Université Paul CEZANE - Aix-Marseille III
Faculté de Droit et de Science Politique
Le Centre de Détention de CASABIANDA
- Emblématique prison de paradoxes -
Paul-Roger GONTARD
- Master 2 Lutte Contre l'Insécurité
-
Sous la direction de Monsieur Bernard LEVY
- Août 2008 -
« Ce travail est dédié à
tous ceux qui oeuvrent quotidiennement pour un progrès humaniste des
institutions de la République. »
Remerciements :
à l'équipe pédagogique et à
l'administration de la Faculté de Droit et de Science Politique de
l'Université Paul CEZANE - Aix-Marseille III, et plus
particulièrement :
à Monsieur Bernard LEVY, Directeur de la Maison
d'arrêt de Luynes, mon directeur de mémoire, pour son soutien dans
l'élaboration de ce travail.
à Maître Gaëtan DI MARINO, responsable du
Master, pour son accueil dans la formation qu'il dirige.
à Monsieur ASSET, Directeur Régional de
l'administration pénitentiaire de Marseille, qui a bien voulu autoriser
mon accès à l'établissement de CASABIANDA.
à Madame DOUCET, Directrice du centre de
détention de CASABIANDA, et à Madame DANY, Directrice adjointe,
pour leur soutien et leur ouverture.
à l'ensemble du personnel du centre de
détention, qui m'a accueilli avec générosité, et
aux détenus de CASABIANDA qui ont accepté de collaborer à
cette étude.
à Coralie, ma compagne, pour son courage et sa patience
dans la vie ... et dans son aide de correction.
à ma famille, toujours présente, pour rendre la
vie et le travail plus aisé chaque jour.
Et pour leur aide particulière je veux adresser ici mes
remerciements les plus sincères à M. FRATICELLI, conseiller
général de Haute Corse et Maire d'Aléria ; aux
habitants d'Aléria et plus particulièrement à M.
BIANCARDINI pour son aide dans mes recherches, à Jean-Baptiste PAOLI,
instituteur de CASABIANDA, pour sa disponibilité pleine de bonne
humeur ; à M. DUMAS, premier directeur de CASABIANDA,
précieuse mémoire de cet établissement ; à M.
CAPELLO, directeur du centre pénitentiaire du Pontet ; à M.
CARLIER, Historien ; et plus largement à tous ceux qui m'ont
accompagné, aidé, aiguillé, conseillé pour faire de
ce mémoire un travail que j'espère de qualité.
« L'Université n'entend donner aucune
approbation ou imputation aux opinions émises dans ce mémoire.
Ces opinions doivent être considérées comme propre à
l'auteur. »
« La sanction pénale est le
complément de la loi.
L'application effective de la peine aux coupables est
l'accomplissement de la justice sociale. »
Pellegrino ROSSI, Traité de Droit
Pénal, 1825
« Le détenu est sous l'oeil du gardien, le
gardien sous l'oeil du directeur, la prison sous l'oeil du
peuple. »
Jeremy Bentham, le Panoptique, 1786
« Celui qui
ouvre
une
porte
d'
école,
ferme
une
prison. »
Victor HUGO
Sommaire
Sommaire
9
Table des abréviations
11
Chronologie comparée de
l'Histoire de CASABIANDA
12
Introduction
14
- Partie I - CASABIANDA,
établissement pénitentiaire hors norme.
19
- Partie II -
CASABIANDA, prison unique et emblématique.
102
Conclusion
153
Bibliographie
156
Table des matières
165
Table des
abr\u233·viations
C.D. : Centre de Détention
C.I.P. : Conseiller d'Insertion et de Probation
C.N.O. : Centre National d'Observation
C.N.O.S.A.P. : Comité National des OEuvres
Sociales sportives et
culturelles de l'Administration Pénitentiaire
C.P.P. : Code de Procédure Pénale
L.O.L.F. : Loi Organique des Lois de Finances
R.I.E.P. : Régie Industrielle des Etablissements
Pénitentiaires
S.P.I.P. : Service Pénitentiaire d'Insertion et
de Probation
U.C.S.A. : Unité Carcérale de Soins
Ambulatoires
U.V.F. : Unité de Vie Familiale
1810 :
Le code Pénal privilégie la prison comme peine.
1840 :
Dumenicu Cesaru FRANCESCHETTI revient sur les terres de sa
famille..
1884 :
Fermeture du pénitencier agricole de CASABIANDA..
1862 :
Vente aux enchères du domaine de CASABIANDA ;
acquisition par l'Etat.
Ouverture du Pénitencier agricole de CASABIANDA.
Sources : www.justice.gouv.fr ;
www.criminocorpus.cnrs.fr ; www.eleves.ens.fr (Ecole Normale
Supérieur) ;
1900
1890
1880
1870
1860
1850
1800
1810
1820
1830
1840
1838-1850 : Ouverture des 12 premières
colonies agricoles pénitentiaires
1872 :
Création de la commission parlementaire d'Haussonville.
1885 :
Loi Bérenger sur la libération conditionnelle et le
sursis.
1875 :
Loi Bérenger sur l'emprisonnement cellulaire.
1854 :
Loi sur les bagnes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie..
1815
1804
1824
1848
1852
1871
Histoire de Casabianda
1839 :
Le règlement intérieur des maisons centrales porte
interdiction de parler, de fumer, de boire du vin et obligation de travailler
et de porter le costume pénal.
1842 :
Le cachot, principale sanction disciplinaire.
Louis
Philippe
Charles
X
Restauration
Louis XVIII
Premier
Empire
Consulat
IIIième
République
Histoire de France
Histoire des réformes et de l'administration
pénitentiaire française
IInd
Empire
IInde
République
Chronologie comparée de l'Histoire de CASABIANDA
1981 : Abolition de la peine de mort.
1987 : Loi précisant les missions de
l'administration pénitentiaire.
1911 : L'administration pénitentiaire est
rattachée au Ministère de la Justice.
1975 : Création des centres de
détention.
1959 : Création du sursis avec mise à
l'épreuve.
1945 : Réforme Amor.
1977: Meurtre du surveillant FRATANI.
1984: Ouverture des « chambres
d'amour ».
1948 : Ouverture du Centre pénitentiaire
agricole de CASABIANDA.
Sources : www.justice.gouv.fr ;
www.criminocorpus.cnrs.fr ; www.eleves.ens.fr (Ecole Normale
Supérieur) ;
1938 : Fermeture du dernier bagne colonial.
2000
G.P.R.F.
Gouvernement de Vichy
IIIième
République
1958
1945
1944
1940
Vième
République
IVième
République
Histoire des réformes et de l'administration
pénitentiaire française
Histoire de France
Histoire de Casabianda
1990
1980
1970
1960
1950
1900
1910
1920
1930
1940
Introduction
« Parmi les peines et la manière de les
infliger, il faut donc choisir celle qui, proportion gardée, doit faire
l'impression la plus efficace et la plus durable sur l'esprit des hommes et la
moins cruelle sur le criminel. »
Cesare Bonesana BECCARIA, Traité des délits et
des peines.1(*)
Ce principe posé en 1764 par le Marquis BECCARIA,
père de la conception moderne du droit pénal, ne cesse, de
charpenter le renouvellement et l'invention des sanctions pénales, et
leurs applications.
Notre époque n'échappe pas à la
règle. Le 28 juillet 2008, Rachida DATI, Garde des Sceaux,
présentait en Conseil des Ministres un nouveau projet de loi
pénitentiaire qui devrait être débattu par les
Assemblées parlementaires à l'automne.
Les enjeux sont d'importance. Le parc pénitentiaire est
vieillissant, et de l'avis de certains, « indigne d'un pays comme
la France2(*) ». La population carcérale a
battu un nouveau record le 1er juillet 2008 avec 64.250 personnes
détenues3(*). Les
débats autour de la récidive des sortants de prison, entretenus
par plusieurs fait divers4(*) et de nouveaux textes législatifs5(*), agitent
régulièrement l'opinion.
Par son projet de loi, la Ministre de la Justice veut
développer « une prison moderne, digne, et une nouvelle
vision de la privation de liberté avec la prison "hors les
murs" ». Elle rappelle par ailleurs que « le fait
de condamner, de sanctionner, de priver de liberté peut prendre d'autres
formes que l'emprisonnement. »6(*)
Cependant, rien, dans ce projet de loi, n'indique la
volonté de développer un modèle français qui semble
pourtant déjà avoir fait ses preuves et réponde
efficacement aux actuelles préoccupations carcérales : le
modèle du centre de détention de CASABIANDA.
Quiconque s'intéresse aujourd'hui à la
pénologie carcérale et à son interprétation
criminologique, est interpellé par la découverte de cette prison
« sans murs ».
Mais lorsque la curiosité pousse jusqu'à la
recherche de documentation, force est de constater que très peu de
travaux ont été entrepris à son sujet. En effet, aucune
étude récente, aucun article scientifique, aucune communication
universitaire ne traite de cet établissement. Il semble que son
éloignement du continent l'est rendu invisible aux yeux avisés
des professionnels du droit. Un étonnant désintérêt
pour un établissement qui fut ouvert il y a 60 ans.
Et il en est de même pour les politiques. Lorsqu'ils
évoquent ce centre de détention, ils partagent
l'étonnement que suscite l'établissement, mais ne propose
toutefois pas de s'en inspirer, ou d'étudier plus avant son
modèle. L'une des seules traces de rapport parlementaire à son
sujet se résume dans ces quelques lignes :
« Situé au bord de la mer sur la
côte orientale de la Corse, le centre de détention de Casabianda
qui accueillait, au 1er janvier 2000, 210 détenus, tous
condamnés pour délinquance sexuelle, dont certains à de
longues peines, ne ressemble absolument pas, aux dires des membres de la
commission qui l'ont visité, à l'idée que l'on se fait
d'une prison : pas d'enceinte, cellules ouvertes, pavillon pour accueillir
les couples dans la journée. Les détenus y travaillent à
des travaux agricoles et sont correctement rémunérés. Il
n'y a que peu d'incidents, pas de violence, pas de caïdat, pas
d'évasion ; la menace d'être transféré dans un
autre centre de détention semble très dissuasive ce qui illustre
bien le caractère inégalitaire de la détention, selon
l'établissement où l'on se trouve
incarcéré. »7(*)
Etablissement pour peine réservé aux hommes, le
centre de détention de CASABIANDA s'est installé en Corse
à quelques kilomètres du village d'Aléria. Au nord du
domaine se trouve l'étang Dél Sale, au nord-ouest, le Tagnone,
affluant du Tavignano, à l'est, la Mer Tyrrhénienne, au sud,
l'étang d'Urbino et au sud-ouest une plantation d'eucalyptus. Dans cet
environnement de verdure et bordé par la plage, a cours un régime
de détention qualifié par ceux qui le connaissent, d'unique en
Europe.
C'est pourquoi, de ce double constat d'intérêt
collectivement admis, et de carence scientifique, s'est imposée
à moi l'étude de centre de détention comme sujet de
recherche dans le cadre de mes travaux universitaires.
Le présent ouvrage aura donc pour premier objet de
combler ce vide, en rassemblant les éléments, jusque là
épars, qui évoquent d'un point de vue criminologique ou
pénologique l'expérience de CASABIANDA.
De plus, l'exemple de cet établissement nous permettra
dans un second temps, d'avancer des solutions alternatives, originales et
efficaces aux actuelles préoccupations liées au traitement de la
population pénale.
Ce sera, en outre, l'occasion de rendre un peu de
mémoire à cet établissement et à la terre qui
l'accueille. De nombreux documents relatifs au centre de détention
figureront donc en annexes de ce travail pour rassembler dans un seul ouvrage
(pour l'avenir et pour d'autres travaux peut-être) des pièces
aujourd'hui dispersées dans les bibliothèques, les archives de
l'Administration Pénitentiaire, ou, chez des particuliers.
Ce mémoire se veut donc être un outil complet
pour comprendre dans toutes ces acceptions pénales, carcérales et
fonctionnelles le centre de détention de CASABIANDA, pour, ensuite,
tenter de théoriser l'expérience de cette structure et essayer
d'en tirer toutes les conséquences qui s'imposent.
Par égard pour cet établissement, j'invite ici
ceux qui souhaiteraient à la suite de ce travail, communiquer sur
l'existence de ce lieu, à le faire avec précaution. Non parce
qu'il existe certaines informations sensibles ou dissimulées à
son sujet, mais parce que les premières impressions que suscite cet
établissement font souvent appel à l'émotion plus
qu'à la raison.
Les a priori à son égard allant
même jusqu'à faire douter certains de son identité
carcérale, nous nous attacherons donc, dans un premier temps, à
observer et à réaffirmer ses caractéristiques
pénitentiaires, bien que parfois originales (Partie 1). Puis, dans un
second temps, nous analyserons les conséquences de l'accumulation de ses
originalités, puisqu'elles ont su faire de CASABIANDA une prison
certainement unique, et même emblématique d'un renouveau possible
de la conception française de l'emprisonnement (Partie 2).
- Partie I - CASABIANDA,
\u233·tablissement p\u233·nitentiaire hors norme.
Titre 1 :
L'identité carcérale de CASABIANDA
Tous ceux qui ont parcouru les quelques kilomètres qui
séparent la route nationale qui traverse le domaine, des bâtiments
de détention sur la côte Est de la Corse, retiennent
immanquablement cette première image : une interminable allée de
platanes bordée par d'immenses étendues de champs, où les
oiseaux vous accueillent avec bienveillance par leurs douces
mélodies ; puis, au milieu du chemin, un panneau planté
entre deux arbres qui rappelle que nous sommes sur un terrain du
Ministère de la Justice dont l'accès est strictement
réglementé. Ainsi, il y a toujours à CASABIANDA quelque
chose pour vous rappeler que vous êtes dans un lieu de
détention ; des rappels sans lesquels ce domaine pourrait bien
passer pour un paisible coin de Corse que les touristes ont pour l'instant
raisonnablement épargné. C'est en partie pour cela que les
clichés et les caricatures y sont faciles. S'arrêter à
cette première vision, où à toute autre qui lui ressemble
dans CASABIANDA (le soleil et la mer, la plage et les cannes à
pêche, les champs et les grands arbres, les troupeaux d'élevages
et les animaux sauvages ...) et les présenter comme étant tout
CASABIANDA, serait méconnaître la réalité de ce
lieu. Certes ce sont là des composantes bien singulières pour une
prison, mais ce centre de détention n'en reste pas moins une
véritable prison. Voilà pourquoi nous devons, avant de
découvrir les particularités du centre de détention de
CASABIANDA, réaffirmer cette identité carcérale par
l'étude de ces composantes (Chapitre 2).
Mais avant tout, la terre et la prison de CASABIANDA ont une
longue histoire. Ces histoires ont forgé à leur manière
l'émergence de l'identité carcérale du lieu, et expliquent
pour beaucoup les originalités actuelles. Preuve de ce lien qui unit la
prison à sa terre, le C.D. de CASABIANDA est un de ces rares
établissements pénitentiaires qui ne porte pas le nom de la ville
sur lequel il est implanté, mais plutôt, dans le cas qui nous
occupe, l'appellation d'un domaine. Cette particularité n'est qu'une des
composantes qui font l'originalité identitaire de CASABIANDA, mais elle
souligne bien le caractère historique de ce lieu. Nous débuterons
donc dans un premier temps par un premier parcours de plusieurs siècles
sur ces terres corses, et emprunterons le chemin qui a mené l'Histoire
jusqu'à la construction du centre de détention que nous
connaissons aujourd'hui (Chapitre 1).
Chapitre 1 : Brève
histoire d'une prison, et de sa terre.
Afin d'appréhender dans toute son identité
l'actuel centre de détention de CASABIANDA, il est avant tout
nécessaire d'en saisir toutes les origines et celles de sa terre. Bien
que ce mémoire n'ait pas la prétention d'avoir la valeur d'une
étude historique, j'ai voulu, devant la carence actuelle d'une
historiographie exhaustive, tant sur la prison, que sur le domaine de
CASABIANDA, profiter de ce travail écrit pour rassembler, dans un seul
document, les sources essentielles qui permettent de cheminer dans l'histoire
de cette terre et de ceux qui y ont vécu. Une histoire d'autant plus
riche que bien souvent elle prête ce lieu au déroulement
d'évènements historiques significatifs pour la région et
même au-delà. Nous évoquerons donc l'histoire de cette
terre nommée plus tard domaine de CASABIANDA, dès les premiers
temps de l'Histoire des Hommes (Section 1). Puis nous découvrirons le
premier établissement pénitentiaire qui fut construit sur ces
terres au XIXème siècle (Section 2), avant
d'évoquer ce que l'on peut bien qualifier aujourd'hui d'alchimie
historique, la genèse, puis l'histoire, de l'actuel Centre de
détention de CASABIANDA (Section 3).
Section 1 : De
l'origine du domaine
Les terres et les environs du domaine de CASABIANDA sont
primordiaux pour l'histoire de la Corse. Tête de pont de la colonisation
civilisatrice de l'antiquité, CASABIANDA et la région
d'Aléria vivront ensuite au rythme des dominateurs successifs du bassin
méditerranéen. Une valse historique conclue par le rattachement
de l'île à la France en 1769.
§ 1 : De la
période antique8(*)
Bien que l'île fût investie par les Hommes depuis
le VIème millénaire avant J.C., la sortie de la
préhistoire se fit en Corse autour de 564 avant J.C. C'est en effet
à cette date que les greco-phocéens venus de Marseille
débarquèrent sur l'île, dans la proche région de
CASABIANDA, si ce n'est sur l'emplacement même de l'actuel domaine, dans
les terres lacustres de l'embouchure du Tavignane. Les fondateurs de Marseille
décidèrent alors, après que la tradition des oracles soit
dûment respectées, d'installer là un comptoir agricole et
de commerce du nom d' (Alalia)9(*). De modeste comptoir de commerce, la colonie d'Alalia
devient vite, par l'apport de nouveaux arrivants phocéens, une
cité d'importance dans la mer Tyrrhénienne. Cette carte extraite
de l'ouvrage historique de référence Le mémorial des
Corses, en 7 volumes10(*),
nous permet d'appréhender la place et l'ampleur de l'étendue
supposée de cette cité antique, ainsi que l'inclusion du domaine
de CASABIANDA dans celle-ci.
Une place qui inquiéta Etrusques et Carthaginois qui
dominaient jusqu'alors cette région de la Méditerranée.
Pour mettre fin à ce qui commençait à être une
nouvelle concurrence, une coalition de navires de guerres Etrusques et Puniques
prit la mer en 535 av. J.C. Le but avoué de cette
expédition : s'attaquer à la ville et s'emparer de toute sa
région. Une bataille navale s'engagea alors, au large de ce qui est
aujourd'hui CASABIANDA, entre une flotte de cent vingt navires coalisés
et soixante bateaux phocéens rassemblés pour l'occasion.11(*) L'issue de la bataille donna
peu de temps après l'avantage aux Etrusco-Carthaginois, ce qui
historiquement marqua d'un point final l'expansion grecque à l'ouest de
la Méditerranée. Cet épisode antique, qui se
déroule aux larges des plages de ce qui est aujourd'hui le centre de
détention, se conclut par le départ des phocéens d'Alalia,
laissant la place libre à la domination des Etrusques voisins, puis dans
un deuxième temps des Carthaginois.12(*)
L'Histoire suivant son cours, ce sont les Romains, ayant pris
le pas sur les Etrusques dans la péninsule italienne, qui
s'intéresseront désormais à la cité portuaire.
Alors que Rome et Carthage se disputent la Méditerranée, le
général romain, Cornélius Scipion se charge de
conquérir puis de raser Alalia, alors carthaginoise, en 259 av. J.C.
Profitant d'une situation géographique
stratégique, face à la cité éternelle, la
République romaine, désormais souveraine de ces terres, fondera
sur ces ruines autour de l'an 100 av. J.C. la nouvelle cité
d'Aléria. Alors qu'entre le IIème et Ier
siècle av. J.C. c'est toute l'île qui tombe sous domination
romaine, d'un modeste port de commerce installé sur la côte
orientale de l'île, Rome fera d'Aléria la nouvelle capitale de la
Corse, et un grenier à blé pour toute l'Italie.
Les premiers temps du Christianisme ont peut-être eux
aussi laissés leurs traces sur les rives de l'embouchure du Tavignane.
En effet, pour certains, la légende voudrait que sainte Dévote
(sainte patronne de la Corse) y fût martyrisée autour du
IIIème siècle de notre ère13(*). Peut être que quelques
pierres de son supplice gisent encore dans les champs de CASABIANDA.
De toutes ces périodes, la région d'Alalia, puis
celle d'Aléria, retirera les bénéfices que pouvait
être en droit d'espérer un port situé dans un emplacement
si stratégique. De riches et exotiques marchandises, des idées
nouvelles et le progrès technique se répandront en Corse
grâce à cette cité d'Aléria installée
près de l'embouchure du Tavignane.
§ 2 : D'un empire
à un autre
Lorsqu'au IVème siècle, Rome sombra
dans la décadence, les pirates et les invasions barbares fondirent sur
la Corse en même temps que sur le reste du bassin
méditerranéen. Les Vandales, peuple germanique désormais
maître des terres de Rome et de Carthage, détruisirent
Aléria au milieu du Vème siècle, et
occupèrent pour plusieurs siècles la côte orientale de
l'île. L'histoire du domaine de CASABIANDA retiendra pour l'avenir que
les Vandales, en traversant la Mer Tyrrhénienne, ont importé le
germe de la malaria qui sévissait alors sur la côte occidentale de
l'Italie.
Dès lors, les terres de CASABIANDA vont vivre au rythme
des guerres de possession dont la Corse va faire l'objet pendant plus d'un
millénaire. Passée aux mains de l'Empire d'Orient, puis dans
celles des rois Francs, l'île finit par être donnée par
Charlemagne à l'Etat pontifical. Les Maures, en quête de terres
sans protection pour en piller les richesses, font de nombreux raids au cours
du IXème siècle.
Assurant une mission pour le Pape, Pise et Gènes
s'allient pour combattre les Maures en Corse, ce qui, en récompense,
vaudra à l'évêque de Pise le gouvernement de l'île.
Pendant deux siècles, jusqu'à la fin du XIIème
siècle, les Pisans administreront la Corse. Puis, Pise laissera la place
à Gènes qui s'appropriera l'île jusqu'au
XVIIIème siècle. De cette longue période,
Aléria et sa région, CASABIANDA ne faisant pas exception, garde
des traces de la domination Génoise. En particulier par la construction
du fort d'Aléria au XVème siècle et
l'édification de grenier de stockage le long de la côte orientale.
De l'observation que j'ai pu faire de quelques vestiges présents sur le
domaine de CASABIANDA, il est fort probable que les pans de murs de briques
rouges les plus en amont du domaine soient des vestiges de ces grands greniers.
Le domaine de CASABIANDA était alors un « procoio »,
un domaine constitué de terres confisquées aux communautés
corses au profit d'un riche génois14(*). Cette carte reproduite elle aussi depuis le premier
volume du Mémorial des Corses15(*), montre que dès le Moyen Âge, et
plus vraisemblablement à la Renaissance, le domaine fût
référencé dans la cartographie génoise.
Plusieurs familles de propriétaires semblent
s'être d'ailleurs succédées sur ce domaine pendant la
période génoise. Giorgio DORIA y fait construire une maison en
156916(*). La famille
SPINOLA tire de l'exploitation de ce domaine 20.000 lires en 166517(*), une somme qui montre la bonne
productivité de leur exploitation.
La région d'Aléria accueillera à nouveau
un débarquement historique en 1755, lorsque Pascal PAOLI accostera dans
son port pour commencer son oeuvre d'indépendance de l'île. La
famille MATRA, gouverneur du fort d'Aléria, fera partie des familles
nobiliaires les plus opposées à son entreprise, lui
préférant une allégeance à l'autorité
génoise. Mais Gènes cèdera bientôt la
souveraineté de la Corse à la France en 1768, premier acte qui
scellera jusqu'à nos jours, le rattachement de cette île à
la République.
De la terre de CASABIANDA, on ne sait que très peu de
chose sur la période pré-révolutionnaire. Les quelques
éléments de son histoire que je vais ici restitué sont
l'agrégat d'informations des rares documents disponibles, et du
témoignage de quelques anciens érudits du village
d'Aléria.
Au soir du XVIIIème siècle, le
domaine de CASABIANDA semble être la propriété de la
famille FRANCESCHETTI. Comment en sont-ils devenu propriétaire, nul n'a
su à ce jour m'en donner une réponse formelle. Plusieurs
hypothèses coexistent, sans pour autant être sûr que
l'authentique raison en fasse toutefois partie. Pour certains, le mouvement
indépendantiste de PAOLI a pu causer une redistribution des
propriétés après que les alliés des Génois
soient assassinés, renvoyés, ou se soient trop tardivement
rapprochés de la « cause ». Il est établit
que la famille dominante dans la région d'Aléria, lors de ce
mouvement d'indépendance, était la famille MATRA, famille qui
combattit vigoureusement la prise de pouvoir de PAOLI. Dans le Dictionnaire
historique de la Corse18(*), il est mentionné dans l'article
consacré à Saverio MATRA, que cette famille d'Aléria
possédait alors des terres dans la plaine. Peut être les terres de
CASABIANDA étaient elles rattachées à cette famille ou
à l'un de leurs alliés, et leur position pro génoise leur
aurait coûté celles-ci.
Autre hypothèse de spoliation, celles
opérées par la France au lendemain de son accord conclu avec
Gènes. Afin de s'assurer de la fidélité de quelques
familles influentes, il n'était pas rare que la couronne de France
redistribue les terres nouvellement dominées à de fidèles
et zélés serviteurs.
Pour en revenir à la famille FRANCESCHETTI, elle
était réputée alors comme alliée à la
famille de PAOLI19(*).
FRANCESCHETTI Ambroghju était même le beau frère de
l'indépendantiste. Peut être cette alliance aura-t-elle
jouée un rôle au moment des redistributions de terres. Cependant,
un personnage en particulier figure le premier dans la littérature comme
le propriétaire du domaine, c'est FRANCESCHETTI Dumenicu Cesaru
Francescu, qui semble quant à lui bien moins attaché à la
cause indépendantiste. Il a 18 ans lorsqu'il s'engage en 1794 dans les
armées de la République. Il s'illustrera à plusieurs
reprises pendant les guerres du Consulat et de l'Empire, au point
d'acquérir le grade de général, et de devenir l'un des
plus proche de Joachim MURAT, Maréchal d'Empire et Roi de Naples. Il est
par ailleurs marié à la fille du maire de Vescovato (village
situé entre Aléria et Bastia).
Dès lors, si il est bien le premier FRANCESCHETTI du
domaine de CASABIANDA, il peut en avoir acquis la propriété au
détriment de Paolistes, réputés ennemis de la
République puis de l'Empire, pour les faits d'armes qui l'auront
distingués.
Enfin, dernière hypothèse portée à
ma connaissance, il est une tradition corse qui amuse les anciens
d'aujourd'hui. Lors des mariages, la jeune mariée était, comme
cela en était alors l'usage, dotée d'un certain nombre de biens.
Ainsi, lorsque la famille de la mariée avait des terres, il
n'était pas rare que celles dites « à malaria »
(souvent en bord de mer, celles et ayant donc le moins de valeur et exigeant le
plus d'efforts), comme celles de CASABIANDA, fussent mises en dote de
l'épousée. Des terres qui, aujourd'hui assainies, se vendent
à prix d'or pour accueillir les touristes. CASABIANDA aurait donc pu
être un bien de la belle famille de Dumenicu Cesaru Francescu
FRANCESCHETTI, transmis à l'occasion de son mariage.
Cependant, de tout cela, la seule certitude permise est la
propriété de CASABIANDA détenue par la famille
FRANCESCHETTI depuis le début du XIXème siècle,
comme le retranscrit Joseph-Marie César FRANCESCHETTI, fils de Dumenicu
Cesaru Francescu, dans son mémoire sur l'histoire de son exploitation du
domaine20(*).
§ 3 : De la
propriété du domaine au XIXème siècle.
En cette moitié du XIXème
siècle, un jeune trentenaire capitaine des zouaves, Joseph-Marie
César FRANCESCHETTI, vient à redécouvrir, à
l'occasion d'un séjour thermal en Corse pour panser ses blessures, les
terres détenues par sa famille sur la côte orientale de
l'île. Il décrit ce qu'il voit en passant sur le domaine de
CASABIANDA en ces termes :
« La Corse se trouvait alors dans un
déplorable abandon. La route orientale n'était pas même
tracée. La plaine d'Aléria surtout était déserte,
et d'un telle insalubrité que, malgré l'extrême
fertilité du sol, les plus hardis n'osaient s'y établir. Il
fallait assainir, défricher, cultiver, peupler la
contrée ; »21(*)
Il décide alors d'y « planter sa
tente », et entreprend de remettre en état d'exploitation
les hectares du domaine. En 1842, il achète les parcelles alentour et
emploie montagnards corses et immigrés italiens pour accomplir des
travaux d'assainissements en vue de semer puis récolter la
première moisson. Cependant, la présence de la malaria dans les
marécages de la région touche de nombreux ouvriers, et le
capitaine FRANCESCHETTI lui-même sera contaminée. La reprise des
combats de l'armée française en Afrique du Nord allait de plus
l'obliger à rejoindre sa compagnie à la frontière du
Maroc, laissant l'administration du domaine à son beau-frère, un
MATRA.
A son retour, il entreprend de redoubler d'efforts et associe
les propriétaires des domaines adjacents pour profondément
transformer la région. Il décrit l'ampleur de la tâche
accomplie ainsi :
« [...] routes, canalisation,
défrichement des marais, introduction de la grande culture, greffe de
20.000 pieds d'arbres, création de prairies artificielles, plantation de
vignes, d'oliviers, construction de bâtiments d'exploitation
[...] ».
Mais de tels travaux ont un coût, et certains
associés de FRANCESCHETTI en venaient même à
réclamer de « rentrer dans leurs fonds ».
Il fallut donc contracter plusieurs emprunts auprès du Crédit
Foncier.
Après une évaluation du domaine à
1.612.000 francs, un premier prêt de 300.000 francs est accordé,
un second de la même somme ne pouvant être débloqué
qu'après réalisation de certains travaux. Mais les grandes
entreprises, tout comme les hautes administrations, ne se sentent pas
forcément liées par les décisions des
prédécesseurs lorsque de nouveaux directeurs prennent leurs
fonctions. Ainsi un litige avec le Crédit Foncier sur le deuxième
prêt de 300.000 francs va naître d'un changement de direction. Mais
comme souvent en Corse, l'histoire des territoires rejoint l'histoire de la
famille Bonaparte, ce litige amène l'Empereur Napoléon III
à intervenir personnellement dans l'affaire pour que soient
alloués des fonds au développement de l'exploitation. 200.000
francs sont alors débloqués, mais sous certaines conditions. Les
fonds prêtés par le Crédit Foncier seront garantis par
l'Empereur lui-même, qui sécurisera sa propre position par la
création d'une société en commandite, la
Société Agricole d'Aléria, dans laquelle il
détiendrait des actions. Les autres actionnaires étant les
nombreux créanciers de FRANCESCHETTI qui renonceront à leurs
créances en échange d'actions, et enfin le capitaine
FRANCESCHETTI lui-même. Plusieurs autres avances financières
devront intervenir encore avant que le Crédit Foncier ne décide
de faire saisir le domaine pour être remboursé de ses prêts.
Après plusieurs péripéties qui n'ont ici que peu
d'importance, la garantie du prêt de l'Empereur ne remplit en rien ses
effets escomptés, et c'est finalement par une vente aux enchères
que va se solder l'histoire des FRANCESCHETTI sur le domaine de CASABIANDA,
malgré l'abnégation dont semble avoir fait preuve le Capitaine
Joseph-Marie César FRANCESCHETTI. La bonne foi manifestée par le
Capitaine doit cependant être relativisée par cet extrait des
Papiers secrets et Correspondance du Second Empire22(*) relatif à une note du
Ministère de la Maison :
« M. FRANCESCHETTI, régisseur avec une
pension de 6.000 francs, semble avoir peu fait pour remplir certains
engagements relatifs à sa gérance. Selon la note, il se contente
de vivre sur CASABIANDA sans l'améliorer, vendant à son profit
chevaux, récoltes et tout l'attirail d'exploitation. »
L'épilogue de cette histoire est donc cette vente aux
enchères en 1862 qui rend pour 528.000 francs l'Etat acquéreur du
domaine de CASABIANDA de 3.000 ha, bien qu'aucun acheteur ne se soit
présenté pour 200.000 francs ! 23(*) Un montant cependant bien en
dessous des 1.200.000 francs du capital social de la société
gestionnaire du domaine. Une différence qui lèsera
substantiellement les anciens créanciers du Capitaine FRANCESCHETTI qui
avaient accepté de convertir leurs droits en participation à la
société. En témoigne une pétition adressée
au Corps Législatif par l'un d'entre eux, qui vient demander
réparation de l'intégralité du préjudice,
intérêt compris24(*) (voir annexes).
Cette nouvelle acquisition de l'Etat sur l'île
interviendra au moment où le gouvernement développe un programme
de construction de pénitenciers agricoles. Une coïncidence qui
verra naître le premier établissement pénitentiaire de
CASABIANDA.
Section 2 : Du
pénitencier agricole au XIXème siècle
« L'amélioration des condamnés,
l'assainissement du pays, la mise en valeur d'un sol mouvementé et
inculte, tel est le but des établissements créés par le
gouvernement de l'Empereur sur des points opposés de la Corse, dans des
contrées différentes par l'exposition et la nature du
terrain. »25(*)
Il n'y a pas de présentation plus explicite des raisons
qui ont prévalues à la création de pénitenciers en
Corse. Ces quelques lignes extraites des « statistiques annuelles
faites sur les prisons et autres établissements
pénitentiaires » définissent la philosophie de ce
temps où les pouvoirs publics voyaient dans le travail
pénitentiaire des vertus pour le prisonnier et pour le territoire.
Ainsi, pour le détenu, la doctrine de ces pénitenciers agricoles,
de Corse et d'ailleurs, pourrait se résumer en ces termes :
« En réformant la terre, l'homme apprend à se
réformer lui-même ». Et pour le territoire, cette
démarche se voit couplée d'une ambition d'aménagements
d'utilité publique réalisée par la force de travail de ces
hommes incarcérés.
Avec un Napoléon III à la tête de la
France qui disait de l'île de beauté : « La
Corse n'est pas pour moi un département comme un autre, c'est ma
famille26(*) », on ne pouvait imaginer qu'il ne fit
pas bénéficier l'île de cette philosophie
pénitentiaire. Voilà pourquoi, après l'ouverture du
pénitencier de COTI-CHIAVARI en 1855, en Corse du Sud, et celle en 1860
du pénitencier de CASTELLUCCIO sur le même territoire, le site de
CASABIANDA est inauguré en 1862.
Afin de rendre plus vivante cette évocation
d'établissements corses disparus depuis plus d'un siècle
(§1), je citerai ici plusieurs témoignages de chroniqueurs de
l'époque ; nous verrons par leurs yeux le quotidien de ces
pénitenciers et les critiques qui pouvaient leur être
adressées. Nous nous attarderons ensuite sur le pénitencier de
CASABIANDA en particulier (§2).
§ 1 : Des
pénitenciers agricoles de Corse en général
Le principal instigateur de l'instauration de
pénitencier agricole en Corse est le préfet Constant THUILLIER.
En poste à la tête du département de 1852 à 1856 il
se donne pour mission la « suppression des bandits qui
détruisaient les personnes, suppression des chèvres qui
ravageaient les propriétés »27(*). Bien qu'il ne fût
plus en fonction lorsque deux des trois pénitenciers fussent ouvert, il
n'en demeure pas moins que sa démarche inspira l'inauguration de
CASTELLUCCIO et CASABIANDA.
Les trois pénitenciers ont eu un fonctionnement assez
similaire. La discipline, l'éducation morale et religieuse y sont
théoriquement soumises aux mêmes règles que dans les
maisons centrales. Cependant, de l'avis même des personnels de
l'administration pénitentiaire, « l'application de ces
règles rencontre de sérieuses difficultés qui proviennent
surtout de la dissémination des travailleurs sur de vastes
étendues de terrain, et des mouvements des condamnés qui
s'opèrent entre le siège principal de chaque pénitencier
et ses annexes. »
Pour ce qui est de la population carcérale,
étant donné la mission attribuée à ces
établissements, les détenus, des hommes exclusivement, doivent
pouvoir travailler à des postes demandant une activité physique
intense et continue. A cela s'ajoute la caractéristique de
pénitencier « agricole », qui sous entend l'aptitude
des détenus à travailler aux champs, et demande donc de
préférence, des détenus en provenance de milieux
ruraux.
Parmi les autres préconisations liées à
la qualité des détenus pouvant rentrer dans les effectifs de ces
établissements pénitentiaires, il faut noter la
nécessité qu'ils soient catholiques, « la Corse ne
possédant ni pasteurs protestants, ni rabbins. »28(*), et qu'ils ne soient
« ni d'origine étrangère, ni Corse, afin de
prévenir pour les uns les difficultés d'expulsion du territoire
français, après la libération, et pour les autres les
facilités d'évasion »29(*).
Mais là encore, force est de constater que ce qui doit
être n'est pas forcément ce qui est. J'en veux pour preuve cette
circulaire du Ministère de l'Intérieur de l'époque
adressée aux inspecteurs généraux :
Paris, le 10 juin 1865,
Monsieur l'Inspecteur Général, il
résulte d'un rapport récemment adressé à mon
administration par le préfet de la Corse que les condamnés
désignés, l'année dernière, pour être
envoyés aux pénitenciers de Chiavari et de Casabianda ne
présentaient pas, pour un grand nombre d'entre eux, les conditions
déterminées par la circulaire du 18 avril 1864.
La première condition est, vous le savez, que les
détenus destinés pour la Corse soient propres aux travaux
agricoles exercés dans les pénitenciers de ce
département.
Or, sur 399 condamnés que les directeurs des
différentes maisons centrales ont désignés, à cet
effet, avec votre concours ou celui de vos collègues en tournée,
300 seulement pouvaient être utilement appliqués à
l'agriculture. Les autres (c'est-à-dire on quart d'entre eux moins un)
n'auraient pas du être dirigés sur la Corse. Les uns
étaient dans un état de santé tellement grave, qu'il a
fallu, dès leur arrivée, les placer à l'infirmerie qu'ils
n'ont point quittée : parmi ceux-là même il y en a qui ont
déjà succombé ; les autres avaient des habitudes depuis
longtemps constatées de paresse et d'insubordination qui conseillaient
de ne pas les envoyer dans des établissements où les
évasions sont d'autant plus faciles que les travaux s'exécutent
en plein air et sur des terrains accidentés.
Enfin, contrairement aux dispositions formelles de
l'instruction précitée, dans quelques maisons centrales, on avait
négligé de faire examiner par les médecins, et au moment
de leur départ, les détenus que l'on avait choisis pour
être transférés en Corse.
Je crois devoir, Monsieur l'Inspecteur
Général, appeler d'urgence sur ces faits votre attention
spéciale. Ce serait méconnaître la pensée qui a
présidé à la formation des pénitenciers de la Corse
et rendre stériles les sacrifices que leur entretien impose à
l'Etat, que de les recruter avec les condamnés dont, pour divers motifs,
on chercherait à débarrasser les maisons centrales.
Je vous invite, en conséquence, à veiller
à ce que les conditions spécifiées dans l'instruction du
18 avril 1864 soient fidèlement observées, cette année,
dans les désignations qui vous seront faites et à les
contrôler avec le plus grand soin. »30(*)
La sélection d'hommes en bonne condition physique est
d'autant plus importante que le deuxième
« fléaux » de la Corse, après la
criminalité, est à cette époque le paludisme, ou mal'aria
(mauvais air). Une infection qui aura emporté des milliers de
détenus et de personnels de l'administration pénitentiaire
pendant les années où seront ouverts ces pénitenciers.
Parmi les solutions proposées pour lutter contre les
effets dévastateurs des épidémies, l'administration a
retenu la possibilité de faire établir, dans la montagne, des
sites secondaires pour accueillir la population des pénitenciers pendant
la saison des moustiques.
Chaque été des prisonniers, sous la garde de
quelques gardiens, quittent Chiavari, près d'Ajaccio, et viennent
s'établir dans la forêt pour y confectionner des sabots. C'est une
manière de tirer partie des arbres et non sans doute d'offrir une
villégiature aux détenus...
La fille du conservateur des Eaux et Forêts de Corse,
allait, lors de son séjour sur l'île entre 1860 et 1862 croiser
à plusieurs reprises les détenus des pénitenciers lors de
leurs séjours en forêt. Voici la description d'une de ces
rencontres :
« La première promenade en forêt
fut pour entendre la messe. chaque dimanche, un prêtre, l'aumônier
sans doute, la disait aux détenus du pénitencier établi
à deux ou trois kilomètres de nous...des condamnés, rien
que des condamnés... tous portent la tenue ignominieuse, pantalon,
vareuse et béret gris. Ils sont une centaine en rangs serrés,
flanqués à droite et à gauche de leurs gardiens.
Étaient-ils là par ordre sans pouvoir s'y
soustraire? certains d'entre eux cherchèrent bientôt l'occasion de
faire savoir à mon père ce qu'ils pensaient de leur
déchéance morale et sociale.
A la fin du déjeuner, un émissaire du
pénitencier chargea un garde de remettre à mon père un pli
à son adresse. C'était une poésie...:
"En bas c'est la clameur des hommes; c'est la boue qui
salit les pieds blancs; c'est la honte et l'affront; le mot impur qui fait
soudain rougir la joue; le vent qui brûle ou glace en passant sur le
front...". »31(*)
Mais à ces plaies sanitaires, et aux conditions de
travail difficiles pour les détenus, semblent se rajouter des
difficultés dans l'administration des pénitenciers, et dans la
surveillance de ceux-ci. Ainsi en 1860, un Inspecteur Général de
l'Agriculture décrivait-il les gardiens corses en ces termes :
« Un des défauts des gardiens corses, c'est
d'avoir en aversion le travail manuel. Ils plaignent les détenus
d'être obligés de travailler de leurs mains, comme font les
Lucquois, objet de mépris et de dédain des Corses. Le gardien
corse surveille mollement les détenus confiés à ses soins.
Il ne prend aucun intérêt à leurs travaux et n'est pas
capable de leur donner des conseils ou des leçons. Il en est même
qui trouvent trop lourde la tâche de surveiller les travailleurs et qui,
au lieu de faire leur service, vont dormir dans le maquis voisin, ayant la
précaution de placer en vedette un détenu chargé de
l'avertir dès l'arrivée du régisseur des cultures.
Guidés par de tels surveillants, les détenus profitent
immédiatement de ce mauvais exemple. Ils se reposent au lieu de
travailler et n'accomplissent pas la tâche qui leur est imposée.
Il faudrait envoyer dans les maisons centrales du continent les gardiens corses
reconnus incapables pour la surveillance des travaux agricoles et les remplacer
par des gardiens continentaux bien choisis ».32(*)
Le quotidien des trois pénitenciers est parfaitement
décrit en 1884 par l'ancien chef de cabinet du Préfet de Corse,
Charles BAILLY, à qui l'on confia une étude sur la
question33(*). Il y
décrit avec détails les deux repas par jour et le costume
réglementaire porté par les détenus ; les
journées de travail commençant en été à 5h00
et à 6h30 en hiver ; les dimanches, les détenus assistant
à deux offices religieux. Le respect de la discipline y fut aussi
parfois difficile, notamment lorsqu'il fallut empêcher le troc ou la
contrebande avec les habitants des villages voisins. Pour conclure son
étude, Charles BAILLY reproduit les conclusions déjà
faites par une commission parlementaire en 1872 :
« Les pénitenciers agricoles de Castelluccio,
Chiavari et Casabianda ont été créés en Corse sous
le régime impérial ; tandis que dans les maisons centrales les
condamnés restent constamment enfermés, soumis à une
discipline rigoureuse, à la loi du silence, ils vivent au contraire en
Corse, dans une espèce de liberté relative, employés tout
le jour aux travaux agricoles de culture ou de défrichement. De grandes
espérances avaient été fondées sur ces colonies; se
sont-elles réalisées ? C'est ce qu'il est très important
aussi d'examiner. Au point de vue matériel, les pénitenciers de
la Corse ont obtenu de très beaux résultats ; des plantations de
vignes, d'oliviers, d'amandiers ont bien réussi dans les montagnes de
Castelluccio et de Chiavari et une grande ferme est installée dans les
plaines de Casabianda. Mais la surveillance des condamnés est si
difficile à faire, dans des conditions pareilles, qu'il a
été presque impossible jusqu'ici d'apprécier les
résultats moraux produits par ce genre de colonisation. Des
fièvres paludéennes ont été cause, au début,
d'une grande mortalité, parmi les détenus ; grâce aux
précautions prises, l'état sanitaire est satisfaisant
aujourd'hui.
Cependant l'administration ne peut transférer en
Corse que des hommes d'une très forte constitution, et encore ceux-ci ne
résistent-ils guère plus de trois ans aux pénibles travaux
de défrichement [...]
Les pénitenciers agricoles ont-ils
été, jusqu'ici, pour le gouvernement une source de fortes
dépenses ? Il semble qu'il y ait lieu de répondre
affirmativement, car un détenu qui ne coûte guère dans une
maison centrale que 0,65 centimes environ par jour, coûte peut-être
1fr.50. Mais il faut évidemment tenir compte, par compensation, de
l'augmentation de la valeur du sol défriché et
cultivé. »
De lourds et coûteux investissements, un quotidien plus
onéreux que la moyenne des autres établissements
pénitentiaires français, de graves crises sanitaires, des
résultats pénologiques insuffisants... Charles BAILLY
résume sa propre conclusion en trois mots : les pénitenciers
agricoles de Corses sont « Inefficaces, coûteux,
dangereux. » Il n'en faudra pas plus pour que la
Troisième République reconsidère cette création du
Second Empire.
§ 2 : Du
pénitencier de CASABIANDA en particulier
CASABIANDA a, comme les deux autres pénitenciers,
certaines particularités qui lui sont propres. Mais avant de les
découvrir, laissons des voyageurs de passages sur les terres du domaine,
nous présenter la vision qu'ils ont eue :
« Nous continuâmes, presque en ligne
directe, sur l'établissement agricole de Casabianda, à travers la
plaine déjà cultivée en grande partie par les
détenus. La maison, en s'y approchant, me donnait l'idée d'une
grande et bonne brasserie continentale ; elle était entourée de
prés donnant la promesse d'une grande récolte. De bons chemins et
beaucoup de chênes-lièges dépourvus de leur écorce,
étaient aussi dans l'entourage, et de magnifiques troupeaux de
bétail à lainage blanc, provenant, je crois, de la Toscane,
pâturaient dans des parcs à
côté. »34(*)
Les pénitenciers pouvaient à l'époque
compter sur plusieurs centaines de détenus pour produire des
céréales, du maréchage mais aussi de l'élevage. On
y trouvait des boeufs et des vaches de Toscane, des brebis barbarines, des
agneaux issus de croisement entre races corses et barbarines. Pour les
cultures, il y poussait du blé, de l'orge, de l'avoine, du coton et de
la luzerne. A cela se rajoutait une petite production de briques, de tuiles et
un peu d'industrie locale.
Parti d'un effectif d'environ 300 détenus à son
ouverture en 1862, l'administration pénitentiaire pu faire labourer,
ensemencer et récolter 126 ha de céréales la
première année ; l'année suivante ce sont 204 ha qui
furent exploités. 35(*)
Cet effectif de 300 individus fut rapidement
étoffé. Au 31 décembre 1865, il était de 461
détenus. À la même date en 1866, il était de 846
hommes. Soit une augmentation de plus de 83%36(*) en un an. Enfin, en 1880, peu avant la fermeture de
l'établissement, son effectif se montait à 960
détenus37(*). Au 31
décembre 1882, le pénitencier de CASABIANDA avait
déjà accueilli un total de 6.337 prisonniers.
Deux raisons principales président à ce
que cet effectif ait été dense et sans cesse renouvelé:
- La malaria y est, plus qu'ailleurs, particulièrement
tenace. Les cinq premières années, elle y fera des centaines de
morts. Le taux de mortalité est en 1862 de 18,3% ; en 1863 de
20,9% ; de 18,9% en 1864 ; de 24,48% en 1865 et retombe (après
de gros travaux d'assainissement) à 7,21% en 1866. Entre 1862 et 1885,
date de sa fermeture, la mortalité moyenne des détenus aura
été de 10,08 % par an, avec un maxima à 24,48 % en
186538(*) (pour une
moyenne nationale cette année là de 5,10%). Mais même en
1866, CASABIANDA restera en proportion l'établissement
pénitentiaire (Maisons centrales ou assimilés) le plus
mortifère de France. 39(*)
Du fait de cette forte mortalité, en 1862, le
Ministère de l'intérieur se fait céder le couvent CERVIONE
(à environ 35 km de CASABIANDA), à 300 m d'altitude dans les
montagnes, pour servir de refuge d'été et d'infirmerie au
pénitencier.
- Les condamnés de CASABIANDA obtenaient par ailleurs
facilement des grâces totales ou partielles. En 1865, 11,82% des
détenus en bénéficieront. En proportion, CASABIANDA se
classe, là encore, premier établissement de France.40(*)
Mais qualitativement, excepté ces problèmes
sanitaires, CASABIANDA semble être un établissement plutôt
tranquille, mais à la discipline stricte. Le pénitencier
était qualifié par l'administration pénitentiaire de
l'époque en ces termes :
« Nombre peu élevé de
délits de droit commun (voies de fait et vol) ; -- nombre
très-peu élevé d'infractions disciplinaires -, -- usage
fréquent de la cellule, séjour prolongé ; -- maximum des
récompenses. »41(*)
Pour assurer cette stabilité, la population est
soigneusement choisie avant d'être affectée à CASABIANDA
(modulo la circulaire précédemment citée). Les
récidivistes y sont par exemple peu affectés (32% en 1865
à CASABIANDA pour une moyenne française de 46,07% dans des
maisons centrales ou établissements assimilés).
Si l'on regarde, toujours d'après la photographie de
1865, la répartition de la population pénale de CASABIANDA en
fonction des crimes et délits qui ont causé la condamnation des
détenus du pénitencier (graphique n° 1), nous pouvons
observer que les auteurs d'infraction contre les personnes, et notamment les
criminels de sang, sont, en proportion, peu nombreux dans l'effectif total.
La population affectée, pour les
nécessités de production essentiellement agricole, est
majoritairement d'origine rurale (graphique n°3), une population qui est
réputée plus docile (242 détenus sont agriculteurs ou
journaliers), et plutôt jeune (86% des détenus on moins de 40
ans). Un corollaire à cela, le niveau d'instruction y est
majoritairement plus faible avec 60% d'illettrés (graphique n°5)
que dans la moyenne carcérale française qui s'établissait
en 1865 à 40% d'illettrés.
Graphique 1 : Répartition des
détenus de CASABIANDA de 1865 en fonction de l'objet de leur
condamnation.
Graphique 3 : Répartition des détenus de
CASABIANDA par leur domiciliation au moment de leur incarcération en
1865.
Graphique 2 : Répartition des détenus de
CASABIANDA par catégories pénales en 1865.
Figure 5 : Répartition des détenus de
CASABIANDA par niveau d'instruction en 1865.
Figure 4 : Répartition par âge des
détenus de CASABIANDA en 1865.
Carte 3 : Cartographie du domaine du
pénitencier au XIXème siècle.
Pour encadrer cet établissement, l'administration
pénitentiaire avait affectée au 1er Janvier
1866 : 1 Directeur ; 1 Inspecteur ; 1 Greffier ; 1 Agent
comptable ; 3 Commis aux écritures ; 1 Econome ; 1 Teneur
de Livre ; 1 Régisseur des cultures : 2 Conducteurs de travaux
de culture ; 1 Conducteur de travaux de bâtiment ; 1 Architecte
interne ; 1 aumônier catholique ; 2 Internes en médecine
et chirurgie ; 1 gardien chef ; 2 premiers gardiens ; 1
Brigadier de garde externe ; 4 Gardiens externes ; 28 Gardiens
ordinaires et gardiens-portiers ; soit un total de 51 personnels de
l'administration pénitentiaire (sur 900 affectés dans des maisons
centrales ou assimilés en France à la même date).42(*)
Parmi les évolutions du domaine pendant la
période de pénitencier, il faut noter les importants travaux
d'assainissement entrepris par l'administration pour endiguer la malaria.
D'abord dirigés directement par la pénitentiaire, les travaux,
qui avaient commencées à porter leurs fruits à la fin des
années 1860, furent balayés en novembre 1871 par une forte
tempête (un ouragan d'après le rapport de Charles BAILLY43(*)). D'où l'intervention
des Ponts et Chaussées au début de l'année 1874, pour
entamer de nouveaux travaux structurels (pompes, digues, écoulements
...). Ceux-ci n'auront pas l'efficacité escomptée puisque la
malaria continuera à faire des victimes, et justifiera jusqu'à la
fermeture du pénitencier un exode estival sur les hauteurs du couvent de
Cervione.
Par ailleurs, une grande carence en eau subsistera toutes ces
années au pénitencier. En 1884 (soit peu de temps avant la
fermeture du lieu) Charles BAILLY raconte que les détenus doivent
souvent faire 25 km en été pour faire à SATACCIO les
approvisionnements nécessaires pour hommes et bêtes du
pénitencier.
De plus, comme ces homologues corses, le pénitencier de
CASABIANDA ne tiendra pas les promesses de production et de ressources
qu'escomptait l'administration pénitentiaire. La malaria et certains
trafics ont raison chaque année d'une partie des forces de production et
de la production elle-même. Sur 960 détenus en 1880, seulement 744
étaient occupés, soit presque un quart des détenus ne
participait pas aux activités de production.
Après avoir englouti quelques dix millions de francs
or, et après avoir vu transiter quelques 7.000 détenus44(*), le gouvernement décide
par la loi de finance de 1885, d'ordonner la désaffectation du
pénitencier agricole de CASABIANDA.
CASABIANDA restera cependant dans la propriété
nationale dans les décennies qui suivront. Il sera remis aux Domaines le
24 juillet 1886, en application du décret du 24 juillet 1886, puis,
malgré plusieurs tentatives de revente aux enchères (comme en
témoigne la loi mise en annexe à ce mémoire
présentée en 1893 devant le Sénat), sa gestion sera
confiée au Ministère de l'agriculture45(*) au tournant du
XXème siècle.
Entre le pénitencier agricole et le centre de
détention, l'Histoire retiendra que pendant la seconde guerre mondiale,
une partie du domaine servit d'aérodrome aux Allemands et Italiens qui
occupaient l'île depuis 1942.
Section 3 : De la
prison du XXème siècle46(*)
Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, un grand vent de
réforme souffle sur l'administration pénitentiaire
française. Les initiateurs de cette volonté de changement seront
principalement deux magistrats : Paul AMOR, directeur de l'administration
pénitentiaire et Pierre CANNAT, contrôleur général
des services pénitentiaires. Ils vont oeuvrer quotidiennement pour
transformer la peine carcérale ; pour cela ils fonderont notamment
un nouveau corpus philosophique qui présidera à
l'élaboration des nouvelles politiques publiques en la matière.
La commission chargée d'étudier, d'élaborer et de
soumettre au Garde des Sceaux les réformes relatives à
l'administration pénitentiaire, que présidera Paul AMOR entre
1944 et 1945, innovera grandement en plaçant comme principes fondateurs
de l'incarcération, l'amendement et le reclassement social du
condamné. Elle érigera à nouveau le principe d'un travail
pour chaque condamné de droit commun, et rejettera en
général toute forme d'oisiveté.
C'est sur ces bases que le projet d'un nouveau CASABIANDA va
émerger, à l'initiative des magistrats précités,
auxquels se rajoute le Doyen honoraire de la Cour de Cassation André
PERDRIAU, alors simple magistrat de l'administration pénitentiaire.
Le domaine était alors géré, mais avec
très peu de moyens, par l'administration des Ponts et Chaussées,
exploitant à l'époque seulement 115 ha47(*) dix ans avant la
réouverture, et 30 ha48(*) sur les 1840 ha du domaine en 1948. Le domaine ayant
été assaini par l'utilisation massive de DDT par les forces
armées américaines lors de leur débarquement en 1944, il
fût donc décidé, au moment où CASABIANDA allait
redevenir établissement pénitentiaire, d'incorporer une partie du
personnel spécialisé de cette administration dans l'encadrement
du nouveau centre pénitentiaire.
Dès le 1er juillet 1948, un premier
contingent d'une cinquantaine de détenus, un économe et quelques
surveillants y sont envoyés afin de préparer l'arrivée
d'une cohorte plus importante.
L'année 1949 marque la nomination du premier directeur
de l'établissement, M. Roger DUMAS, qui prendra ses fonctions au
printemps de la même année. Le travail à accomplir est
alors très important. Le domaine ne dispose encore ni d'eau courante, ni
d'électricité. Les bâtiments sont à rénover,
voire à reconstruire pour certains. Le cheptel doit être
reconstitué, les terres à redéfricher.
La présentation de ce dernier volet historique de
CASABIANDA portera donc sur ces premiers temps du centre pénitentiaire
au XXème siècle (§1), traités par
l'étude de sa population carcérale, et l'organisation de sa
détention. Puis nous parcourrons transversalement les décennies
jusqu'au IIIème millénaire (§2).
§ 1 : Les
premières années du nouveau Centre Pénitentiaire Agricole
de CASABIANDA
A/ Population carcérale de CASABIANDA, origine
et premières évolutions.
Graphique 6 : Evolution des détenus
de CASABIANDA entre 1949 et 1954 en fonction de l'objet de leur
condamnation.
Graphique 7 : Répartition par age
de la population carcérale de CASABIANDA au 1er octobre
1954.
Graphique 8 : Motifs de sorties des
détenus de CASABIANDA entre 1949 et 1954.
Graphique 9 : Flux d'entrée et de
sortie de la population pénitentiaire de CASABIANDA entre 1949 et
1954.
La population carcérale était alors, pour les
premières années, essentiellement composée de
détenus qui furent condamnés pour faits de collaboration ou pour
intelligence avec l'ennemi (graphique n°6). Ils devaient en outre
posséder une qualification jugée utile à l'ouvrage
à accomplir pour remettre en route l'établissement
pénitentiaire, et une condition physique les rendant apte à
supporter le travail de force qu'ils allaient devoir accomplir (d'où une
population en 1954 de 80% de détenus ayant moins de 45 ans ;
graphique n°7).
La proportion entre jugés pour faits de collaboration
et les droits communs s'inversera avec les flux d'entrées et de sorties
de 1953 (graphiques 6 et 9). La population de 1954 ayant absorbée ce
changement se répartissait alors de la manière suivante :
Graphique 10: Répartition de la
population carcérale de CASABIANDA de 1954 par objet de condamnation
des détenus.
Nous observons ici le développement d'une proportion
importante de détenus coupables d'une infraction à
caractère sexuel, ce qui fait l'une des caractéristiques
actuelles du centre de détention de CASABIANDA. Le choix de
développer cette catégorie pénale dans le
pénitencier agricole résulte d'un accord entre M. Roger DUMAS,
alors directeur de CASABIANDA, M. Jean-Marcel COLY, directeur du Centre
National d'Orientation de Fresnes, et un autre représentant de
l'administration pénitentiaire centrale. Ce choix découlait d'un
double constat :
CASABIANDA réclamait des détenus capables de
travailler la terre, et d'être au mieux des coutumiers du travail
agricole. Force est de constater que parmi les infractions pénales
commises dans les années 1950, les délits et crimes sexuels
accomplis dans le cadre du cercle familial sont surreprésentés
dans la population de détenus issus du monde rural. Jean-Marcel COLY
avait même sur cette question une pensée qui démontre le
peu d'estime que pouvaient encore avoir ces contemporains citadins pour les
habitants des campagnes :
« La grande majorité [des criminels
sexuels] sont d'ailleurs des auteurs d'incestes et lorsqu'ils atteignent la
quarantaine, ils ont de grandes filles, formées pubères. La
mère est souvent vieillie avant l'âge par les durs travaux
ménagers et les grossesses nombreuses. Les filles aînées
prennent peu à peu sa place aux divers stades de la vie familiale et
l'inceste ne tarde pas à se produire. »49(*)
Un constat que Pierre CANNAT expliquait par
« une conception [du rapport sexuel]
généralement plus frustre, moins évoluée, que
la population urbaine. »50(*). Une idée bien réductrice que
l'histoire de la criminologie montrera comme erronée ; le tissu
social urbain possédant lui aussi son lot de délinquants et
criminels sexuels.
CASABIANDA réclamait aussi des détenus capables
de se responsabiliser, et, par-dessus tout, de résister à l'envie
d'évasion, qui s'avérait d'autant plus facile du fait de
l'absence dans l'enceinte du pénitencier de tout type de matériel
traditionnellement prévu pour les contrer. La personnalité du
détenu était alors primordiale. Puisque les délinquants
sexuels étaient réputés souvent plus calmes et plus
« dociles » aux règles de détention, ils
présentaient alors une garantie supplémentaire de
sécurité.
Pour reprendre le propos que me tenait M. Roger DUMAS,
CASABIANDA était alors à la recherche d'un détenu
« idéal », qui « ne
devait pas être traumatisé ni dépaysé par le travail
à accomplir, et il ne devait pas créer de risque majeur de
sécurité pour l'établissement ». Une double
qualité que l'on trouvait alors souvent chez les
« détenus sexuels ».
En outre, afin de choisir les éléments qui
présentaient les meilleures chances d'adaptation, les détenus
appelés à partir pour CASABIANDA n'étaient que rarement
des récidivistes (autour du quart de la population carcérale au
1er Octobre 1954), mais surtout, faisaient le plus souvent possible
l'objet d'une observation au CNO de Fresnes. Sur les 82 condamnés de
droit commun au 1er Octobre 1954, 78% étaient passés
par le centre de Fresnes.
Ce mode de sélection semble avoir été
efficace puisque sur les 6 années sur lesquelles porte le rapport
PERDRIAU (juillet 1948 - octobre 1954), 86 détenus ont été
mutés pour des raisons disciplinaires ou de sécurité, soit
autour de 12% du total de la population.
B/ De l'organisation de la détention dans les
premiers temps de CASABIANDA51(*).
Comme le soulignait André PERDRIAU dans son rapport,
l'objectif de la détention à CASABIANDA était de
l'assimiler à « une forme d'existence honnête,
proposée comme modèle » aux détenus qui y
sont soumis.
La classification carcérale d'alors ne correspondant
pas à l'identité en devenir de CASABIANDA, une nouvelle
catégorie carcérale fût donc créée pour
l'occasion : le Centre Pénitencier Agricole.
En accord avec les principes de la commission AMOR, le travail
y avait une place prépondérante. Au 1er Octobre 1954,
la population pénale était occupée de la manière
suivante :
Graphique 11: Occupation des détenus de
CASABIANDA au 1er Octobre 1954.
La surveillance des détenus était alors
majoritairement assurée par les personnels techniques chargés des
travaux. La journée était rythmée par trois appels
quotidiens : 7h00, 13h00, 18h00. Excepté pour les appels, les
détenus étaient libres de circuler pendant la journée sur
l'ensemble du domaine, que ce soit pour leur travail, ou pour leur loisir. Le
soir venu et jusqu'au matin (soit de 21h00 à 7h00), leur liberté
de mouvement est restreinte à un périmètre autour des
bâtiments d'habitation.
Lorsque à la fin des années cinquante, les
nouveaux bâtiments de détention furent construits sur la
côte, chaque détenu avait en sa possession la clef de sa chambre
(car ce sont bien de petites chambres individuelles de 9 m² sans barreaux,
et non des cellules, dont disposent les détenus, qui furent
aménagés, dans certaines limites, à la libre convenance de
chacun). Cette particularité de clef est là aussi le choix du
directeur DUMAS. En partant du constat que les détenus travaillant
à des horaires différenciés en fonction de leurs
tâches, et du faible personnel de surveillance qu'il avait sous son
autorité, il ne pouvait fermer entièrement tout le bâtiment
de détention et le refaire ouvrir à la demande de chaque
détenu. Il choisit donc de fermer individuellement chaque chambre et
d'en confier la clef à chaque détenu, les surveillants ayant un
passe ouvrant la totalité des portes. Cette façon de
procéder aura pour autre vertu de permettre aux détenus de se
créer une intimité propice à la lecture, à
l'écriture et au repos qui succède légitimement au travail
physique.
Pour encadrer le centre pénitentiaire, outre le
Directeur, le personnel de CASABIANDA comprenait en 1954 : 1 greffier, 1
économe et 2 commis, 3 surveillants affectés aux bureaux, 1
surveillant chef, 1 surveillant chef adjoint, 14 surveillants (dont seulement 7
préposés à la surveillance générale (les
autres étant affectés à la direction du mess, du potager
...), 9 membres du personnel technique contractuel (1 assistante
médico-sociale, 1 chef de culture, 1 chef berger, 2 gardes troupeaux, 1
conducteur de travaux, 3 chefs d'atelier).
Il faut noter ici que dans l'attente de l'achèvement
des bâtiments de détention en aval du domaine, détenus,
personnels et familles de personnel cohabitaient dans la même enceinte
sans qu'aucun incident grave ne fût signalé.
De plus, le Directeur DUMAS avait le souci d'entretenir de bon
rapport avec son environnement proche, ce qui l'aura poussé à
ouvrir CASABIANDA sur sa micro-région. Il permettait par exemple aux
agriculteurs voisins d'utiliser les outils d'exploitation modernes du
pénitencier ; il créa une brigade de lutte contre les
incendies, très populaire auprès des villageois. Les prisonniers
se trouvant à ces occasions dans une situation d'aide et de soutien qui
revalorise l'individu, et donne une autre image du détenu.
Quant aux choix de productions agricoles ou de toutes autres
initiatives pouvant induire des changements dans la région de
CASABIANDA, le Directeur DUMAS s'est toujours astreint à respecter deux
principes :
D'une part, toujours se poser deux questions : A qui cela
va-t-il profiter ? et avant tout, à qui cela pourrait-il
nuire ?
D'autre part, développer une production sur des
marchés porteurs, et peu concurrentiels.
Voilà pourquoi, en collaboration avec les services de
l'Agriculture et des Eaux et Forêts, des plantations
expérimentales se développeront sur le domaine : riz (jamais
exploité depuis la période romaine, 5 tonnes
récoltés en 1950), arachide, eucalyptus (pour la pâte
à papier, 34.000 pieds plantés en hiver 1958), et pour
l'élevage, le choix se portera sur l'acclimations de races dites pures
(vaches « Schwyz » et porcs « large
white »). Mais pour ce qui est de la production commercialisable de
1953, les 500ha de plantation et le millier de têtes de bétail, se
répartissaient de la manière suivante52(*) :
Graphique 12: Répartition de
l'exploitation du domaine de CASABIANDA en 1953 par type de
culture.
Graphique 13:
Répartition approximative du cheptel de
CASABIANDA en 1953 par de tête de bétail.
En 1957, 72.000 litres de lait de brebis sont acheminés
vers Roquefort. La production des 7 ha de cultures fruitières ou
potagères, la coupe du bois, le lait et la viande produite sur place,
permet à la population de CASABIANDA (détenus, personnels et leur
famille) de vivre pour beaucoup de biens de première
nécessité en complète autarcie.
Ceci cumulé aux autres fruits de la production,
permettra en 1957 à l'exploitation de dégager un
bénéfice net de 2.110.000 Frs (il est vrai après de lourds
et coûteux investissements)53(*).
Par ailleurs, pour permettre aux détenus de conserver
des liens familiaux, dans une époque où les moyens de
télécommunication sont peu répandus, il a
été institué les « week-end
familiaux ». Une fois par mois, du samedi midi au dimanche soir, les
détenus peuvent se « promener » avec leur compagne
ou leur famille, partager un repas dans une salle à manger
réservée pour l'occasion, et même profiter d'une plage
affectée aux familles.
Autre innovation du Centre Pénitentiaire Agricole, le
« comité du balai ». Collège de 10
détenus élus chaque année par leurs pairs, chargé
de faire respecter la discipline intérieure, de « faire le
ménage » dans les mauvaises pratiques (d'où le terme
« balai »). Cette once de démocratie permettait
alors de juguler toutes émergences de volonté de caïdat. Un
de ces membres déclarait ainsi en 1958 : « les
rouleurs de manivelle, ceux qui balancent les épaules n'ont aucune
chance de driver notre camp ! »54(*).
Pour ce qui est des résultats de CASABIANDA, en 1958
sur les 132 détenus libérés depuis 1948, 15 avaient commis
une nouvelle infraction ; le chiffre alors le plus bas de l'administration
pénitentiaire55(*).
Avant que les détenus ne soient transférés dans les
nouveaux bâtiments de détention, aucun incident n'avait
été relevé avec les familles de personnels (femmes ou
enfants). Les évasions étaient rares, 19 tentatives en 10 ans
(pour près de 900 détenus passés par CASABIANDA)56(*), et souvent infructueuses. Les
rapports de détention étaient plus calmes qu'ailleurs. Le
coût général de fonctionnement réduit, et la
production de revenus conséquente.
§ 2 : CASABIANDA
au fil des décennies, jusqu'au IIIème Millénaire
Sans retracer de manière exhaustive les 40
années qui mènent jusqu'à l'an 2000, nous
développeront ici les évènements marquant ou les
évolutions notables de ces quatre dernières décennies.
A/ 1958-198057(*)
Le Centre Pénitentiaire Agricole accueille alors autour
de 200 détenus. Les 2/3 de ceux-ci sont d'origine rurale. Les objets de
leur condamnation sont avant tout les crimes sexuels (souvent d'inceste), mais
aussi les homicides, le vol et l'incendie. Dans son exposé pour la
commission parlementaire compétente, Madame CRISTIANI, juge
d'application des peines, relève que la population pénale se
répartit en « clubs » de catégorie
de criminels. Ainsi « les homicides méprisent les sexuels et
tout le monde déteste les voleurs ».
À noter pour cette décennie, le tournage par
l'ORTF de deux reportages sur CASABIANDA, dont le second, à ma
connaissance, ne fût jamais diffusé.
Le début des années 70, en 1972 pour être
plus précis, voit s'ouvrir sur le domaine de CASABIANDA le village de
vacance interministériel géré par le Comité
National des Oeuvres Sociales Sportives et Culturelles de l'Administration
Pénitentiaire (CNOSAP). Ayant obtenu en 1971 un bail
emphytéotique, le CNOSAP ouvre quelques mois plus tard un Centre de
vacance installé à proximité du centre
pénitentiaire. La construction du village et plus tard une partie de son
fonctionnement quotidien seront assurées par une équipe de
détenus du centre pénitentiaire, pour beaucoup coupables de
crimes ou délits à caractère sexuel mais pourtant
chargés de veiller à l'entretien des plages, des sanitaires, et
certaines années, de la confection des repas des fonctionnaires
pénitentiaires en vacances, totalement immergés dans
l'environnement des familles le temps de leurs vacances en Corse. Aucun
incident grave en presque 30 ans d'activité ne sera à
déplorer.
L'année 1977, a quant à elle
été marquée par la disparition tragique de M. FRATANI,
surveillant de service la nuit où un détenu voulu s'évader
pour certains, ou s'emparer d'une hypothétique caisse renfermant de
l'argent pour d'autres. Le seul évènement qui ait eu une ampleur
suffisante pour engager des réformes sensibles sur la gestion de la
sécurité des personnels. Il sera décidé suite
à cet évènement de ne plus laisser un surveillant seul
pendant ses services de nuit.
B/ 1981-2000
Fidèle à sa tradition d'expérimentation,
CASABIANDA va, en 1984, ouvrir deux « chambres
conjugales », permettant d'accueillir les compagnes des
détenus, de leur proposer un espace d'intimité qui offre au
couple le moyen de préserver une composante de son équilibre, et
par là de se préserver lui-même, lorsque cela peut encore
l'être.
Cette démarche autorise l'espoir d'un après dans
l'imaginaire du détenu, éléments primordial lorsqu'il se
préparera à sortir de détention.
Un changement notable, géographique celui-là, le
Conservatoire du Littoral acheta en 1998, 280 ha du domaine pour que l'Office
National de la Chasse administre la gestion de la réserve qui y est
logée, rapportant la superficie du domaine à moins de 1.500
ha.
Dans un tout autre registre, fidèle à son
identité de symbole, CASABIANDA va être la cible à partir
de 1991 d'une série d'attentat. 1991, 1996, 1997, 1998, 1999, 2002,
2003, toutes ces années ont été marquées par une
explosion ou une tentative d'attentat dans le site du village de vacance, dans
la résidence des personnels, ou encore dans les bâtiments proches
de la détention. Des attentats revendiqués par le FLNC, puis le
FLNC Canal Historique. Le seul dernier attentat aura eu un coût
évalué à 1.400.000,00 €.
Il serait illusoire de vouloir entièrement expliquer
ici ces actions, mais si l'on développe les raisons qui m'ont
été soumises, l'action des indépendantistes se
légitimerait par la revendication des terres agricoles qui devraient
être attribuées, selon eux, aux jeunes agriculteurs de
l'île. Ils considèrent en effet que la République est
là, comme dans toutes les autres possessions de l'Etat en Corse, en
situation d'occupation de la terre du « peuple corse ».
Cependant, des raisons peut être moins nobles pourraient être
à l'origine de certains de ces attentats. La cible du mess des
personnels par exemple correspondrait en réalité à la
rancune développée par certains, de voir trop de
« passants » profiter des tarifs du lieu (pourtant
théoriquement réservé aux personnels de
l'établissement et à leurs familles), au détriment des
commerces des localités environnantes. Comme me le suggérait un
de mes interlocuteurs, les cibles des attentats en Corse ne se choisissent pas
par hasard, un message implicite, au-delà des revendications
indépendantistes, y est toujours attaché.
De cette période d'attentat, CASABIANDA en tirera des
conséquences pour sa sécurité, et pour celle de ses
occupants. Le Village de Vacances fut fermé, la loge d'accueil
sécurisée par des barreaux aux fenêtres pour se
prémunir du lancer de cocktails molotov. La résidence
des personnels fut quant à elle encerclée par un grillage et une
barrière de protection, et surveillée par un dispositif
vidéo58(*).
L'objet de ce premier chapitre avait pour vocation de nous
imprégner de deux histoires, celle d'un lieu : le domaine de
CASABIANDA, et celle d'une prison : le Centre de détention de
CASABIANDA. C'est au carrefour de ces deux histoires que s'est construite
l'identité de l'actuel établissement pénitentiaire de
CASABIANDA. Mais comme toutes les constructions humaines, cette identité
évolue quotidiennement, soumise à l'influence de ceux qui la font
vivre. C'est donc un instantané de cette vie, de cette identité,
que je vous propose d'étudier dans un Chapitre 2, par l'observation du
fonctionnement de CASABIANDA, de ses personnels qui l'animent, et de la
réglementation qui l'encadre.
Chapitre 2 : Organisation et
fonctionnement du centre de détention de CASABIANDA.
Certains éléments permettent bien souvent par
eux-mêmes de comprendre que l'on est au seuil d'une prison : des
barreaux aux fenêtres, de hauts murs de bétons, des miradors et
des barbelés, les cris et bruits incessants aux abords de
l'édifice, et, encore suspendus aux fenêtres, les restes du
« yoyotage » de la veille. Tout ceci étant absent
à CASABIANDA, son caractère pénitentiaire s'exprimera donc
par d'autres indices majeurs de l'identité carcérale : le
personnel qui y intervient d'une part, notamment par son organisation (Section
1), et d'autre part, les grands axes de son fonctionnement quotidien,
présents dans tous les centres de détention de France (Section
2).
Section 1 :
L'encadrement humain des détenus de CASABIANDA59(*)
Comme dans tous les établissements
pénitentiaires, il existe deux grands ensembles de personnels qui
interviennent dans l'enceinte de CASABIANDA : les personnels de
l'administration pénitentiaire à proprement parlé, et les
personnels détachés d'autres administrations (§1), tous
répartis dans quelques grands services (§2).
§ 1 : Le
personnel de l'établissement60(*)
En 2006, CASABIANDA comprenait 68 personnels.
Ils se répartissaient de la manière
suivante :
- 1 Directeur,
- 1 Directeur Adjoint,
- 12 personnels administratifs,
- 10 personnels techniques,
- 40 personnels de surveillance,
- 4 personnels contractuels.
Pour l'année 2006, la pyramide des âges du
personnel, et leurs années d'expérience
s'échelonnées de la manière suivante.
Graphique 14: Répartition des personnels
de CASABIANDA en 2006 en fonction de leur âge.
Graphique 15: Répartition des personnels
de CASABIANDA en 2006 en fonction de leur nombre d'années
d'expérience.
Ainsi, en 2006, plus de 85% des personnels du centre de
détention affichaient plus de 40 ans ; et presque 60% avaient plus
de 20 ans d'expérience. CASABIANDA bénéficie donc, du fait
de ces statistiques, d'un personnel expérimenté, et par là
même d'une certaine qualité.
L'actualité de ces chiffres n'est pas, dans leur
globalité, à remettre en cause. Les changements
opérés jusqu'à aujourd'hui tiennent à
ceci :
- 1 personnel de surveillance supplémentaire,
- 1 personnel administratif en moins,
- la dissociation des personnels techniques de la Régie
et du centre de détention, entraînant le chiffre actuel de 5
personnels techniques,
- 1 contractuel supplémentaire, portant leur nombre
à 5 (1 psychologue PEP, 2 aumôniers, 2 contractuels dans les
services administratifs).
Quant à l'origine géographique des personnels,
il semble que la part des Corses de naissance se réduise (ils
étaient 98% d'après un article du Nice Matin daté du
26/01/1984). En 2006 ils restaient cependant, en proportion, les plus nombreux
dans le centre de détention avec 26,56% des personnels.
Pour être complet, il faut ajouter à cet ensemble
1 instituteur et des enseignants spécialisés, ainsi que 5
conseillers d'insertion et de probation rattachés à la Direction
du Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation de Bastia.
§ 2 :
L'organisation des services.
Le travail des personnels s'organise autour de quelques grands
services.
A/ La direction et les services administratifs
Composé des postes du Directeur et du Directeur
adjoint, auxquels est attaché un secrétariat, le service de
direction a la charge, comme dans tout autre établissement
pénitentiaire, de piloter l'établissement et de veiller au bon
accomplissement de ses missions.
Mais de l'avis de la plupart de mes interlocuteurs, le
rôle du directeur est à CASABIANDA, plus que dans tout autre
établissement, particulièrement important dans la
définition de l'identité du centre de détention.
L'appréhension qu'il a de la pratique pénitentiaire, conditionne
l'usage qu'il fera des particularités de CASABIANDA. Parce que
CASABIANDA est, dans plusieurs domaines, en dehors des normes classiques des
prisons françaises ; il peut décider de mettre en avant ces
différences, ou au contraire, tenter de les gommer au profit d'une
harmonisation de fonctionnement par rapport à un centre de
détention classique.
La place qu'il occupe dans la région, peut-être
un peu moins aujourd'hui qu'hier, le hisse au rang de notable régional
en tant que représentant local de la République. En outre, du
fait de l'importance de l'activité de production de CASABIANDA dans le
dynamisme de la région61(*), il se doit d'adopter quelques réflexes et
attentions particulières en lien avec cette responsabilité ;
et ce d'autant plus que CASABIANDA est installé en Corse, et que
certaines composantes de la population de l'île ont une
susceptibilité plus marquée que la moyenne. Ainsi, pour reprendre
le témoignage de l'ancien directeur Roger DUMAS,
« compte tenu de la culture des habitants voisins, il
est primordial de n'accorder aucun avantage particulier, ou passe droit
quelconque, qui, s'ils contentent certains, développent les
susceptibilités des autres, et peuvent être pris parfois comme des
humiliations ».
Par ailleurs, assurer des fonctions de direction à
CASABIANDA, c'est accepter une charge qui, outre demander de remplir les
fonctions pénitentiaires traditionnelles, réclame un travail en
lien avec les activités économiques ou écologiques
liées à l'exploitation du domaine, peu habituel pour des
directeurs de prison.
Les services administratifs ont, quant à eux, la
responsabilité de la gestion courante de l'établissement et du
quotidien des détenus. Ils comprennent les services financiers, les
ressources humaines, les cuisines, le service informatique, le garage et les
magasins.
B/ Le personnel de surveillance
L'équipe de surveillance, sous la responsabilité
du Directeur, comprend 41 personnels dont 37 surveillants, 2 majors, 1
lieutenant et 1 commandant. Parmi ceux-ci tous ne font pas que de la
surveillance. Le service du greffe est compris dans cet ensemble, et le
moniteur de sport des détenus est un surveillant.
La surveillance est organisée par unité de 4
agents, avec des horaires de travail qui alternent permanences de jour puis de
nuit et repos. Chaque équipe procède aux appels quotidiens dans
la cour et gère les circulations dans l'enceinte du centre de
détention.
Le service du greffe est quant à lui chargé du
suivi des détenus dans leur parcours pénal, notamment dans leurs
droits aux remises de peines ou leur demande de transfert. Un travail d'autant
plus important à CASABIANDA que le travail des détenus ou leur
motivation à suivre une formation peut leur donner droit à des
remises de peines supplémentaires.
C/ L'Unité de Consultation et de Soins
Ambulatoires (UCSA)
Cette unité gère les soins de base des
détenus. Elle dispose de locaux pour accueillir une secrétaire
médicale, une infirmière, un psychologue, un médecin
généraliste, un dentiste, et un psychiatre.
Pour les soins plus importants, les détenus sont
orientés vers Bastia, voire sur Marseille.
D/ Le SPIP62(*)
Composé de 5 Conseillers d'Insertion et de Probation,
le service SPIP de CASABIANDA intervient auprès des détenus dans
leur projet de préparation de fin de peine et pour leur faciliter
l'accès à leurs droits de citoyen.
Ce service est ainsi l'interface avec les services
administratifs de l'état civil, des collectivités territoriales
en général et de certaines administrations
déconcentrées (ANPE, AFPA, etc.). Une mission qui
révèle parfois la mauvaise volonté dont peuvent faire
usage les représentants des administrations françaises lorsqu'il
s'agit de traiter des demandes de détenus.
Les CIP participent en outre au processus de reconnaissance de
culpabilité mené par les détenus quand cela s'avère
nécessaire, d'acceptation de la peine, de revalorisation de l'individu,
et peut faire émerger, dans certains cas, une demande de prise en charge
psychologique.
La mission de réinsertion assurée par le SPIP
est parfois décrite par les CIP comme étant « un
peu la débrouille ». Ce constat découle des
difficultés inhérentes à la Corse et la population
pénale atypique de CASABIANDA. Rester en Corse pour les anciens
détenus, c'est parfois encourir le risque de la stigmatisation.
Retourner sur le continent est parfois compliqué par le refus de
certains foyers d'accueillir « d'anciens
pointeurs ».
E/ Le service éducatif63(*)
Le personnel éducatif est lui constitué d'un
instituteur à temps plein, désigné comme Responsable Local
de l'Enseignement (RLE), et de professeurs vacataires intervenants sur des
matières plus spécifiques.
Le RLE a la charge, en dehors de ses missions d'enseignement,
de dépister et proposer une formation aux détenus
illettrés, l'accompagnement et l'orientation des détenus dans des
enseignements à distance, l'animation de l'atelier informatique et de la
bibliothèque (aidé par un détenu employé au titre
du Service Général), et la coordination du journal de la
détention.
L'atelier informatique bénéficie d'un parc
informatique de 10 ordinateurs et d'une imprimante réseau. Il permet
l'aide à l'apprentissage des outils de bureautique et de la
programmation. Il permet en outre la publication du journal
« ARENA ».
La bibliothèque fonctionne en partie grâce aux
prêts de la Bibliothèque de Corte, qui entretient un roulement des
ouvrages par un renouvellement du fond une fois par semestre. Les rayonnages de
la bibliothèque comprennent autour de 2000 ouvrages. Une centaine est
prêtée chaque mois.
F/ Le service religieux
Ce service se décrit lui-même comme une
assistance spirituelle ou morale. Il fait intervenir un diacre officiant comme
aumônier catholique et un pasteur comme aumônier protestant.
Un office religieux hebdomadaire est proposé aux
détenus qui le désirent.
Section 2 :
Fonctionnement du centre de détention de CASABIANDA
Le centre de détention de CASABIANDA est régi
par les mêmes dispositions du Code de Procédure Pénale que
comme tout autre centre de détention (cf. l'article A39-1 du CPP). Au
sens de l'article D.72 du CPP, son fonctionnement comporte un régime
principalement orienté vers la réinsertion sociale et, le cas
échéant, la préparation à la sortie des
condamnés. Cependant, là où les détenus des centres
de détention classiques ne peuvent pas circuler d'un étage ou
d'un bâtiment à l'autre. À CASABIANDA, la plupart se
retrouvent dès le matin au premier appel, et partagent leur
journée dans le même grand espace jusqu'au soir.
Le régime de centre de détention trouve donc
à CASABIANDA une interprétation originale. Un constat qui se
retrouve dans la gestion de la sécurité au sein du centre
(§1), dans les activités des détenus (§2), et dans le
fonctionnement des « chambres d'amour » (§3).
§ 1 : Gestion de
la sécurité à CASABIANDA64(*)
Parce que CASABIANDA est avant tout une prison, la
première préoccupation qui régente le fonctionnement de
l'établissement est la sécurité. Une
sécurité pour la société, mais aussi pour les
personnels qui y travaillent et pour les détenus eux-mêmes. Mais
compte tenu des missions générales des centres de
détention précisées à l'article D.72 du CPP, et des
spécificités du lieu, les moyens de sécurité
diffèrent quelque peu des autres établissements
pénitentiaires.
A/ Dispositifs de sécurité passive
Appréhender la sécurité dans un
établissement pénitentiaire se fait en premier lieu par le
recensement des dispositifs matériels chargés de créer une
sécurité dite passive. En l'occurrence, les murs chargés
de créer une enceinte empêchant évasions et intrusions sont
à CASABIANDA totalement inexistants. Il n'y a pas non plus de
dispositifs alternatifs pour palier à cette absence comme une
barrière continue ou un grillage. Inexistants aussi sont les miradors et
chemin de ronde permettant une observation du périmètre de la
prison.
Les bâtiments eux-mêmes dérogent à
leur manière aux règles traditionnelles de la prison. Pour ce qui
est des bâtiments dits de détention, les bâtiments dans
lesquels logent les détenus ne comportent aucun barreau aux
fenêtres, et seules les moustiquaires qui les remplacent font office de
protection, mais plus contre les moustiques que contre les
évasions ! Dans un autre domaine, alors que les bâtiments
administratifs sont un peu à l'écart des autres bâtiments
du lieu, ils n'en demeurent pas moins totalement accessibles aux
détenus. Ceux-ci les fréquentant régulièrement
lorsqu'ils doivent s'entretenir avec des personnels du SPIP, du greffe, de la
comptabilité ou de la direction de l'établissement. Une
liberté de mouvement (soumise cependant à autorisation ou
convocation) que l'on ne retrouve pas dans les autres établissements du
même type. Néanmoins, ce bâtiment qui abrite le poste de
garde, est quand à lui sécurisé par des barreaux à
ses ouvertures (voir annexe photos de CASABIANDA aujourd'hui). Une protection
contre les « attaques » extérieures, plus que contre
une émeute intérieure.
Pour ce qui est de la détection d'objet dangereux,
CASABIANDA ne demande pas aux arrivants de se soumettre au passage du
traditionnel portique de sécurité, ni de faire passer leurs
effets personnels aux rayons X comme cela peut être le cas ailleurs. Cela
dit, venir à CASABIANDA demande une autorisation préalable de
l'administration pénitentiaire. Et quiconque évoluerait au milieu
des personnels ou détenus sans cette autorisation serait rapidement
remarqué par la communauté. Une communauté qui dans son
ensemble a tout intérêt à ce qu'aucun incident ne vienne
perturber le quotidien.
La détection et le contrôle des mouvements dans
l'enceinte du site de détention sont quant à eux très
limités. Les bâtiments où sont logés les
détenus sont encerclés la nuit par une ceinture de
détection par faisceaux, et les coursives et espaces communs de ces
bâtiments sont placés sous vidéo surveillance. La
journée, cependant, les outils du même type ne pourrait être
pertinent pour gérer près de 1.500 ha de superficie.
Enfin, une particularité de CASABIANDA demeure la place
de cet immense espace comme moyen matériel passif de lutte contre
l'insécurité en détention. En effet, les tensions qui
peuvent traditionnellement naître de la trop grande promiscuité
dans les espaces de vie en commun, se diluent dans les hectares du domaine.
Mais nous développerons ce point dans la partie traitant des rapports
sociaux entretenus à CASABIANDA. Un atout qui devenait un
inconvénient lorsque les détenus abusaient de leur liberté
de mouvement pour partager des « parloirs sauvages » dans
les hectares boisés. Une pratique qui a entraîné la mise en
place des dispositifs de sécurisation aux abords des dortoirs du C.D.
que nous venons de présenter.
B/ La place importante des personnels dans la
sécurité de CASABIANDA
Le centre de détention étant peu ou prou
dépourvu des moyens matériels traditionnels de
sécurité commun dans les autres établissement, la place du
facteur humain revient au centre de la stratégie de sécurisation
qui, aux vues des résultats en la matière, est porteuse de
réussite.
Comme nous l'évoquions précédemment,
CASABIANDA bénéficie d'un personnel de surveillance
expérimenté et capable. Un personnel qui continue à se
former tout au long de sa carrière. En 2006, 56 formations avaient
été suivies par des personnels de surveillance de
catégorie C.
La qualité, et l'expérience de ce personnel
permettent de compter sur leur subtilité et sur leur approche
apaisée des détenus. Ce rapport moins conflictuel que dans les
autres établissements pénitentiaires autorise plus facilement
l'échange d'information et la prévention, voire le
désamorçage de situations potentiellement dangereuses.
La typicité de la population carcérale
sélectionnée en amont de leur affectation à CASABIANDA
permet aussi, bien sûr, d'escompter des comportements plus calmes de leur
part que dans tout autre établissement, cependant il ne faut pas pour
autant minorer l'importance de la vigilance de chacun qui contribue
efficacement à la prévention des atteintes à la
sécurité de l'établissement et de ceux qui y vivent ou
travaillent.
C/ Le règlement intérieur
Comme chaque établissement, le centre de
détention dispose d'un règlement intérieur qui
règle le fonctionnement du centre de détention.
Sur les questions de sécurité, il mentionne
notamment les infractions et les peines encourues qui sont celles de tout
centre de détention en France, les sanctions allant de l'avertissement,
de la suspension de droit, jusqu'à la mise en cellule disciplinaire.
Cependant, CASABIANDA étant dépourvu de cette cellule, les
sanctions utilisant ces peines doivent être accomplies dans le Centre
pénitentiaire de BORGO. Un déplacement souvent synonyme de
réaffectation pour le détenu sanctionné.
L'épée de Damoclès de la réaffectation qui
pèse au-dessus de la tête de chaque détenu contribue, dans
une large mesure, à la sécurité et à la
tranquillité de l'établissement. Les détenus
« sexuels » étant considérés dans les
autres établissements comme la lie de la société, ils
n'ont aucun intérêt à retrouver les brimades et les mauvais
traitements dont ils font parfois les frais dans les autres centre de
détention ; pour les autres, le cadre de vie et la relative
liberté suffit à convaincre, la plupart, de respecter le
règlement.
Finalement, le développement de moyens de
sécurité dans l'histoire de CASABIANDA a plus été
causé par des agressions extérieures (attentats le plus souvent)
que par des atteintes internes à la sécurité (à
l'exception notable de l'assassinat du surveillant FRATANI, qui entraîna
le renforcement des équipes de surveillance). Les résultats en la
matière étant aujourd'hui satisfaisant, et l'augmentation de
moyens coercitifs pour la garantir étant parfois la source de troubles
dans la communauté de CASABIANDA, il semble que l'équilibre
atteint aujourd'hui permette un optimum intéressant.
§ 2 :
Activités des détenus
Le quotidien du détenu de CASABIANDA est rythmé,
à l'exception de quelques travailleurs affectés aux
élevages, par un emploi du temps constant :
|
SEMAINE
|
SAMEDI
|
DIMANCHE + JOURS FERIES
|
Lever + petit déjeuner
|
06 H 00
|
07 H 00
|
07 H 00
|
Appel
|
06 H 45
|
08 H 00
|
08 H 00
|
Travail
|
07 H 00 - 11 H 30
|
|
|
Appel inoccupés
|
10 H 00
|
|
|
Repas
|
11 H 30 - 12 H 30
|
11 H 45
|
11 H 45
|
Appel
|
13 H 30
|
13 H 00
|
13 H 00
|
Travail
|
13 H 45 - 16 H 30
|
|
|
Appel inoccupés
|
16 H 00
|
17 H 45
|
17 H 45
|
Appel
|
17 H 45
|
|
|
Diner1
|
18 H 00
|
18 H 00
|
18 H 00
|
Appel général et fermeture
|
19 H 45
|
19 H 45
|
19 H 45
|
Les détenus sont soumis au régime de
détention dit Auburnien65(*), l'obligation au silence en moins : vie et
travail en collectivité le jour et encellulement individuel la nuit. Il
est intéressant de relever ici que le réveil des détenus
est leur prise d'activité se font dans des horaires comparables à
la vie libre. Une hygiène de vie qui n'est pas partagée par tous
les établissements.
Comme dans beaucoup de centre de détention, les
détenus vont pouvoir exercer une activité professionnelle, mais
pourront suivre aussi des formations qualifiantes, s'adonner à des
loisirs et pratiquer différents sports.
A/ Le travail.66(*)
L'une des particularités de CASABIANDA est la
priorité donnée à l'activité professionnelle.
Deux univers emploient des détenus à
l'intérieur du domaine de CASABIANDA : le service
général et l'exploitation agricole67(*).
Le service général comprend toutes
les activités nécessaires au fonctionnement du centre de
détention, et emploie pour chacune de ces activités un ou
plusieurs détenus : maçonnerie, plomberie,
électricité, buanderie...
La RIEP, Régie Industrielle des Etablissements
Pénitentiaires, a la charge quant à elle de coordonner les
activités agricoles du domaine. Elle emploie des détenus pour les
différentes cultures, pour l'élevage, pour la coupe du bois, pour
la surveillance des feux de forêt et pour l'entretien du
matériel.
À cela s'ajoutent des emplois confiés par des
concessionnaires et quelques placements extérieurs qui permettent une
réaclimatation avec le monde du « dehors » avant la
sortie.
L'argent tiré de ces activités permet en outre
au détenu d'améliorer d'une part son ordinaire en
« cantinant » dans la liste de produits proposés par
l'établissement (dont les prix sont un peu plus élevés que
la moyenne pénitentiaire du continent, mais comme partout en Corse),
mais aussi de se préparer d'autre part un pécule de sortie, et
enfin de régler tout ou partie de la dette qu'ils ont envers les
victimes de leurs infractions. Autant dire que travailler en prison est le gage
de préparation à une meilleure réinsertion.
B/ La formation
CASABIANDA propose à ses détenus outre les
services de son unité d'enseignement, trois formations
diplômantes, dont deux formations professionnalisantes :
Pour l'année scolaire 2006-2007, 10 détenus
étaient inscrits à la formation BII (brevet d'initiation à
l'informatique), 6 en avaient été diplômés ; 14
étaient inscrits au CAPA espace rural, 12 avaient été
diplômés ; 15 étaient inscrits au CAP
maçonnerie, 9 avaient été diplômés.
C/ Les actions socio-culturelles et sportives
Les détenus de CASABIANDA ont la possibilité de
participer à plusieurs ateliers culturels : chorale,
théâtre, musique, arts plastiques, photographie,
vidéothèque, journal des détenus, ainsi qu'à
plusieurs activités sportives. Ces initiatives permettent aux
détenus arrivants de trouver un espace de socialisation et
d'intégration, et pour tous de développer des compétences
et attitudes adaptées à chaque atelier (patience, concentration,
goût de l'effort ...) et constituent un exutoire pour les tensions
accumulées pendant les journées de détention et de
travail.
§ 3 : Les
« chambres d'amour ».
Les « chambres d'amour » de CASABIANDA
sont à la fois la marque de l'identité carcérale moderne
de l'établissement, mais aussi le lien avec une forme
d'originalité historique.
Ces « chambres d'amour » sont en effet les
premières Unités de Vie Familiale des prisons françaises.
Créées en 1984, elles étaient en France la première
expérimentation d'un espace privatif dédié à
l'accueil des familles des détenus, intégré dans l'espace
carcéral, pour ménager un temps d'intimité aux couples et
à leur famille.
La raison de cette expérimentation à CASABIANDA
tient sans doute au fait que l'administration pénitentiaire avait
déjà admis dans le fonctionnement de l'établissement
l'organisation des « week-end » des familles dans les
années cinquante68(*). L'éloignement des détenus du continent
légitime toujours la création de conditions
privilégiées pour accueillir leur famille, afin que celle-ci ne
soit pas, à son tour, condamnée à subir de manière
excessive l'incarcération d'un de leur membre. Ainsi, même si le
courrier et le téléphone permettent de ne pas briser le lien
familial quand celui-là a survécu à la condamnation et
à l'incarcération, les rencontres physiques permettent de le
raviver et de participer à la future réinsertion des
détenus.
Le fonctionnement de ces espaces se fait hors de la
présence du personnel. Des pavillons, spécialement
aménagés, permettent aux détenus de recevoir leur famille
pour un temps déterminé. Appelés « chambre d'amour
» ou « chambre conjugale », ils offrent aux
détenus la tranquillité nécessaire pour avoir des
relations sexuelles avec leur conjoint dans des conditions sanitaires
satisfaisantes (à comparer aux « parloirs sexuels »
qui existent encore dans bon nombre des établissements
pénitentiaires français). Les détenus doivent cependant
obligatoirement assister aux différents appels de la journée. Il
leur est en outre interdit de franchir le poste central pour aller
réceptionner leurs visiteurs.
Les bénéficiaires de ces locaux
n'excèdent pas la vingtaine de détenus. Le fait que de nombreux
prisonniers du centre de détention bénéficient de
régulières permissions de 10 jours pour se rendre sur le
continent explique probablement cette sous utilisation.
Ces parloirs si particuliers semblent toutefois être
aujourd'hui en deçà des libertés accordées par les
nouvelles Unités de Vie Familiale. L'avenir de ces « chambres
d'amour » réside sans doute dans l'évolution vers les
normes constituées aujourd'hui par ces U.V.F.
Pour conclure ce Titre, je citerai un membre du personnel de
l'établissement. A ma question qu'est-ce qui selon vous rend CASABIANDA
si particulier ? il me répondit : « C'est une
prison classique dans un lieu qui ne l'est pas ».
En effet, dans beaucoup de domaine, il apparaît
évident que CASABIANDA est une prison, un espace de privation de la
liberté d'aller et venir librement... mais un espace qui demeure immense
par sa superficie. Ce qui amène les responsables du centre de
détention à développer des stratégies qui
permettent à ce lieu de remplir efficacement son rôle tout en
composant avec des contraintes si particulières.
Ainsi, CASABIANDA, à sa manière, ramène
l'identité carcérale à sa plus simple expression. Des
Hommes qui en surveillent d'autres dans l'exécution de la sentence
prononcée par la justice : la privation de la liberté
d'aller et venir, et qui les accompagnent vers leur réinsertion dans la
société, afin de ne plus repasser par la case prison.
Mais ses 1500 ha lui confèrent aussi une
originalité unique qui lui permet de développer, dans le cadre de
ses missions pénitentiaires, certaines particularités qui lui
sont propres, et qui font de son identité, une identité
carcérale originale.
Titre 2 : Les
originalités de CASABIANDA
La vocation carcérale de CASABIANDA n'étant plus
à démontrer, il nous faut à présent observer
objectivement ce qui rend ce centre de détention original. Certains
détails interpellent nécessairement lorsque vous arpentez les
hectares de son domaine, et plus particulièrement ceux de la
détention. Parmi ceux-ci, l'espace est la première des
originalités. Un établissement pénitentiaire de
près de 1.500 ha est aujourd'hui un établissement,
littéralement, hors du commun.
En outre, CASABIANDA semble être en marge, en bien des
domaines, des autres établissements pénitentiaires
français. Ainsi, alors que les débats des années 2000
mettaient en exergue le manque d'hygiène subi par les détenus,
notamment par le nombre limité de douches hebdomadaires, CASABIANDA
permet à chacun d'en prendre quotidiennement plusieurs. Alors que des
établissements pénitentiaires veulent, pour vitaliser leur
intérieur, développer de petits espaces de verdure, CASABIANDA
cherche quant à lui à éliminer une partie de la population
de sanglier qui occupe son domaine69(*), et à maîtriser la prolifération
de chats qui envahit la prison (et qui s'élevait en mars 2008 à
plusieurs dizaines de membres).
Puis, comme nous venons de le voir, l'histoire de
l'établissement pénitentiaire a profondément marqué
l'identité du centre de détention. Une empreinte que l'on observe
particulièrement dans deux domaines. Cette histoire,
intrinsèquement liée à l'exploitation agricole, a
donné à CASABIANDA une importante vocation économique
(Chapitre 1). L'évolution historique de la population carcérale
a, elle aussi, façonné la population actuelle du centre de
détention ; il en découle que comparativement aux autres
établissements pénitentiaires, CASABIANDA accueille des
détenus sélectionnés, entraînant du même coup
la spécification de sa population pénale (Chapitre 2).
Chapitre 1 : La vocation
économique de CASABIANDA.
Le centre de détention hérite du passé
une vocation du travail de la terre. Cet ouvrage nécessitant une
importante main-d'oeuvre, le projet de CASABIANDA s'est façonné
avec l'ambition d'occuper la plupart des détenus à cette
tâche. Une volonté qui se traduit encore aujourd'hui dans la part
importante des détenus occupés au sein de la population
pénale de l'établissement (Section 2). La production issue de
leur travail étant pour ainsi dire le fruit de l'administration, les
pouvoirs publics ont toujours veillé à ce que l'impact de
l'établissement sur l'économie locale se fasse dans
l'intérêt du plus grand nombre, et plus particulièrement
des habitants de la région qui abrite la prison (section 1).
Section 1 :
L'intégration du centre de détention dans l'économie de la
micro région qui l'entoure.
L'implication de CASABIANDA dans l'économie locale se
ressent tant dans les niveaux de production annuelle de la RIEP de
l'établissement (§2), que plus généralement dans
l'impact local d'une administration publique hébergeant plusieurs
centaines de personnes (§1).
§ 1 : De
l'incidence de CASABIANDA sur l'économie de la micro région en
général.
De l'avis du Maire d'Aléria, commune où est
installé CASABIANDA, le premier des impacts notables de
l'établissement sur son environnement est celui produit par la seule
présence de son personnel. En effet, Aléria est un village de
près de 2.000 habitants, et les personnels de CASABIANDA
représentent à eux seuls une quarantaine de famille. Une
population qui vit et consomme dans les commerces du village.
La présence de l'établissement, et surtout du
volume de sa production agricole, a permis par ailleurs aux agriculteurs de la
région de se constituer en coopérative agricole pour la vente de
céréales.
Anecdotiquement, le domaine accueille sur ses terres, proches
de la nationale qui le traverse, le terrain de football de la commune où
les équipes locales viennent se défier tous les dimanches de la
saison, un symbole de l'intégration du lieu dans la commune qui
l'abrite.
Dans un autre registre, les grandes étendues
contrôlées de CASABIANDA permettent à la région de
bénéficier d'une réserve de chasse70(*) dans laquelle peuvent se
reproduire tranquillement toutes sortes de gibiers (parfois au détriment
des cultures du centre de détention d'ailleurs).
En revanche, l'emploi de détenus de CASABIANDA dans des
chantiers extérieurs ou par des concessionnaires privés a une
incidence plus controversée. De l'avis de certains, l'emploi de ces
détenus se fait au détriment de Corses qui pourraient être
employés sur ces postes. Pour d'autres, la présence d'une main
d'oeuvre moins chère que la normale permet au contraire de
développer une économie au bénéfice de la
communauté. En outre, toujours selon ces derniers, la présence de
cette population pénale parfois inoccupée, devrait permettre
d'ouvrir des chantiers extérieurs de revalorisation du territoire
(débroussaillage, nettoyage des rivières, ...) qui seraient
utiles au développement, dans la région, d'un écotourisme,
ou d'un tourisme « vert », sans cesse grandissant en
France. Le débat ne sera pas tranché ici, mais il est
indispensable que toute décision sur cette question soit
préalablement concertée avec les représentants des
pouvoirs publics locaux et la population environnante, et que
l'intérêt collectif de ladite décision soit clairement
admis par le plus grand nombre. Procéder différemment serait
susceptible de créer de nouvelles tensions autour de l'existence
même de CASABIANDA.
Ainsi, dans ce registre, la fermeture du centre de vacances du
CNOSAP71(*), suite
à de nombreux plasticages, est due pour certains à des liens trop
distendus entre administrateurs et bénéficiaires du lieu d'une
part, et la population locale d'autre part. Quoi qu'il en soit, cette fermeture
a été un vrai préjudice pour l'économie locale.
Outre la disparition de nombreux vacanciers venus consommer sur le territoire
de la région, cette fermeture a entraîné la disparition de
plusieurs emplois saisonniers dont les jeunes des communes alentour
bénéficiaient. Cet échec ne doit pas définitivement
hypothéquer le projet d'une participation du centre de détention
à la vie touristique de la région. Un engagement des pouvoirs
publics et des collectivités territoriales dans la réouverture
d'un centre de vacances pourrait se faire au bénéfice de tous.
Pour ce qui est des perspectives économiques futures,
CASABIANDA peut compter sur une situation géographique originale. Avec
plus de 2.000 heures d'ensoleillement annuel, et plusieurs hectares impropres
à l'agriculture, le domaine pourrait utilement abriter une ferme solaire
photovoltaïque, et tirer de celle-ci une source de financements
supplémentaires pour la structure. La Corse étant un territoire
déficitaire en production électrique, une production solaire
locale permettrait de participer d'une part à l'effort global de
production d'énergie électrique renouvelable, et d'autre part de
diminuer, à une modeste mesure, la dépendance
énergétique de l'île à l'apport de fluides du
continent.
§ 2 : De la
production du centre de détention notamment par la RIEP de CASABIANDA en
particulier.72(*)
La production du centre pénitentiaire, qu'elle soit
agricole ou de biens de consommation, contribue à la promotion et au
développement de biens propre à l'économie Corse. Elle
supporte le développement d'espèces ou de races
endémiques, et participe à la production de
spécialités culinaires de l'île. Elle contribue à
combler certaines carences en facteur de production propre à
l'élevage, et s'attache à s'associer avec des producteurs
locaux.
Afin de réaliser l'ampleur de cette contribution, il
nous faut en quelques lignes détailler la production de la RIEP de
CASABIANDA pour la campagne 2006-2007:
Production
|
Quantité
|
Production céréalière
|
Blé
|
520 quintaux (rendement de 24 qx/ha)
|
Orge
|
1.905 quintaux (rendement de 26,64 qx/ha)
|
Triticale (croisement du blé et du seigle)
|
1.497 quintaux (rendement de 24,24 qx/ha)
|
Féverole
|
225 quintaux (rendement de 12 qx/ha)
|
Paille
|
450 tonnes
|
Cultures fourragères
|
Cultures fourragères récoltés
|
1.238 tonnes
|
Cultures fourragères consommée sur pied par le
bétail
|
indéterminée
|
Bois
|
Stères
|
Environ 7.000 unités
|
Plantes aromatiques
|
Immortelle de Corse
|
Non renseignée
|
Romarin à verbenum
|
Non renseignée
|
Verger
|
Oliveraie
|
La production des années 2006 et 2007 :
détruite par la grêle et la sécheresse
Production de l'année 2008 à prévoir :
80 tonnes.
|
Elevage
|
Porcherie
|
Autour de 2.000 porc/an
|
Bovin
|
· 170 vaches allaitantes,
· 4 taureaux dont 3 inscrits au Herd-book race
limousine;
· 71 génisses de renouvellement ;
· 70 jeunes disponibles à la vente.
Vente de 112 veaux en 2007
|
Ovin
|
· 809 brebis gestantes ;
· 25 béliers ;
· 328 agnelles
production de 175.000 litres de lait
|
Le choix d'une haute qualité de production, au
détriment parfois d'autres objectifs de rendements, a été
fait depuis plusieurs années par l'actuel régisseur. En
témoigne le label AGRICULTURE BIOLOGIQUE (contrôlé par
ECOCERT) acquis depuis 2004 par toute l'exploitation (à l'exception de
la production oléicole), ce qui fait de CASABIANDA, d'après les
dirigeants de la RIEP, la plus grande ferme BIO d'Europe. Une orientation
stratégique, contestée par certains, qui répond cependant
à un nouveau marché, et qui doit s'analyser dans une
démarche globale de la Corse d'un accroissement de l'agriculture
biologique, sous l'impulsion de l'Assemblée de Corse
elle-même73(*).
Autre preuve du soutien de la production de CASABIANDA
à la production corse, la location par l'établissement d'environ
30 ha à une coopérative agricole « en vue de
favoriser la recherche et la sélection de brebis de race corse avec
insémination artificielle à partir de béliers hautement
sélectionnés »74(*). La totalité de la production porcine est
destinée à des producteurs locaux chargés de finir
l'engraissement des animaux selon des méthodes traditionnelles avant de
confectionner les spécialités charcutières corses. Pour ce
qui est de la production ovine, les agnelles (de race corse) sont exclusivement
réservées pour la revente aux éleveurs locaux. Quant
à la production de lait, elle est destinée actuellement à
un industriel fromager local.
À la production de la RIEP, il faut ajouter
l'implantation, dans l'enceinte de l'établissement, d'un concessionnaire
qui emploie des détenus à la fabrication des
canistrelli, biscuits traditionnels corses. Ainsi que la
présence d'une unité des haras d'Uzès, qui met à la
disposition des éleveurs locaux des étalons de grande
qualité.
Il faut toutefois souligner que le choix d'une activité
de production agricole entraîne, de facto, une certaine
dépendance aux aléas du climat (en témoigne les pertes de
production oléicole pour 2006 et 2007). Afin de réduire ces
aléas, il serait nécessaire d'ouvrir des voies d'irrigation, ce
qui suppose de lourds et nouveaux investissements (problème
récurrent depuis le XIXème siècle).
Section 2 : Labeur et
labour pour les détenus de CASABIANDA
Comme nous l'avons étudié plus en amont,
CASABIANDA est, à plusieurs égards, l'héritier de la
réforme AMOR. La volonté d'agir pour accompagner le futur
reclassement social du condamné, et le rejet de toute forme
d'oisiveté, entraîne tout naturellement cet établissement
pénitentiaire à encourager le travail (§1), ainsi que la
formation des détenus (§2).
§ 1 : Le travail
des détenus de CASABIANDA
Les détenus de CASABIANDA peuvent exercer leur
activité professionnelle sous la responsabilité de
différents acteurs économiques, publics ou
privés :
A/ Le service général du centre de
détention de CASABIANDA
Afin d'accomplir les tâches d'entretien, de logistique
et de maintenance qui participent au bon fonctionnement du centre de
détention, CASABIANDA emploie des détenus dans plusieurs de ses
services, toujours sous la direction d'un chef de service :
- Les espaces verts : la qualité de vie du
domaine est en partie apportée par les grands espaces naturels qui
l'entourent. Mais de tels espaces nécessitent un entretien
régulier pour éviter le retour d'un maquis envahissant. Une
équipe de détenus est donc chargée de l'entretien et de la
création des espaces verts « domestiqués » du
domaine, de la tonte de la pelouse et de la taille des arbres, massifs et haies
qui parsèment la propriété. Ils ont en outre la charge de
l'entretien des plages et bords de mer, du cimetière, de la
« Résidence » (lieu de logement du personnel) et du
parcours de santé dans la forêt. À ceci se rajoutent
quelques travaux pour maintenir en état praticable les routes et chemins
qui parcourent CASABIANDA.
- La cuisine : les repas des détenus et
l'entretien du réfectoire sont effectués par une autre
équipe de détenus. Ils préparent pour leurs
collègues, d'après des menus élaborés par
l'économat, les quelques 180 repas de chaque service. Une partie de ces
détenus est affectée au mess des personnels situé dans la
« Résidence », en amont du domaine.
- Service de maintenance des locaux : l'entretien
général des locaux, du matériel, la réparation,
l'aménagement, la rénovation et l'amélioration de certains
espaces, la construction parfois, autant de secteurs qui offrent à une
troisième équipe de détenus l'occasion de
découvrir, ou d'entretenir, l'exercice de professions techniques. Ils
interviennent aussi bien dans les cellules que dans les espaces communs ou dans
les locaux annexes des bâtiments de détention comme dans les
logements du personnel. Un savoir-faire important se dégage de cette
structure, constituée de deux services distincts : le service
d'entretien général d'une part, plus spécialement
affecté à l'entretien et au maintien en fonction des
installations et le service des réparations d'autre part, chargé
des aménagements et lourdes réparations.
B/ La RIEP
La force de travail qui est à l'origine de la
production agricole de CASABIANDA est celle des détenus. Ils sont
employés dans tous les secteurs de production de la RIEP, mais toujours
sous la responsabilité de cadres techniques :
- Cultures céréalières et
arboriculture : Pour exploiter les centaines d'hectares susceptibles
de produire à CASABIANDA, la RIEP peut compter sur la force de travail
d'une équipe de détenus qui participe à tous les stades du
processus de production, du labour à la récolte, et à
l'entretien du verger oléicole du domaine.
- Gestion de l'alimentation du bétail :
L'approvisionnement depuis l'extérieur, ou la production les rations
alimentaires issues de la production agricole du centre de détention,
sont sous la responsabilité de la régie. À ces fins, elle
emploie une équipe de deux détenus spécialement
affectée à cette tâche.
- L'élevage : Que ce soit pour la
porcherie, pour la bergerie ou pour l'élevage bovin, le soin des
bêtes est à la charge d'une équipe de détenus. Cette
tâche implique tant l'entretien des espaces de production que la
participation aux vêlages lors des périodes de mise bas.
- Parc des matériels agricoles : Vu
l'importance du parc de matériel agricole utilisé sur
l'exploitation, un atelier d'entretien est présent sur le domaine.
Ainsi, la régie emploie un groupe de détenus en charge de la
conduite des engins et une équipe de mécaniciens oeuvrant
à l'entretien du parc de matériel.
- Lutte contre l'incendie : Afin de
prévenir les risques d'incendie, la RIEP emploi périodiquement
des détenus au débroussaillage des sous-bois et maquis, ou comme
vigie pendant les périodes à risque.
C/ Les employeurs privés ou extérieurs
à l'établissement
Comme nous l'indiquions plus haut, les détenus de
l'établissement peuvent également être employés par
des acteurs économiques extérieurs à l'administration
pénitentiaire. Ainsi, certains peuvent travailler pour les Haras
d'Uzès dans l'élevage et le soin des animaux de l'écurie
de CASABIANDA, d'autres peuvent être employés par un
concessionnaire privé pour la fabrication des canistrelli, un
dernier groupe peut enfin aller, sous certaines conditions, travailler pour des
employeurs privés ou publics, à l'extérieur de
l'établissement et revenir chaque soir au centre de détention.
Pour l'année 2006, quatorze détenus bénéficiaient
d'un contrat de travail à l'extérieur de l'établissement.
Sur ces quatorze, six n'étaient soumis à aucun régime de
surveillance particulier.
§ 2 : La
formation des détenus de CASABIANDA.
Les détenus du centre de détention de CASABIANDA
peuvent suivre soit des enseignements scolaires et académiques, soit des
formations professionnelles.
Si l'on observe les statistiques de l'année scolaire
2006-2007, la répartition des 62 détenus scolarisés (sur
les 175-185 détenus que compte l'établissement) en fonction de
leur niveau de scolarisation était la suivante :
Graphique 16 : Répartition de la
population carcérale de CASABIANDA scolarisée en 2006-2007 en
fonction de leur niveau de scolarisation.
Sur cet effectif de détenus, 36
ont obtenu un diplôme à l'issue de l'année scolaire. A
noter que l'un d'entre eux n'a pas pu présenter son DNB du fait de sa
libération conditionnelle. Ces 36 diplômés se
répartissaient de la manière suivante :
Graphique 17 : Répartition des
détenus ayant obtenu un diplôme en 2006-2007 en fonction du dit
diplôme.
Les formations professionnalisantes de maçon et des
espaces verts étant spécialement conçues pour
répondre à la fois aux besoins de l'activité du centre de
détention, mais correspondant aussi à des secteurs
d'activité ayant des difficultés de recrutement de personnels
qualifiés, aident ainsi à la réinsertion des
détenus une fois libérés.
Il faut ajouter à cela une formation dispensée
par les pompiers de Corte aux premiers secours. En 2006, vingt détenus
ont obtenus leur Attestation de Formation aux Premiers Secours.
Nous ne pouvons pas clore ce chapitre sans évoquer la
très faible proportion d'inactifs à CASABIANDA. Certains d'entre
eux le sont par choix. La plupart le subissent. Etre inactif, c'est risquer
d'être stigmatisé par ceux qui travaillent, voire par une partie
du personnel. Il existe même une expression pour décrire leur
quotidien : « ils pointent à la
plage » ; et ce n'est pas un compliment. En outre, le
vieillissement de la population entraîne des incapacités de
travail (faiblesse physique, retraite, ...). Ceux-ci ont tendance plus que les
autres à développer une forme d'ennui qui peut tourner à
la dépression lorsque se développe chez eux un sentiment
d'inutilité, renforcé par la constante activité du centre
et de leurs codétenus, ainsi que par la fréquente rupture des
liens familiaux.
Il serait salutaire de développer pour cette
population, des activités occupationnelles et utiles, qui leur
redonnerait le sentiment d'appartenir à une société
à laquelle ils contribuent.
La vocation économique de CASABIANDA a, nous l'avons
établi, un impact objectivement positif sur son environnement
immédiat, et au-delà sur toute la région Corse. Cette
importante originalité permet en outre aux détenus de
développer de nouvelles compétences professionnelles pour
certains, et, pour d'autres, d'entretenir leurs savoir-faire ; des atouts
précieux lorsque vient le moment de la réinsertion dans le monde
libre.
Chapitre 2 : Evolution et
perspectives de la population pénale de CASABIANDA.
L'un des éléments identifié par tous
comme une originalité de CASABIANDA repose sur la typologie de sa
population pénale. Nous avons pu voir dans la partie historique de ce
mémoire les facteurs qui ont progressivement influencé la
structuration de cette population en majorité composée
d'infracteurs sexuels. Voyons maintenant les caractéristiques de son
actuelle composition au travers d'une étude statistique (Section 1), et
de l'observation des catégories pénales qui composent
l'établissement (section 2).
Section 1 :
Eléments d'analyse et données statistiques de la population
pénale de CASABIANDA
Grâce à l'étude des rapports
d'activité du centre de détention, et de quelques autres
documents relatifs à l'établissement, nous remarquerons une
évolution sensible de la population carcérale de CASABIANDA
durant la dernière décennie tant dans son effectif, que dans la
typologie de sa population. Voici en quelques graphiques commentés
l'illustration de cette évolution (§1), avec une attention
particulière pour le travail du CNO dans l'orientation des
détenus vers CASABIANDA (§2).
§ 1 : Analyses de
quelques données statistiques relatives à la population
carcérale de CASABIANDA
Graphique n°18 : L'effectif global des
détenus de CASABIANDA, fluctuant autour des 175-185 détenus en
fonction des mois, ne semble pas particulièrement avoir
été atteint par l'augmentation nationale de la population
carcérale depuis 2001, dont l'effectif passait de 47.837 personnes
écrouées en 2001 à 60.403 en 2007.
Il faut cependant noter une légère
évolution de la densité carcérale de
l'établissement en raison de la fluctuation des places disponibles et
aux normes.
Graphique n°19 : En revanche, une tendance
lourde se dessine depuis quelques années avec l'augmentation de la part
des détenus originaires de la région PACA, plus du doublement de
ces détenus en 4 ans, au détriment des autres régions
françaises ; la part des détenus étrangers ne variant
que marginalement. Les raisons invoquées par l'administration
pénitentiaire à cette augmentation, tiennent à la
faiblesse du nombre de places disponibles dans les Centres de détention
de la région PACA, d'où une affectation plus importante de ces
détenus dans la Corse voisine. En revanche, les détenus d'origine
corse restent quant à eux en très faible proportion (autour de
3%).
Graphique n°20 : Le vieillissement de la
population de CASABIANDA est là aussi une tendance qui se confirme avec
les années. Plus de 20% des ces détenus avaient plus de 60 ans au
1er Mars 2008 (pour 3,7% en moyenne nationale dans les
établissements pénitentiaires). Une évolution
entamée avec l'année 2007, et qui pourrait, si elle venait
à trop se développer, poser quelques difficultés
d'organisation pour un établissement qui est en premier lieu
tourné vers des activités économiques qui
réclament, pour la plupart, une bonne condition physique. Cette forte
proportion peut s'expliquer, en partie, par la forte proportion d'auteurs
d'agression sexuelle, qui sont, en général, condamnés
à un âge déjà avancé, et à de longues
peines.
Graphique n°21 : La part des auteurs de viols ou
autres agressions sexuelles reste toujours élevée. Toutefois,
nous pouvons assister à une érosion de cette catégorie
pénale depuis le tournant des années 2000. Bien que
l'établissement aie déjà connu des proportions bien plus
faibles pour les infracteurs sexuels, cette diminution semble être une
nouvelle étape dans la composition de la population carcérale de
CASABIANDA. Une évolution admise afin d'observer le comportement d'une
plus grande population de droit commun non sexuel dans l'environnement de
CASABIANDA.
Graphiques n°22 et 23 : Du fait de
l'aggravation des peines pour agression sexuelle dans la dernière
décennie, et de la surexposition médiatique des procès
pour ces infractions entraînant de la part des juges un élan
d'exemplarité, les détenus de CASABIANDA ont suivi la tendance
nationale de l'allongement des peines prononcées pour ces infractions.
Une tendance qui se reflète dans ces deux graphiques.
Graphiques n°24 et 26 : Les politiques
pénales de ces dernières années aidant à la
multiplication des mesures de réduction de peines ou de
libération conditionnelle, le public de CASABIANDA ayant toujours
proportionnellement bénéficié plus que la moyenne
nationale de ces mesures, nous pouvons observer que le turn-over des
détenus de cet établissement s'est accéléré
depuis le tournant des années 2000.
Par ailleurs, la diminution du nombre moyen de jours de
détention passés à CASABIANDA poursuit son cours. Pour
expliquer ce processus, il faut ajouter aux causes précédemment
évoquées, l'augmentation en valeur absolue des détenus
pour des infractions autres que sexuelles, qui ont, en général,
un reliquat de peine moins élevée.
(Suite des analyses après les graphiques).
Graphique 19 :
Origine géographique des détenus de CASABIANDA.
Graphique 18 : Evolution de l'effectif de
la population carcérale de CASABIANDA.
Graphique 20 : Répartition par
âge de la population carcérale de CASABIANDA.
Graphique 21 : Répartition
proportionnelle par objet de condamnation des détenus de
CASABIANDA.
Graphique 23 : Répartition par quantum
de peine criminelle.
Graphique 22 : Répartition par
quantum de peine correctionnelle.
Graphique 26 : Evolution de la
durée moyenne du séjour des détenus à CASABIANDA en
nombre de jours.
Graphique 25 :
Motifs des sorties de 2007.
Graphique 24 : Flux d'entrée et de
sortie de la population pénitentiaire de CASABIANDA
Graphique 28 : Répartition de la
population carcérale de CASABIANDA au 31 mars 2008 en fonction du niveau
d'instruction des détenus.
Graphique 27 : Part des
orientation du CNO dans les détenus de CASABIANDA au 1er
juillet 2008.
Graphique 29 : Détenus occupés et
inoccupés de CASABIANDA.
Graphique n°25 : Sur les 10 transferts vers
d'autres établissements pénitentiaires pour l'année 2007,
deux détenus l'étaient pour réaffectation, aucun en 2004
et 2005, et un seul en 2003 et 2006.
Les libérations conditionnelles diminuent quant
à elles sensiblement, après un nombre de 23 en 2004, 27 en 2005
et un pic à 35 en 2006, elles retombent à leur niveau de 2003
avec 20 libérations conditionnelles en 2007.
Graphique n°28 : Sur la population
écrouée à CASABIANDA au 1er mars 2008, nous
observons que plus de 65% des détenus ont un niveau secondaire ou
supérieur, et seulement 2% ont un niveau illettré.
Graphique n°29 : Le taux d'occupation des
détenus est lui aussi en évolution. Pour un effectif de 200
détenus approximativement en 1966, 194 étaient occupés,
soit plus de 95%. Cette proportion était de 89% en 1991, 70% en 1998 et
atteignait 82% en août 2008. Ce dernier chiffre est bien sûr
à pondérer d'une part avec les chiffres nationaux de 32,9 % en
maison d'arrêt et 52,3 % en établissement pour peine, mais aussi
d'autre part au nombre moyen d'une quinzaine de détenus inoccupés
sur l'année. Cependant, pour un établissement qui axe une partie
de son identité sur le travail des détenus, ces presque 20%
d'inoccupés par rapport à la population pénale totale
peuvent interroger les observateurs.
Graphique n°27 : Ce graphique indique la
proportion actuelle des détenus qui ont été
orientés par le CNO avant leur arrivée à CASABIANDA. Ce
taux est aujourd'hui bien moins élevé que ce qu'il a pu
être par le passé. En 1966, tous les détenus
condamnés à des peines criminelles étaient passés
par le CNO, soit la majorité des détenus de CASABIANDA.
Il nous faut, à l'occasion de cette observation
statistique, nous attarder sur le travail du CNO pour CASABIANDA, afin
d'appréhender l'analyse de l'administration pénitentiaire quant
aux caractéristiques idéales des détenus orientés
vers la population pénale de CASABIANDA
§ 2 : Le travail
du CNO dans le choix des détenus pour CASABIANDA
A/ Du Centre National d'Orientation en
général
Le Centre National d'Orientation installé à
Fresnes en 1950, puis devenu Centre National d'Observation en 1985, a pour
double vocation de « faire le point sur la personnalité et la
situation du condamné au moment où celui-ci est accueilli au CNO
» et d'établir ensuite « des propositions
concrètes, de nature à permettre l'intégration de toute
peine d'emprisonnement dans un projet pénitentiaire global
»75(*). Ce travail
s'appuie sur la philosophie générale posée par l'article
D74 du CPP qui définit ainsi la procédure d'orientation :
« Art. D74 du CPP : La procédure
d'orientation consiste à réunir tous les éléments
relatifs à la personnalité du condamné, son sexe, son
âge, ses antécédents, sa catégorie pénale,
son état de santé physique et mentale, ses aptitudes, ses
possibilités de réinsertion sociale et, d'une manière
générale, tous renseignements susceptibles d'éclairer
l'autorité compétente pour décider de l'affectation la
plus adéquate. »
Composé d'une équipe pluridisciplinaire
(45 personnes réunissant des psychiatres, des psychologues, des
éducateurs et assistants sociaux ainsi que des personnels de
surveillance volontaires et spécialement formés), le CNO est
chargé de structurer un dossier d'observation qui comprend un bilan
pluridisciplinaire, une synthèse de détention et un bilan
d'observation psychologique, afin que l'administration pénitentiaire
puisse affecter les détenus concernés dans un
établissement pour peine.
Pour effectuer ce travail, l'équipe du CNO accueille
des cohortes de 30 à 40 détenus pour un cycle de 6 semaines et ce
pour 9 cohortes par an.
Pour m'illustrer la rigueur du travail du centre, un
détenu de CASABIANDA me confiait : « ils nous observe
sous toutes les coutures ; limite s'ils ne regardent pas comment on va
pisser ».
Le passage au CNO était en principe
réservé aux condamnés dont le reliquat de peine
était égal ou supérieur à 10 ans. Cependant,
depuis la circulaire du 18 novembre 2003 les directions
inter-régionales de l'administration pénitentiaire peuvent
désormais proposer un passage au CNO quel que soit le quantum de peine
du détenu afin de dresser un bilan d'évolution de la
personnalité du condamné « dans la perspective
d'une meilleure individualisation du régime de détention pouvant
aboutir à un changement de régime de détention, ou en
prévision d'une mesure d'aménagement de
peine » ; la décision finale appartenant toujours
à l'administration pénitentiaire.
Les détenus observés aux CNO sont donc souvent
à un tournant de leur peine :
- Passage de Maison Centrale à centre de
détention.
- Détenu signalé DPS (Détenu
Particulièrement Surveillé) demandant la levée de cette
mesure.
- Trouble particulier manifesté en
détention.
- Depuis la loi DATI de février 2008, les demandes
d'avis du CNO transmises par les Juge d'application des peines ou les Tribunaux
d'application des peines, pour certaines libérations conditionnelles.
- Certaines réaffectations (dont celles vers
CASABIANDA) nécessitant une attention particulière.
B/ Des orientations du CNO vers CASABIANDA en
particulier
Nous l'avons étudié lors de l'historique, la
politique d'orientation par le CNO de détenus vers CASABIANDA est une
élaboration conjointe entre le premier directeur de
l'établissement, et le premier directeur du centre de Fresnes. Cette
politique s'articulait autour de la nécessité d'avoir des
détenus capables de respecter les limites et tentations
constituées par les libertés de CASABIANDA, et de pouvoir compter
sur leur force de travail pour transformer la friche du domaine en performante
exploitation agricole.
En 1966, dans le mémoire de Madame CRISTIANI76(*), les critères
d'orientation n'avaient finalement que peu changé depuis leur
origine :
« Pour CASABIANDA, le critère est
double : d'abord, eu égard au caractère du Centre ouvert, il
est exclu d'y envoyer des criminels dangereux, des caïds qui pourraient
profiter des circonstances pour garder de dangereux contacts avec
l'extérieur. Puis, le régime n'étant pas
sévère, on y envoie des détenus de bonne volonté
qui paraissent amendables, de préférences aux têtes dures
qui ne cherchent qu'à faire de l'obstruction. Ceci pour le
caractère des détenus ; mais aussi, on tient compte de la
qualification professionnelle des condamnés. Cela va de soi, puisque la
population pénale a la charge d'exploiter le
Domaine ».
Aujourd'hui encore, ces préconisations sont toujours
valables. De l'avis de personnels de l'administration pénitentiaire
très avisés sur la question, les détenus
préconisés par le CNO doivent « inspirer
confiance ». Ils doivent
« mériter » CASABIANDA. La
« quiétude » du centre de détention
est une « variable » dans le choix des
détenus. Ce sont donc les « moins
dangereux » qui y sont envoyés ; parfois ceux qui
ont un projet professionnel autour des espaces verts.
Tous ces paramètres entraînent donc une forme
« d'homogénéité » de la
population carcérale de CASABIANDA. Chose remarquable toutefois, le
critère de l'infraction pénale commise par l'auteur n'est pas un
critère de choix mis en avant. Pourtant, force est de constater que
l'homogénéité de CASABIANDA s'organise autour des
infracteurs sexuels. Une population qui semble remplir les conditions de
sécurité précédemment mentionnées.
Section 2 :
Particularités de la population carcérale de CASABIANDA
Au 1er Janvier 2007 les condamnés pour viols
et agressions sexuelles représentaient en France 19,7% des
condamnés incarcérés (soit une population de près
de 8.260 détenus). À CASABIANDA, à la même date,
c'est plus de 80% de la population pénale qui s'était rendue
coupable de ces infractions.
Pourtant, jusque très récemment, rien, à
part cette forte proportion des détenus pour infraction à
caractère sexuel, ne pouvait faire de CASABIANDA un établissement
spécialisé dans l'accueil d'une population d'infracteurs
sexuels.
Il faut donc, pour comprendre cette spécificité,
s'arrêter quelques instants sur cette catégorie pénale
(§1), mais aussi sur la part de la population de CASABIANDA qui ne
relève pas de ces infractions (§2).
§1 : Etude
succincte des détenus pour infractions pénales à
caractère sexuel
Les violences à caractère sexuel
représentent en France autour de 23.000 faits constatés chaque
année par les forces de police ou de gendarmerie. Dans près de
60% des cas, la victime est mineure au moment des faits. En 2006, les auteurs
de ces violences étaient au nombre de 14.276, dont 74,6% d'hommes
majeurs, 23% d'hommes mineurs, 1,6% de femmes majeures et 0,7% de femmes
mineures77(*).
Si l'on s'attarde sur les auteurs des violences sexuelles sur
mineurs qui sont la part majoritaire de ces violences, nous constatons
d'après une étude menée par le Groupe
d'Intérêt Public enfance en danger en 200278(*) que 53,8% sont issus de la
famille proche (dont 30,8% pour les pères des victimes).
Bien que les études au sujet des infracteurs sexuels
fassent encore l'objet de nombreux débats dans la communauté
scientifique, nous envisagerons tout d'abord pour mieux les comprendre, au
travers des conclusions des courants scientifiques majoritaires, la psychologie
de ces criminels (A/). Puis, CASABIANDA étant considéré
par eux-mêmes comme une chance, nous observerons ensuite le sort que bien
souvent les prisons traditionnelles leur réserve (B/).
A/ Profils psychologiques et psychopathologies des
infracteurs sexuels
Si l'on considère que l'agression sexuelle est hors de
la norme collective, comme le font majoritairement nos différents modes
de contrôle sociaux (loi, morale, règles sociales
interpersonnelles, ...), il est nécessaire de comprendre le modus
operandi qui génère de tels comportements, afin de
prévenir la récidive de leurs auteurs, mais aussi d'anticiper sur
les infractions futures de potentiels criminels.
Envisagée sous l'angle criminologique, la
définition de l'agression sexuelle peut être la suivante :
Infraction pénale à caractère sexuelle, qui porte atteinte
à l'intégrité physique d'une personne, afin, pour
l'auteur, d'assouvir un désir pulsionnel dans le but d'y trouver un
plaisir satisfaisant.
S'il y a passage à l'acte, c'est donc que la conscience
de l'auteur a été insuffisamment adaptée à la norme
sociale pour empêcher cette infraction. La défaillance de la
conscience de l'infracteur peut s'envisager selon quatre niveaux,
éventuellement concomitants :
- 1°) l'intériorisation de la loi a
été insuffisante pour qu'elle prévale à
l'assouvissement de la pulsion.
- 2°) l'auteur de l'infraction n'a pas su
« gérer » sa pulsion. Il ne supporte pas la
frustration que génèrerait l'insatisfaction de cette pulsion.
- 3°) l'auteur de l'infraction n'a eu aucune empathie
pour la victime, il n'est pas affecté par la souffrance qu'il
crée.
- 4°) le plaisir attendu par la réalisation de
l'infraction est placé à un niveau tellement élevé
dans l'échelle de satisfaction de l'individu, que dans une vision
narcissique de ce plaisir, l'assouvissement de celui-ci justifie les moyens d'y
parvenir, que la question de la souffrance de la victime soit
conscientisée par l'auteur (dans les cas de sadisme), ou non.
En novembre 2001, se réunissait, à Paris, la
5ème conférence de consensus de la
Fédération Française de Psychiatrie sur le thème
des Psychopathologies et traitements actuels des auteurs d'agressions
sexuelles ; une conférence fondatrice des orientations
actuelles sur ces questions en matière criminologique et judiciaire.
Lors de cette conférence de nombreux experts ont
exposé divers volets traitant des infracteurs sexuels et de leurs
traitements. Le Professeur SENON présentait ainsi un recueil de
Théories des causes impliquées dans les agressions
sexuelles : intérêt en prévention, en clinique et en
thérapeutique, celui-ci nous permet de mieux cerner l'état
d'avancement des recherches en la matière79(*), et d'isoler celles propres
à la psychologie de l'auteur de l'infraction :
Hypothèses des causes des agressions
sexuelles
|
Intérêt en prévention
|
Intérêt en clinique
|
Intérêt en thérapeutique
|
Psychosociologiques
|
Famille relationnelle
|
Interventions précoces sur les familles symbiotiques
|
Repérage des psychopathologies familiales
|
Thérapies familiales
|
Carence paternelle
|
Actions socio-éducatives
|
Non établi
|
Prise en charge individuelle
Thérapies familiales ?
|
Dissociation familiale
|
Actions socio-éducatives
|
Non établi
|
Thérapies familiales ?
|
Hypothèses des causes des agressions
sexuelles
|
Intérêt en prévention
|
Intérêt en clinique
|
Intérêt en thérapeutique
|
Criminologiques
|
Maladie mentale et agressions sexuelles
|
Non établi
|
Non établi
|
Prise en charge des comorbidités : alcoolisme,
toxicomanies
|
Maltraitance
|
Actions socio-éducatives
|
Non établi
|
Non établi
|
Séparation viol/inceste/pédophilie
|
Non établi
|
Non établi
|
Hiérarchiser les priorités de prise en charge
|
Sur-répression des infractions sexuelles
|
Actions d'information
|
Non établi
|
Non établi
|
Biologiques
|
Androgènes
|
Non établi
|
Non établi
|
Hormonothérapies
sur indications précises
|
Sérotonine
|
Non établi
|
Non établi
|
Non établi
|
Psychanalytiques
|
|
Non établi
|
Modèle dans la pratique quotidienne
|
Psychothérapies aménagées
Régulation et supervision des interventions
|
Comportementales et cognitives
|
Préférences sexuelles
|
Non établi
|
Non établi
|
Thérapies comportementales
|
Déficit des aptitudes sociales
|
Actions socio-éducatives
|
Non établi
|
Non établi
|
Distorsions cognitives
|
Actions socio-éducatives
|
Non établi
|
Thérapies cognitivo-comportementales
|
En commentaire à ce tableau, il est intéressant
de noter que, de la même manière que cela a été fait
pour les intérêts en prévention, en clinique et en
thérapeutique, la sanction de l'infraction n'est pas envisagée
dans le but d'élaborer une colonne permettant de dégager un
intérêt pénologique à la cause de l'infraction.
Pourtant, nous pouvons penser que si des causes
différentes pour une même infraction, ou une infraction similaire,
appellent une réponse préventive, clinique ou
thérapeutique différente, elles devraient, de la même
manière, appeler une sanction pénale adaptée, voire
différenciée (j'entends par là, aller au-delà de la
simple réponse pénale proportionnée) en fonction des
causes de l'infraction commise.
Peut-être, à l'avenir, les progrès
scientifiques dans les causes référencées dans ce tableau,
pourraient-ils permettre de sanctionner différemment un père
incestueux d'un violeur récidiviste, en trouvant la peine la plus
adaptée à sa réinsertion future ; celle-ci devant
bien sûr protéger de manière optimale la
société, mais aussi se limiter aux strictes et nécessaires
suppressions des libertés individuelles de l'auteur et ainsi donner
l'opportunité aux professionnels de combler les carences, ou de corriger
les troubles, mis à jour par la recherche des causes de l'infraction.
Si l'on détaille la psychologie des auteurs
d'infractions à caractère sexuel, malgré la
diversité des profils, certains chercheurs mettent en avant des lignes
directrices communes. Les auteurs d'agressions sexuelles sont souvent atteints
de troubles graves du narcissisme, une fragilité du
sentiment de continuité identitaire, et une menace d'effondrement
dépressif, liés à des angoisses majeures
d'altération voire de disparition de la représentation de
soi80(*). En outre,
ces mêmes chercheurs soulignent la récurrence d'une carence
affective subie pendant l'enfance des infracteurs.
Dès lors, si l'on doit rapprocher ces analyses de la
pénologie carcérale qui nous occupe ici, nous pouvons
considérer que les infracteurs sexuels sont particulièrement
réceptifs à un cadre structurant et contraignant, et qui les
responsabilisent, voire les valorisent (ce qui aura le double effet de les
rassurer et de satisfaire positivement leur ego, loin des satisfactions
narcissiques répréhensibles qu'ils avaient jusqu'alors). Une
peine adaptée à leur psychologie permettra ainsi d'autant mieux
de les rendre disponibles à une prise en charge thérapeutique,
qui demeure, dans leurs cas, indispensable.
B/ Devenir pénitentiaire de détenus pour
infractions à caractère sexuel.
Les détenus pour infraction à caractère
sexuel ont un surnom en prison : les
« pointeurs » ou
« pointus ». Sobriquet peu aimable qui
dénote bien de l'irrespect latent qui existe à leur endroit dans
les couloirs de détention. Ils sont considérés par
beaucoup de leurs codétenus comme « des
anormaux »81(*). Statut particulier dans une communauté
d'individus qui tous, à leur manière, sont, ou ont
été, en dehors de la norme sociale. Comme le montre avec beaucoup
de pertinence les auteurs de Sexualités et violences en
prison : ces abus qu'on dit sexuels en milieu
carcéral82(*), ils sont placés au bas de la
hiérarchie sociale carcérale, aux côtés des
homosexuels et des « balances ». Par
conséquent, ils subissent des pressions voire des violences de toutes
sortes. Le premier passage en prison, qui se fait en maison d'arrêt
pendant la détention préventive, est souvent le synonyme du
début des humiliations. Pour décrire ce quotidien, je reprendrai
la présentation qu'en faisait Christian SALOM dans son
mémoire83(*) :
« D'après les témoignages
recueillis avec beaucoup de retenue et de pudeur dans l'évocation des
souvenirs carcéraux, des constantes se dégagent, seuls quelques
rares établissements pénitentiaires en France réussissent
à instaurer des conditions de détentions identiques pour tous les
détenus.
Mais dans la majorité des cas, pour les
« protéger » et souvent à leur demande, les
détenus de cette catégorie d'infraction sont soit isolés,
soit regroupés entre eux, parfois dans un quartier spécial ou une
aile d'un bâtiment.
D'après le règlement, ils peuvent participer
aux activités, aux séances de sport, aux cours scolaires.
Ils doivent aussi aller se doucher, se rendre à la
bibliothèque, à un entretien avec le travailleur social ou le
service médical.
Dans la pratique, chaque déplacement est une
épreuve, un risque de rencontre avec les codétenus, d'agression
verbale ou physique, de menaces qui renforcent un stress permanent.
Alors se mettent en place les premiers comportements
d'adaptation aux dures réalités carcérales : pas de
sport, pas de sortie en promenade, pas de demande d'activité ou
d'enseignement, les déplacements à l'initiative du détenu
sont réduits au strict minimum.
Pourtant, il faut bien sortir de la cellule, l'avocat
insiste sur l'utilité d'entamer un suivi psychologique avant le
procès pour montrer le repentir et l'évolution de son client, les
mois ou années de la longue détention provisoire ne peuvent pas
se passer à l'isolement sans dégâts, il faut travailler,
s'occuper.
Chaque sortie est source d'angoisse, et oblige à
rechercher la protection.
Cette condition carcérale particulière, les
détenus en parlent peu, surtout quand ils ont subi des agressions
sexuelles. »
Dans ce traitement subit par « les
pointeurs », ce qui peut paraître le plus paradoxal pour
un observateur extérieur, c'est cette importante propension à
subir des violences sexuelles, alors même que c'est
précisément le comportement déviant que leur reproche les
autres détenus. Pour éclaircir ce paradoxe, les auteurs de
Sexualités et violences en prison, expliquaient que
« violer un pointeur, ce n'est pas devenir soi-même un
violeur, ni même un « pédé », c'est
infliger physiquement et symboliquement une sanction négative et imposer
une marque de distinction selon les critères de hiérarchisation
dominants »84(*). Par conséquent, afin de s'extraire de
cette catégorie carcérale, certains auteurs de viol en
réunion, ou des infracteurs sexuels au passé de voleurs ou de
braqueurs, auront tendance à vouloir imposer leur domination aux
pédophiles ou aux violeurs de personnes en état de faiblesse, et
ainsi quitter symboliquement le groupe des
« pointeurs ».
Une fois placés en centre de détention, les
« pointeurs » subissent des pressions devenues
plus subtiles. Mais les rackets, violences et autres agressions, restent, dans
la majorité des cas, toujours le lot quasi quotidien des détenus
pour infractions sexuelles. Ils chercheront donc par tous les moyens à
dissimuler les raisons de leur incarcération, et la nature de leur
infraction.
Les conséquences de ce traitement ont été
longuement développées par Christian SALOM dans son
mémoire. La conclusion majeure, pour notre étude, qu'il tire de
son travail démontre que « le traitement subit par les
infracteurs sexuels en détention crée ou renforce
l'incapacité à reconnaître l'acte commis et rend plus
délicat, voire impossible un travail d'incitation au soin85(*) ».
Par conséquent, une détention subie dans de
bonne condition de sécurité pour les détenus participe
notablement au travail nécessaire à une réinsertion
sécurisante pour la société.
De l'observation de la psychologie des infracteurs sexuels et
de leur devenir carcéral, se dégagent deux conclusions :
- Par leur faiblesse morale latente, par leur
intérêt à quitter des centres de détention où
les populations pénales les rejettent voire les humilient, et bien
souvent par leur tendance naturelle à se soumettre à une
hiérarchie, les infracteurs sexuels semblent en effet tout à fait
adaptés à un régime de sécurité fondé
en grande partie sur des obstacles psychologiques, et semble, en outre, avoir
tout intérêt à respecter les règles de
détention de CASABIANDA.
- Ensuite, le fonctionnement de CASABIANDA est sans doute plus
à même que les autres types de détention, d'aider à
la reconstruction psychologique des intéressés (sans toutefois
croire que cela fasse des « miracles »).
§2 : Observation
de la part minoritaire des détenus de CASABIANDA.
Si l'on s'intéresse aux autres détenus de
CASABIANDA, qui correspondent à un peu moins du quart de la population
pénale de l'établissement, nous constatons que les plus nombreux
sont des auteurs d'homicides. A noter également la recrudescence, tant
en valeur absolue que relative, des détenus pour Infraction sur la
Législation des Stupéfiants. Une catégorie pénale
qui avait pourtant causé des difficultés à
l'établissement par le passé.
Selon certains, l'affectation pour quelques rares cas de
détenus à CASABIANDA est une réponse de l'administration
pénitentiaire à la collaboration de ceux-ci à la
manifestation de la vérité dans une affaire dont ils ont eu
connaissance. Mesure de reconnaissance, ou stratégie
d'éloignement pour prévenir de possibles représailles,
toujours est-il que ce transfert découle d'un intérêt
commun à l'administration pénitentiaire et aux détenus
concernés.
Les membres de ce dernier quart de la population attache
parfois beaucoup d'importance à faire savoir au personnel, la nature de
l'infraction qu'ils ont commise. Ou plus précisément, leur non
appartenance à la catégorie « pointeur ».
Leur manière de se présenter en vient parfois même à
devenir singulière : « Moi je ne suis pas comme eux
(les pointeurs) ; moi ce que j'ai fait, c'est pas grave par
rapport à eux ». Pourtant, ce « qu'il a
fait » en l'occurrence était un crime de sang. Une
attention toute particulière doit donc être attachée
à ces jugement de valeur, qui, bien que conforme à ce que pense
probablement la majeure partie de l'opinion, entraîne dans le processus
de reconstruction une forme de déni de gravité de l'acte qu'il a
commis, diminuant d'autant la sincérité de son amendement.
De plus, et bien que cela ne soit pas encore dans des
proportions pour l'instant inquiétantes, certains de ces détenus
semblent chercher à se regrouper et se mettent parfois à adopter
des comportements méprisant à l'égard des
« pointus ». Tant que ces derniers seront majoritaires,
défier cette catégorie dans sa globalité serait dangereux,
mais la tendance actuelle à augmenter la proportion de détenus
pour infractions non sexuelles doit être accompagnée d'une
surveillance accrue des rapports sociaux en détention.
La population carcérale de CASABIANDA est, nous l'avons
démontré au fil de notre étude, aujourd'hui clairement
identifiable par la répartition des catégories pénales de
ses détenus et par le profil psychologique des prisonniers qui y
accèdent. Par ailleurs l'établissement répond, dans son
fonctionnement actuel, tout à fait aux critères
pénologiques les plus pertinents pour sanctionner, dans le cadre de la
détention, les détenus coupables d'infraction sexuelle.
Toutefois, les dernières années de
fonctionnement montrent une évolution notable de la population
pénale de l'établissement (catégorie pénale,
âge des détenus, orientation faites par d'autres acteurs que le
CNO...). La vigilance doit donc être de mise pour que les
équilibres jusque là préservés ne pâtissent
pas de ces évolutions.
Cette première partie a permis, nous l'espérons,
de rendre claire, et incontestable, l'identité et la tradition
pénitentiaire de CASABIANDA. Certes des originalités existent,
mais elles ne font finalement que recentrer l'établissement sur les
fondamentaux d'un établissement carcéral, en limitant à
leur plus simple expression les moyens de contrôle des détenus. La
prison est un espace dans lequel s'exerce la limitation d'aller et venir qui
est la peine des détenus. Il n'est pas fait mention dans les principes
généraux du droit pénal que cette limitation doit se faire
dans une cellule de 9 m² pour toute la durée de
l'incarcération.
CASABIANDA a, en outre, comme composante de son
identité, une tradition d'innovation. Que ce soit dans son organisation
ou dans le traitement des libertés octroyés aux détenus,
ce centre de détention a pu, à plusieurs reprises dans son
histoire, être un espace d'expérimentation. La curiosité de
cet établissement tient aussi au fait que ces expérimentations
n'ont que rarement, voire jamais, été évaluées. Il
n'existe pas, à ma connaissance, de projet d'établissement
portant sur sa population pénale par exemple.
En observant le paysage carcéral français, nous
pouvons constater que prises indépendamment, la plupart des
originalités de CASABIANDA qui composent son identité, peuvent
maintenant se retrouver dans d'autres établissements
pénitentiaires. La majorité d'infracteurs sexuels à CAEN,
ou encore la vocation agricole à MAUZAC. Mais l'accumulation de ces
originalités rend toutefois CASABIANDA unique, et pas seulement en
France. La deuxième partie de ce travail sera donc consacrée
à l'étude de ce statut et aux conséquences de celui-ci.
- Partie II - CASABIANDA, prison unique et
embl\u233·matique.
Titre 1 : Le
caractère exceptionnel de CASABIANDA
CASABIANDA est unique. C'est bien souvent la définition
qui vous est donnée de cet établissement par les gens qui
travaillent, ou ont travaillé dans ce centre de détention. Cette
qualité lui donne à l'évidence un caractère
exceptionnel. En témoigne le flot régulier d'officiels qui
foulent son sol une fois en fonction. La plupart des Gardes des Sceaux de la
Vème République, de nombreux Directeurs de
l'administration pénitentiaire, parlementaires ou
délégations étrangères venues en observation.
Pourtant, après s'être déclarés surpris,
étonnés, interpellés par le fonctionnement original, voire
unique de ce lieu, les réactions des officiels français semblent
se borner à oublier CASABIANDA, l'administration réagissant
ensuite en fonction de la politique pénale du moment. CASABIANDA pourra
alors apparaître tantôt comme un élément encombrant
à éviter de promouvoir, tantôt comme une
expérimentation hors normes qui prouve le progrès de notre
système pénitentiaire dans le chemin de l'humanisation des
conditions d'incarcération (surtout quand vient le temps des
condamnations des autorités internationales quant au caractère
inhumain de certaines prisons françaises).
Cette inconsistance entraîne une inquiétude
latente quant à l'avenir de ce lieu. Chaque fois qu'un projet
pénitentiaire est envisagé en Corse, le spectre d'une possible
fermeture de CASABIANDA refait son apparition. Ce fut déjà le cas
lors de l'ouverture de la maison d'arrêt de BORGO, et le projet d'un
nouvel établissement pénitentiaire à Ajaccio ravive
aujourd'hui ces inquiétudes.
Afin de clarifier ce rôle unique que joue CASABIANDA
dans l'administration pénitentiaire, et qui protège certainement
ce centre de détention de toute velléité de fermeture,
nous verrons comment celui-ci remplit les missions qui sont confiées
à l'administration pénitentiaire (chapitre 1), la place qu'elle
occupe dans la pénologie pénitentiaire en France et dans le monde
(chapitre 2), et enfin, quelles conséquences dans son fonctionnement
entraînent les originalités de CASABIANDA (chapitre 3).
Chapitre 1 : De l'applications
des missions de l'administration pénitentiaire par le prisme de
CASABIANDA.
Les missions de l'administration pénitentiaire sont
encadrées par deux textes fondateurs du code de procédure
pénale et une décision du conseil constitutionnel qui
réaffirment ces principes:
« Article D188
Le service public pénitentiaire a pour fonction
d'assurer la mise à exécution des décisions judiciaires
prononçant une peine privative de liberté ou ordonnant une
incarcération provisoire, et d'assurer la garde et l'entretien des
personnes qui, dans les cas déterminés par la loi, doivent
être placées ou maintenues en détention en vertu ou
à la suite de décisions de justice.
Article D189
A l'égard de toutes les personnes qui lui sont
confiées par l'autorité judiciaire, à quelque titre que ce
soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la
dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes
les mesures destinées à faciliter leur réinsertion
sociale. »
« L'exécution des peines privatives de
liberté en matière correctionnelle et criminelle a
été conçue, non seulement pour protéger la
société et assurer la punition du condamné, mais aussi
pour favoriser l'amendement de celui-ci et permettre son éventuelle
réinsertion. »86(*)
Conseil Constitutionnel, Décision n° 93-334 du 20
janvier 1994
De ces articles et de cette décision se dégagent
deux types de public à qui s'adresse l'exécution des
peines : la société d'une part (section 1) et le
détenu d'autre part (section2).
Section 1 : Des
intérêts de la société dans l'application des peines
à CASABIANDA.
Comme dans toute peine, l'emprisonnement à CASABIANDA a
deux incidences sociétales. Il doit neutraliser l'individu pour toute la
durée de sa peine en l'empêchant de commettre de nouvelles
infractions (§1) ; et il doit s'efforcer d'empêcher la
réitération de l'infraction, évitant ainsi de nouvelles
victimes (§2).
§ 1 : De la
neutralisation des détenus à CASABIANDA.
Lorsque le législateur de la Révolution
Française décide d'ériger la peine privative de
liberté comme principale sanction pénale87(*), il la considère comme
la plus adaptée aux aspirations humanistes qui portent les discours des
philosophes du XVIIIème, mais aussi comme tout à fait
conforme à l'obligation de protection que doit nécessairement
revêtir une sanction pénale. L'emprisonnement permet en effet
d'écarter temporairement ou définitivement d'une
société un de ses membres jugé dangereux, et de
l'empêcher ainsi de causer de nouveaux dommages.
Le principal article réglementaire relatif à
cette mission est l'article D.268 du code de procédure pénale qui
stipule :
« Toutes dispositions doivent être prises
en vue de prévenir les évasions, notamment en ce qui concerne la
disposition des locaux, la fermeture ou l'obturation des portes ou passages, le
dégagement des couloirs et des chemins de ronde et leur
éclairage. Tout aménagement ou construction de nature à
amoindrir la sécurité des murs d'enceinte est
interdit. »
Force est de constater que CASABIANDA ne répond que
partiellement à cette réglementation.
Tout d'abord, la dernière disposition de l'article est
inapplicable puisque les murs d'enceinte sont inexistants à CASABIANDA.
Ensuite, la disposition des locaux peut être
considérée comme peu pertinente au regard de la prévention
des évasions : ils sont, en effet, à quelques centaines de
mètres de la plage, et à 2 km à vol d'oiseau de la route
nationale qui coupe le domaine.
Enfin, la fermeture ou l'obturation des passages sont
limitées au regard des critères carcéraux habituels,
puisque ce sont des moustiquaires qui obstruent les ouvertures en lieu et place
de barreaux. Cependant, pour répondre à cette
préoccupation de restriction des allers et venues des détenus, il
a été mis en place une ceinture de détecteurs de
mouvements activée autour des bâtiments accueillant leur
« chambre ».
Toutefois, CASABIANDA répond plus à l'esprit de
la règle, qu'à sa lettre. En effet, les espaces et les distances
qui entourent le domaine font office de barrières, au moins
psychologiques, qui peuvent décourager d'hypothétiques
évasions. Mais la clef de la neutralisation des détenus à
CASABIANDA est avant tout dans la tête de ceux-ci. Je citerai ici deux
remarques que me faisaient des détenus. Pour le premier,
« à CASABIANDA, les barreaux ils sont dans la
tête », et le second rajoutait : « Les
murs ici n'existent pas : quand tu prends ton tracteur, c'est toi qui dois
en mettre dans ta tête à la nationale ». Et,
vraisemblablement, ces murs et barreaux psychologiques sont
particulièrement efficaces puisque aucune évasion n'est à
déplorer dans cet établissement depuis de très nombreuses
années. Comment cet établissement arrive-t-il à ce
résultat ? Au lieu d'empêcher ou de décourager
l'évasion, CASABIANDA la vide de son sens : l'individu n'a plus
intérêt à quitter l'établissement, et la
communauté des autres détenus n'a pas intérêt
à ce que l'un de ses membres ne s'évadent.
Quitter CASABIANDA par la route ou par les terres signifie
accepter de traverser le maquis ou les villages corses. Une épreuve qui
nécessite des soutiens locaux, sans quoi la discrétion qui
prévaut à ce genre de projet est vite compromise par la vigilance
naturelle des natifs de l'île (d'où la très faible
proportion de Corses dans la population pénale). Rejoindre le port ou
l'aéroport le plus porche nécessitant au moins 1h30 de route, ce
temps semble suffisant aux autorités pénitentiaires pour
constater et signaler aux autorités aéroportuaires et maritimes
la présence potentielle d'un fugitif qui pourrait utiliser leurs
installations.
Mais le principal argument qui incite les prisonniers à
rester le temps de leur peine à CASABIANDA est l'incontournable
comparaison avec les autres centres de détention. Fuir et se faire
reprendre, revient à être transférer dans un autre
établissement pénitentiaire. Alors, pourquoi risquer de quitter
un lieu ou la sécurité individuelle est plus garantie que dans
tout autre établissement pénitentiaire ? Pourquoi quitter un
lieu où de grands espaces de verdure et l'air marin sont des horizons
quotidiens ? Pourquoi quitter un lieu où accueillir sa famille se
fait avec beaucoup moins de honte et de ressentiment que dans les autres
prisons ? S'évader de CASABIANDA n'a par conséquent que peu
d'intérêt.
§ 2 : De
l'exemplarité de la peine à CASABIANDA.
« Le but des châtiments n'est autre que
d'empêcher le coupable de nuire encore à la société
et de détourner ses concitoyens de tenter des crimes
semblables. »
Cesare Bonesana BECCARIA, Traité des délits et
des peines.88(*)
La fonction préventive s'adresse donc, selon BECCARIA,
à la fois aux condamnés et aux potentiels nouveaux infracteurs.
Voyons, tour à tour, pour chacun de ces publics l'exercice de la
fonction d'exemplarité du centre de détention de CASABIANDA.
A/ Les condamnés
Depuis que les peines d'élimination ont disparu de
l'arsenal répressif français, la peine de prison à temps
fait figure de peine la plus sévère. Le cas de CASABIANDA en
devient par conséquent paradoxal. En effet, la peine ne devrait,
d'après l'analyse traditionnelle de sa vocation exemplaire, qu'inspirer
peur et dégoût. L'incarcération devrait par
conséquent être pénible et angoissante afin de dissuader
celui qui la subit de vouloir commettre une nouvelle infraction.
Au premier abord, subir sa peine à CASABIANDA ne semble
pas particulièrement pénible et angoissant. C'est cependant
oublier que les détenus qui y arrivent ont déjà
expérimenté l'incarcération dans un autre
établissement. Un temps qui leur permet d'apprécier les
conditions uniques de détention de CASABIANDA. Cette perception,
accompagnée de la certitude que cette chance ne se présentera pas
deux fois, influence l'esprit de celui qui recouvrira sa liberté.
En outre, en orientant majoritairement à CASABIANDA des
infracteurs sexuels, détenus qui subissent souvent des pressions ou des
violences pendant leur parcours carcéral, l'administration
pénitentiaire choisit des détenus dont l'image négative de
l'emprisonnement traditionnel est déjà suffisamment
assimilée pour créer chez eux une empreinte que n'aurait pu
aggraver de nouvelles années en détention traditionnelle.
De plus, la plupart des détenus pour d'autres
infractions que sexuelles que j'ai pu rencontrer à CASABIANDA,
semblaient relever de la catégorie élaborée par Enrico
FERRI des criminels d'occasion, et plus particulièrement d'une
division de ceux-ci : les criminels de passion89(*). Sans refaire ici le
développement qui dépeint ces catégories de
détenus, je rappellerai qu'ils sont, à l'inverse des
catégories de criminels-nés et habituels, des
détenus dont l'infraction a souvent, par nature, statistiquement peu de
chance de se reproduire. Soit que les causes de leur infraction aient disparu
en même temps que la consommation de celle-ci (dans le cas des crimes
passionnels par exemple). Soit que l'application d'une sanction au
condamné rend celle-ci certaine dans la psychologie de l'infracteur,
là où elle n'était qu'hypothétique avant que la
justice ne passe. Le criminel va, par conséquent,
réévaluer sa perception du ratio risque/avantage qui l'a
mené à commettre sa première infraction, lorsque la
tentation d'une nouvelle se présentera à lui.
Enfin, il ne faut pas exclure le fait que
l'incarcération à CASABIANDA, bien que dans certains aspects
moins pénibles que dans d'autres lieux de détention, n'en reste
pas moins une période de privation de liberté et
d'éloignement de son environnement, avec tout ce que cela entraîne
de pertes pour l'individu (perte familiale, perte d'une situation sociale,
perte de revenus ...).
B/ Les criminels potentiels
Le deuxième public à qui s'adresse
traditionnellement la fonction exemplaire de la peine est l'ensemble abstrait
des criminels potentiels.
La force de dissuasion d'une peine est classiquement admise
d'après deux indicateurs : la sévérité de la
peine et la certitude de celle-ci. Or, depuis l'étude de Jack GIBBS de
196890(*), qui
démontre que la certitude d'être sanctionné a deux fois
plus de portées dissuasives que la sévérité de la
peine applicable, il est admis que la certitude de la sanction et le principal
facteur de dissuasion, la portée de la sévérité en
est par conséquent diminuée d'autant.
L'argument qui prétendrait faire de CASABIANDA une
incitation à l'infraction ne tient donc qu'imparfaitement. En outre, ce
serait vite oublier que les détenus de CASABIANDA ont tout d'abord
accompli la première partie de leur peine dans des modes de
détention plus conforme à l'imaginaire collectif. Le criminel
potentiel doit donc savoir que l'accomplissement de sa peine se fait par
principe dans une prison fermée, et que CASABIANDA n'est qu'un
régime d'exception réservé à certains
détenus.
Section 2 : Des
intérêts des détenus dans l'application des peines à
CASABIANDA.
Avec la réforme AMOR, l'histoire des peines
infligées par la société aux différents criminels a
mis en avant deux conséquences majeures pour les criminels qui les
subissent : permettre l'amendement du condamné (§1) ; et
préparer sa réinsertion dans la société
(§2).
§ 1 : De
l'amendement du condamné à CASABIANDA.
« Que le châtiment, si je puis ainsi
parler, frappe l'âme plutôt que le corps ».
G. de MABLY, De la législation, OEuvres
complètes, 1789, T. IX.91(*)
Dans notre société de tradition
judéo-chrétienne, il est admis que la peine doit, par sa
dureté pour le corps, accompagner l'esprit vers la rédemption qui
précède le Salut de l'Âme. Seulement, le progrès
humaniste de notre société nous a permis d'abolir les peines
corporelles, détruisant, par-là même, l'outil
privilégié de supplice des criminels. La notion de
rédemption a donc progressivement glissé vers la notion
d'amendement bien plus matérialiste. La peine de prison doit donc servir
au condamné de parenthèse lui permettant de s'interroger sur sa
culpabilité, sur les raisons qui ont motivé ses actes et sur les
changements qu'il doit opérer pour ne plus être un situation de
commettre le crime consommé, ou plus largement, une nouvelle infraction.
Cet objectif idéal supporte parfois très mal la
confrontation à la réalité carcérale. Un
détenu de CASABIANDA me confiait sa réflexion sur ce sujet :
« Ce n'est pas en mettant un clou tordu dans une boite
hermétique, qu'il ressortira tout droit ?! ».
L'incarcération crée souvent de nouvelles angoisses, de nouveaux
traumatismes ... Des difficultés qui occupent en permanence l'esprit,
alors que celui-ci devrait se concentrer sur sa reconstruction. Sans compter
qu'une promiscuité permanente n'est pas la condition de vie la plus
favorable à l'amélioration de l'individu.
Un environnement agressif, voire humiliant pour certains
détenus, ne met donc pas les individus dans les meilleures dispositions
pour commencer un travail thérapeutique.
Nous le verrons plus tard en détaillant les rapports
sociaux dans le centre de détention, l'environnement de CASABIANDA est,
quant à lui, beaucoup plus apaisé. Certains tourments qui
inquiètent les détenus dans les autres établissements
disparaissent rapidement en arrivant en Corse. L'amertume, voire la haine,
parfois développée à l'encontre « d'une
société qui inflige des peines humiliantes »,
peut parfois s'estomper compte tenu des conditions de détention.
Deux éléments qui permettent de donner du temps au détenu
pour la réflexion et pour son amélioration. Ce d'autant plus que
les moyens humains d'accompagnement (prise en charge psychologique, conseiller
d'insertion et de probation ...) seront suffisamment étoffés pour
prendre en charge l'ensemble de la population carcérale de
CASABIANDA.
§ 2 : De la
préparation à la réinsertion du condamné à
CASABIANDA.
Aux dires des conseillers d'insertion et de probation, une
réinsertion réussie se fonde sur plusieurs facteurs :
- Un amendement accompli : nous venons de le voir,
CASABIANDA y est probablement plus propice que d'autres établissements,
pour une certaine part de la population pénale française au
regard du sort qui est réservé à cette fraction dans
d'autres centres de détention.
- L'aptitude à la resocialisation : de
l'avis de certains détenus, la prison traditionnelle est
qualifiée d'infantilisante. Le détenu ne participe que
marginalement à l'organisation de son quotidien. Il régresse
souvent plus qu'il ne progresse dans ses aptitudes intellectuelles ou
professionnelles. À l'inverse, CASABIANDA est dans son quotidien plus
conforme aux rapports sociaux du monde libre.
Qui plus est, les rapports à l'infraction et à
la sanction sont eux aussi plus comparables à ce qui existe dehors. En
jouissant d'un maximum de liberté, dans la limite de ce qui est
autorisé par la sanction pénale, le détenu à
beaucoup à perdre s'il ne respecte pas les règles de la
détention, certainement plus que dans tout autre établissement
pénitentiaire. Un risque comparable au risque d'incarcération qui
demeure à l'extérieur en cas d'infraction. Une épée
de Damoclès qui habitue le détenu à vivre sous la menace
d'une perte de liberté en cas de récidive.
- La qualité de l'environnement d'accueil à
la sortie : bien que l'éloignement du continent participe
à la rupture des liens sociaux et familiaux antérieurs à
l'incarcération, nous avons vu précédemment que les
espaces d'accueil des familles permettent dans une certaine mesure de
réduire cette incidence.
Cependant, la nature de l'infraction majoritairement commise
par les détenus de CASABIANDA entraîne dans bien des cas un rejet
du condamné de la part de leur famille. De la
sérénité et de la qualité du travail entrepris en
détention pour trouver un lieu d'accueil, dépendra en grande
partie la qualité des premières semaines de sortie.
- Le temps d'inactivité professionnelle après
la sortie de prison : nous l'avons vu précédemment,
CASABIANDA insiste beaucoup pour entretenir ou développer un savoir
professionnel de la part des détenus. Des atouts utiles pour minimiser
l'impact de « l'étiquette » sortant de prison lors
de l'arrivée sur le marché du travail.
- La qualité du suivi du conseiller d'insertion et
de probation dans les cas de libération conditionnelle : la
libération conditionnelle, dont bénéficie en moyenne un
peu plus de détenus à CASABIANDA que les autres
établissements, permet d'organiser un suivi des comportements à
risques (addiction aux drogues, à l'alcool, aux jeux, ...), de s'assurer
de la poursuite d'un suivi médical spécialisé dans les cas
qui le nécessite, et de revenir autant de fois que nécessaire
à la réalisation des points précédant.
Pour conclure ce chapitre je reviendrai sur la dernière
utilité traditionnelle des peines pénales : la compensation
du préjudice subi par la victime. Voilà sans doute le domaine
où le centre de détention de CASABIANDA peut sembler moins
performant que ses homologues français, bien que le paiement des
dommages et intérêts y soit plus facile qu'ailleurs, compte tenu
des revenus tirés de l'activité professionnelle des prisonniers.
En effet, que pourrait penser une victime, qui plus est dans une situation
sociale difficile, du cadre de vie des détenus de CASABIANDA. Cela
susciterait sans doute un fort sentiment de révolte.
Pourtant, lorsque les victimes sont interrogées sur les
peines qui doivent être réservée à leur assaillant,
l'expression qui revient fréquemment dans leurs déclarations est
de réclamer une peine « pour que leur agresseur ne
recommence jamais ». Or, nous venons de le voir, CASABIANDA est,
dans certains cas, l'outil pénitentiaire qui répond le mieux
à cette demande.
Ainsi, que ce soit pour la société, pour le
détenu, et même par extension pour les victimes, le centre de
détention de CASABIANDA est, dans des cas de détenus bien
précis, le mieux à même de remplir les missions
confiées à l'administration pénitentiaire.
Chapitre 2 : La place de
CASABIANDA dans la pénologie française, européenne et
mondiale.
Comme tous les centres de détention français,
CASABIANDA est soumis au règlement de l'article D94 du code de
procédure pénale. Mais ceci ne l'empêche pas d'être
unique dans le paysage français, et original dans le paysage global des
Open Institutions. Comparativement à la moyenne des autres
centres de détention, nous avons déjà pu étudier
les originalités de population pénale de l'établissement
et la place importante occupée par l'activité professionnelle du
centre. Afin de mieux cerner la place de CASABIANDA d'un point de vue
scientifique, il nous faut à présent nous attarder sur les
observateurs qui ont eu à traiter de ses spécificités
carcérales (section 1), et replacer celles-ci dans un contexte plus
global (section 2).
Section 1 : Une prison
médiatique mais peu étudiée
Les particularités que nous venons de voir, et les
originalités qui suivront ce développement,
légitimeraient, à mon sens, une grande publicité. Les
médias ont, semble-t-il, compris l'intérêt unique que peut
susciter cet établissement, en témoigne la récurrence des
sujets faits par les différents médias, parfois malheureusement
médiocres, au sujet de CASABIANDA (§2), alors que de leur
coté, pouvoirs publics et chercheurs semblent n'avoir été
que peu sensibilisés quant aux interrogations que pose CASABIANDA
(§1).
§ 1 :
Discrètes évocations de CASABIANDA dans la littérature
scientifique ou politique.
Trouver des travaux scientifiques portant exclusivement ou
partiellement sur CASABIANDA n'est pas chose aisée. Ci-après je
vous propose une liste, aussi fidèle que possible, à
l'état actuel des publications (A).
Mais pour apprécier la faible fréquence
d'évocation de CASABIANDA dans les milieux juridiques ou politiques, il
est intéressant d'observer en plus de cela les
référencements de CASABIANDA, et la qualité de ceux-ci,
sur les différentes sources d'informations numériques (B).
A/ Recensement des publications scientifiques relatives
à CASABIANDA.
Parler de l'expérience hors norme de CASABIANDA semble
être le plus souvent jusque là réservé à ceux
qui ont travaillé dans le centre de détention, ou à ceux
qui ont fortuitement croisés sa route.
Suite à mes recherches, j'ai pu constater que les
études scientifiques portant sur le sujet sont en globalité peu
nombreuses puisque au nombre de 5. De plus, sur les cinq études
scientifiques traitant exclusivement de CASABIANDA, seulement quatre ont une
valeur notable d'un point de vue criminologique, la cinquième se
préoccupant principalement de la RIEP de l'établissement.
La plus ancienne de ces quatre premières études
remonte à 1955, date du premier congrès des Nations Unies en
matière de prévention du crime et de traitement des
délinquants ; ce congrès ayant porté pour partie sur
la thématique des « Open Institutions »
recensée à travers le monde. La France disposant alors de
l'exemple de CASABIANDA, il fut confié à M. André
PERDRIAU92(*), alors
magistrat et contrôleur général des services
pénitentiaires français, d'effectuer une présentation du
centre de détention et d'en tirer quelques conclusions utiles aux
travaux des Nations Unis lors du congrès de Genève. Cette
étude nous permet aujourd'hui de découvrir un CASABIANDA toujours
majoritairement peuplé d'une population pénale rurale et dont les
résultats sont satisfaisants de l'aveux même de l'administration
pénitentiaire de l'époque. Cependant, le contrôleur
PERDRIAU note, qu'alors, aucun projet de création d'établissement
similaire n'a fait l'objet de prévision au Ministère de la
Justice.
Dans la chronologie des études vient ensuite le
travail, qui porte le nom d'exposé mais qui relève plutôt
de la qualification de cours mémoire, de Mme CRISTIANI, juge
d'application des peines, pour une commission parlementaire93(*). Ce travail fait
référence dans son développement au
précédant, mais aussi à une étude de M. G.-R.
SCHMID, attaché de recherche au laboratoire de criminologie
d'Aix-Marseille, ayant développé un protocole de recherche sur la
population pénale de CASABIANDA. Malgré mes recherches, je n'ai
pu retrouver ce travail ; cependant la citation qu'en fait le juge
CRISTIANI permet de conclure qu'il corrobore les conclusions de l'étude
PERDRIAU quant à la pertinence d'un lieu tel que CASABIANDA. M. SCHMID
soulignant même que l'expérience de CASABIANDA est
« un réel progrès de la pénalogie94(*) ». Dans un
second temps, Mme CRISTIANI rappelait également l'intérêt
porté par plusieurs pays étrangers quant à
l'expérience de CASABIANDA, et cite notamment les propos d'un
fonctionnaire du Home Office du Royaume-Uni, M. Carol JACKSON, qui dit ne
connaître aucune expérience similaire en Angleterre.
Puis, en 1991, fut publié le travail d'un stagiaire de
l'institut régional d'administration, Denis LAURENT95(*), qui se penche sur
l'organisation et la gestion du lieu, et plus particulièrement sur sa
production agricole. Bien que son étude n'ait pas de portée
criminologique, elle permet cependant d'observer l'établissement au
début de la décennie 1990, et de le comparer aux autres
témoignages de son histoire.
De tous ces travaux, le plus récent, et le plus
pertinent sans doute d'un point de vue juridique et criminologique, est le
mémoire de M. Christian SALOM96(*) en l'an 2000. Alors conseiller d'orientation et de
probation détaché à CASABIANDA, il effectue une
année d'étude à l'Ecole Nationale d'Administration
Pénitentiaire. Lors de cette formation, il rédige un
mémoire de recherche sur les infracteurs sexuels détenus. Une
large partie de son travail est consacré à CASABIANDA, et la
qualité de son analyse de la population pénitentiaire de
l'établissement permet une fois encore de corroborer les conclusions des
travaux précédents.
Enfin, Maxime RENARD97(*) a, en 2001, pour sa formation de conseiller
d'orientation psychologue, développé, dans un mémoire, la
question de la demande de placement extérieur lorsque le condamné
est détenu à CASABIANDA. Un travail portant sur l'application
concrète dans un établissement déterminé, de la
mesure générale du placement extérieur. Quelques
éléments sur le quotidien de l'établissement d'alors sont
par ailleurs mentionnés.
CASABIANDA est en outre cité dans quelques ouvrages de
référence ayant trait à l'Histoire de la Corse, mais ces
citations, pour la plupart, n'ont aucune portée criminologique ou
pénale.
B/ Référencement dans les bases de
données numériques.
Choisir d'étudier les référencements
numériques d'une information dans une base de donnée,
c'est-à-dire sa fréquence de citation et la pertinence ces
citations, permet d'avoir une indication assez fiable de l'importance de cette
information dans la base de données considérée.
Sur les sites Internet des Institutions de la
République nous noterons au titre des référencements
de CASABIANDA, et leur qualité :
- Assemblée Nationale : 2 fois. Simple citation.
(Par comparaison, le centre de détention de MAUZAC est cité 15
fois, le nom FRESNES 197 fois).
- Sénat : 38 fois. Or, sur ces 38 fois les 25
questions parlementaires liées à ma requête ont trait
à CASABLANCA au Maroc...98(*) La plupart des autres réponses ne font que
citer le nom de CASABIANDA à l'occasion d'une énumération,
et n'en font, par conséquent, aucune description ou analyse.
Au regard de ces résultats, les parlementaires
français ne semblent pas être très informés ou
sensibilisés quant à l'expérience de CASABIANDA.
Dans le même sens, il est intéressant de noter
que dans son rapport de 2006 portant sur les prisons99(*), la Cour des Comptes a
contrôlé 16 établissements dits
« représentatifs des types d'établissement et des
modes de gestions pratiqués », et, CASABIANDA, bien
qu'unique, ne pouvant donc être assimilé à la pratique
d'aucun autre établissement, ne figurait pas parmi les
établissements sélectionnés.
Sur les sites de recherches en droit pénal et
criminologie, nous retiendrons :
- Centre de recherches sociologiques sur le droit et les
institutions pénale : 0 fois.
- Champ Pénal, nouvelle revue française de
criminologie : 2 fois. Citation sans lien avec l'expérience
carcérale du lieu.
- Criminocurpus, le portail sur l'histoire de la justice, des
crimes et des peines : 2 fois. Simplement des travaux relatifs à
l'établissement du XIXème siècle.
Ces sites permettent d'apprécier la
considération de notre sujet dans les cercles scientifiques
français spécialisés en droit pénal et en
criminologie. Là encore, la faiblesse des résultats
démontre le peu d'intérêt actuel pour CASABIANDA de la part
de la communauté scientifique.
Sur les sites de bibliothèques, nous
relevons :
- Bibliothèque nationale de France : 11 fois. La
plupart sont liées à l'histoire du pénitencier au
XIXème siècle.
- Médiathèque Gabriel TARDE de l'école
nationale de l'administration pénitentiaire : 3 fois dans le fond
dit contemporain ; 3 fois dans le fond dit centre de ressource sur
l'histoire des crimes et des peines. Dans ces documents figurent certaines des
études citées précédemment, ainsi que de simples
citations.
§ 2 : Une
profusion d'articles de presse
Si l'approche scientifique de l'expérience de
CASABIANDA est parfois bien maigre, il n'en est pas de même de sa
présence médiatique. Cette prison est en effet un sujet de choix
pour interpeller, choquer ou créer une polémique ; tout ce
qui attire l'attention des lecteurs et augmente les ventes.
Mais chose remarquable, des journalistes semblent assez
périodiquement redécouvrir complètement CASABIANDA, comme
si depuis 60 ans ce lieu leur avait été dissimulé par
l'administration, quand bien même depuis son ouverture de nombreux
articles de presse se sont succédés à son sujet, allant de
la presse régionale, en passant par les hebdomadaire nationaux, et
jusqu'aux chaînes de télévision nationale.
Voici quelques titres consacrés à
CASABIANDA :
- 11/12/1953, Nice Matin : Un domaine témoin,
CASABIANDA...
- 26-27/04/1958, Figaro : Casabianda, première
prison ouverte. En arrachant 648 hectares au maquis les cent détenus
rapportent de l'argent à l'Etat.
- Avril 1958, Constellation : CASABIANDA, chance
unique des détenus.
- 26/01/1984, Nice Matin : Prison ouverte ... sur
chambre d'amour.
- 06/07/1989, Nice Matin : La clef des champs... pour
travaux forcés.
- 06/07/1999, Marianne : A Casabianda, même les
matons ne sont pas bien gardés.
- 01/09/1999, Figaro : Corse, scandale au centre
pénitentiaire. Des détenus côtoyaient des enfants.
- et autres ...
Le traitement de l'information au sujet de CASABIANDA est
souvent le reflet de l'identité du journal. Les articles des
hebdomadaires étant souvent ceux qui cherchent le plus à faire
réagir le lecteur. Ainsi l'article du Point, n°1837, daté du
29/11/2007 commence ainsi :
« C'est l'une des plus belles plages de Corse.
Une langue de sable blanc qui s'étire sur une dizaine de
kilomètres. Il est 11 heures et, malgré l'automne qui tire
à sa fin, le soleil est généreux. Alignées face
à la mer, douze cannes à pêche sont plantées dans le
sable. Deux pêcheurs commentent leurs prises. Un superbe loup qu'ils
cuisineront ce soir, peut-être au barbecue. Plus haut sur les dunes,
contre la pinède, un homme tire sur sa cigarette, un bouquin entre les
mains. Tandis que trois autres fixent en silence, comme hypnotisés,
l'horizon bleu indigo. Partout où se porte le regard, on ne voit que des
hommes. La plupart d'entre eux ont été condamnés pour
viol, pédophilie ou inceste. »
Après avoir montré un visage idyllique du lieu,
on assène, presque brutalement, l'identité pénale des
bénéficiaires du lieu : les « violeurs,
pédophiles et incestueux » ! Comment ne pas voir
dans l'accroche de cet article l'envie de faire du sensationnel. Exercice
périlleux qui peut nuire à l'image de cet établissement.
Pourtant, la communication est nécessaire pour un
centre de détention aussi atypique. Ne pas accepter de recevoir la
presse reviendrait à dissimuler son existence, autorisant par là
le développement de divagation ou de fantasmes médiatiques qui
pourraient être, eux, bien plus nuisibles encore pour CASABIANDA.
Dans son numéro du 5 juillet 2007, le magazine LIEN
SOCIAL, presse spécialisée dans les questions socioculturelles,
consacre son édito et un long article à l'établissement.
Le papier est moins caricatural que le précédent, il
n'échappe cependant pas à la mise en avant, pour accrocher le
lecteur, de quelques rapprochements qui interpellent :
« A 70 kilomètres au sud de Bastia, dans
la pleine orientale Corse, s'étend une prison hors norme. Dans cette
exploitation agricole sans mur d'enceinte, les détenus, condamnés
à 80% des cas pour de graves affaires de moeurs, sont bien plus qu'un
numéro d'écrou. »
Le développement qui suit sera cependant lui plus
étudié, la présentation de l'expérience de
CASABIANDA, moins caricaturale. Une volonté de comprendre émerge
même de l'article. Un bon exemple d'une présentation
médiatique sincère, bien qu'incomplète, de CASABIANDA.
La presse spécialisée serait elle, peut
être, plus capable que son homologue grand public de saisir les
subtilités du lieu ?
Dans une autre forme, le nouveau média que
représente Internet permet à certains sites
spécialisés de réagir selon leur centre
d'intérêt respectif :
- www.investigateur.info, 28/08/2003 : Manifestation
de surveillants à Casabianda.
- www.unita-naziunale.org, 20/05/2007 :
CASABIANDA : TERRA NOSTRA !
- www.corsematin.com, 21/05/2007 : A Casabianda, 70%
des détenus ont commis des délits sexuels.
Et les bloggeurs ne sont pas en reste :
- www.blogg.org, le blog de Mac Léon III,
18/07/2006 : Paradis pour pédophiles et violeurs.
- www.wmaker.net/apiazzett, 28/05/2008 :
Pédophiles, consanguins, assassins : benvenuti in Casabianda.
(en corse dans le texte).
Et ce sont là pour les deux derniers exemples, des
réponses à ma requête indexée parmi les 10
premières réponses d'une recherche de l'item CASABIANDA sur
Google ! La preuve que les simples citoyens qui s'expriment au sujet de ce
centre de détention, le font souvent, par ignorance sans doute, avec
agressivité, voire vulgarité. Je n'ai, en outre, pas
trouvé à ce jour de site Internet ou de blog de citoyens lambda,
qui s'efforce de présenter l'expérience de CASABIANDA comme une
originalité positive.
Il est donc plus que jamais nécessaire de faire oeuvre
de pédagogie autour de CASABIANDA. En laissant la communication autour
de ce centre de détention dans les seules mains des journalistes, et des
apprentis journalistes du Net, il y a fort à penser que l'avenir de
l'image de CASABIANDA sera terni par la quête de sensationnel, et par le
défoulement de quelques indépendantistes ou ignorants de toutes
sortes. Voilà pourquoi il faut expliquer ouvertement ce lieu,
l'étudier et le conceptualiser. Remettre le débat sur la table de
la recherche, le dépassionner, sans pour autant l'interdire aux
médias qui pourront, et ce alimenté par un juste message,
présenter ce lieu pour ce qu'il est : un progrès pour
l'administration pénitentiaire.
Section 2 : Un exemple
d'Open Institution
Le centre de détention de CASABIANDA est un
établissement qualifié très tôt dans l'Histoire par
les institutions internationales d'Open Institutions. Une
classification ancienne remontant au lendemain de la seconde guerre mondiale,
élaborée par les Nations Unies en 1955, faisant suite aux
conclusions du Congrès Pénal et Pénitentiaire
International de La Haye dès 14-19 Août 1950 (§1). Cette
catégorie d'établissement pénitentiaire s'est
développée un peu partout en Europe et dans le monde, et
l'exemple de CASABIANDA, maintenant que nous en connaissons mieux
l'identité, peut leur être utilement comparé. (§2).
§1 :
Caractéristiques des Open Institutions
La première évocation de cette catégorie
d'établissement semble apparaître dans la troisième session
de la Commission des questions sociales, dans le programme de travail de
l'Organisation des Nations Unies en matière de défense
sociale100(*).
L'étude de ces établissements a été
qualifiée d'urgente dans les travaux de la cinquième session de
la même Commission (5-19 décembre 1949)101(*). Les travaux de La Haye de
1950, que j'évoquais en introduction à ce développement,
ont permis de délimiter les premiers contours caractéristiques de
ces établissements. En voici quelques extraits102(*) :
« 1. -- a) Aux fins de la présente
discussion, nous avons considéré que le terme «
établissement ouvert » désigne un établissement
pénitentiaire dans lequel les mesures préventives contre
l'évasion ne résident pas dans des obstacles matériels
tels que murs, serrures, barreaux ou gardes supplémentaires,-
b) Nous considérons que les prisons cellulaires
sans murs d'enceinte ou les prisons prévoyant un régime ouvert
à l'intérieur d'un mur d'enceinte ou de barrières, ou
encore les prisons dans lesquelles le mur est remplacé par une garde
spéciale, devraient plutôt être désignées
comme prisons de sécurité moyenne.
2. -- Il s'ensuit que la caractéristique
essentielle d'une institution ouverte doit résider dans le fait que l'on
demande aux prisonniers de se soumettre à la discipline de la prison
sans une surveillance étroite et constante, et que le fondement du
régime consiste à inculquer aux prisonniers le sentiment de la
responsabilité personnelle (self-responsibility). »
Cette résolution émet également quelques
recommandations relatives à l'implantation des ces établissements
pénitentiaires et à leur population pénale. Elle souligne
par exemple la nécessité, en amont de tout transfert, d'une
affectation dans un centre d'observation pour une durée limitée,
afin que soit évaluée la compatibilité du détenu
avec le projet pénitentiaire de l'Open Institution. Concernant
la population pouvant être affectée dans un tel
établissement, le Congrès de La Haye affirme « que
le critère de sélection des détenus, en ce qui concerne
leur affectation aux établissements ouvert, devrait reposer non sur
l'appartenance à une catégorie pénale ou
pénitentiaire, ni sur la durée de la peine, mais sur l'aptitude
du délinquant à être admis dans un établissement
ouvert et sur le fait que ce traitement a plus de chances de favoriser
réadaptation. ». En outre, la résolution met en
avant le rôle important joué par les personnels dans la bonne
marche de ces établissements, soulignant la nécessité
d'une haute qualification de ceux-ci. Enfin, les conclusions des travaux
mettent en avant cinq avantages à l'ouverture d'Open
Institutions :
« a) Tant la santé physique que la
santé mentale des prisonniers sont également
améliorées;
b) Les conditions de l'emprisonnement peuvent se
rapprocher plus du genre d'une vie normale que celles d'un établissement
fermé;
c) Les tensions de la vie pénitentiaire normale
sont atténuées, il est plus aisé de maintenir la
discipline et il est rarement besoin de recourir aux peines
disciplinaires;
d) L'absence d'un appareil physique de répression
et d'emprisonnement, et les relations de confiance accrue entre les prisonniers
et le personnel, sont aptes à affecter la conception anti-sociale des
prisonniers, et à susciter des conditions propices à un
désir sincère de réadaptation;
e) Les établissements ouverts sont
économiques, tant du point de vue des constructions que de celui du
personnel. »
Pour l'essentiel, les conclusions de cette résolution
seront reprises par les travaux ultérieurs des Nations Unies. Du 8
décembre 1952 au 6 novembre 1954, se sont quatre cycle d'études
régionaux (Europe, Amérique Latine, Moyen Orient, Asie et
Extrême Orient) qui se sont succédés pour préparer
la tenue du Premier Congrès des Nations Unies en matière de
prévention du crime et de traitement des délinquants.
Congrès qui proposa une résolution adoptée en
assemblée plénière de l'assemblée
générale des Nations Unies103(*), dont la première conclusion fut de
considérer que « l'établissement ouvert marque une
étape importante dans l'évolution des systèmes
pénitentiaires de notre époque et représente l'une des
applications les plus heureuses du principe de l'individualisation de la peine
en vue d'une réadaptation sociale ».
Plus récemment, la Commission de Coopération
Pénologique du Conseil de l'Europe, évoquait, dans son bulletin
d'information pénologique104(*), l'expérience de plusieurs pays en
matière d'établissement ouvert. Des expériences qui
redessinent la notion d'Open Institution.
§ 2 : Quelques
exemples d'autres Open Institutions en Europe
En observant à travers le monde la cartographie des
établissements pénitentiaires réputés ouverts, nous
constatons qu'il y en a bien souvent plus d'un dans les pays qui utilisent
cette forme de prison. Rappelons ici que la France ne possède, en la
matière, que l'expérience de CASABIANDA.
Dans la seule Union Européenne, nous pouvons citer ici
quelques exemples de ces établissements, sans toutefois être
totalement exhaustif :
- Pays frontaliers de la France :
Pour la Belgique les prisons de HOOGSTRATEN, MARNEFFE,
RUISELEDE et SAINT-HUBERT105(*) ; au Luxembourg, la prison de GIVENICH ;
en Angleterre, les prisons de FORD, KIRKHAM, NORTH SEA CAMP, SPRING HILL,
STANDFORD, SUDBURY, WARREN HILL106(*) ;
- pour les pays d'Europe du Nord :
Pour la Finlande les prisons de HELSINKI Open Prison/VANTAA
et les unités de SUOMENLINNA, VANAJA, KÄYRÄ, VILPPULA,
SATAKUNTA, VILPPULA, NAARAJÄRVI, SULKAVA, JUUKA, LAUKAA PRISON, PELSO,
YLITORNIO107(*) ;
au Danemark, l'unité de la prison de VRIDSLØSELILLE, et les
prisons de HORSERØD, JYDERUP, KRAGSKOVHEDE108(*) ; en Norvège,
les prisons de BASTØY109(*), BERGEN110(*) ; en Suède, la prison de
TILLBERGA ; etc.
Il faut dès à présent signaler que toutes
ces prisons ne sont pas dépourvues de murs, mais ont cependant toutes un
niveau très bas de protection par des moyens matériels dits
passifs. Le concept d'Open Institution accepte par conséquent
des nuances d'un pays à l'autre. Voici quelques exemples d'application
de ce concept selon les pays :
- La Belgique définit ses Open Institutions
comme des « établissements ouverts où la
sécurité est assurée dans un régime éducatif
qui s'appuie sur une discipline volontairement acceptée sans utiliser
les moyens de contrainte habituels sauf en cas de
nécessité ». La priorité affichée du
Ministère Belge de la Justice est de former les détenus à
des métiers qu'il qualifie « d'en état de
pénurie dans le pays».
- Certains pays comme la Finlande insistent sur le fait que
les Open Institutions ne doivent pas accueillir de personnes
dépendantes aux drogues.
- Le système britannique divise lui sa population en
quatre catégories de prisonniers : A, B, C et D. Les prisonniers de
catégorie A étant les plus dangereux, les D les plus calmes. La
prison ouverte de SPRING HILL, qui n'accueille que des détenus de
catégorie D, n'accepte elle par principe aucun infracteur
sexuel111(*). »
- Lors d'une enquête du Conseil de l'Europe portant sur
un plan de réforme des prisons de Bosnie112(*), il était
mentionné en annexe l'expérience de la prison ouverte de
TILLBERGA en Suède. Le rapporteur soulignait alors le devenir des
infracteurs sexuels dans cette prison. Au nombre de 24 sur une population
totale de 90 lors de la visite du rapporteur, celui-ci remarquait qu'ils
n'étaient pas séparés des autres détenus (comme
cela peut être le cas dans les établissements pénitentiaire
afin de préserver leur sécurité). Toutefois, la direction
de l'établissement était très claire avec les autres
détenus, «if any sex offender was attacked, the attacker would
be transferred to a closed prison and that the prisoner who had been attacked
would not be transferred.113(*) ».
- En Norvège, les prisons ouvertes sont, pour
certaines, installées sur des îles, et s'étendent sur
l'ensemble de leur périmètre. BASTØY, par exemple, n'a
aucun mur d'enceinte, mais passée la dernière navette du
soir, il n'y a plus aucun moyen de rejoindre ou de quitter l'île.
Soulignons en outre que cette prison se réclame elle-même
d'être « the frist World's Human Ecoligical
Prison 114(*)». Outre dispenser des formations qualifiantes,
la prison de BASTØY attache beaucoup d'importance à
l'éducation des prisonniers aux principes écologiques, et
à se conformer elle-même à des règles de
fonctionnement les plus respectueuses possibles de l'environnement (recyclage,
énergie renouvelable, ...). Voici en quelques lignes la description des
résultats de ce lieu :
« Le système est basé sur la
confiance à 100%", témoigne Kjell Roar Hansen, un gardien.
"L'hiver, un seul surveillant accompagne cinq ou six détenus qui vont
chercher du bois en forêt, chacun avec leur tronçonneuse".
Autre signe qui ne trompe pas, le ferry qui relie Bastoey
au continent est géré par des prisonniers.
Une seule tentative d'évasion a été
enregistrée ces six dernières années, selon M. Alnaes.
Tout écart se traduit par un retour à la case prison
traditionnelle, un épouvantail pour les pensionnaires de Bastoey.
Purgeant une peine de trois ans pour avoir
"importé" des stupéfiants, "Tormod" est, comme beaucoup d'autres,
d'abord passé par une prison de très haute
sécurité.
"Là-bas, ça fait peur aux gamins, alors
leurs visites sont très limitées. Ici, c'est convivial, ça
permet de les voir plus souvent", explique ce père de trois enfants.
Aucune statistique n'existe quant au taux de
récidive. "Mais on voit que ça marche. Les prisonniers arrivent
ici avec une posture de gros durs. Après deux mois, ils sont tout
sourire", affirme M. Alnaes, certainement l'un des rares directeurs de prison
à verser chaque année à Amnesty International un
écot prélevé sur le budget de son
établissement. »115(*)
CASABIANDA, malgré ses spécificités,
trouve bien sûr toute sa place aux côtés de ces autres
« Open Institutions » européennes.
Mais nous venons de le voir, les expériences de chacune
de ces prisons peuvent être complémentaires, CASABIANDA pourrait
donc utilement puiser dans ces multiples expériences, comme autant de
nouvelles sources d'inspirations pour améliorer encore son
fonctionnement, et progresser ainsi vers l'accomplissement de ses principes
fondateurs : responsabilisation et resocialisation des détenus,
intégration dans son environnement, réduction au minimum
nécessaire des moyens passifs de sécurité.
Chapitre 3 : Des
conséquences d'une situation originale.
La situation géographique, la population pénale,
le mode de gestion de la détention. Tous ces éléments
originaux et concomitants du centre de détention de CASABIANDA
entraînent nécessairement des conséquences majeures pour le
quotidien et l'organisation du centre. Deux de ces conséquences sont
à mettre plus particulièrement en avant. Les rapports sociaux
entre les différents acteurs du centre de détention sont tout
d'abord notablement différents des autres prisons (section 1). Que ce
soit pour les détenus comme pour les personnels, CASABIANDA change le
mode de vie carcéral, ce qui influence nécessairement les
rapports de coexistence à l'intérieur de l'établissement.
De la même manière, les coûts de
fonctionnement du lieu se trouvent grandement affectés par les
originalités de CASABIANDA (section 2). Ils pâtissent de la
situation d'isolement du centre, mais profitent du mode d'encadrement des
détenus.
Section 1 : Les
rapports sociaux dans la microsociété de CASABIANDA.
Outre les premières impressions d'espace que vous
ressentez lorsque vous arrivez sur le domaine de CASABIANDA, ce qui
étonne plus encore c'est l'apaisement qui semble bercer le lieu. Une
impression renforcée dès que vous observez interagir les
détenus et les personnels du centre de détention. Les rapports
humains qui règlent cette micro société sont notablement
différents, à plusieurs titres, des autres prisons
françaises. En laissant régulièrement la parole aux
membres de l'établissement, nous observerons ces originalités au
travers des comportements réciproques des détenus (§1) et
des personnels (§2).
§ 1 :
Comportements sociaux des détenus
Dans un de mes entretiens, un détenu me confiait :
« arrivé en prison, on perd son statut d'humain, sans pour
autant devenir un animal. ». Arriver à CASABIANDA, c'est
un peu redevenir un Homme. Redevenir un individu sociable, dont les rapports
avec ses semblables se normalisent.
Dans les autres lieux de détention, l'atmosphère
m'était qualifiée d'à « couteaux
tirés ». Pour expliquer cela, l'un de mes interlocuteur
me faisait cette subtile remarque : « déjà en
couple, au quotidien, c'est pas toujours facile. Alors avec 3 ou 4 gars qu'on a
pas choisi 23h00 sur 24h00, et en plus leurs manies ... ».
L'absence de fin à sa phrase laissait aisément comprendre
l'implicite pénibilité du quotidien. Nous pouvons donc, à
partir de ce constat, aisément comprendre, que, si ces conditions
participent à l'animosité entre les détenus des prisons
française, être, comme à CASBIANDA, seul dans sa cellule le
soir, et avoir 1.500 ha pour éviter les individus que vous ne souhaitez
pas côtoyer, changent notablement les rapports de coexistence.
La qualité des rapports sociaux se signale aussi par
les sujets de conversation qui occupent les détenus. Alors qu'en maison
d'arrêt, revient comme une lancinante question un
« T'es là pourquoi ? »,
à CASABIANDA, le lieu commun serait plutôt de débattre de
son travail de la journée. Les détenus me confiaient qu'ils se
sentaient ici moins jugés que dans tout autre établissement
pénitentiaire. Que l'objet de l'infraction ne focalisait presque plus
l'attention ni les rapports de détention.
Les activités de loisirs qui succèdent aux
journées de travail permettent aussi de créer des espaces de
socialisation et de convivialité. Les parties de pétanque
organisées entre les bâtiments de détention en
témoigne116(*).
Les repas, pris dans des locaux comparables à un
réfectoire d'entreprise, redeviennent des moments d'échanges qui
se déroulent dans des conditions proches de la normalité
extérieure.
Le dialogue est en outre un facteur de socialisation
primordial à CASABIANDA. Il permet aux nouveaux arrivants d'apprendre
des anciens les limites de leur liberté relative. Une transmission des
savoirs qui permet à l'identité du lieu de perdurer, et, parfois,
de museler quelques velléités de nouveaux détenus qui
auraient la volonté d'abuser de ces nouveaux droits. La plupart des
anciens ont compris que le prix de ces conditions exceptionnelles de
détention était avant tout la quiétude et la
discrétion de ce lieu. Dans leur propre intérêt, ils
s'attachent donc, de manière informelle le plus souvent, à faire
respecter cet objectif.
Il nous faut bien sûr nuancer cette description
grandement positive par quelques difficultés relationnelles qui font
parfois surface entre groupes de détenus. Mais tout cela reste, pour
l'instant, dans des proportions anecdotiques.
En ce qui concerne les rapports entretenus avec les
personnels, ils sont là aussi étonnements sereins. Ce qui
souligne le plus cette ambiance ce sont ces poignées de mains que
s'échangent surveillants et détenus lorsque les premiers sont en
observation.
Les traditionnelles injonctions mono verbales qui rythment
parfois le quotidien des rapports de détention d'autres
établissements (« Détenu X, Parloir /
Infirmerie / Promenade ...), laissent à CASABIANDA la place au
respect de l'interlocuteur, voire à sa considération. Il n'y a
pas, de la part des personnels de surveillance, de trace de perversion ou
d'humiliation inutile des détenus pour réaffirmer leur
autorité.
Le détenu est à CASABIANDA
reconsidéré, c'est du moins le sentiment de la plupart de ceux
que j'ai rencontré.
§ 2 :
Comportements sociaux des personnels
Du point de vue des personnels, les rapports avec les
détenus sont avant tout fondés sur la confiance. Une confiance
mesurée d'après l'expérience et le professionnalisme des
travailleurs de CASABIANDA, mais une confiance qui permet de prendre le risque
de responsabiliser les détenus.
Ainsi, il est par exemple confié aux chauffeurs de la
RIEP des véhicules d'une valeur d'achat parfois supérieur
à cent milles euros ; ou encore aux travailleurs des exploitations
forestières des tronçonneuses qui, mal utilisées,
pourraient aisément constituer des armes mortelles.
De plus, les détenus appelés dans les locaux
administratifs pour des rendez-vous au greffe, à l'économat, ou
dans tout autre service, peuvent, après avoir signalés leur
présence à la loge d'entrée, se rendre dans les locaux
sans être accompagné d'un personnel de surveillance, ni d'une
toute autre surveillance particulière d'ailleurs.
En outre, l'impression des personnels est d'être eux
aussi plus détendu que sur le continent. La tension due aux risques
d'évasion n'est pas, d'après eux, aussi étouffante que
dans les autres établissements pénitentiaires. Ce qui renforce ce
sentiment, ce peut être aussi la simplicité de l'arrivée au
centre de détention. Elle se fait beaucoup plus naturellement, sans
fouille, portique ou autre contrôle de sécurité.
Peut être, à leur manière, les personnels
d'origine corse participent-ils aussi à cette ambiance
d'efficacité décontractée ? Ils paraissent en effet,
par leur expérience, et peut être aussi par leur culture, avoir
développé un sens aiguë de la relativité des choses,
et une aptitude singulière à interpréter de façon
originale les réglementations. Ce qui permet, semble-t-il, de
créer une forme d'utile clinamen117(*) dans la rigueur de l'administration
pénitentiaire.
Travailler à CASABIANDA apparaît donc, pour
beaucoup de ses personnels, comme une expérience positive dans leur
carrière.
Section 2 : Le
coût financier de CASABIANDA118(*).
L'une des conséquences les plus notables du
fonctionnement original de CASABIANDA se dévoile dans l'étude de
ses comptes. Pour mieux apprécier la démonstration qui va suivre,
il faut tout d'abord rappeler qu'en 2006, le coût moyen du jour de
détention en France s'élevé à 77,30
€119(*), dont
58,21 € de dépenses de personnel pension comprise, et
42,76 € hors pension ; 4,51 € de dépenses de
santé et 14,58 € de dépenses de fonctionnement des
établissements. Comparée aux coûts de personnel de
CASABIANDA (§1), et à ses coûts de fonctionnement et de
santé (§2), la moyenne française semble pouvoir tirer des
leçons de l'expérience de CASABIANDA.
§ 1 : Ses
coûts de personnel
« Aujourd'hui, on compte 2,6 détenus par
surveillant, étant rappelé que, sur le terrain, un seul
surveillant a souvent en charge une coursive accueillant une centaine de
détenus.
Si l'on se réfère aux autres pays de l'Union
européenne (sauf la Grèce, le Portugal et le Luxembourg), la
France se caractérise par un faible taux d'encadrement de ses
détenus comme l'a reconnu Mme Martine Viallet, directrice de
l'administration pénitentiaire, devant la commission :
" En 1996, le ratio était de 2,3 détenus par
surveillant en Angleterre, 1,7 aux Pays-Bas et 1,3 au Danemark. Donc, la
qualité du service rendu ne peut pas être la même en
fonction de ce ratio ".»120(*)
Le ratio exposé en 2000 par cette enquête
parlementaire sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaire reste sensiblement identique
aujourd'hui :
D'après les chiffres de l'administration
pénitentiaire121(*) :
Statistiques françaises 2008.
Personnels de surveillance : 23 669 (effectif
théorique).
Personnes incarcérées : 63 211 au
1er avril 2008122(*).
Ratio : 63 211 / 23 669 = 2,67 détenus /
personnel de surveillance.
Pour ce qui est de CASABIANDA, sa spécificité
d'encadrement entraîne le ratio suivant :
Statistiques de CASABIANDA 2008.
Personnels de surveillance : 41 (effectif
théorique).
Personnes incarcérées : 184 au 31 mars 2008.
Ratio : 184 / 41 = 4,5 détenus / personnel de
surveillance.
De cette différence dans le taux d'encadrement des
détenus découle naturellement une économie de moyen sur ce
qui représente le premier poste budgétaire de dépense dans
le coût moyen de jour de détention : les personnels. Ainsi,
qu'ils soient administratifs ou de détention, là où
nationalement, la France dépensait en moyenne par détenus en 2006
58,21€ par jour de détention, CASABIANDA ne dépensait pour
son personnel que 50,12 €. Une économie substantielle qui ne nuit
pas à l'exigence de sécurité compte tenu, nous l'avons vu,
des résultats de CASABIANDA en cette matière.
§ 2 : Ses
dépenses de fonctionnement et de santé.
Le budget de fonctionnement de CASABIANDA, eu égard
à la spécificité de l'activité du lieu, et du
facteur d'éloignement qui entraîne des surcoûts en
carburant, est quant à lui supérieur à la moyenne
nationale.
Les dépenses de fonctionnement comprennent notamment
les frais d'alimentation, les frais énergétiques, le
matériel général, l'entretien et la maintenance, le
Service général, les frais de déplacement, les frais de
poste et télécommunication, entre autres. En moyenne en France,
ces dépenses s'établissaient en 2006 à 14,58€ par
jour de détention. A CASABIANDA, ce même indicateur
s'élevait à 23,96 €.
Pour expliquer ce chiffre élevé, il faut
considérer CASABIANDA dans la spécificité de ses
coûts originaux. Les frais entraînés par l'entretien de la
résidence où logent les personnels de l'établissement sont
compris dans ce total. A cela faut-il encore rajouter les dépenses
d'énergie et de fluide de la RIEP qui sont loin d'être
négligeables. Des dépenses qui n'entrent pas en ligne de compte,
en de mêmes proportions, dans la comptabilité des autres
établissements français.
Qui plus est, CASABIANDA dispose de marges importantes de
progression. Lorsque l'on sait que les détenus se chauffent à
l'aide de radiateurs électriques alors que l'établissement
dispose d'au moins 6 bâtiments de 50 à 60 mètres
linéaires avec un toit en 2 pentes, dont trois sont ceux les logements
des détenus, et trois ont une exposition plein Sud. Dans une
région qui bénéficie comme nous l'avons déjà
vu de plus de 2.000 heures d'ensoleillement par an, un chauffage solaire semble
plus pertinent et bien moins onéreux.
En ce qui concerne les dépenses de santé, elles
sont pour CASABIANDA de 1,00 € par jour de détention, là
où celles-ci se montent à 4,51€ pour la moyenne
française.
Ainsi, une journée de détention à
CASABIANDA coûte en moyenne 75,08€, soit 2,22€ de moins que la
moyenne française, et 3,79€123(*) de moins que la moyenne nationale des centres de
détention en gestion publique.
Titre 2 : Une prison
emblématique
« En 1789, la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen a posé les bases juridiques qui, aujourd'hui
encore, fondent le système répressif français. Elle a
affirmé la règle de la présomption d'innocence et le
principe selon lequel la loi n'établit que des peines «
strictement et évidemment nécessaires ». En 1791,
le Code Pénal définit la prison en tant que lieu
d'accomplissement d'une peine. »
Rapport de la Cours des Comptes124(*)
Cette mise en perspective historique de notre régime
carcéral français nous laisse apprécier toute la latitude
disponible dans l'application des peines aux condamnés.
En effet, si l'on considère que les évaluations
des critères « strictement et évidemment
nécessaires » de la peine sont aussi nombreuses que les
condamnés à qui elles s'appliquent, les peines effectivement
applicables pourraient être démultipliées.
Toutefois, la rationalité et les contraintes de
l'exercice d'édiction de la règle, et de son application,
appellent une certaine forme d'harmonisation.
C'est donc entre ces deux contraintes, la recherche d'un
idéal, et les limites empiriquement établies à sa mise en
pratique que doit s'inventer notre système répressif
pénitentiaire.
Le centre de détention de CASABIANDA peut aujourd'hui
apparaître comme une nouvelle réponse à cette double
contrainte.
Nouvelle parce que plus que jamais conforme aux conclusions
des débats actuels portant sur le « traitement » de
la population pénale (chapitre 1).
Alors, après avoir établi la modernité et
l'actualité du modèle carcéral de ce centre de
détention, nous en évaluerons les résultats (chapitre 2),
pour enfin s'interroger sur sa possible reproduction (chapitre 3).
Chapitre 1 : La place de
CASABIANDA dans les débats actuels sur le « traitement » de la
population pénale.
Depuis le tournant des années 2000, et plus
particulièrement l'ouvrage de Véronique VASSEUR,
Médecin chef de la santé125(*), la société et les politiques se
sont remis à regarder en face l'univers carcéral des prisons
françaises. Or des multiples rapports et débats qui encadrent
cette question depuis presque dix ans maintenant, deux constats d'échec
ou de fortes interrogations émergent comme les principales
préoccupations actuelles : la problématique
récurrente de la surpopulation carcérale (section 1), et la lutte
contre la récidive (section 2).
Nous verrons, dans ce développement, la place que
CASABIANDA occupe aujourd'hui dans la thématique des ces débats,
et celle que son modèle pourrait occuper demain.
Section 1 : La
surpopulation carcérale.
Ce problème endémique au système
judiciaire français a récemment vécu un dernier
rebondissement avec l'établissement d'un triste record de détenu
en France le 1er juillet dernier avec 64.250 détenus
incarcérés, d'où découle un taux d'occupation
exorbitant de 126%.
Afin de mieux saisir ce problème, il nous faut en
rappeler, en quelques lignes, les principaux enjeux (§1), puis observer la
réponse que le modèle de CASABIANDA peut apporter (§2).
§ 1 : Enjeux de
la surpopulation carcérale française.
Le diagnostic des causes de la surpopulation carcérale
française a été régulièrement posé
depuis le tournant que nous évoquions déjà dans les
années 2000, mais la critique la plus synthétique vient sans
doute du Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe
formulé lors de son rapport portant sur les prisons françaises de
février 2006126(*). En voici quelques extraits.
« La surpopulation empêche [...] de
mettre en pratique une véritable politique pénitentiaire, de
séparer les prévenus des condamnés, les mineurs des
adultes. Elle ne permet pas la mise en oeuvre d'un traitement social,
psychologique..., ni d'une action spécifique à la situation de
chaque détenu. Cela a un effet totalement négatif sur le principe
de réinsertion. Si on ne peut pas faire un travail dans ce sens, on
touche à la sécurité future, car la prison devient un
dépôt et non un lieu où se prépare la
réinsertion. »
« A ma demande adressée à
l'administration pénitentiaire concernant les causes de l'existence si
nombreuse d'établissements à régimes
mélangés, il m'a été répondu que
principalement cela tient au manque de financement et à l'absence de
construction de locaux pénitentiaires, rendant ainsi inévitable
le placement des personnes relevant de régimes et situations
différents dans les mêmes
établissements. »
« Une autre raison de la présence massive
dans les maisons d'arrêt de condamnés devant être
transférés dans des établissements pour peine tient, selon
mes interlocuteurs, au fait qu'il n'existe qu'un seul service central de
transfèrement. Tout transfert est effectué par des
représentants de ce service de manière centralisée selon
un planning pré-établi et arrêté d'avance. Il serait
par ailleurs assez difficile de procéder aux changements de ce planning
peu flexible car le service en question est surchargé. Dès lors,
les délais d'attente de transfert se rallongent et un grand nombre de
personnes en dépend »
Si l'on suit la pensée du Commissaire, la surpopulation
carcérale crée une véritable insécurité dans
les établissements pénitentiaires, et même au-delà
pour la société en général.
Elle génère une insécurité pour
l'individu détenu tout d'abord. La trop grande promiscuité, qui
plus est souvent dans des locaux vétustes, accroît en effet
considérablement les risques sanitaires, et développe les
facteurs de risque de troubles psychologiques, voire psychiatriques.
Ensuite, elle crée une insécurité latente
pour l'ensemble de la détention, et pour ses personnels, puisqu'elle
favorise l'animosité et l'agressivité des détenus,
première origine des mouvements collectifs en détention.
Elle est, enfin, créatrice d'insécurité
pour la société, puisqu'elle nuit au travail d'amendement et de
réinsertion des détenus, lorsqu'elle ne favorise pas la
création de synergies criminelles, rendant parfois ces détenus
plus dangereux à leur sortie de prison, que lors de leur
entrée.
§ 2 : Place du
modèle de CASABIANDA dans le débat de la surpopulation
carcérale.
Comme nous l'avons constaté dans l'étude
statistique de sa population pénale, le centre de détention ne
souffre pas, ces dernières années, d'une surpopulation
chronique.
Pour ce qui est du modèle de cette structure, il
pourrait être, à l'avenir, une réponse pertinente à
plusieurs des causes du développement de la surpopulation
carcérale françaises, et à ses conséquences.
Si le principal facteur de la surpopulation carcérale
est le manque de financement pour de nouveaux locaux, choisir le modèle
du centre de détention corse pour les futurs établissements
pénitentiaires constituerait le choix de l'économie, sans que la
qualité du succès des missions pénitentiaires de
l'administration en pâtisse pour autant.
En effet, la plupart des nouveaux programmes
pénitentiaires de construction se font aujourd'hui à
proximité des villes, et avec de très lourds investissements pour
sécuriser efficacement les locaux, mais aussi leurs alentours. Le
modèle de CASABIANDA, encourage, quant à lui, l'utilisation
d'espaces éloignés des centres urbains, où le foncier est
moins cher, et des infrastructures de mise en sécurité bien moins
coûteuses.
En outre, nous l'avons démontré plus haut, cet
établissement est, en terme de gestion, une structure de
détention sensiblement moins onéreuse que la moyenne
française.
L'économie réalisée serait alors
double : lors de la construction, et en terme de coûts annuel de
gestion.
Si le second facteur de la surpopulation carcérale est
le manque d'établissement pour peine, le régime de CASABIANDA est
tout à fait pertinent pour figurer dans les futurs programmes
pénitentiaires puisque c'est un centre de détention.
En outre, si la difficulté vient du manque de place
dans les cohortes orientées par le CNO vers ces structures
pénale, tout en sachant que le modèle de CASABIANDA n'est pas
là pour les remplacer, il permettra cependant, lorsque celles-ci seront
inévitablement multipliées, d'accélérer la
procédure d'affectation.
En effet, nous l'avons vu, les équipes du CNO ont
déjà développées une solide expérience dans
le ciblage du public le plus pertinent pour des établissements du type
de CASABIANDA, et n'auront plus alors qu'à adapter un modèle
existant aux particularités de nouveaux établissements
pénitentiaires labellisés « Open
Institution ».
Section 2 : La lutte
contre la récidive.
La médiatisation des affaires impliquant des criminels
récidivistes a développé, dans l'opinion, le sentiment que
la sanction pénale, telle qu'elle existe aujourd'hui, manquait
d'efficacité.
Or, dans une publication d'Infostat justice de 2006127(*), il apparaissait qu'avec une
étude portant sur les condamnés de 1984 à 2004, le
pourcentage de récidivistes dans les condamnations criminelles
oscillait, de 2000 à 2004, entre 2,4 % et 4,4 %. Avec, pour
l'année 2004, un ratio 1,3% de récidivistes dans les
condamnations pour viols.
Toutefois, même si la lutte contre la récidive
des criminels se limitait à résorber d'aussi faible taux, le
devoir de l'administration pénitentiaire appelle à l'effort et
à une exigence de recherche d'excellence.
La lutte contre la récidive des anciens détenus
s'envisage dans les débats contemporaines d'après deux axes
majeurs : la sphère médico-psychologique d'une part
(§1), et la préparation de la libération d'autre part
(§2). Ces deux domaines appellent des constats encore à affiner en
considération de l'expérience de CASABIANDA.
§ 1 :
Débats sur le traitement médico-psychologique des
détenus.
Le débat sur le traitement médico-psychologique
des détenus attire notre attention suivant deux champs distincts. D'une
part, le traitement des troubles mentaux des détenus en prison, devenus
un danger pour eux-mêmes, et pour les autres. D'autre part, le traitement
spécifique des détenus coupables d'infraction à
caractère sexuel destiné à prévenir une
éventuelle récidive.
A/ Traitement des troubles psychiatriques128(*).
Plusieurs études récentes montrent une
importante proportion de détenus souffrant de troubles psychiatriques,
tous générateurs de risques pour eux-mêmes ou pour leur
entourage.
Pour ce qui est des troubles dépressifs, une
étude épidémiologique sur la santé mentale des
personnes détenus menée en 2004 révélait qu'une
moyenne de près de 40% des détenues souffraient de syndromes
dépressifs. Que 7,9% souffraient d'attaques de panique ou de
névroses d'angoisse, 16.6 % d'agoraphobie, 15,4 % de phobie sociale.
Tous des facteurs, cumulatifs parfois, d'une possible tendance suicidaire.
Bien que le secret médical n'ait pu me permettre
d'avoir connaissance des chiffres de CASABIANDA, il est avéré
aujourd'hui, dans la société « libre », que
l'espace et la nature sont des outils thérapeutiques efficacement
proposés pour traiter ces troubles psychiatriques. L'absence de suicide
dans cette structure peut, d'une certaine manière, corroborer la
vocation médicale de ces facteurs environnementaux.
Le modèle de CASABIANDA pourrait être alors une
réponse préventive à l'apparition de certains de ces
troubles psychiques consécutifs à une incarcération,
diminuant ainsi d'autant les facteurs de tension des détenus. Ce
pourrait être aussi un frein au cycle psychiquement destructeur
susceptible de mener les individus jusqu'à commettre des actes violents
pendant, ou après leur détention.
B/ Traitement des infracteurs sexuels
Le traitement des infracteurs sexuels revêt aujourd'hui,
outre les psychothérapies traditionnelles, deux nouveaux visages.
- Les groupes de parole médico-psychologique ou
criminologique qui ont pour objectif, comme les présente leur promoteur,
le Dr R. COUTANCEAU129(*), « d'amener le sujet à
reconnaître les faits, à reconnaître sa
responsabilité, à comprendre ce qui motive son acte, à
appréhender les conséquences pour les victimes, à lui
apprendre aussi à mieux connaître ses failles, ses moments
difficiles, à lui apprendre à se contrôler, à
maîtriser sa violence ou ses fantasmes. »
- La prescription de traitement médicamenteux,
qualifiés pour certains de castrateurs chimiques, qui a pour but de
diminuer l'intensité des fantasmes et des désirs, avec pour effet
de les rendre contrôlables par l'individu traité.
Le centre de détention de CASABIANDA est aujourd'hui
l'un des sites pilote pour le programme du Dr COUTANCEAU. Toutefois, sa mise en
oeuvre récente ne nous permet pas de tirer aujourd'hui un quelconque
bilan de ce travail.
Néanmoins, un chiffre peut apporter un début
d'information sur le traitement médico-psychologique des détenus.
En 2006, CASABIANDA avait enregistré 1143 consultations psychologiques
ou psychiatriques. Ce qui fait une moyenne comprise entre 6 et 7 consultations
annuelles par détenus.
§ 2 :
Débats sur la préparation à la libération des
détenus.
Force est de constater que les détenus ayant subi des
peines d'incarcération de plusieurs années ont souvent des
difficultés à reprendre une vie « normale »
à l'issue de leur libération. Les raisons en sont
multiples :
- perte de repères familiaux et sociaux.
- absence d'emploi.
- difficultés pour trouver un logement.
- et d'autres causes diverses.
Certes, nous avons déjà pu voir quelle pouvait
être l'influence du régime de CASABIANDA sur certains de ces
facteurs précités, mais quelques données statistiques
complémentaires seront apportées dans le développement du
chapitre suivant.
Ainsi, porterons-nous maintenant une attention plus
particulière aux débats pénologiques d'exécution
des peines.
En Avril 2003, Jean-Luc WARSMANN, député des
Ardennes, remettait un rapport au Garde des Sceaux130(*), qui fut positivement
accueilli par de nombreux professionnels. Or, l'expérience de CASABIANDA
s'invite naturellement à une mise en perspective avec certaines
conclusions de ce rapport.
Ainsi, dans son développement, ce rapport insiste avec
force sur la nécessité de réduire au maximum le nombre de
sorties « sèches », à savoir celles
sans aménagement de peine. Il préconise pour cela l'accroissement
des libérations conditionnelles. Il n'envisage toutefois pas de
développer un temps d'incarcération spécifique entre le
régime carcéral traditionnel et la libération
conditionnelle. Une formule qui concilierait pourtant une réclusion en
établissement spécialisé, tout en permettant aux
détenus de se réapproprier les règles
élémentaires de vie quotidienne et de vie en
société.
Or, le régime de CASABIANDA peut répondre
à cet objectif. Outre le fait que l'individu reste
incarcéré, ce qui limite les critiques sociales adressées
aux régimes de semi-liberté, cette formule permet de
créer, à la manière d'un sas de décompression, une
étape de réacclimatation à une vie plus libre. Cette
étape pourrait permettre à plus de détenus de reprendre
confiance en leur humanité, voire en leur citoyenneté ; et,
ainsi, les aider à se réinsérer avec moins de rancoeur et
d'animosité à l'égard de la société ou de
leurs pairs.
Chapitre 2 : Les
résultats de CASABIANDA.
Mettre en avant la pertinence d'une expérience, exige
de s'appuyer sur des données statistiques vérifiées et
vérifiables, afin de valider le contenu des arguments proposés.
Ainsi, si CASABIANDA peut être présenté comme une solution
emblématique d'un nouveau mode de détention pour la
pénitentiaire française, bien qu'après 60 ans
d'expérience ce régime ait déjà eu l'occasion de
faire ses preuves, nous devons pouvoir démontrer l'existence de
résultats probants et performants en comparaison avec la moyenne
française, obtenue en majorité par le régime classique de
détention.
Nous devons donc, pour présenter objectivement les
résultats de ce lieu de détention, évaluer sa performance
en se basant sur des indicateurs suffisamment pertinents et précis pour
être utilement comparés à d'autres sujets
d'étude.
Pour ce faire, le plus approprié apparaît
être la prise en compte des indicateurs opérationnels
élaborés par l'Administration Pénitentiaire131(*) lors de l'application de la
Loi Organique des Lois de Finances132(*), puisque ceux-ci revêtent un caractère
national.
Mais ce mode d'évaluation à ses limites, et
d'autres indicateurs doivent compléter cette étude.
Nous verrons donc dans le développent de ce chapitre,
le renseignement pour CASABIANDA des Objectifs et Indicateurs LOLF retenus
comme pertinent pour notre étude (Section 1). Mais aussi d'autres
indicateurs qui ne figurent pas dans l'évaluation LOLF (Section 2).
Section 1 : Les
résultats de CASABIANDA aux travers des objectifs et indicateurs
LOLF.
§ 1 : OBJECTIF 1
: Renforcer la sécurité des établissements
pénitentiaires
A/ INDICATEUR 1.1 : Nombre d'évasions.
CASABIANDA n'a pas connu d'évasion des ses locaux
depuis au moins une dizaine d'années. Sur la même période,
la France avait dénombré plus de 200
évadés133(*).
Il faut cependant relever, pour être tout à fait
objectif, que dans l'année écoulée, ce qui n'était
pas arrivé depuis de très nombreuses années, deux
détenus n'ont pas réintégré la détention
à l'issue d'une permission temporaire de sortie.
B/ INDICATEUR 1.2 : Taux d'incidents.
Nature de l'incident
|
Nombre d'incidents en France en 2006
|
Nombre d'incidents à CASABIANDA en
2006
|
Mouvements collectifs
|
265
|
0
|
Agressions graves commises contre le personnel
|
550
|
0
|
Suicides
|
93
|
0
|
Grève de la faim
|
1.016 pour 62 438 détenus (chiffre de 2005,
données 2006 non fournies)
|
0 (en 2005 et en 2006)
|
Sanctions prononcées
|
39.618 pour 60.963 détenus (chiffre de 2003,
données 2006 non fournies)134(*)
|
5 avertissements,
5 cellules disciplinaires avec sursis,
1 disciplinaire ferme. Pour 6 infractions du
2ème degrés et 5 du 3ème.
|
§ 2 : OBJECTIF 3
: Développer les aménagements de peine.
INDICATEUR 3.1 : Pourcentage de
personnes placées sous écrou et condamnées
bénéficiant d'un aménagement de peine
Chiffres 2006 :
- en France : 5.649 libérations conditionnelles
pour 85.713 libérations. Soit 6,6% des libérations.
- à CASABIANDA : 35 libérations
conditionnelles pour 66 sorties. Soit 53,03 % des libérations.
§ 3 : OBJECTIF 6
: Favoriser les conditions d'insertion professionnelle des détenus
A/ INDICATEUR 6.1 : Pourcentage de détenus
bénéficiant d'une formation générale et / ou
professionnelle.
Chiffres 2006 :
- en France : 3.692.241 heures de formations ont
bénéficié à 21.605 détenus, sur une
population de 58.402 personnes écrouées au 1er janvier
2007. Soit une moyenne de 63,22 heures par détenu de la population
totale.
- à CASABIANDA : 34.950 heures de formations ont
bénéficié à 66 détenus, sur une population
totale de 170 détenus au 1er janvier 2007. Soit une moyenne
de 205,59 heures par détenu de la population totale.
B/ INDICATEUR 6.2 : Pourcentage de détenus
bénéficiant d'une activité
rémunérée.
Chiffres 2006 :
- en France : 1.845.569 journées
travaillées pour une population de 58.402 personnes
écrouées au 1er janvier 2007. Soit une moyenne de
31,60 journées travaillées par détenu de la population
globale.
- à CASABIANDA : 32.012 journées
travaillées pour une population de 170 personnes écrouées
au 1er janvier 2007. Soit une moyenne de 188,30 journées
travaillées par détenu de la population globale.
Section 2 : Les
résultats de CASABIANDA soumis à d'autres types
d'indicateurs.
Pour compléter l'analyse précédente, il
nous faut observer trois types d'indicateurs : des indicateurs
économiques (§1), des indicateurs d'évaluation des
conditions de détention (§2), et, pour conclure, des indicateurs
relevant du devenir pénal des détenus de CASABIANDA (§3).
Cependant, malgré les recherches entreprises, je n'ai
pu renseigner plusieurs de ces indicateurs qui seraient essentiel à une
évaluation exhaustive de l'établissement. Je me contenterai donc
de les présenter, d'exposer les difficultés rencontrées
pour les évaluer, et laisserai, à regret, le soin à une
étude ultérieure d'en dégager des conclusions.
§ 1 :
Indicateurs économiques
C'est semble-t-il volontairement que les indicateurs
économiques n'ont pas été intégré dans ceux
de la LOLF, ce qui semble paradoxal dans le cadre de l'application d'une loi
portant sur les finances publiques. Le Directeur de l'Administration
Pénitentiaire, M. D'HARCOURT explique ceci par les raisons
suivantes135(*) :
« L`Administration pénitentiaire n'a pas
retenu d'indicateur de coût dans les objectifs de performance. Cependant,
l'ensemble des données relatives au coût de la journée de
détention est présenté dans la partie JPE. En effet, le
coût d'une journée de détention doit être
utilisé avec précaution, car s'il permet des comparaisons dans le
temps, entre différentes structures et différents modes de
gestion (gestion publique et gestion mixte), son interprétation est
délicate. Ainsi, une baisse du coût peut signifier soit un gain de
productivité, soit une baisse de la qualité. Il doit être
analysé au regard du taux d'occupation des
établissements. »
Cette précaution enregistrée, nous pouvons
néanmoins faire ressortir de notre étude que CASABIANDA
s'avère moins onéreux que la plupart des autres
établissements pénitentiaires français. Et ce avec une
surpopulation quasi inexistante dans son histoire.
Je ne me relivrerai pas ici à la démonstration
déjà effectuée du calcul du coût global de
fonctionnement de CASABIANDA136(*), je me contenterai de le replacer dans une
perspective plus globale.
Si l'on pose l'hypothèse que sur les 41.038
détenus condamnés sans aménagement de peine au
1er juin 2008, l'on affecté 1.000 détenus (soit moins
de 2,5% du total de la population pénale incarcérée
à cette date) à un établissement dont le régime de
détention serait similaire à celui de CASABIANDA, l'Etat pourrait
potentiellement économiser annuellement, toute chose étant
égale par ailleurs en se référant à
l'économie moyenne réalisée par CASABIANDA ramenée
aux résultats des autres centres de détention en gestion
publique :
3,79€ x 1.000 détenus x 365 jours = 1.383.350,00
€ / an
Et nous ne retenons là que des économies
réalisées dans la gestion quotidienne, alors que dire si nous y
ajoutions les revenus tirés d'une production de biens ou de service.
§ 2 : Evaluation
des conditions de détentions
Evaluer les conditions de détentions sous-entend de
s'adresser à de multiples interlocuteurs (et pas seulement aux
détenus), et sur des sujets très variés portant sur tous
les volets de la détention.
Une grande étude menée par l'institut de sondage
BVA en 2006, pour préparer les états généraux de la
condition pénitentiaire, avait très consciencieusement
effectué ce travail.
Toutefois, malgré plusieurs demandes à
l'institut concerné, et des recherches dans les archives de
l'établissement, je n'ai pu obtenir le volet des réponses portant
sur CASABIANDA.
Pour autant, nous avons pu à plusieurs reprises
constater dans ce travail que les détenus, tout comme les personnels,
exprimaient une vision manifestement positive des conditions de vie et de
travail à CASABIANDA.
Faire une extraction de l'étude BVA permettrait
toutefois d'appréhender plus scientifiquement cette perception
empirique.
§ 3 :
Indicateurs de récidive
Le dernier critère mis en avant comme une
réussite de CASABIANDA relève de la proportion moins
élevée de détenus qui auraient récidivé en
sortant de cet établissement par rapport à la moyenne globale des
prisons françaises.
Bien que des évaluations informelles aient
été effectuées par d'anciens directeurs du centre, je ne
puis en faire ici état puisqu'elles n'ont pas été
scientifiquement certifiées.
Le véritable écueil procède en fait de
l'absence de volonté politique, à laquelle s'ajoute quelques
difficultés techniques et juridiques, de croiser le fichier national du
casier judiciaire, avec celui des numéros d'écrou.
Le seul indicateur récent de la récidive des
sortants de prison concerne la population carcérale globale, et il nous
est apporté par Les cahiers de démographie
pénitentiaire, de mars 2004137(*). Une étude menée sous l'égide
de l'administration pénitentiaire, chargée de constater sur un
échantillon représentatif de la cohorte des sortants de prison
libérés entre le 1er mai 1996 et le 30 avril 1997, les
sujets ayant eu une nouvelle inscription sur leur casier judiciaire avant le
1er Juin 2002. Pour la population des infracteurs sexuels, celle qui
est majoritaire à CASABIANDA, voici les extraits les plus pertinents de
cette étude :
Proportions de libérés sans nouvelle
affaire
et avec nouvelle affaire selon la nature de la
condamnation
|
Infraction principale pour laquelle le
détenu
a été libéré en
1996/1997
|
% de libérés sans nouvelles
affaires
|
% de libérés
avec nouvelles affaires...
|
total
|
sans
emprisonnement ferme
|
avec
emprisonnement ferme
|
Atteintes volontaires contre les
personnes
|
|
|
|
|
Agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle sur mineur
(crime)
|
70
|
18
|
11
|
100
|
Agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle sur mineur
(délit)
|
77
|
11
|
11
|
100
|
Une extraction basée exclusivement sur les
détenus libérés de CASABIANDA à la même
période, accompagnée de la consultation de leur casier judiciaire
au 1er Juin 2002, permettrait de clarifier définitivement la
question de l'efficacité du lieu à prévenir la
récidive.
Chapitre 3 : Peut on
reproduire CASABIANDA ?
La question de la viabilité et de l'efficacité
du modèle de CASABIANDA, ayant déjà trouvé
plusieurs réponses dans les développements de ce mémoire,
il nous faut maintenant envisager les difficultés que pourraient
rencontrer la reproduction de ce modèle pour un autre
établissement pénitentiaire français.
- Parer aux réticences de
l'opinion.
En condamnant un Homme, le corps social français ne
s'attend pas aujourd'hui à ce que celui-ci bénéficie de
conditions d'incarcération comparables à celles de CASABIANDA.
Les raisons à cela tiennent essentiellement au fait que
la plupart des citoyens s'attendent à ce que la peine soit suffisamment
exemplaire pour que le condamné « paye » le
crime qu'il a commis, ce qui dans leur esprit s'envisage par la soumission
à une forme de repentir par la souffrance.
Il faut donc entreprendre un véritable effort de
pédagogie pour expliquer le modèle de CASABIANDA, qui n'est pas,
comme certains le prétendent, « un centre de vacances pour
prisonniers ». Il faut insister sur la place centrale de
l'effort et du travail dans l'identité de l'établissement. Et il
faut, par-dessus tout, souligner que CASABIANDA s'inscrit dans le cadre d'un
régime progressif de la peine, et que, par-là même, le
détenu a déjà expérimenté, les conditions
d'incarcération en milieu fermé.
Il faut, en outre pour rassurer les esprits, souligner
l'effort de sélection fait par les équipes du CNO dans
l'orientation des détenus vers ce type d'établissement ouvert.
Et pour conclure sur ce point, il est nécessaire de
rappeler les résultats en matière de sécurité et de
récidive qu'induit ce modèle.
- Convaincre les pouvoirs publics.
Outre de leur apporter les arguments utiles pour
répondre aux préoccupations de leurs concitoyens, il est capital
de mettre en avant, pour les pouvoirs publics, les multiples avantages qui
découlent de l'utilisation du régime
des « Open Institutions ».
L'installation d'une telle structure sur leur territoire sera
le synonyme de l'implantation d'un service administratif avec tout ce que cela
implique en terme d'emploi pour les communes environnantes. Qu'en outre, les
activités de productions ou de services élaborés par des
unités du type de CASABIANDA sont dégagées des exigences
de rentabilité maximum auxquelles sont soumises des productions
privées similaires, et peuvent donc participer à des missions ou
à des actions de service public utile aux territoires qui les
accueillent (missions d'intérêt environnemental, chantiers de
sauvegarde du patrimoine, ...).
Dans une période économique où les
dépenses publiques font l'objet d'un strict contrôle, et d'une
rationalisation poussée des dépenses, le modèle de
CASABIANDA est une réponse pertinente aux efforts d'économie
demandaient à l'administration. L'argument, déjà plusieurs
fois développé dans ce mémoire des gains
économiques substantiels que CASABIANDA fait réaliser au budget
de l'Etat, suffit à encourager au développement
d'établissements pénitentiaires soumis au même
régime de détention.
Il faut enfin, et c'est peut être là l'essentiel,
rappeler aux Représentants de la Nation leur responsabilité
d'Elus de la République, et par conséquent, de défenseurs
des Droits de l'Homme et du Citoyen. Le régime du centre de
détention de CASABIANDA, est aujourd'hui un exemple, sans doute encore
perfectible, de juste compromis entre l'application de la sanction
pénale et du respect de la dignité humaine. L'image de notre
administration pénitentiaire, et plus généralement du
respect des Droits de l'Homme dans notre pays, gagnerait donc à
développer ce type d'établissement.
- Le manque théorique de
détenus.
CASABIANDA accueillerait déjà, pour certains
membres de l'administration pénitentiaire, tous les détenus
français pouvant répondre positivement à la soumission
à ce régime de détention. Soit au 1er avril
2008, 184 détenus sur une population carcérale globale de 63.211
détenus, et sur une population de 40.594 détenus condamnés
sans peine aménagée. Soit un ratio de 0,29 % de la population
globale, et 0,45% de la population carcérale condamnée sans peine
aménagée.
Pourtant, lorsque l'on étudie les ratios de
détenus soumis à ce régime dans les autres pays
européens qui l'appliquent, force est de constater que, toute chose
égale par ailleurs, la marge de manoeuvre française est
encore très grande. Prenons deux exemples, avec d'une part un pays
frontalier, et d'autre part un pays d'Europe du Nord :
- La Belgique : avec une population moyenne
journalière de 9.873 détenus en 2007, dont 5.330
condamnés, ce pays pouvait accueillir jusqu'à 616 détenus
dans ses « Open Institutions » (nombre de places
théoriques), soit 6,2% de sa population carcérale globale et
11,55% de sa population carcérale condamnée138(*).
- La Finlande : avec une population pénale
globale de 7.292 détenus en 2006, dont 6.689 condamnés, ce pays
accueillait 571 détenus dans ses « Open
Institutions » (sur 869 places théoriques139(*)), soit 7 % de sa population
carcérale globale, et 8,5% de sa population carcérale
condamnée140(*).
En outre, comme nous avons pu déjà le constater,
soulignons ici que les autres pays usant du régime carcéral des
« Open Institutions » n'accueillent pas
forcément une majorité d'infracteurs sexuels, ce qui constitue
encore pour la France une marge de manoeuvre conséquente dans son
recrutement des détenus aptes à suivre ce type de régime
carcéral.
- Trouver un environnement similaire à celui
de CASABIANDA.
Un argument souvent avancé pour justifier l'absence
d'autres « Open Institutions » à la
française, tient au cadre unique offert par le domaine de CASABIANDA. Un
argument difficilement acceptable, puisque, si tel était bien le cas,
comment pourrait-il exister d'autres « Open
Institutions » à travers le monde ?
Alors, certes, le modèle de CASABIANDA ne peut
être reproduit à l'identique, mais il est tout à fait
adaptable à d'autres environnements.
Il existe en France de nombreux espaces ruraux loin des grands
centres urbains ou de grande voie de communication, où des territoires
aujourd'hui inexploités pourraient accueillir ce type de structure.
En outre, à la manière des prisons
Norvégienne, il peut être envisageable d'utiliser des îles,
naturellement isolées, pour construire de nouvelles « Open
Institutions ».
Pour conclure ce titre, nous pouvons dire que CASABIANDA
apparaît, aux vues des observations présentées dans cette
deuxième partie, comme un exemple atypique français. Eu
égard à son fonctionnement original, il est le type
d'établissement pénitentiaire qui se conforme le plus aux
règles pénitentiaires européennes.
Voici, pour mémoire, les principes fondamentaux
énoncés dans ces règles :
« Règle 1. Les
personnes privées de liberté doivent être traitées
dans le respect des droits de l'homme.
Règle 2. Les personnes
privées de liberté conservent tous les droits qui ne leur ont pas
été retirés selon la loi par la décision les
condamnant à une peine d'emprisonnement ou les plaçant en
détention provisoire.
Règle 3. Les restrictions
imposées aux personnes privées de liberté doivent
être réduites au strict nécessaire et doivent être
proportionnelles aux objectifs légitimes pour lesquels elles ont
été imposées.
Règle 4. Le manque de
ressources ne saurait justifier des conditions de détention violant les
droits de l'homme.
Règle 5. La vie en prison
est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects
positifs de la vie à l'extérieur de la prison.
Règle 6. Chaque
détention est gérée de manière à faciliter
la réintégration dans la société libre des
personnes privées de liberté. »141(*)
Bien que ces règles ne soient aujourd'hui que de
simples recommandations, elles demeurent toutefois un guide pour
développer des prisons que nos sociétés modernes,
éclairées par l'expérience de quatre millénaires de
sanctions pénales142(*), sont en droit d'espérer.
Développer des espaces de détention conforme
à ces règles, c'est accepter de poursuivre la progression de nos
sociétés vers un idéal plus soucieux de l'humanité
de leurs membres. CASABIANDA en est l'exemple unique en France, un
emblème.
Conclusion
Ce travail nous aura permis de mettre en avant les
originalités du centre de détention de CASABIANDA tout en
réaffirmant son identité carcérale.
Il nous aura rappelé l'actualité et la
modernité de ce lieu, et surtout qu'il n'est pas isolé dans le
paysage carcéral mondial.
Mais ce travail nous a surtout autorisé à mettre
en évidence la supériorité de son modèle,
appliqué à une population pénale maintenant clairement
définie, par rapport à la moyenne pénitentiaire
française.
Enfin, ce travail nous a fourni les principaux arguments qui,
je l'espère, convaincront le plus grand nombre de l'utilité du
développement de prisons utilisant un régime de détention
similaire à celui de CASABIANDA.
Il semble donc temps, pour les décideurs, de ne plus
voir CASABIANDA comme une expérience. En effet, contrairement à
la terminologie employée aujourd'hui à son sujet, cet
établissement ne peut plus être considéré comme
expérimental ou pilote. En premier lieu parce qu'aucun évaluateur
n'est jamais véritablement venu relever les résultats de
l'expérience. Mais surtout, parce qu'après 60 ans d'existence un
établissement comme celui-ci ne peut plus légitimement conserver
de tels qualificatifs.
Reste donc aux pouvoirs de publics à tirer aujourd'hui
les conclusions qui s'imposent :
- soit CASABIANDA est un modèle qui a
échoué. Auquel cas nous ne pouvons pas, dans
l'intérêt de la société, laisser près de deux
cents détenus dans des conditions de détention utilisant un
minimum de précautions pour les maintenir
incarcérés ; qui plus est ceux qui se sont rendus coupables
des crimes considérés par l'opinion comme des plus
répréhensibles.
- soit CASABIANDA est un modèle qui a réussi,
qui utilise un minimum de contrainte pour un maximum de sécurité.
Auquel cas dans l'intérêt supérieur du respect des Droits
de l'Homme et du Citoyen, notamment dans la soumission des condamnés
à des peines « strictement et évidemment
nécessaires », il doit être utilisé pour
servir de base à la création de nouveaux centres de
détention.
Il est d'autant plus urgent d'affirmer le succès de ce
modèle, en ouvrant notamment d'autres structures semblables à
CASABIANDA, qu'il est aujourd'hui fragilisé par l'existence d'une seule
application concrète. Un incident, qui reste toujours possible, aurait
beaucoup moins de conséquences pour sa pérennité si
plusieurs établissements utilisaient concomitamment ce type de
régime de détention.
En outre, la multiplication, à CASABIANDA, de nouveaux
dispositifs de sécurité, commence à inquiéter ceux
qui s'intéressent aux originalités de ce lieu. En effet, plus
CASABIANDA se rapproche d'un centre de détention classique, moins il a
de légitimité à exister.
De plus, à l'issue de cette étude, il parait
évident qu'appliqué à une part minoritaire des
détenus français, le régime de CASABIANDA soit à la
fois le plus performant et le plus conforme aux respect des principes
énoncés en 1789.
Autrement dit, ce régime permet de passer, dans
certains cas bien définis, et dans une vision de maximisation des
moyens, de la recherche d'une plus grande efficacité des
établissements pénitentiaires, à la recherche d'une plus
grande efficience dans l'accomplissement des missions de l'administration
pénitentiaire.
L'expérience de CASABIANDA mérite donc
aujourd'hui de bénéficier de garanties pour rester confiant dans
son avenir. Ceci devant sans doute passer tout d'abord par l'élaboration
d'un projet d'établissement clair, afin que soit rappelé à
tous, à la fois la philosophie originelle du centre
pénitentiaire, mais aussi les composantes essentielles de son
identité.
Cela permettrait en outre à l'administration
pénitentiaire de communiquer plus confortablement avec les médias
en leur offrant un fond documenté pour aider à l'écriture
de leur sujet, et de substituer à « la canne à
pêche en première de couverture », l'ouvrage d'un
détenu, se levant à 6h00 du matin, au service d'une
communauté.
Mais l'affirmation du succès de CASABIANDA et la
volonté de développer les établissements de ce type ne
peuvent se faire efficacement sans repenser plus globalement notre
système pénitentiaire. C'est en effet en réhabilitant le
vieux principe de progressivité de la peine que l'on donnera toute leur
légitimité à de futures créations d'«Open
Institutions » à la française.
En outre, à l'heure où les projets de
coopérations communautaires se multiplient dans l'écriture du
droit et dans son application, cette réflexion nous permettrait
d'élaborer, aux cotés de nos partenaires européens, une
nouvelle conception de la répression pénale et de l'institution
pénitentiaire.
Il existe aujourd'hui, au Nord de l'Europe, le projet
« Nord-Balte », tutellé par le par le Conseil de
l'Europe, qui a pour objectif d'améliorer et de développer les
systèmes des Etats Baltes en se reposant sur l'expérience des
Pays Scandinaves143(*).
Inspirons-nous de cette entreprise pour faire progresser et
harmoniser sur tout le continent, nos systèmes pénitentiaires
nationaux, et participer, ainsi, à la construction d'un véritable
espace judiciaire européen.
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agneaux ou en cultivant des fraises écologiques. Publiée le
25/07/2007 à 18:13:36 GMT.
LE FIGARO : Casabianda, première prison
ouverte. En arrachant 648 hectares au maquis les cent détenus rapportent
de l'argent à l'Etat. 26-27/04/1958
LE FIGARO : Corse, scandale au centre
pénitentiaire. Des détenus côtoyaient des enfants.
01/09/1999
LE MONDE, Le débat sur la récidive
relancé après deux faits-divers, article daté du 28
Septembre 2005
LE MONDE, Rachida DATI veut développer « la
prison hors les murs », article daté du 28 juillet
2008
MARIANNE, À Casabianda, même les matons ne
sont pas bien gardés. 06/07/1999
NICE MATIN : Un domaine témoin,
CASABIANDA...11/12/1953
NICE MATIN : Prison ouverte ... sur chambre
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NICE MATIN : La clef des champs... pour travaux
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CASABIANDA, chance unique des détenus, n°120, avril
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Table des matières
Sommaire
9
Table des abréviations
11
Chronologie comparée de
l'Histoire de CASABIANDA
12
Introduction
14
- Partie I - CASABIANDA,
établissement pénitentiaire hors norme.
19
Titre 1 : L'identité
carcérale de CASABIANDA
20
Chapitre 1 : Brève histoire d'une prison, et
de sa terre.
21
Section 1 : De l'origine du domaine
21
§ 1 : De la période antique
21
§ 2 : D'un empire à un autre
24
§ 3 : De la propriété du
domaine au XIXème siècle.
27
Section 2 : Du pénitencier agricole au
XIXème siècle
30
§ 1 : Des pénitenciers agricoles
de Corse en général
31
§ 2 : Du pénitencier de CASABIANDA
en particulier
36
Section 3 : De la prison du
XXème siècle
43
§ 1 : Les premières années
du nouveau Centre Pénitentiaire Agricole de CASABIANDA
45
§ 2 : CASABIANDA au fil des
décennies, jusqu'au IIIème Millénaire
53
Chapitre 2 : Organisation et fonctionnement du
centre de détention de CASABIANDA.
56
Section 1 : L'encadrement humain des
détenus de CASABIANDA
56
§ 1 : Le personnel de
l'établissement
56
§ 2 : L'organisation des services.
58
Section 2 : Fonctionnement du centre de
détention de CASABIANDA
61
§ 1 : Gestion de la
sécurité à CASABIANDA
62
§ 2 : Activités des
détenus
65
§ 3 : Les « chambres
d'amour ».
67
Titre 2 : Les originalités de
CASABIANDA
70
Chapitre 1 : La vocation économique de
CASABIANDA.
71
Section 1 : L'intégration du centre de
détention dans l'économie de la micro région qui
l'entoure.
71
§ 1 : De l'incidence de CASABIANDA sur
l'économie de la micro région en général.
71
§ 2 : De la production du centre de
détention notamment par la RIEP de CASABIANDA en particulier.
73
Section 2 : Labeur et labour pour les
détenus de CASABIANDA
76
§ 1 : Le travail des détenus de
CASABIANDA
76
§ 2 : La formation des détenus de
CASABIANDA.
78
Chapitre 2 : Evolution et perspectives de la
population pénale de CASABIANDA.
81
Section 1 : Eléments d'analyse et
données statistiques de la population pénale de CASABIANDA
81
§ 1 : Analyses de quelques données
statistiques relatives à la population carcérale de
CASABIANDA
81
§ 2 : Le travail du CNO dans le choix des
détenus pour CASABIANDA
89
Section 2 : Particularités de la
population carcérale de CASABIANDA
92
§1 : Etude succincte des détenus
pour infractions pénales à caractère sexuel
92
§2 : Observation de la part minoritaire
des détenus de CASABIANDA.
99
- Partie II -
CASABIANDA, prison unique et emblématique.
102
Titre 1 : Le caractère exceptionnel
de CASABIANDA
103
Chapitre 1 : De l'applications des missions de
l'administration pénitentiaire par le prisme de CASABIANDA.
104
Section 1 : Des intérêts de la
société dans l'application des peines à CASABIANDA.
105
§ 1 : De la neutralisation des
détenus à CASABIANDA.
105
§ 2 : De l'exemplarité de la peine
à CASABIANDA.
107
Section 2 : Des intérêts des
détenus dans l'application des peines à CASABIANDA.
109
§ 1 : De l'amendement du condamné
à CASABIANDA.
109
§ 2 : De la préparation à
la réinsertion du condamné à CASABIANDA.
110
Chapitre 2 : La place de CASABIANDA dans la
pénologie française, européenne et mondiale.
113
Section 1 : Une prison médiatique mais
peu étudiée
113
§ 1 : Discrètes évocations
de CASABIANDA dans la littérature scientifique ou politique.
113
§ 2 : Une profusion d'articles de
presse
117
Section 2 : Un exemple d'Open
Institution
120
§1 : Caractéristiques des Open
Institutions
120
§ 2 : Quelques exemples d'autres Open
Institutions en Europe
123
Chapitre 3 : Des conséquences d'une
situation originale.
127
Section 1 : Les rapports sociaux dans la
microsociété de CASABIANDA.
127
§ 1 : Comportements sociaux des
détenus
127
§ 2 : Comportements sociaux des
personnels
129
Section 2 : Le coût financier de
CASABIANDA.
130
§ 1 : Ses coûts de personnel
131
§ 2 : Ses dépenses de
fonctionnement et de santé.
132
Titre 2 : Une prison
emblématique
134
Chapitre 1 : La place de CASABIANDA dans les
débats actuels sur le « traitement » de la population
pénale.
135
Section 1 : La surpopulation
carcérale.
135
§ 1 : Enjeux de la surpopulation
carcérale française.
135
§ 2 : Place du modèle de
CASABIANDA dans le débat de la surpopulation carcérale.
137
Section 2 : La lutte contre la
récidive.
138
§ 1 : Débats sur le traitement
médico-psychologique des détenus.
139
§ 2 : Débats sur la
préparation à la libération des détenus.
140
Chapitre 2 : Les résultats de
CASABIANDA.
142
Section 1 : Les résultats de CASABIANDA
aux travers des objectifs et indicateurs LOLF.
143
§ 1 : OBJECTIF 1 : Renforcer la
sécurité des établissements pénitentiaires
143
§ 2 : OBJECTIF 3 : Développer les
aménagements de peine.
144
§ 3 : OBJECTIF 6 : Favoriser les
conditions d'insertion professionnelle des détenus
144
Section 2 : Les résultats de CASABIANDA
soumis à d'autres types d'indicateurs.
145
§ 1 : Indicateurs économiques
145
§ 2 : Evaluation des conditions de
détentions
146
§ 3 : Indicateurs de récidive
147
Chapitre 3 : Peut on reproduire
CASABIANDA ?
149
Conclusion
153
Bibliographie
156
I - Monographies et thèses.
156
II - Textes législatifs et
réglementaires / Jurisprudence.
161
III - Articles de presse.
162
IV - Sites Internet.
163
Table des matières
165
Imprimé en Avignon par
l'auteur.
- Août 2008 -
* 1 Bibliothèque
numérique de l'Université du Québec à Chicoutimi :
"Les classiques des sciences sociales", Site web: http://classiques.uqac.ca/
* 2 Assemblée
Nationale (2000), Rapport fait au nom de la Commission d'enquête sur
la situation dans les prisons françaises. Tome I.
* 3 Statistiques mensuelles de
l'administration pénitentiaire.
http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10036&ssrubrique=10041&article=13006
* 4 Le Monde, Le
débat sur la récidive relancé après deux
faits-divers, article daté du 28 Septembre 2005.
* 5 Loi n° 2007-1198
du 10 août 2007. Loi Renforçant la lutte contre la
récidive des majeurs et des mineurs. Parue au J.O. du 11 août
2007.
* 6 Le Monde, Rachida
DATI veut développer « la prison hors les
murs » ; article daté du 28 juillet 2008.
* 7 Assemblée
Nationale (2000), Rapport fait au nom de la Commission d'enquête sur
la situation dans les prisons françaises. Tome I.
* 8 Pour approfondir
l'histoire antique de la région d'Aléria, je recommande au
lecteur le Musée qui est consacré aux fouilles
archéologiques de la région, installé aujourd'hui dans le
fort d'Aléria.
* 9 Hérodote, Clio, I
165.
* 10 Sous la dir. de Francis
POMPONI (1981), Le mémorial des Corses (vol. 1) Des
origines à Sampiero ; L'Harmattan, Ajaccio.
* 11 Hérodote,
Clio, I 166. Ces nombres, comme bien souvent dans la
littérature antique sont cependant à prendre avec
précaution, et indulgence, comme nous le ferions avec une licence
poétique.
* 12 Sur les
conséquences de la bataille d'Alalia, voir le chapitre 3 de l'ouvrage de
KRINGS, V. (1998) Carthage Et Les Grecs, C. 580-480 Av. J. -C.: Textes Et
Histoire, édition Brill Academic Publishers.
* 13 Source :
www.quid.fr.
* 14 Sous la dir. de Francis
POMPONI (1979), Le mémorial des Corses (vol. 3) La
présence française, 1796-1914 ; L'Harmattan, Ajaccio.
* 15 op. cit.
* 16 Sous la dir. de Francis
POMPONI (1979), Le mémorial des Corses (vol. 3) La
présence française, 1796-1914 ; L'Harmattan, Ajaccio.
* 17 Source :
VERGE-FRANCESCHI, Michel et LE ROY LADURIE, Emmanuel (1996). Histoire de
Corse, le Pays de la grandeur. Edition du Félin.
* 18 sous la direction de
SERPENTINI, A.-L (2003). Le Dictionnaire historique de la
Corse. édition Albiana.
* 19 MICHAUD Louis-Gabriel
(1843), Dictionnaire de biographie universelle ancienne et moderne, tome
14, édité chez Madame C. DESPLACES, Paris.
* 20 FRANCESCHETTI, Joseph
Marie César (1861). Domaine de CASABIANDA, Mémoire sur
la vente de l'Exploitation.
* 21 FRANCESCHETTI, Joseph
Marie César (1861). Domaine de CASABIANDA, Mémoire sur
la vente de l'Exploitation.
* 22 POULET-MALASSIS, A.
pour Commission chargée de réunir, classer et publier les papiers
saisis aux Tuileries (1877). Papiers secrets et correspondance du second
empire. Imprimerie Nationale, Paris. Page 347.
* 23 Idem.
* 24 LIMAROLA M.,
Pétition au Corps Législatif, 15 juillet 1870. PARIS.
Fond des archives impériales, Bibliothèque Nationale de
France.
* 25
Statistique des prisons et établissements pénitentiaires pour
l'année 1865. (1867), Imprimerie administrative de Paul DUPONT,
Paris.
* 26 Propos tenus lors de
l'inauguration de la Chapelle Impériale d'Ajaccio en 1860.
* 27 Cite in Bulletin de
la société générale des prisons année
1879. Librairie Marchal et Billard.
* 28 Statistique des
prisons et établissements pénitentiaires pour l'année
1865, op. cit.
* 29 idem
* 30 Cité
in : Statistique des prisons et établissements
pénitentiaires pour l'année 1865, op. cit.
* 31 cité in Bourdier
Colette. Les bagnards.
http://pagesperso-orange.fr/Cagouille-Icaunaise/bagnards/livre_bagnards_p021.htm
* 32 Cité in
: BOUDON, Dominique (2006). Le pénitencier de Coti-Chiavari.
Ajaccio.
* 33 BAILLY Charles (1884),
Les pénitenciers agricoles de la Corse, imp. de
Ricard-Leclercq, Saint-Valéry (Somme).
* 34 CAMPBELL, THOMASINA, M.
A. E. (1872). Notes sur l'île de Corse en 1868 :
dédiées à ceux qui sont à la recherche de la
santé et du plaisir ; trad. Française ; impr. de J.
Pompeani et Lluis (Ajaccio).
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb301901805/description.
* 35 Source :
BARBAN, Lucien et CALVO, Dominique (1866). Traité pratique
de l'administration et du service des prisons, édition Dentu et
Dupont. http://books.google.com.
* 36 Statistique des
prisons et établissements pénitentiaires pour l'année
1865, op. cit.
* 37 NICOLLET, B (1886).
Études sociologiques : le régime et la réforme
pénitentiaires; travail industriel prisonnier, sa statistique,
comparée à celle du travail libre, son remplacement par le labeur
agricole, irrationalisme et révision des pénalités
actuelles, Grenoble, chez l'auteur.
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb310169688/description
* 38 MARCHETTI, Pascal
(1980), Une mémoire pour la Corse. Flammarion.
* 39 Voir en annexe les photos
du cimetière de CASABIANDA où sont enterrés des personnels
et des détenus qui ont succombés à la malaria.
* 40 Statistique des prisons
et établissements pénitentiaires pour l'année 1865, op.
cit.
* 41 idem
* 42 idem
* 43 op.cit.
* 44 Evaluation faite
à partir des chiffres arrêtés en 1882 par Charles BAILLY,
op. cit.
* 45 Une série de
planche photographique sur le pénitencier de CASABIANDA est en annexe
à ce mémoire, avec l'aimable autorisation de la direction du
Centre de Détention de CASABIANDA.
* 46 Cette
présentation du centre pénitentiaire de CASABIANDA au
XXème siècle s'appuie sur les témoignages
d'anciens personnels ou détenus, et plus particulièrement sur
celui de M. Roger DUMAS, ancien directeur de CASABIANDA de 1949 à 1959
et ancien directeur régional de l'Administration pénitentiaire.
Il sera également fait référence ici aux données du
Rapport d'André PERDRIAU portant sur CASABIANDA présentait lors
du premier Congrès des Nations Unies en matière de
prévention du crime et de traitement des délinquants,
Genève 1955.
* 47 VERPRAET Georges
(1958), Casabianda, première prison ouverte, Le Figaro, 26-27
Avril.
* 48 Rapport
d'activité du Centre de Détention de CASABIANDA, Mai
1998.
* 49 COLY Jean-Marcel
(1953), Rapport général sur l'exercice 1953.
* 50 CANAT Pierre (1951),
Revue de science criminelle et de droit pénal comparé,
cité in Jean-Marie RENOUARD (2007), Baigneurs et
Bagnards. Tourismes et prisons dans l'île de Ré. Edition
L'Harmattan.
* 51 Afin de
s'imprégner de l'identité de CASABIANDA dans les années
50, figure en annexe à ce mémoire, une série de planches
photographiques confiées par l'ancien directeur de CASABIANDA, M. Roger
DUMAS.
* 52 Source des
données : Rapport d'André PERDRIAU portant sur CASABIANDA
présentait lors du premier Congrès des Nations Unies en
matière de prévention du crime et de traitement des
délinquants, Genève 1955.
* 53 VERPRAET Georges
(1958), Casabianda, première prison ouverte, Le Figaro, 26-27
Avril 1958.
* 54 Cité in
ACCOCE Pierre (1959), CASABIANDA, chance unique des
détenus, Revue Constellation, le monde vue en
français, n°120 avril 1958.
* 55 idem
* 56 VERPRAET Georges
(1958), Casabianda, première prison ouverte, moins
d'évadés dans un pénitencier sans mur ni verrou que dans
les maisons centrales fermées, Le Figaro, 25 Avril 1958.
* 57 Source des
données : Exposé de Madame CRISTIANI, juge de l'application
des peines, à la commission parlementaire compétente. 17 mars
1966.
* 58 Arrêté
préfectoral du Préfet de Haute-Corse du 15/09/2005 donnant
autorisation au Directeur du Centre de détention de CASABIANDA pour
installer un système de vidéo surveillance dans le quartier
résidence du centre de détention.
* 59 Bien que les missions
traditionnelles des acteurs de la pénitentiaire soient bien connues, il
sera important d'effectuer dans cette section quelques rappels qui prendront
tout leur sens lorsque nous envisagerons plus loin les particularités
propres à CASABIANDA.
* 60 Les chiffres de ce
paragraphe sont tirés du rapport d'activité 2006 du Centre de
détention de CASABIANDA et des statistiques mensuelles faites par les
services administratifs du CD.
* 61 L'impact économique
de CASABIANDA sur son environnement sera détaillé dans le Titre 2
de cette partie.
* 62 Pour approfondir le
rôle des SPIP au Centre de détention de CASABIANDA, il est
possible de se référer au mémoire de 2000 de M. Christian
SALOM, actuel Directeur SPIP régional, lorsque celui-ci était en
poste de CIP à CASABIANDA, intitulé Les infracteurs sexuels
détenus : traitements et faits pervers.
* 63 Source : Commission
locale de formation, Rapport d'activité 2006-2007,
CASABIANDA.
* 64 Sur la notion de
sécurité dans les établissements pénitentiaires
français, voir le Mémoire de DEA de GOUBET Maud, sous la
direction de Nicolas DERASSE (2001-2002), La sécurité en
prison, Ecole doctorale n°74, Université de Lille 2.
* 65 de la prison de Auburn,
New York XVIIIème siècle.
* 66 Travail et formation
des détenus ayant cependant une ampleur supérieure aux autres
établissements, ces thématiques seront plus amplement
développées dans le Chapitre 1 du Titre 2 de cette partie qui
porte sur les originalités de CASABIANDA.
* 67 Les activités des
détenus au service général et à la RIEP seront
développées avec plus de détails dans le Titre suivant.
* 68 Voir chapitre sur
l'histoire de l'établissement après la seconde guerre
mondiale.
* 69 ARRETE
Préfectoral N° 2007207-5 en date du 26 juillet 2007 portant
autorisation de battues administratives d'observation et régulation des
populations de sangliers sur le domaine de Casabianda - Commune
d'Aléria.
* 70 Arrêté du
Ministère de l'agriculture : Classement du domaine de CASABIANDA en
réserve nationale de chasse ; 15 mai 1951.
* 71 Voir partie historique.
* 72 Les données de
cette partie sont issues du compte rendu d'activité de la RIEP de
Casabianda pour la campagne 2006-2007.
* 73 Exemple de cette
orientation de l'île : Assemblée de Corse, Rapport
n°2007/E1/073 ; Convention d'application du plan de relance de
l'agriculture corse - année 2007 ; Axe 2, Mesure 5 :
Développer l'agriculture biologique pour valoriser le potentiel de la
Corse dans l'élaboration de produits naturels. 14 Mai 2007.
* 74 Compte rendu
d'activité de la RIEP, op. cit.
* 75 Note de
l'administration pénitentiaire en date du 14 mai 1985 -
réf : F 12 BP/JM., cité in Rapport du Sénat
sur le Projet de loi relatif à la rétention de
sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité
pénale pour cause de trouble mental, par Jean-René LECERF,
déposé le 27 janvier 2008.
* 76 Op. Cit.
* 77 Source :
statistiques de l'INHES (Institut National des Hautes Etudes de
Sécurité), Ministère de l'intérieur.
* 78
http://www.allo119.org/adultes/119/donnees_auteurs.html
* 79 Tableau extrait du
rapport du Pr SENON Jean-Louis, Quelles sont les théories actuelles
concernant les causes impliquées dans les agressions
sexuelles ?, présenté lors de la 5ème
Conférence de consensus de la Fédération Française
de Psychiatrie. 22-23 Novembre 2001.
* 80 Texte des
recommandations élaborées par le Jury de la conférence de
consensus Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d'agression
sexuelle, la 5ème Conférence de consensus de la
Fédération Française de Psychiatrie. 22-23 Novembre
2001.
* 81 Je reprends là
le vocabulaire qui m'a été tenu par les détenus et les
personnels de détention.
* 82 WELZER-LANG Daniel,
MATHIEU Lilian, FAURE Michaël (1996) Sexualités et violences en
prison, ces abus qu'on dit sexuel en milieu carcéral, Observatoire
International des Prisons, Lyon : éditions Aléas.
* 83 SALOM Christian (2000).
Les infracteurs sexuels détenus : traitements et faits
pervers. Mémoire. ENAP - PARIS XIII.
* 84 Sexualités
et violences en prison, ces abus qu'on dit sexuel en milieu carcéral,
Op. Cit
* 85 Op. cit.
* 86 Conseil
Constitutionnel, Décision n° 93-334 du 20 janvier 1994 portant sur
la Loi instituant une peine incompressible et relative au nouveau code
pénal et à certaines dispositions de procédure
pénale.
* 87 C'est par un
décret du 22 décembre 1790 sur la compétence des
tribunaux militaires, leur organisation et la manière de procéder
devant eux que la France crée la première peine
d'incarcération à temps. Les codifications pénales
ultérieures confirmeront et accentueront cette démarche. Pour
approfondir ce sujet, se rapporter à l'introduction de mon premier
mémoire : GONTARD Paul-Roger (2007), L'utilité des
peines privatives de liberté pour les criminels, Mémoire de
Maîtrise sous la direction de B. CHAPLEAU, Université d'Avignon et
des Pays de Vaucluse, juin 2007.
http://www.memoireonline.com/06/08/1146/m_utilite-peines-de-prison-criminels0.html
* 88 Bibliothèque
numérique de l'Université du Québec à Chicoutimi :
"Les classiques des sciences sociales", Site web: http://classiques.uqac.ca/
* 89 FERRI Enrico, LA
SOCIOLOGIE CRIMINELLE, chapitre les Cinq catégories de criminels,
Paris 1893 ; Bibliothèque numérique de l'Université
du Québec à Chicoutimi : "Les classiques des sciences sociales",
Site web: http://classiques.uqac.ca/
* 90 GIBBS, J. (1968).
Crime, Punishment and Deterrence. Southeastern Social Science
Quarterly, 48, 515-530. cité in Shirley A. HAMBLET,
THE DEATH PENALTY THROUGH THE LENSES OF CRIMINOLOGY/CRIMINAL JUSTICE
STUDENTS AND NON-CRCJ STUDENTS, The University of Texas at Arlington,
Décembre 2006.
* 91 Cité in FOUCAULT
Michel. Surveiller et Punir. Edition Gallimard. Janvier 2007.
* 92 PERDRIAU André
(1954), L'établissement ouvert de CASABIANDA. Paris.
* 93 CRISTIANI (1966), juge de
l'application des peines, Exposé à la commission
parlementaire compétente. 17 mars 1966.
* 94 La
pénalogie étant, nous pouvons le supposer, la science du
champ pénal.
* 95 DENIS Laurent (1991),
Un centre de détention original, Rapport de stage I.R.A. de
Bastia.
* 96 SALOM Christian (2000).
Les infracteurs sexuels détenus : traitements et faits
pervers. Mémoire. ENAP - PARIS XIII
* 97 RENARD Maxime, Etre
détenu à CASABIANDA et demander un placement
extérieur : Quelles motivations ?, ENAP 2001.
* 98 Une défaillance
du moteur de recherche sans nul doute.
* 99 Rapport public
thématique de la Cour des Comptes (2006) ; Gardes et
Réinsertion - La gestion des prisons.
* 100 Conseil
économique et social des Nations Unies ; Résolution 155
(VIII) du 13 août 1948.
* 101 Cité in
Premier Congrès des Nations Unies en matière de prévention
du crime et de traitement des délinquants. Genève, 1955. Rapport
du secrétariat.
* 102
L'intégralité de la résolution est en annexe à ce
mémoire.
* 103 L'ensemble de la
résolution est en annexe à ce mémoire.
* 104 Conseil de
Coopération Pénologique, Bulletin d'information,
n°23-24 ; décembre 2002.
* 105 Rapport
d'activité du Ministère de la Justice Belge.
http://www.just.fgov.be/fr_htm/information/htm_justice_a_z/rapport-epi2007-fr.pdf
* 106 Site de l'administration
pénitentiaire anglaise :
http://www.hmprisonservice.gov.uk/prisoninformation/locateaprison/, recherche
par catégorie, prisons de catégorie D.
* 107 Site du
Ministère de la Justice de Finlande, page sur les Open
Institutions : http://www.vankeinhoito.fi/17488.htm
* 108 Site du
Ministère de la Justice du Danemark :
http://www.kriminalforsorgen.dk/English
* 109 Site Internet de la
prison : http://www.bastoyfengsel.no/
* 110 Site Internet d'un
membre de l'administration pénitentiaire
Norvégien :http://www.straffet.com/eng/blo.htm
* 111
http://www.hmprisonservice.gov.uk/prisoninformation/locateaprison/prison.asp?id=580,15,2,15,580,0
* 112 WALMSLEY Roy,
Summary report for the action plan for prison reform in Bosnia and
Herzegovina, Conseil de l'Europe, 11 octobre 2002
* 113 Traduction : si
un infracteur sexuel est attaqué, l'attaquant devra être
transféré dans une prison fermée, et le prisonnier
attaqué ne sera lui pas transféré.
* 114 Traduction : la
première prison écologique et humaine au monde.
* 115 Dépêche
AFP : DE BASTOEY - Ni murs ni barreaux: les cellules sont des maisons
qu'on ne verrouille jamais dans la prison de Bastoey où certains des
criminels les plus endurcis de Norvège préparent leur
réinsertion en élevant des agneaux ou en cultivant des fraises
écologiques. Publiée le 25/07/2007 à 18:13:36 GMT.
* 116 Vous noterez ici le
paradoxe de sécurité qui peut découler de l'utilisation de
boule de métal dans une enceinte carcérale.
* 117 Le clinamen est, dans la
physique épicurienne, un petit espace de liberté de mouvement
entre les atomes.
* 118 Les chiffres de
CASABIANDA indiqués dans cette section sont ceux aimablement transmis
par les services comptables de l'établissement.
* 119 Rapport au nom de
la commission des finances, de l'économie générale et du
plan de l'Assemblée Nationale sur le volet justice du projet de loi de
finances pour 2008 par M. Gilles CARREZ, rapporteur
général.
http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2008/b0276-a25.asp
* 120HYEST Jean-Jacques et
CABANEL Guy-Pierre, Rapport de commission d'enquête parlementaire
n° 449 (1999-2000) de, fait au nom de la commission
d'enquête, déposé le 29 juin 2000. Les conditions de
détention dans les établissements pénitentiaires en France
(tome 1).
* 121 Les
chiffres clefs 2007, perspectives 2008, Administration
pénitentiaire, février 2008.
* 122 Statistiques
mensuelles de la population détenue et écrouée,
Administration pénitentiaire, 18 avril 2008.
* 123 Soustractions faites
à partir des chiffres du rapport CARREZ, op. cit.
* 124 Rapport public
thématique de la Cour des Comptes (2006) ; Gardes et
Réinsertion - La gestion des prisons.
* 125 VASSEUR
Véronique, Médecin chef de la santé,
édition LGF livre de poche, novembre 2001.
* 126 GIL-ROBLES Alvaro,
Commissaire aux Droits de l'Homme, Rapport sur le respect effecctif des
Droits de l'Homme en France suite à sa visite du 5 au 21 septembre
2005, remis le 15 février 2006 à Strasbourg à
l'attention du Comité des Ministres et de l'Assemblée
Parlementaire.
* 127 Ministère de
la Justice (Juin 2006), Infostrat Justice, les condamnés de 2004 en
état de récidive. Numéro 88.
* 128 Afin de mieux
comprendre la population dont nous allons parler, vous pourrez trouver en
annexe des extraits de l'Enquête de prévalence sur les troubles
psychiatriques en milieu carcéral de Décembre 2004.
* 129 Extrait d'un
débat avec le Dr R. COUTANCEAU sur le site du Monde.fr :
http://www.lemonde.fr/
* 130 WARSMANN J-L (avril
2003), rapport de la mission parlementaire sur Les peines alternatives
à la détention, les modalités d'exécution des
courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de
prison ;
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/034000189/0000.pdf
* 131 Présent en
Annexe la reproduction de la présentation du projet annuel de
performances de l'administration pénitentiaire de 2008
présenté par son directeur.
* 132 Loi organique
n°2001-692 du 1 août 2001 Relative aux lois de finances.
Parue au JO n° 177 du 2 août 2001.
* 133 Source : chiffres
de l'administration pénitentiaire et Quid en ligne www.quid.fr
* 134 Source, rapport de
l'Observatoire International des Prisons. France. 2003
* 135 in Projet
annuel de performances de l'administration pénitentiaire de 2008, op.
cit.
* 136 Voire Partie II,
Titre 1, Chapitre 3, Section 2 du présent mémoire.
* 137 KENSEY A., TOURNIER
P., ALMERAS C., La récidive des sortants de prison, Cahiers de
démographie pénitentiaire, Direction de l'Administration
pénitentiaire, mars 2004.
* 138 Chiffres extraits
de : Direction générale des établissements
pénitentiaires belge, Rapport d'activité 2007 ;
http://www.just.fgov.be/fr_htm/information/htm_justice_a_z/rapport-epi2007-fr.pdf
* 139 Site de
l'administration pénitentiaire finlandaise, rubrique Open
Intuition. ; http://www.vankeinhoito.fi/17488.htm
* 140 Statistiques du
Ministère de l'administration pénitentiaire finlandaise ;
http://www.rikosseuraamus.fi/uploads/ew7wl_1.pdf
* 141 Comité des
Ministres du Conseil de l'Europe, Recommandation n°R (87) 3 sur Les
règles pénitentiaires européennes. 11 janvier
2006.
* 142 Du code d'Hammourabi,
vers 1750 av J.C., à nos jours.
* 143 JANSON Björn,
Projet « Nord-Balte » sur les établissements
pénitentiaires. Un modèle pour la coopération et la
réforme des systèmes pénitentiaires. in Bulletin
d'information pénologique, n°23 & 24, Conseil de
l'Europe ; décembre 2002.
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