L'imposition d'un rythme autonome
Selon Hannah Arendt (1968), le passage de l'outil à la
machine est d'une grande signification dans les productions industrielles :
désormais, le corps devient dépendant de ce qu'il utilise, et
plus précisément du rythme autonome qui lui est imposé. Le
progrès technique ne va pas ici sans une certaine aliénation de
l'ouvrier opérateur, à travers la soumission de son corps. Les
machines sont aujourd'hui une condition de notre existence, aussi importante
que les outils ont pu l'être pour le développement de l'homme.
« Tandis que les outils d'artisanat à toutes les phases du
processus de l'oeuvre restent les serviteurs de la main, les machines exigent
que le travailleur les serve et qu'il adapte le rythme naturel de son corps
à leur mouvement mécanique. » (Hannah Arendt, 1968, p.
165). L'auteur précise que cela ne veut pas dire que les hommes en tant
que tels s'adaptent ou s'asservissent à leurs machines, mais que pendant
toute la durée du travail à la machine, le processus
mécanique remplace le rythme du corps humain.
Ici l'outil, en étant un prolongement de la main,
reste une amélioration des capacités humaines. Il ne pourra ni la
remplacer, ni la guider. Alors que la machine, même très simple,
guide le travail, et peu même le remplacer. On a dit plus haut que la
machine tendait à se substituer à l'homme lui-même.
Soulignons que cette tendance a sa limite, dans la mesure où toute
machine reste dépendante de l'homme dans sa conception, sa fabrication
et sa réparation.
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