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La cohérence de la double conditionnalité des institutions de Bretton Woods

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par Cédric LAVERIE
Université Paris X - D.E.A. de Droit des Relations Economiques Internationales et Communautaires 2001
  

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Paragraphe 2 : De nouveaux risques pour la souveraineté ?

La nouvelle tendance vers des conditionnalités humanisées par l'intégration des droits de l'homme ne va pas sans poser de problèmes. En effet, la « sanctification » de ces nouvelles valeurs ouvre la porte à l'apparition de nouveaux principes et à la remise en cause d'anciens. Une première tendance, qui est déjà apparue dans certaines organisations, est la prise en compte de ces valeurs pour déterminer l'éligibilité des pays à l'assistance financière au développement. La seconde est l'extension du principe d'ingérence humanitaire au développement par la création d'une sorte de droit d'ingérence pour le développement. Ces deux tendances ne sont pas sans risque pour le respect de la souveraineté des Etats concernés car, au delà de leur application théorique qui touche déjà la souveraineté, apparaît le spectre de l'utilisation de ces principes à des fins détournées.

A. Vers un principe de discrimination dans l'attribution de l'assistance financière ?

La tendance actuelle d'une demande de prise en compte plus importante au niveau international de facteurs internes aux pays que ce soit au niveau des conditions politiques ou économiques représentent un élément de risque pour le maintien du principe de non discrimination. Bien que le libre choix d'un régime politique, économique et social reste encore pour le droit international une attribution souveraine des Etats, on assiste progressivement à une volonté d'incorporation de valeurs soi-disant universelles qui remettraient en cause ce principe. Déjà certaines organisations internationales ont intégré certaines de ces valeurs (la démocratie et/ou l'économie de marché) en tant que principes comme la BERD, la CSCE, l'OTAN (dans son acte fondateur sur ses relations avec la Russie) ou encore l'Union Européenne135(*).

Les institutions de Bretton Woods n'ont pas franchi le pas mais la même tendance se fait sentir dans certaines de leurs déclarations et de leurs documents sous couvert de considérations économiques. La bonne gouvernance partait du constat qu'un environnement favorable au marché n'était pas une condition suffisante du développement et qu'il fallait aussi prendre en compte le mauvais fonctionnement des administrations, la corruption, le laxisme dans la gestion des affaires publiques et l'existence de certains types de régimes clientélistes.

Comme le montre un rapport du Conseil d'Analyse Economique, « la Banque mondiale a d'abord pris la voie d'une vision minimaliste s'appuyant sur la recherche d'un ordre juridique pouvant accompagner la promotion du secteur privé devenue l'objectif premier du développement 136(*)».

De ces considérations à dominante économique, en termes de réformes du secteur public, de crédibilité et d'organisation institutionnelle, les institutions de Bretton Woods sont passées à l'importance de la dimension politique notamment sous couvert de participation et de décentralisation (et d'une sorte d'efficience du marché politique).

La tendance vers une conditionnalité politique se fait de plus en plus présente : « In a recent World Bank paper, Richard Feinberg, of the Oversees Development Council, expects these elements of political conditionality to spill over to other multilateral lending institutions. Citing both the 1990 World Development Report and the Managing Director of the Fund, he foresees that in the 1990s both institutions will be under pressure to incorporate into their conditionality considerations of social equity as well as political variables such as the quality of economic governance, the avoidance of corruption and the observance of human rights. 137(*)»

Le rapport précité du Conseil d'Analyse Economique, analysant le World Development Report de 1997, remarque que la Banque « ne se prive pas de s'interroger également sur les processus de légitimation politique des États. Le choix est clairement indiqué en faveur de la démocratie politique dont il est de la responsabilité de l'État d'assurer les conditions d'établissement et de bon fonctionnement138(*)» et tente de « donner une dimension politique à sa mission de développement» par son rapprochement avec l'ONU.

L'introduction de principes de gestion politique (« démocratiques » et respect des droits de l'homme) au travers de la gouvernance pourra aboutir à la possibilité de décider de l'éligibilité d'un pays à un programme ou de sa reconduction en fonction de son système politique, économique et social. Cette solution est soutenue par certaines ONG qui proposent que « First, in the evaluation of eligibility, it has been argued repeatedly that consideration be given to measurements of poverty, education, health, and other factors that provide an indication of the quality of life in a country139(*)».

Et la Banque a commencé à envisager ce cheminement comme le montre l'extrait de ce mémorandum : « violation of political rights may (...) reach such proportions as to become a Bank concern, either due to significant direct economic effects or if it results in international obligations relevant to the Bank, such as those mandated by binding decisions of the United Nations Security Councils 140(*)»

On pourrait même penser a l'introduction du respect de la démocratie et des droits de l'homme dans les statuts du Fonds et de la Banque afin qu'ils puissent choisir a quel type de régime doivent être accordées les aides. On a déjà aperçu ce phénomène avec la Yougoslavie qui ne s'est vu accorder des aides de l'UE, de la Banque et du FMI qu'après le départ de Milosevic141(*).

La démocratie n'est pas le seul principe « universel » qui semble en voie de sanctification, il y a aussi l'économie de marché. Là encore, on se retrouve dans le processus hégémonique de la pensée dominante. Tout comme la démocratie, l'économie de marché semble en passe de devenir un concept universel duquel on ne peut sortir, tout autre système économique acquérant par de la même une connotation négative.

La justification juridique de ces principes va se faire autour du même biais que les institutions de Bretton Woods ont utilisé pour justifier leurs précédentes atteintes à la souveraineté, c'est à dire la neutralité de ces concepts. M.F. L'Heriteau142(*) parlait de « rupture analytique » pour qualifier la différenciation faite entre l'élément économique et l'élément politique (qui lui est inférieur). La même rupture va s'effectuer entre les concepts de démocratie et d'économie de marché qui vont sortir de la sphère de l'appréciation politique pour devenir des principes uniquement justifiés par la raison. Une fois cette qualification acquise, ces deux concepts vont pouvoir être intégrés à l'action des institutions de Bretton Woods qui pourront alors s'en prévaloir dans la conception de leurs programmes sans risque d'atteinte à la souveraineté de leurs Etats membres. L'étape supérieure sera bien évidemment la mise en place d'un principe de discrimination vis à vis des pays qui ne respecteraient pas ces concepts neutres et rationnels. Ce cheminement se fait progressivement par le biais d'études, réalisées notamment par la Banque143(*) sous couvert d'améliorer l'efficacité de l'aide, qui prônent la mise en place du concept de sélectivité qui est de réserver l'aide aux pays qui souhaitent l'utiliser à bon escient.

Mais déjà, des critiques apparaissent quant à l'idée même ces expérimentations conceptuelles.

W. Oyatambwe, dans un article sur la bonne gouvernance et la conditionnalité démocratique en Afrique, « invite les bailleurs des fonds internationaux à adopter une ligne de conduite moins hypocrite dans leurs relations avec l'Afrique. De cette manière, ils pourraient contribuer à promouvoir en Afrique un développement effectif, plutôt que de procéder sans cesse à des hasardeuses expérimentations idéologiques ou autres. Car, avant qu'il n'existe un marché, il y a d'abord des êtres humains 144(*)».


* 135 P. Dailler et A. Pellet, Droit International Public (Nguyen Quoc Dinh), LGDJ, Paris, 1999, p 430

* 136 C. Chavagneux et L. Tubiana, « Quel avenir pour les institutions de Bretton Woods ? Les transformations de la conditionnalité », Développement, Rapports du Conseil d'Analyse économique, 2000, http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/BRP/004001728/0000.pdf, 01/11/2001

* 137 J.J. Polak, "The Changing Nature of IMF Conditionality", OECD Technical Paper No. 41, août 1991, p 60

* 138 Ibid.

* 139 Social Justice Committee , « Social conditionality and the HIPC Debt Initiative », http://www.s-j-c.net/new_page_44.htm, 25/04/2001

* 140 Memorandum of the legal counsel of the World Bank of 21 December 1990, Sec. M91-131.

* 141 Le Monde, « La communauté internationale accorde une large aide financière à Belgrade », 30/06/2001, http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3214-3783-203752-VT,00.html, 01/11/2001

* 142 Cité dans J.M Sorel, Les aspects juridiques de la conditionalité du Fonds Monétaire International, Thèse de Droit Public, Université Paris 13, 13 septembre 1990, p 974

* 143 Etudes citées dans C. Chavagneux et L. Tubiana, « Quel avenir pour les institutions de Bretton-Woods ? Les transformations de la conditionnalité », Développement, Rapports du Conseil d'Analyse économique, 2000, http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/BRP/004001728/0000.pdf, 01/11/2001

* 144 W. Oyatambwe, « Implications et ambiguïtés de la « bonne gouvernance » en Afrique », Demain Le Monde n°47, octobre 2000, http://www.congonline.com/Forum1/Forum08/Oyatambwe03.htm, 25/08/2001

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand