 1.383.350,00 € / an 

Et nous ne retenons là que des économies réalisées dans la gestion quotidienne, alors que dire si nous y ajoutions les revenus tirés d'une production de biens ou de service.

§ 2 : Evaluation des conditions de détentions

Evaluer les conditions de détentions sous-entend de s'adresser à de multiples interlocuteurs (et pas seulement aux détenus), et sur des sujets très variés portant sur tous les volets de la détention.

Une grande étude menée par l'institut de sondage BVA en 2006, pour préparer les états généraux de la condition pénitentiaire, avait très consciencieusement effectué ce travail.

Toutefois, malgré plusieurs demandes à l'institut concerné, et des recherches dans les archives de l'établissement, je n'ai pu obtenir le volet des réponses portant sur CASABIANDA.

Pour autant, nous avons pu à plusieurs reprises constater dans ce travail que les détenus, tout comme les personnels, exprimaient une vision manifestement positive des conditions de vie et de travail à CASABIANDA.

Faire une extraction de l'étude BVA permettrait toutefois d'appréhender plus scientifiquement cette perception empirique.

§ 3 : Indicateurs de récidive

Le dernier critère mis en avant comme une réussite de CASABIANDA relève de la proportion moins élevée de détenus qui auraient récidivé en sortant de cet établissement par rapport à la moyenne globale des prisons françaises.

Bien que des évaluations informelles aient été effectuées par d'anciens directeurs du centre, je ne puis en faire ici état puisqu'elles n'ont pas été scientifiquement certifiées.

Le véritable écueil procède en fait de l'absence de volonté politique, à laquelle s'ajoute quelques difficultés techniques et juridiques, de croiser le fichier national du casier judiciaire, avec celui des numéros d'écrou.

Le seul indicateur récent de la récidive des sortants de prison concerne la population carcérale globale, et il nous est apporté par Les cahiers de démographie pénitentiaire, de mars 2004137(*). Une étude menée sous l'égide de l'administration pénitentiaire, chargée de constater sur un échantillon représentatif de la cohorte des sortants de prison libérés entre le 1er mai 1996 et le 30 avril 1997, les sujets ayant eu une nouvelle inscription sur leur casier judiciaire avant le 1er Juin 2002. Pour la population des infracteurs sexuels, celle qui est majoritaire à CASABIANDA, voici les extraits les plus pertinents de cette étude :

Proportions de libérés sans nouvelle affaire

et avec nouvelle affaire selon la nature de la condamnation

Infraction principale pour laquelle le détenu

a été libéré en 1996/1997

% de libérés sans nouvelles affaires

% de libérés

avec nouvelles affaires...

total

sans

emprisonnement ferme

avec

emprisonnement ferme

Atteintes volontaires contre les personnes

 
 
 
 

Agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle sur mineur (crime)

70

18

11

100

Agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle sur mineur (délit)

77

11

11

100

Une extraction basée exclusivement sur les détenus libérés de CASABIANDA à la même période, accompagnée de la consultation de leur casier judiciaire au 1er Juin 2002, permettrait de clarifier définitivement la question de l'efficacité du lieu à prévenir la récidive.

Chapitre 3 : Peut on reproduire CASABIANDA ?

La question de la viabilité et de l'efficacité du modèle de CASABIANDA, ayant déjà trouvé plusieurs réponses dans les développements de ce mémoire, il nous faut maintenant envisager les difficultés que pourraient rencontrer la reproduction de ce modèle pour un autre établissement pénitentiaire français.

- Parer aux réticences de l'opinion.

En condamnant un Homme, le corps social français ne s'attend pas aujourd'hui à ce que celui-ci bénéficie de conditions d'incarcération comparables à celles de CASABIANDA.

Les raisons à cela tiennent essentiellement au fait que la plupart des citoyens s'attendent à ce que la peine soit suffisamment exemplaire pour que le condamné « paye » le crime qu'il a commis, ce qui dans leur esprit s'envisage par la soumission à une forme de repentir par la souffrance.

Il faut donc entreprendre un véritable effort de pédagogie pour expliquer le modèle de CASABIANDA, qui n'est pas, comme certains le prétendent, « un centre de vacances pour prisonniers ». Il faut insister sur la place centrale de l'effort et du travail dans l'identité de l'établissement. Et il faut, par-dessus tout, souligner que CASABIANDA s'inscrit dans le cadre d'un régime progressif de la peine, et que, par-là même, le détenu a déjà expérimenté, les conditions d'incarcération en milieu fermé.

Il faut, en outre pour rassurer les esprits, souligner l'effort de sélection fait par les équipes du CNO dans l'orientation des détenus vers ce type d'établissement ouvert.

Et pour conclure sur ce point, il est nécessaire de rappeler les résultats en matière de sécurité et de récidive qu'induit ce modèle.

- Convaincre les pouvoirs publics.

Outre de leur apporter les arguments utiles pour répondre aux préoccupations de leurs concitoyens, il est capital de mettre en avant, pour les pouvoirs publics, les multiples avantages qui découlent de l'utilisation du régime des « Open Institutions ».

L'installation d'une telle structure sur leur territoire sera le synonyme de l'implantation d'un service administratif avec tout ce que cela implique en terme d'emploi pour les communes environnantes. Qu'en outre, les activités de productions ou de services élaborés par des unités du type de CASABIANDA sont dégagées des exigences de rentabilité maximum auxquelles sont soumises des productions privées similaires, et peuvent donc participer à des missions ou à des actions de service public utile aux territoires qui les accueillent (missions d'intérêt environnemental, chantiers de sauvegarde du patrimoine, ...).

Dans une période économique où les dépenses publiques font l'objet d'un strict contrôle, et d'une rationalisation poussée des dépenses, le modèle de CASABIANDA est une réponse pertinente aux efforts d'économie demandaient à l'administration. L'argument, déjà plusieurs fois développé dans ce mémoire des gains économiques substantiels que CASABIANDA fait réaliser au budget de l'Etat, suffit à encourager au développement d'établissements pénitentiaires soumis au même régime de détention.

Il faut enfin, et c'est peut être là l'essentiel, rappeler aux Représentants de la Nation leur responsabilité d'Elus de la République, et par conséquent, de défenseurs des Droits de l'Homme et du Citoyen. Le régime du centre de détention de CASABIANDA, est aujourd'hui un exemple, sans doute encore perfectible, de juste compromis entre l'application de la sanction pénale et du respect de la dignité humaine. L'image de notre administration pénitentiaire, et plus généralement du respect des Droits de l'Homme dans notre pays, gagnerait donc à développer ce type d'établissement.

- Le manque théorique de détenus.

CASABIANDA accueillerait déjà, pour certains membres de l'administration pénitentiaire, tous les détenus français pouvant répondre positivement à la soumission à ce régime de détention. Soit au 1er avril 2008, 184 détenus sur une population carcérale globale de 63.211 détenus, et sur une population de 40.594 détenus condamnés sans peine aménagée. Soit un ratio de 0,29 % de la population globale, et 0,45% de la population carcérale condamnée sans peine aménagée.

Pourtant, lorsque l'on étudie les ratios de détenus soumis à ce régime dans les autres pays européens qui l'appliquent, force est de constater que, toute chose égale par ailleurs, la marge de manoeuvre française est encore très grande. Prenons deux exemples, avec d'une part un pays frontalier, et d'autre part un pays d'Europe du Nord :

- La Belgique : avec une population moyenne journalière de 9.873 détenus en 2007, dont 5.330 condamnés, ce pays pouvait accueillir jusqu'à 616 détenus dans ses « Open Institutions » (nombre de places théoriques), soit 6,2% de sa population carcérale globale et 11,55% de sa population carcérale condamnée138(*).

- La Finlande : avec une population pénale globale de 7.292 détenus en 2006, dont 6.689 condamnés, ce pays accueillait 571 détenus dans ses « Open Institutions » (sur 869 places théoriques139(*)), soit 7 % de sa population carcérale globale, et 8,5% de sa population carcérale condamnée140(*).

En outre, comme nous avons pu déjà le constater, soulignons ici que les autres pays usant du régime carcéral des « Open Institutions » n'accueillent pas forcément une majorité d'infracteurs sexuels, ce qui constitue encore pour la France une marge de manoeuvre conséquente dans son recrutement des détenus aptes à suivre ce type de régime carcéral.

- Trouver un environnement similaire à celui de CASABIANDA.

Un argument souvent avancé pour justifier l'absence d'autres « Open Institutions » à la française, tient au cadre unique offert par le domaine de CASABIANDA. Un argument difficilement acceptable, puisque, si tel était bien le cas, comment pourrait-il exister d'autres « Open Institutions » à travers le monde ?

Alors, certes, le modèle de CASABIANDA ne peut être reproduit à l'identique, mais il est tout à fait adaptable à d'autres environnements.

Il existe en France de nombreux espaces ruraux loin des grands centres urbains ou de grande voie de communication, où des territoires aujourd'hui inexploités pourraient accueillir ce type de structure.

En outre, à la manière des prisons Norvégienne, il peut être envisageable d'utiliser des îles, naturellement isolées, pour construire de nouvelles « Open Institutions ».

Pour conclure ce titre, nous pouvons dire que CASABIANDA apparaît, aux vues des observations présentées dans cette deuxième partie, comme un exemple atypique français. Eu égard à son fonctionnement original, il est le type d'établissement pénitentiaire qui se conforme le plus aux règles pénitentiaires européennes.

Voici, pour mémoire, les principes fondamentaux énoncés dans ces règles :

« Règle 1. Les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l'homme.

Règle 2. Les personnes privées de liberté conservent tous les droits qui ne leur ont pas été retirés selon la loi par la décision les condamnant à une peine d'emprisonnement ou les plaçant en détention provisoire.

Règle 3. Les restrictions imposées aux personnes privées de liberté doivent être réduites au strict nécessaire et doivent être proportionnelles aux objectifs légitimes pour lesquels elles ont été imposées.

Règle 4. Le manque de ressources ne saurait justifier des conditions de détention violant les droits de l'homme.

Règle 5. La vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l'extérieur de la prison.

Règle 6. Chaque détention est gérée de manière à faciliter la réintégration dans la société libre des personnes privées de liberté. »141(*)

Bien que ces règles ne soient aujourd'hui que de simples recommandations, elles demeurent toutefois un guide pour développer des prisons que nos sociétés modernes, éclairées par l'expérience de quatre millénaires de sanctions pénales142(*), sont en droit d'espérer.

Développer des espaces de détention conforme à ces règles, c'est accepter de poursuivre la progression de nos sociétés vers un idéal plus soucieux de l'humanité de leurs membres. CASABIANDA en est l'exemple unique en France, un emblème.

Conclusion

Ce travail nous aura permis de mettre en avant les originalités du centre de détention de CASABIANDA tout en réaffirmant son identité carcérale.

Il nous aura rappelé l'actualité et la modernité de ce lieu, et surtout qu'il n'est pas isolé dans le paysage carcéral mondial.

Mais ce travail nous a surtout autorisé à mettre en évidence la supériorité de son modèle, appliqué à une population pénale maintenant clairement définie, par rapport à la moyenne pénitentiaire française.

Enfin, ce travail nous a fourni les principaux arguments qui, je l'espère, convaincront le plus grand nombre de l'utilité du développement de prisons utilisant un régime de détention similaire à celui de CASABIANDA.

Il semble donc temps, pour les décideurs, de ne plus voir CASABIANDA comme une expérience. En effet, contrairement à la terminologie employée aujourd'hui à son sujet, cet établissement ne peut plus être considéré comme expérimental ou pilote. En premier lieu parce qu'aucun évaluateur n'est jamais véritablement venu relever les résultats de l'expérience. Mais surtout, parce qu'après 60 ans d'existence un établissement comme celui-ci ne peut plus légitimement conserver de tels qualificatifs.

Reste donc aux pouvoirs de publics à tirer aujourd'hui les conclusions qui s'imposent :

- soit CASABIANDA est un modèle qui a échoué. Auquel cas nous ne pouvons pas, dans l'intérêt de la société, laisser près de deux cents détenus dans des conditions de détention utilisant un minimum de précautions pour les maintenir incarcérés ; qui plus est ceux qui se sont rendus coupables des crimes considérés par l'opinion comme des plus répréhensibles.

- soit CASABIANDA est un modèle qui a réussi, qui utilise un minimum de contrainte pour un maximum de sécurité. Auquel cas dans l'intérêt supérieur du respect des Droits de l'Homme et du Citoyen, notamment dans la soumission des condamnés à des peines « strictement et évidemment nécessaires », il doit être utilisé pour servir de base à la création de nouveaux centres de détention.

Il est d'autant plus urgent d'affirmer le succès de ce modèle, en ouvrant notamment d'autres structures semblables à CASABIANDA, qu'il est aujourd'hui fragilisé par l'existence d'une seule application concrète. Un incident, qui reste toujours possible, aurait beaucoup moins de conséquences pour sa pérennité si plusieurs établissements utilisaient concomitamment ce type de régime de détention.

En outre, la multiplication, à CASABIANDA, de nouveaux dispositifs de sécurité, commence à inquiéter ceux qui s'intéressent aux originalités de ce lieu. En effet, plus CASABIANDA se rapproche d'un centre de détention classique, moins il a de légitimité à exister.

De plus, à l'issue de cette étude, il parait évident qu'appliqué à une part minoritaire des détenus français, le régime de CASABIANDA soit à la fois le plus performant et le plus conforme aux respect des principes énoncés en 1789.

Autrement dit, ce régime permet de passer, dans certains cas bien définis, et dans une vision de maximisation des moyens, de la recherche d'une plus grande efficacité des établissements pénitentiaires, à la recherche d'une plus grande efficience dans l'accomplissement des missions de l'administration pénitentiaire.

L'expérience de CASABIANDA mérite donc aujourd'hui de bénéficier de garanties pour rester confiant dans son avenir. Ceci devant sans doute passer tout d'abord par l'élaboration d'un projet d'établissement clair, afin que soit rappelé à tous, à la fois la philosophie originelle du centre pénitentiaire, mais aussi les composantes essentielles de son identité.

Cela permettrait en outre à l'administration pénitentiaire de communiquer plus confortablement avec les médias en leur offrant un fond documenté pour aider à l'écriture de leur sujet, et de substituer à « la canne à pêche en première de couverture », l'ouvrage d'un détenu, se levant à 6h00 du matin, au service d'une communauté.

Mais l'affirmation du succès de CASABIANDA et la volonté de développer les établissements de ce type ne peuvent se faire efficacement sans repenser plus globalement notre système pénitentiaire. C'est en effet en réhabilitant le vieux principe de progressivité de la peine que l'on donnera toute leur légitimité à de futures créations d'«Open Institutions » à la française.

En outre, à l'heure où les projets de coopérations communautaires se multiplient dans l'écriture du droit et dans son application, cette réflexion nous permettrait d'élaborer, aux cotés de nos partenaires européens, une nouvelle conception de la répression pénale et de l'institution pénitentiaire.

Il existe aujourd'hui, au Nord de l'Europe, le projet « Nord-Balte », tutellé par le par le Conseil de l'Europe, qui a pour objectif d'améliorer et de développer les systèmes des Etats Baltes en se reposant sur l'expérience des Pays Scandinaves143(*).

Inspirons-nous de cette entreprise pour faire progresser et harmoniser sur tout le continent, nos systèmes pénitentiaires nationaux, et participer, ainsi, à la construction d'un véritable espace judiciaire européen.

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II - Textes législatifs et réglementaires / Jurisprudence.

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ARRÊTÉ préfectoral du Préfet de Haute-Corse donnant autorisation au Directeur du Centre de détention de CASABIANDA pour installer un système de vidéo surveillance dans le quartier résidence du centre de détention. 15 septembre 2005.

ARRETE Préfectoral du Préfet de Haute Corse N° 2007207-5 portant autorisation de battues administratives d'observation et régulation des populations de sangliers sur le domaine de Casabianda - Commune d'Aléria. 26 juillet 2007.

DECISION DE CONSTITUTIONALITÉ, Conseil Constitutionnel, Décision n° 93-334 du 20 janvier 1994 portant sur la Loi instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale.

DÉCRET du 22 décembre 1790 sur la compétence des tribunaux militaires, leur organisation et la manière de procéder devant eux.

LOI organique n°2001-692 du 1 août 2001 Relative aux lois de finances. Parue au JO n° 177 du 2 août 2001.

LOI n° 2007-1198 du 10 août 2007. Loi Renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Parue au J.O. du 11 août 2007.

NOTE de l'administration pénitentiaire relative au mission du CNO, date du 14 mai 1985 - réf : F 12 BP/JM

RECOMMANDATION du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, Recommandation n°R (87) 3 sur Les règles pénitentiaires européennes. 11 janvier 2006.

RÉSOLUTION 155 (VIII) du 13 août 1948. Conseil économique et social des Nations Unies. 

III - Articles de presse.

AFP, Dépêche : DE BASTOEY - Ni murs ni barreaux: les cellules sont des maisons qu'on ne verrouille jamais dans la prison de Bastoey où certains des criminels les plus endurcis de Norvège préparent leur réinsertion en élevant des agneaux ou en cultivant des fraises écologiques. Publiée le 25/07/2007 à 18:13:36 GMT.

LE FIGARO : Casabianda, première prison ouverte. En arrachant 648 hectares au maquis les cent détenus rapportent de l'argent à l'Etat. 26-27/04/1958

LE FIGARO : Corse, scandale au centre pénitentiaire. Des détenus côtoyaient des enfants. 01/09/1999

LE MONDE, Le débat sur la récidive relancé après deux faits-divers, article daté du 28 Septembre 2005

LE MONDE, Rachida DATI veut développer « la prison hors les murs », article daté du 28 juillet 2008

MARIANNE, À Casabianda, même les matons ne sont pas bien gardés. 06/07/1999

NICE MATIN : Un domaine témoin, CASABIANDA...11/12/1953

NICE MATIN : Prison ouverte ... sur chambre d'amour. 26/01/1984

NICE MATIN : La clef des champs... pour travaux forcés. 06/07/1989

REVUE CONSTELLATION, le monde vue en français, CASABIANDA, chance unique des détenus, n°120, avril 1958.

IV - Sites Internet.

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www.assemblee-nationale.fr

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www.bastoyfengsel.no

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http://books.google.com.

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www.conseil-economique-et-social.fr

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www.hmprisonservice.gov.uk/

www.investigateur.info

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www.lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr

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www.quid.fr

www.rikosseuraamus.fi/uploads

www.straffet.com

www.senat.fr

www.unita-naziunale.org

www.vankeinhoito.fi

www.wmaker.net/apiazzett

Table des matières

Sommaire 9

Table des abréviations 11

Chronologie comparée de l'Histoire de CASABIANDA 12

Introduction 14

- Partie I - CASABIANDA, établissement pénitentiaire hors norme. 19

Titre 1 : L'identité carcérale de CASABIANDA 20

Chapitre 1 : Brève histoire d'une prison, et de sa terre. 21

Section 1 : De l'origine du domaine 21

§ 1 : De la période antique 21

§ 2 : D'un empire à un autre 24

§ 3 : De la propriété du domaine au XIXème siècle. 27

Section 2 : Du pénitencier agricole au XIXème siècle 30

§ 1 : Des pénitenciers agricoles de Corse en général 31

§ 2 : Du pénitencier de CASABIANDA en particulier 36

Section 3 : De la prison du XXème siècle 43

§ 1 : Les premières années du nouveau Centre Pénitentiaire Agricole de CASABIANDA 45

§ 2 : CASABIANDA au fil des décennies, jusqu'au IIIème Millénaire 53

Chapitre 2 : Organisation et fonctionnement du centre de détention de CASABIANDA. 56

Section 1 : L'encadrement humain des détenus de CASABIANDA 56

§ 1 : Le personnel de l'établissement 56

§ 2 : L'organisation des services. 58

Section 2 : Fonctionnement du centre de détention de CASABIANDA 61

§ 1 : Gestion de la sécurité à CASABIANDA 62

§ 2 : Activités des détenus 65

§ 3 : Les « chambres d'amour ». 67

Titre 2 : Les originalités de CASABIANDA 70

Chapitre 1 : La vocation économique de CASABIANDA. 71

Section 1 : L'intégration du centre de détention dans l'économie de la micro région qui l'entoure. 71

§ 1 : De l'incidence de CASABIANDA sur l'économie de la micro région en général. 71

§ 2 : De la production du centre de détention notamment par la RIEP de CASABIANDA en particulier. 73

Section 2 : Labeur et labour pour les détenus de CASABIANDA 76

§ 1 : Le travail des détenus de CASABIANDA 76

§ 2 : La formation des détenus de CASABIANDA. 78

Chapitre 2 : Evolution et perspectives de la population pénale de CASABIANDA. 81

Section 1 : Eléments d'analyse et données statistiques de la population pénale de CASABIANDA 81

§ 1 : Analyses de quelques données statistiques relatives à la population carcérale de CASABIANDA 81

§ 2 : Le travail du CNO dans le choix des détenus pour CASABIANDA 89

Section 2 : Particularités de la population carcérale de CASABIANDA 92

§1 : Etude succincte des détenus pour infractions pénales à caractère sexuel 92

§2 : Observation de la part minoritaire des détenus de CASABIANDA. 99

- Partie II - CASABIANDA, prison unique et emblématique. 102

Titre 1 : Le caractère exceptionnel de CASABIANDA 103

Chapitre 1 : De l'applications des missions de l'administration pénitentiaire par le prisme de CASABIANDA. 104

Section 1 : Des intérêts de la société dans l'application des peines à CASABIANDA. 105

§ 1 : De la neutralisation des détenus à CASABIANDA. 105

§ 2 : De l'exemplarité de la peine à CASABIANDA. 107

Section 2 : Des intérêts des détenus dans l'application des peines à CASABIANDA. 109

§ 1 : De l'amendement du condamné à CASABIANDA. 109

§ 2 : De la préparation à la réinsertion du condamné à CASABIANDA. 110

Chapitre 2 : La place de CASABIANDA dans la pénologie française, européenne et mondiale. 113

Section 1 : Une prison médiatique mais peu étudiée 113

§ 1 : Discrètes évocations de CASABIANDA dans la littérature scientifique ou politique. 113

§ 2 : Une profusion d'articles de presse 117

Section 2 : Un exemple d'Open Institution 120

§1 : Caractéristiques des Open Institutions 120

§ 2 : Quelques exemples d'autres Open Institutions en Europe 123

Chapitre 3 : Des conséquences d'une situation originale. 127

Section 1 : Les rapports sociaux dans la microsociété de CASABIANDA. 127

§ 1 : Comportements sociaux des détenus 127

§ 2 : Comportements sociaux des personnels 129

Section 2 : Le coût financier de CASABIANDA. 130

§ 1 : Ses coûts de personnel 131

§ 2 : Ses dépenses de fonctionnement et de santé. 132

Titre 2 : Une prison emblématique 134

Chapitre 1 : La place de CASABIANDA dans les débats actuels sur le « traitement » de la population pénale. 135

Section 1 : La surpopulation carcérale. 135

§ 1 : Enjeux de la surpopulation carcérale française. 135

§ 2 : Place du modèle de CASABIANDA dans le débat de la surpopulation carcérale. 137

Section 2 : La lutte contre la récidive. 138

§ 1 : Débats sur le traitement médico-psychologique des détenus. 139

§ 2 : Débats sur la préparation à la libération des détenus. 140

Chapitre 2 : Les résultats de CASABIANDA. 142

Section 1 : Les résultats de CASABIANDA aux travers des objectifs et indicateurs LOLF. 143

§ 1 : OBJECTIF 1 : Renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires 143

§ 2 : OBJECTIF 3 : Développer les aménagements de peine. 144

§ 3 : OBJECTIF 6 : Favoriser les conditions d'insertion professionnelle des détenus 144

Section 2 : Les résultats de CASABIANDA soumis à d'autres types d'indicateurs. 145

§ 1 : Indicateurs économiques 145

§ 2 : Evaluation des conditions de détentions 146

§ 3 : Indicateurs de récidive 147

Chapitre 3 : Peut on reproduire CASABIANDA ? 149

Conclusion 153

Bibliographie 156

I - Monographies et thèses. 156

II - Textes législatifs et réglementaires / Jurisprudence. 161

III - Articles de presse. 162

IV - Sites Internet. 163

Table des matières 165

Imprimé en Avignon par l'auteur.

- Août 2008 -

* 1 Bibliothèque numérique de l'Université du Québec à Chicoutimi : "Les classiques des sciences sociales", Site web: http://classiques.uqac.ca/

* 2 Assemblée Nationale (2000), Rapport fait au nom de la Commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises. Tome I.

* 3 Statistiques mensuelles de l'administration pénitentiaire. http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10036&ssrubrique=10041&article=13006

* 4 Le Monde, Le débat sur la récidive relancé après deux faits-divers, article daté du 28 Septembre 2005.

* 5 Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007. Loi Renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Parue au J.O. du 11 août 2007.

* 6 Le Monde, Rachida DATI veut développer « la prison hors les murs » ; article daté du 28 juillet 2008.

* 7 Assemblée Nationale (2000), Rapport fait au nom de la Commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises. Tome I.

* 8 Pour approfondir l'histoire antique de la région d'Aléria, je recommande au lecteur le Musée qui est consacré aux fouilles archéologiques de la région, installé aujourd'hui dans le fort d'Aléria.

* 9 Hérodote, Clio, I 165.

* 10 Sous la dir. de Francis POMPONI (1981),  Le mémorial des Corses (vol. 1) Des origines à Sampiero ; L'Harmattan, Ajaccio.

* 11 Hérodote, Clio, I 166. Ces nombres, comme bien souvent dans la littérature antique sont cependant à prendre avec précaution, et indulgence, comme nous le ferions avec une licence poétique.

* 12 Sur les conséquences de la bataille d'Alalia, voir le chapitre 3 de l'ouvrage de KRINGS, V. (1998) Carthage Et Les Grecs, C. 580-480 Av. J. -C.: Textes Et Histoire, édition Brill Academic Publishers.

* 13 Source : www.quid.fr.

* 14 Sous la dir. de Francis POMPONI (1979),  Le mémorial des Corses (vol. 3) La présence française, 1796-1914 ; L'Harmattan, Ajaccio.

* 15 op. cit.

* 16 Sous la dir. de Francis POMPONI (1979),  Le mémorial des Corses (vol. 3) La présence française, 1796-1914 ; L'Harmattan, Ajaccio.

* 17 Source : VERGE-FRANCESCHI, Michel et LE ROY LADURIE, Emmanuel (1996). Histoire de Corse, le Pays de la grandeur. Edition du Félin.

* 18 sous la direction de SERPENTINI, A.-L (2003). Le Dictionnaire historique de la Corse. édition Albiana.

* 19 MICHAUD Louis-Gabriel (1843), Dictionnaire de biographie universelle ancienne et moderne, tome 14, édité chez Madame C. DESPLACES, Paris.

* 20 FRANCESCHETTI, Joseph Marie César (1861). Domaine de CASABIANDA, Mémoire sur la vente de l'Exploitation.

* 21 FRANCESCHETTI, Joseph Marie César (1861). Domaine de CASABIANDA, Mémoire sur la vente de l'Exploitation.

* 22 POULET-MALASSIS, A. pour Commission chargée de réunir, classer et publier les papiers saisis aux Tuileries (1877). Papiers secrets et correspondance du second empire. Imprimerie Nationale, Paris. Page 347.

* 23 Idem.

* 24 LIMAROLA M., Pétition au Corps Législatif, 15 juillet 1870. PARIS. Fond des archives impériales, Bibliothèque Nationale de France.

* 25 Statistique des prisons et établissements pénitentiaires pour l'année 1865. (1867), Imprimerie administrative de Paul DUPONT, Paris.

* 26 Propos tenus lors de l'inauguration de la Chapelle Impériale d'Ajaccio en 1860.

* 27 Cite in Bulletin de la société générale des prisons année 1879. Librairie Marchal et Billard.

* 28 Statistique des prisons et établissements pénitentiaires pour l'année 1865, op. cit.

* 29 idem

* 30 Cité in : Statistique des prisons et établissements pénitentiaires pour l'année 1865, op. cit.

* 31 cité in Bourdier Colette. Les bagnards. http://pagesperso-orange.fr/Cagouille-Icaunaise/bagnards/livre_bagnards_p021.htm

* 32 Cité in : BOUDON, Dominique (2006). Le pénitencier de Coti-Chiavari. Ajaccio.

* 33 BAILLY Charles (1884), Les pénitenciers agricoles de la Corse, imp. de Ricard-Leclercq, Saint-Valéry (Somme).

* 34 CAMPBELL, THOMASINA, M. A. E. (1872). Notes sur l'île de Corse en 1868 : dédiées à ceux qui sont à la recherche de la santé et du plaisir ; trad. Française ; impr. de J. Pompeani et Lluis (Ajaccio).  http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb301901805/description.

* 35 Source : BARBAN, Lucien et CALVO, Dominique (1866). Traité pratique de l'administration et du service des prisons, édition Dentu et Dupont. http://books.google.com.

* 36 Statistique des prisons et établissements pénitentiaires pour l'année 1865, op. cit.

* 37 NICOLLET, B (1886). Études sociologiques : le régime et la réforme pénitentiaires; travail industriel prisonnier, sa statistique, comparée à celle du travail libre, son remplacement par le labeur agricole, irrationalisme et révision des pénalités actuelles, Grenoble, chez l'auteur. http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb310169688/description

* 38 MARCHETTI, Pascal (1980), Une mémoire pour la Corse. Flammarion.

* 39 Voir en annexe les photos du cimetière de CASABIANDA où sont enterrés des personnels et des détenus qui ont succombés à la malaria.

* 40 Statistique des prisons et établissements pénitentiaires pour l'année 1865, op. cit.

* 41 idem

* 42 idem

* 43 op.cit.

* 44 Evaluation faite à partir des chiffres arrêtés en 1882 par Charles BAILLY, op. cit.

* 45 Une série de planche photographique sur le pénitencier de CASABIANDA est en annexe à ce mémoire, avec l'aimable autorisation de la direction du Centre de Détention de CASABIANDA.

* 46 Cette présentation du centre pénitentiaire de CASABIANDA au XXème siècle s'appuie sur les témoignages d'anciens personnels ou détenus, et plus particulièrement sur celui de M. Roger DUMAS, ancien directeur de CASABIANDA de 1949 à 1959 et ancien directeur régional de l'Administration pénitentiaire. Il sera également fait référence ici aux données du Rapport d'André PERDRIAU portant sur CASABIANDA présentait lors du premier Congrès des Nations Unies en matière de prévention du crime et de traitement des délinquants, Genève 1955.

* 47 VERPRAET Georges (1958), Casabianda, première prison ouverte, Le Figaro, 26-27 Avril.

* 48 Rapport d'activité du Centre de Détention de CASABIANDA, Mai 1998.

* 49 COLY Jean-Marcel (1953), Rapport général sur l'exercice 1953.

* 50 CANAT Pierre (1951), Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, cité in Jean-Marie RENOUARD (2007), Baigneurs et Bagnards. Tourismes et prisons dans l'île de Ré. Edition L'Harmattan.

* 51 Afin de s'imprégner de l'identité de CASABIANDA dans les années 50, figure en annexe à ce mémoire, une série de planches photographiques confiées par l'ancien directeur de CASABIANDA, M. Roger DUMAS.

* 52 Source des données : Rapport d'André PERDRIAU portant sur CASABIANDA présentait lors du premier Congrès des Nations Unies en matière de prévention du crime et de traitement des délinquants, Genève 1955.

* 53 VERPRAET Georges (1958), Casabianda, première prison ouverte, Le Figaro, 26-27 Avril 1958.

* 54 Cité in ACCOCE Pierre (1959), CASABIANDA, chance unique des détenus, Revue Constellation, le monde vue en français, n°120 avril 1958.

* 55 idem

* 56 VERPRAET Georges (1958), Casabianda, première prison ouverte, moins d'évadés dans un pénitencier sans mur ni verrou que dans les maisons centrales fermées, Le Figaro, 25 Avril 1958.

* 57 Source des données : Exposé de Madame CRISTIANI, juge de l'application des peines, à la commission parlementaire compétente. 17 mars 1966.

* 58 Arrêté préfectoral du Préfet de Haute-Corse du 15/09/2005 donnant autorisation au Directeur du Centre de détention de CASABIANDA pour installer un système de vidéo surveillance dans le quartier résidence du centre de détention.

* 59 Bien que les missions traditionnelles des acteurs de la pénitentiaire soient bien connues, il sera important d'effectuer dans cette section quelques rappels qui prendront tout leur sens lorsque nous envisagerons plus loin les particularités propres à CASABIANDA.

* 60 Les chiffres de ce paragraphe sont tirés du rapport d'activité 2006 du Centre de détention de CASABIANDA et des statistiques mensuelles faites par les services administratifs du CD.

* 61 L'impact économique de CASABIANDA sur son environnement sera détaillé dans le Titre 2 de cette partie.

* 62 Pour approfondir le rôle des SPIP au Centre de détention de CASABIANDA, il est possible de se référer au mémoire de 2000 de M. Christian SALOM, actuel Directeur SPIP régional, lorsque celui-ci était en poste de CIP à CASABIANDA, intitulé Les infracteurs sexuels détenus : traitements et faits pervers.

* 63 Source : Commission locale de formation, Rapport d'activité 2006-2007, CASABIANDA.

* 64 Sur la notion de sécurité dans les établissements pénitentiaires français, voir le Mémoire de DEA de GOUBET Maud, sous la direction de Nicolas DERASSE (2001-2002), La sécurité en prison, Ecole doctorale n°74, Université de Lille 2.

* 65 de la prison de Auburn, New York XVIIIème siècle.

* 66 Travail et formation des détenus ayant cependant une ampleur supérieure aux autres établissements, ces thématiques seront plus amplement développées dans le Chapitre 1 du Titre 2 de cette partie qui porte sur les originalités de CASABIANDA.

* 67 Les activités des détenus au service général et à la RIEP seront développées avec plus de détails dans le Titre suivant.

* 68 Voir chapitre sur l'histoire de l'établissement après la seconde guerre mondiale.

* 69 ARRETE Préfectoral N° 2007207-5 en date du 26 juillet 2007 portant autorisation de battues administratives d'observation et régulation des populations de sangliers sur le domaine de Casabianda - Commune d'Aléria.

* 70 Arrêté du Ministère de l'agriculture : Classement du domaine de CASABIANDA en réserve nationale de chasse ; 15 mai 1951.

* 71 Voir partie historique.

* 72 Les données de cette partie sont issues du compte rendu d'activité de la RIEP de Casabianda pour la campagne 2006-2007.

* 73 Exemple de cette orientation de l'île : Assemblée de Corse, Rapport n°2007/E1/073 ; Convention d'application du plan de relance de l'agriculture corse - année 2007 ; Axe 2, Mesure 5 : Développer l'agriculture biologique pour valoriser le potentiel de la Corse dans l'élaboration de produits naturels. 14 Mai 2007.

* 74 Compte rendu d'activité de la RIEP, op. cit.

* 75 Note de l'administration pénitentiaire en date du 14 mai 1985 - réf : F 12 BP/JM., cité in Rapport du Sénat sur le Projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, par Jean-René LECERF, déposé le 27 janvier 2008.

* 76 Op. Cit.

* 77 Source : statistiques de l'INHES (Institut National des Hautes Etudes de Sécurité), Ministère de l'intérieur.

* 78 http://www.allo119.org/adultes/119/donnees_auteurs.html

* 79 Tableau extrait du rapport du Pr SENON Jean-Louis, Quelles sont les théories actuelles concernant les causes impliquées dans les agressions sexuelles ?, présenté lors de la 5ème Conférence de consensus de la Fédération Française de Psychiatrie. 22-23 Novembre 2001.

* 80 Texte des recommandations élaborées par le Jury de la conférence de consensus Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d'agression sexuelle, la 5ème Conférence de consensus de la Fédération Française de Psychiatrie. 22-23 Novembre 2001.

* 81 Je reprends là le vocabulaire qui m'a été tenu par les détenus et les personnels de détention.

* 82 WELZER-LANG Daniel, MATHIEU Lilian, FAURE Michaël (1996) Sexualités et violences en prison, ces abus qu'on dit sexuel en milieu carcéral, Observatoire International des Prisons, Lyon : éditions Aléas.

* 83 SALOM Christian (2000). Les infracteurs sexuels détenus : traitements et faits pervers. Mémoire. ENAP - PARIS XIII.

* 84 Sexualités et violences en prison, ces abus qu'on dit sexuel en milieu carcéral, Op. Cit

* 85 Op. cit.

* 86 Conseil Constitutionnel, Décision n° 93-334 du 20 janvier 1994 portant sur la Loi instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédure pénale.

* 87 C'est par un décret du 22 décembre 1790 sur la compétence des tribunaux militaires, leur organisation et la manière de procéder devant eux que la France crée la première peine d'incarcération à temps. Les codifications pénales ultérieures confirmeront et accentueront cette démarche. Pour approfondir ce sujet, se rapporter à l'introduction de mon premier mémoire : GONTARD Paul-Roger (2007), L'utilité des peines privatives de liberté pour les criminels, Mémoire de Maîtrise sous la direction de B. CHAPLEAU, Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse, juin 2007. http://www.memoireonline.com/06/08/1146/m_utilite-peines-de-prison-criminels0.html

* 88 Bibliothèque numérique de l'Université du Québec à Chicoutimi : "Les classiques des sciences sociales", Site web: http://classiques.uqac.ca/

* 89 FERRI Enrico, LA SOCIOLOGIE CRIMINELLE, chapitre les Cinq catégories de criminels, Paris 1893 ; Bibliothèque numérique de l'Université du Québec à Chicoutimi : "Les classiques des sciences sociales", Site web: http://classiques.uqac.ca/

* 90 GIBBS, J. (1968). Crime, Punishment and Deterrence. Southeastern Social Science Quarterly, 48, 515-530. cité in Shirley A. HAMBLET, THE DEATH PENALTY THROUGH THE LENSES OF CRIMINOLOGY/CRIMINAL JUSTICE STUDENTS AND NON-CRCJ STUDENTS, The University of Texas at Arlington, Décembre 2006.

* 91 Cité in FOUCAULT Michel. Surveiller et Punir. Edition Gallimard. Janvier 2007.

* 92 PERDRIAU André (1954), L'établissement ouvert de CASABIANDA. Paris.

* 93 CRISTIANI (1966), juge de l'application des peines, Exposé à la commission parlementaire compétente. 17 mars 1966.

* 94 La pénalogie étant, nous pouvons le supposer, la science du champ pénal.

* 95 DENIS Laurent (1991), Un centre de détention original, Rapport de stage I.R.A. de Bastia.

* 96 SALOM Christian (2000). Les infracteurs sexuels détenus : traitements et faits pervers. Mémoire. ENAP - PARIS XIII

* 97 RENARD Maxime, Etre détenu à CASABIANDA et demander un placement extérieur : Quelles motivations ?, ENAP 2001.

* 98 Une défaillance du moteur de recherche sans nul doute.

* 99 Rapport public thématique de la Cour des Comptes (2006) ; Gardes et Réinsertion - La gestion des prisons.

* 100 Conseil économique et social des Nations Unies ; Résolution 155 (VIII) du 13 août 1948.

* 101 Cité in Premier Congrès des Nations Unies en matière de prévention du crime et de traitement des délinquants. Genève, 1955. Rapport du secrétariat.

* 102 L'intégralité de la résolution est en annexe à ce mémoire.

* 103 L'ensemble de la résolution est en annexe à ce mémoire.

* 104 Conseil de Coopération Pénologique, Bulletin d'information, n°23-24 ; décembre 2002.

* 105 Rapport d'activité du Ministère de la Justice Belge. http://www.just.fgov.be/fr_htm/information/htm_justice_a_z/rapport-epi2007-fr.pdf

* 106 Site de l'administration pénitentiaire anglaise : http://www.hmprisonservice.gov.uk/prisoninformation/locateaprison/, recherche par catégorie, prisons de catégorie D.

* 107 Site du Ministère de la Justice de Finlande, page sur les Open Institutions : http://www.vankeinhoito.fi/17488.htm

* 108 Site du Ministère de la Justice du Danemark : http://www.kriminalforsorgen.dk/English

* 109 Site Internet de la prison : http://www.bastoyfengsel.no/

* 110 Site Internet d'un membre de l'administration pénitentiaire Norvégien :http://www.straffet.com/eng/blo.htm

* 111 http://www.hmprisonservice.gov.uk/prisoninformation/locateaprison/prison.asp?id=580,15,2,15,580,0

* 112 WALMSLEY Roy, Summary report for the action plan for prison reform in Bosnia and Herzegovina, Conseil de l'Europe, 11 octobre 2002

* 113 Traduction : si un infracteur sexuel est attaqué, l'attaquant devra être transféré dans une prison fermée, et le prisonnier attaqué ne sera lui pas transféré.

* 114 Traduction : la première prison écologique et humaine au monde.

* 115 Dépêche AFP : DE BASTOEY - Ni murs ni barreaux: les cellules sont des maisons qu'on ne verrouille jamais dans la prison de Bastoey où certains des criminels les plus endurcis de Norvège préparent leur réinsertion en élevant des agneaux ou en cultivant des fraises écologiques. Publiée le 25/07/2007 à 18:13:36 GMT.

* 116 Vous noterez ici le paradoxe de sécurité qui peut découler de l'utilisation de boule de métal dans une enceinte carcérale.

* 117 Le clinamen est, dans la physique épicurienne, un petit espace de liberté de mouvement entre les atomes.

* 118 Les chiffres de CASABIANDA indiqués dans cette section sont ceux aimablement transmis par les services comptables de l'établissement.

* 119 Rapport au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée Nationale sur le volet justice du projet de loi de finances pour 2008 par M. Gilles CARREZ, rapporteur général.

http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2008/b0276-a25.asp

* 120HYEST Jean-Jacques et CABANEL Guy-Pierre, Rapport de commission d'enquête parlementaire n° 449 (1999-2000) de, fait au nom de la commission d'enquête, déposé le 29 juin 2000. Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France (tome 1).

* 121 Les chiffres clefs 2007, perspectives 2008, Administration pénitentiaire, février 2008.

* 122 Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée, Administration pénitentiaire, 18 avril 2008.

* 123 Soustractions faites à partir des chiffres du rapport CARREZ, op. cit.

* 124 Rapport public thématique de la Cour des Comptes (2006) ; Gardes et Réinsertion - La gestion des prisons.

* 125 VASSEUR Véronique, Médecin chef de la santé, édition LGF livre de poche, novembre 2001.

* 126 GIL-ROBLES Alvaro, Commissaire aux Droits de l'Homme, Rapport sur le respect effecctif des Droits de l'Homme en France suite à sa visite du 5 au 21 septembre 2005, remis le 15 février 2006 à Strasbourg à l'attention du Comité des Ministres et de l'Assemblée Parlementaire.

* 127 Ministère de la Justice (Juin 2006), Infostrat Justice, les condamnés de 2004 en état de récidive. Numéro 88.

* 128 Afin de mieux comprendre la population dont nous allons parler, vous pourrez trouver en annexe des extraits de l'Enquête de prévalence sur les troubles psychiatriques en milieu carcéral de Décembre 2004.

* 129 Extrait d'un débat avec le Dr R. COUTANCEAU sur le site du Monde.fr : http://www.lemonde.fr/

* 130 WARSMANN J-L (avril 2003), rapport de la mission parlementaire sur Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison ; http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/034000189/0000.pdf

* 131 Présent en Annexe la reproduction de la présentation du projet annuel de performances de l'administration pénitentiaire de 2008 présenté par son directeur.

* 132 Loi organique n°2001-692 du 1 août 2001 Relative aux lois de finances. Parue au JO n° 177 du 2 août 2001.

* 133 Source : chiffres de l'administration pénitentiaire et Quid en ligne www.quid.fr

* 134 Source, rapport de l'Observatoire International des Prisons. France. 2003

* 135 in Projet annuel de performances de l'administration pénitentiaire de 2008, op. cit.

* 136 Voire Partie II, Titre 1, Chapitre 3, Section 2 du présent mémoire.

* 137 KENSEY A., TOURNIER P., ALMERAS C., La récidive des sortants de prison, Cahiers de démographie pénitentiaire, Direction de l'Administration pénitentiaire, mars 2004.

* 138 Chiffres extraits de : Direction générale des établissements pénitentiaires belge, Rapport d'activité 2007 ; http://www.just.fgov.be/fr_htm/information/htm_justice_a_z/rapport-epi2007-fr.pdf

* 139 Site de l'administration pénitentiaire finlandaise, rubrique Open Intuition. ; http://www.vankeinhoito.fi/17488.htm

* 140 Statistiques du Ministère de l'administration pénitentiaire finlandaise ; http://www.rikosseuraamus.fi/uploads/ew7wl_1.pdf

* 141 Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, Recommandation n°R (87) 3 sur Les règles pénitentiaires européennes. 11 janvier 2006.

* 142 Du code d'Hammourabi, vers 1750 av J.C., à nos jours.

* 143 JANSON Björn, Projet « Nord-Balte » sur les établissements pénitentiaires. Un modèle pour la coopération et la réforme des systèmes pénitentiaires. in Bulletin d'information pénologique, n°23 & 24, Conseil de l'Europe ; décembre 2002.






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