Le néologisme
« techno-science »
Le néologisme techno-science (Gilbert Hottois, 2004)
désigne l'interconnexion d'une technique dépendante de ses
garants théoriques et d'une science assujettie à un arsenal
instrumental. Le mixte révélé par ce terme, fait suite
à une rationalisation décrié par Weber depuis les
début du capitalisme. Techno-science met en avant que la technique n'est
pas dérivée de la théorie ou de la science par une
application plus ou moins lointaine, extérieure, terre à terre,
mais qu'elles agissent simultanément et poursuivent les même but.
G. Hottois met l'accent aussi sur ce que suggère ce terme par l'ordre
des mots accolés comme signifiant aussi que la science est devenue le
moyen de la technique. Comme si la technique était en amont et en
aval de la science mais aussi au coeur même de la science, celle ci se
projette et s'absorbe dans la technique.
Cette quasi personnification de la technique réactive
les thèmes de la connaissance désintéressée et
respectueuse de son objet et celui de la technique qui à la fois
altère et affecte aussi bien l'ordre des choses que le technicien lui
même.
Mais si on considère la technologie vis à vis
de la science, une nouvelle dynamique apparaît. Appliquant les
théories scientifiques, utilisant donc des concepts abstraits,
invisibles, elle permet de construire des objets empiriques inédits dans
la nature. La technologie se distingue, dit Bachelard (1934), de la technique
par cette puissance créative, cette capacité à faire autre
chose. Cette capacité de novation vient de l'autonomie de l'esprit
scientifique. De là vient sa fécondité, que fige la
répétition du monde empirique donné. De plus, cette
liberté n'est pas une négligence du monde physique, puisqu'au
contraire, la technologie montre qu'elle peut se concrétiser dans des
faits. Les valeurs rationnelles, c'est-à-dire les systèmes
théoriques ne sont donc pas détachés du monde empirique.
Ce monde est simplement celui qui peut être produit après coup par
la théorie. La réalisation finale, empirique, apparaît
alors comme une concrétisation des valeurs rationnelles,
antérieures à l'action.
Une séparation bien réelle à
conserver
Toutefois les acquisitions techniques n'ayant eu besoin
d'aucune sciences sont légions. C'est souvent après coup, que
l'on découvre qu'une technique est susceptible de théorisation.
Cette technique sans la science se caractérise, comme nous venons de le
voir, par son aspect incroyablement stationnaire.
Ce fut le cas, par exemple, des hybridations de
céréales maîtrisées depuis longtemps par des
civilisations, des lunettes d'approche et du microscope simple. Mais depuis le
XVIII ème siècle, les exemples de techniques pures se
raréfient, ou sont en voie de disparition. Depuis cette époque,
la mesure et le calcul, sont pour la technique le moyen d'utiliser directement
des connaissances scientifiques.
Aujourd'hui un deuxième age apparaît, celui des
sciences appliquées, des sciences industrielles, c'est celui d'une
science acquérant l'intelligence des phénomènes et des
processus naturels ou techniques. C'est la mobilisation du savoir scientifique
à des fins pratiques concrètes, il s'agit de connaître pour
agir ou pour produire. Ce qu'on attend de la science aujourd'hui ce sont
de nouvelles techniques.
Depuis la seconde guerre mondiale, recherche scientifique et
recherche technologiques font l'objet d'une même politique
économique. Économie de guerre, politique d'armement et
concurrence économique ont fait entrer cette agglomération dans
les méthodes et les moeurs.
Si techniques et sciences ont croisées leurs
stratégies, y a t'il encore lieu de les distinguer? Telle qu'elle est
aujourd'hui, la technique est indispensable aux sciences, et forte de
leurs concours, sans s'identifier à elles, elle peut prendre conscience
d'elle même comme volonté et pensée. Volonté
technique puisque son histoire et son devenir sont rationnels et par ce que
située à son véritable niveau elle doit laisser aux agents
économiques et politiques de décision toute leurs
responsabilité (J.P. Séris, 2000). L'engrenage et la
sur-enchère des techniques auquel nous assistons constitue le
progrès technique, forme dynamique des savoirs crées.
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