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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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INTRODUCTION

Depuis la nuit des temps, les populations autochtones de l'Afrique orientale, telles les Batwa forestiers du Rwanda et du Burundi, les Maasai du Kenya et de la Tanzanie, les Iks du Nord-Est de l'Ouganda ou les autres acteurs locaux des ressources forestières de ces pays, avaient (ou ont) leur mode de vie de gestion « traditionnel » des ressources naturelles suivant les rapports qu'ils entretenaient (ou entretiennent) avec leur environnement. Ainsi, plusieurs activités de survie, telles que la recherche du miel, la recherche des plantes médicinales, la cueillette des fruits sauvages, les diverses activités artisanales de transformation du bois en meubles, etc., se faisaient (ou se font) dans le respect des règles traditionnelles (rituelles ou non) de gestion de l'environnement.

A l'aube du 20ème siècle, un autre mode de gestion « moderne », importé par la colonisation européenne, fut d'un coup infligé à ces populations. Dès lors, la cohabitation de ces deux modes de gestion de l'environnement n'a pas été bien négociée par ces populations. Au contraire, il s'en est suivi une dégradation presque totale du fonctionnement de leurs systèmes sociaux puisque ce nouveau mode de gestion s'est traduit sur le terrain par la création des parcs nationaux et réserves analogues. Comme le modèle de protection de ces espaces a suivi celui des américains tel que réglementé et mis en oeuvre à la fin du 1 9ème siècle, c'est-à-dire la forte limitation, voire dans plusieurs cas, l'interdiction des activités humaines à l'intérieur des aires nouvellement protégées; la création de ces espaces a entraîné l'expulsion des populations ci-haut mentionnées sur leurs territoires.

A l'avènement des indépendances, les autorités des Etats nouvellement indépendants n'ont rien arrangé en faveur des populations chassées de leurs terres. Au contraire, elles ont bien gardé, voire renforcé, le système de conservation laissé par leurs anciens maîtres grâce, d'une part, au maintien de la quasi-totalité des espaces créés lors de l'administration coloniale, et d'autre part, suite à la création de nouveaux sanctuaires en excluant bien sûr de nouveaux paysans. Le résultat de tous ces efforts a été le développement du tourisme lié à la faune sauvage dans la région, ce qui a permis à ces Etats d'augmenter leurs revenus. C'est ainsi par exemple que le secteur touristique occupe aujourd'hui la première ressource des recettes annuelles du Kenya et la troisième au Rwanda malgré les conséquences des événements de 1994.

Cependant, même si ces Etats ont une bonne réputation en matière de conservation grâce au tourisme international en plein essor depuis un certain temps, les décideurs politiques de ces pays (y compris les professionnels de la conservation) ne doivent pas oublier que ces progrès ont été atteints au détriment des intérêts des acteurs locaux pour qui les espaces protégés sont toujours considérés comme leurs terres ancestrales. Aujourd'hui, il sied de noter que les effets de cette nouvelle politique de gestion de l'environnement bousculent sérieusement leurs habitudes locales en entraînant des conséquences socio-économiques et écologiques dramatiques. D'une part, on assiste à une dépossession socio-économique et foncière de ces populations, et d'autre part le mécontentement que celles-ci manifestent à l'égard de ces espaces se traduit le plus souvent par des actes de vengeance tels que le braconnage, l'abattage des animaux, les feux de brousse, le défrichement massif des forêts, etc.

En dehors du problème des populations chassées de leurs terres lors de la création des aires protégées en Afrique orientale, l'autre problème pertinent que rencontre la politique de conservation dans cette région est celui de la pression de plus en plus croissante qu'exercent

les populations locales sur les espaces en question. L'exemple le plus connu est celui du Rwanda et du Burundi là où les densités physiques en milieu rural dépassent 250 habitants/km2, voire plus de 400 dans certaines communes rurales riveraines des espaces protégés; sans oublier certaines zones très peuplées des hautes terres kenyanes, tanzaniennes ou ougandaises qui jouxtent les aires protégées de ces pays. Il faut noter que dans toutes ces paysanneries le problème de manque de terres cultivables est souvent responsable de la misère quotidienne que subissent les populations locales. Face à cette politique de dichotomie spatiale entre les aires protégées et les zones surpeuplées, les réactions des populations locales se traduisent le plus souvent par le grignotage sauvage de ces espaces. Comme conséquence, ce grignotage peut entraîner à son tour la dégradation de l'environnement dans les zones concernées, ce qui va ainsi à l'encontre des objectifs visés par les associations de protection de la nature et les Etats ci-haut mentionnés.

En définitive, on constate que les aires protégées constituent aujourd'hui un enjeu socio-économique, écologique et même politique de plusieurs acteurs. Pour l'acteur-Etat, cet enjeu est à la fois « économique » parce que le développement de l'industrie touristique lui apporte beaucoup de devises (nécessaire au bon fonctionnement de l'administration) mais aussi « politique » parce que, dans certains cas, ces espaces lui permettent de bien contrôler le territoire et les populations qui y habitent. Pour l'acteur communautaire (populations locales), cet enjeu est « socio-économique » parce les aires protégées sont considérées comme leur mère nourricière. Enfin, pour l'acteur international (anciens pays colonisateurs et organisations de protection de la nature), ces espaces sont considérés comme le « patrimoine génétique et environnemental » à conserver contre la tragédie des communaux1 dans le but de préserver une planète viable pour les générations actuelles mais en songeant aux générations à venir.

Sur ce, il sied de signaler que plusieurs études (rédigées en français) ont été menées dans ce sens dans les différents pays mais quelquefois dans des disciplines autres que la géographie.

On peut citer par exemple l'oeuvre de Colin Turnbull intitulé « Les Iks: survivre par cruauté. Nord Ouganda » (1987), connu sous le titre original «The mountain people» (1973), où l'auteur retrace le calvaire vécu par le peuple Iks du Nord-Est de l'Ouganda quelques années après leur expulsion dans la vallée de Kidepo; on peut citer également un article de X. Péron (1994) mais surtout de son ouvrage paru en 1995 intitulé « L'occidentalisation des Maasai du Kenya: privatisation foncière et destruction sociale chez les Maasai du Kenya » où l'auteur décrit l'odyssée des peuples Maasai du Kenya depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours. En outre, on songe également aux différentes publications de F. Constantin (1989, 1994, 1999) sur le parcours triste des Maasai de la Tanzanie; sans oublier enfin les deux travaux de J.B. Mbuzehose (1995, 1999) consacrés aux problèmes des Batwa forestiers du Rwanda et du Burundi même si un accent particulier a été mis sur ceux du Rwanda. En ce qui

Carte n° 1: Présentation générale de l'Afrique orientale

(Kenya, Ouganda et Tanzanie, plus le Burundi et le Rwanda)

concerne le problème des rapports populations/ressources au Rwanda et au Burundi, plusieurs travaux ont été publiés là-dessus mais nous allons nous appuyer sur le récent ouvrage de Hubert Cochet (2001), intitulé « crises et révolutions agricoles au Burundi », là où l'auteur explique en long et en large les enjeux de gestion de l'espace dans ces deux pays (le Burundi en particulier) depuis l'époque coloniale (et même avant) jusqu'à nos jours. Cet ouvrage résume bel et bien la situation socio-économique, politique et spatiale dans laquelle se trouvent les deux pays après les événements douloureux qu'ils ont traversé (ou traversent) depuis plus d'une dizaine d'années1.

Les auteurs de ces publications évoquent en général les problèmes rencontrés par les populations locales étudiées mais ils ne traitent pas à fond les conséquences socio- économiques et même écologiques qui découlent de cette politique de conservation. De surcroît, les mêmes auteurs ne proposent pas des nouvelles méthodes envisageables pour l'avenir à la fois de ces populations et de celui des aires protégées compte tenu des politiques en cours au niveau mondial (proposées par les instances internationales) qui privilégient le mariage entre la conservation et le développement ou tout simplement des expériences de gestion de la faune sauvage en associant les populations locales telles que réalisées avec succès en Zambie et au Zimbabwe.

Notre travail aura donc comme tâche principale de relever ce défi en se consacrant sur

les méthodes d'utilisation de l'espace et de ses ressources compte tenu des logiques et des

stratégies des acteurs en jeu. Pour y arriver, les trois principaux objectifs sont visés:

- Retracer le rôle de l'administration coloniale et post-coloniale dans

l'expulsion des populations locales lors de la création des aires protégées;

- Dégager les atouts et les défis que présentent les aires protégées en Afrique

orientale;

- En s'inspirant des orientations actuelles de la politique de conservation dans

le monde et des expériences de conservation participative réalisées en Afrique australe, proposer quelques pistes de solutions en vue de faire associer convenablement les populations locales de l'Afrique orientale à la gestion des aires protégées.

Par ailleurs, nous constatons que cette étude va sans doute nous mettre dans une recherche idéologique caractérisée par une confrontation de deux modes de pensée: l'un qui prêche la conservation des espaces protégés en Afrique de l'Est comme une arme première de protection de l'environnement, et l'autre, pour qui, la mise en valeur de ces espaces, tout en assurant leur protection, est l'une des meilleures solutions de combattre la pauvreté des populations locales, et par voie de conséquence d'atteindre le développement local.

Face à cette dichotomie, et pour mieux aborder notre thème de recherche, trois principales hypothèses ont été formulées:

- Les problèmes de dépossession socio-économique et territoriale dont

souffrent les populations vivant aux alentours des aires protégées sont liés à la politique d'exclusion longtemps menée par les autorités coloniales et post- coloniales dans la région. Cependant, des différences subsistent entre les Etats de l'Afrique orientale ex-anglaise et ceux de l'Afrique orientale ex- belge.

1 Vous pouvez aussi consulter la thèse de J.E.Bidou (1994) sur le Burundi ou les articles de F. Imbs (1997), F. Imbs, F. Bart et A. Bart (1994), G. Rossi et all. (1998c) ou la thèse de X. Amélot (1998) sur le Rwanda

- Les espaces protégés constituent aujourd'hui un enjeu socio-économique,

politique et écologique majeur entre les intérêts des acteurs locaux, ceux de l'acteur-Etat, ceux de l'acteur international représenté par les ONG de protection de la nature. Après plus d'un demi-siècle de leur création, on constate que les intérêts des plus forts (Etat et ONG) écrasent ceux des populations locales.

- La politique de conservation participative, à l'instar des expériences réalisées

au Zimbabwe et en Zambie, est la meilleure solution aux différents obstacles auxquels sont confrontés les professionnels de la conservation en Afrique de l'Est. Outre la régression des menaces qui pèsent actuellement sur les aires protégées, cette participation pourra entraîner la diminution de la pauvreté des populations riveraines de ces espaces.

Enfin, en vue de mener à bien ce travail, la méthode d'exploitation des sources écrites a été privilégiée. Cette bibliographie a été complétée par des entretiens menés auprès des personnes travaillant dans des projets et/ou des institutions internationales de recherche sur la conservation ou des personnes ayant des connaissances particulières sur la politique de conservation dans l'un ou l'autre pays qui fait partie de l'Afrique de l'Est (voir annexe n° 4). Dans le souci d'argumenter et/ou d'illustrer le travail au travers des études des cas, un accent particulier a été mis sur les exemples des aires protégées terrestres du Kenya, le pays le plus avancé en matière de conservation dans la région, et sur ceux du Rwanda, le pays le plus peuplé de l'Afrique orientale, et par voie de conséquence là où la politique de conservation serait probablement remise en cause.

Pour terminer, il sied de dire que cette étude a pour objet de porter à la connaissance des décideurs politiques des pays ci-haut cités (et même dans le monde entier), des milieux scientifiques de diverses disciplines (anthropologie, écologie, géographie, économie, etc.), et des professionnels de la conservation la réalité du problème des populations expulsées de leurs terres ou vivant à proximité des aires protégées, et qui sont aux prises avec les enjeux que représentent ces espaces à l'échelle locale, nationale et internationale.

Pour structurer notre démarche, nous avons divisé notre travail en trois parties dont chacune est divisée, à son tour, en deux chapitres. La première partie est consacrée à une analyse des acquis historiques et théoriques qui ont donné naissance à l'idée de création des aires protégées dans le monde en essayant de montrer leurs origines, leurs fondements, ainsi que leurs réalités actuelles. Nous avons essayé également d'approfondir cette analyse en jetant un coup d'oeil sur l'impact historique et géographique des politiques coloniales de protection de la nature qui se sont succédées en Afrique Orientale depuis le début du 20ème siècle.

Après avoir vu l'impact des politiques coloniales de conservation, la deuxième partie se bornera sur les changements opérés par les Etats nouvellement indépendants en la matière et leurs enjeux sur la situation socio-économique de chaque pays. Enfin, à partir des expériences de l'Afrique australe, nous avons tenté dans la troisième partie d'apporter notre point de vue sur les nouvelles orientations qu'il faudrait mettre en oeuvre en vue d'une meilleure gestion des espaces protégés dans tous les pays de l'Afrique orientale.

Après une conclusion générale, nous présenterons une bibliographie de tous les documents utilisés. Elle portera sur les aires protégées dans le monde, en Afrique et surtout en Afrique de l'Est. En ce qui concerne cette dernière zone, quelques ouvrages généraux en

rapport avec l'environnement, l'écologie, le développement, la démographie, l'économie, le système politique et surtout la politique environnementale ont attiré notre attention pour mieux aborder notre sujet.

La grande partie de la documentation est disponible ici à Bordeaux (UFR de Géographie et d'Aménagement / Université de Bordeaux III, Centre de documentation UMR REGARDS/CNRS-IRD, Centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques/ Université de Bordeaux IV). Dans le souci de compléter notre bibliographie, nous nous sommes rendus, au mois d'avril dernier, au Centre de documentation de l'UNESCO à Paris, puis au Service du Patrimoine naturel de la même institution. Nous ne pouvons pas oublier enfin les différents sites visités et qui, tout au long de notre recherche, nous ont permis d'actualiser nos recherches.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus