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Populations et aires protégées en Afrique de l'Est

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par Gaspard RWANYIZIRI
Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002
  

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Conclusion générale

A la fin de ce travail, il convient d'évaluer le résultat de notre démarche en fonction des hypothèses émises au départ. Au-delà de quelques considérations générales (acquis historiques et théoriques) qui, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, justifient les relations « homme/nature » en général, ce travail avait comme ultime tâche de mettre en exergue l'impact de la politique coloniale et post-coloniale de conservation sur la gestion du territoire et de ses ressources par les sociétés en Afrique de l'Est. Sur ce, un accent particulier a été mis sur la gestion des ressources naturelles connues sous l'appellation actuelle d' « aires protégées terrestres » c'est-à-dire les parcs nationaux et les réserves analogues.

Tout au long de ce travail, nous avons donc vu que les pays de l'Afrique orientale, à l'instar de tous les pays du Sud, avaient hérité des colonisateurs européens, un mode dit « moderne » de gestion des ressources naturelles en remplacement au mode de gestion dit « traditionnel » des populations indigènes. Sur le terrain, cette innovation en matière de gestion des ressources naturelles s'est traduit par la création d'un réseau extraordinaire des parcs nationaux et réserves analogues à vocation essentiellement de conservation de la faune et de la flore. Outre la préservation des espèces animales et végétales qui, selon les autorités coloniales, étaient menacées par les activités indigènes, ces espaces ont été créés dans le but de répondre à des besoins récréatifs (chasse sportive), esthétiques (photographie animalière, décoration des maisons coloniales) et scientifiques (recherche pharmacologique). Bref, il fallait assurer leur protection en vue d'utilisation durable des ressources qu'ils regorgeaient. Mais au fond, l'objectif était simple: « créer le jardin d'Eden » qu'ils ont perdu chez eux suite au développement de l'industrialisation.

Comme le système de protection qui a été mis en place était semblable à celui des Américains tel que formalisé lors de la création de Yellowstone en 1872, puis répandu, dès le début du 1 9ème siècle, dans le monde entier à travers la colonisation européenne, cette création a entraîné progressivement l'expulsion des populations autochtones qui habitaient « les zones les plus étrangères aux conceptions occidentales de gestion de l'espace » 1 comme les pasteurs nomades ou les chasseurs de forêts (Rodary E., op. cit.). Etaient donc concernés les pasteurs Maasai du Kenya et de la Tanzanie, les chasseurs-cueilleurs Iks du Nord-Est de l'Ouganda, les Batwa forestiers du Rwanda et du Burundi, sans oublier bien sûr les autres acteurs locaux qui exploitaient les différentes zones mises en défens. Les systèmes législatifs et juridiques sont alors mis en place pour la protection des zones protégées.

Dès l'avènement des indépendances, les autorités des Etats indépendants ont pris les choses en mains en gardant le système de protection laissé par leurs anciens maîtres, car la pratique était jugée économiquement rentable et politiquement efficace suite, d'une part au développement de l'industrie touristique depuis les années 1960, et d'autre part au contrôle de toutes les populations du pays. C'est ainsi que tous les pays (chacun selon les potentialités touristiques dont il dispose) ont compris que l'aménagement des zones touristiques pouvait être l'un des piliers de l'économie nationale. L'accent a été mis sur la création des réserves de chasse (Game reserves) et le développement de la photographie animalière. Pour y arriver, les espaces protégés existants ont fait d'abord l'objet d'une protection assez sévère grâce au renforcement de la législation en la matière, puis les gouvernements en place ont procédé à la

création d'autres sanctuaires d'animaux dans leurs pays respectifs. Ceci a eu comme conséquence la nouvelle expulsion (souvent musclée) des populations locales. Les aires protégées avaient ainsi une dimension de plus en plus économique (au profit du seul acteurEtat) qui laissait peu de place aux considérations strictement écologiques des conservationnistes classiques.

Sur le côté humain, les apports sociaux étaient médiocres compte tenu de la situation dans laquelle vivaient les populations chassées de leurs terres ou celle des populations qui vivaient aux alentours des espaces protégés où le problème de manque de terres cultivables devenait de plus en plus cruel. Cette dépossession territoriale a entraîné une certaine désarticulation des systèmes socio-économiques des communautés autochtones ci-haut mentionnées en les exposant aux problèmes de vulnérabilité. En signe de mécontentement, ces populations se livraient de temps en temps aux actes de vengeance (braconnage, défrichement des forêts, les feux de brousse, etc.) aux conséquences écologiques énormes. Il faut noter ici que la période des années 1970-1980 a été caractérisée par une diminution épouvantable de certaines espèces animales (éléphants et rhinocéros en particulier) dans plusieurs parcs est-africains suite à une implication soutenue des populations locales aux actes de braconnage.

Par ailleurs, depuis les années 1990, sous l'influence des résultats satisfaisants des programmes CAMPFIRE (Zimbabwe) et ADMADE (Zambie) en matière de gestion participative de la faune sauvage, les pays de l'Afrique orientale, le Kenya à la tête, ont désormais compris qu'une bonne gestion des ressources naturelles ne pouvait se passer de la participation des communautés vivant aux alentours des espaces protégés. Soutenue financièrement en général par les pays riches anglo-saxons, cette nouvelle approche semble aujourd'hui donner un nouveau souffle à la politique de conservation dans ces pays en désamorçant des critiques parfois assez sévères à son encontre.

Cependant, les professionnels de la conservation dans ces pays affirment que les résultats de la politique en question laissent à désirer compte tenu de la misère dans laquelle vivent les populations riveraines des espaces protégés1. De surcroît, un grand écart existe entre les pays de l'Afrique orientale ex-anglaise où les efforts d'intégration des communautés rurales sont en cours depuis plus d'une dizaine d'années ( avec une légère supériorité de la politique kenyane sur les politiques tanzaniennes et ougandaises)2 et ceux de l'Afrique orientale ex-belge où la politique répressive excluant les populations locales à l'accès à certaines ressources est toujours à l'honneur comme en témoigne la récente transformation de la Réserve naturelle de Nyungwe (Rwanda) en parc national.

Quel que soit le résultat au point de vue socio-économique, il faut reconnaître que l'avènement de la politique de conservation intégrée en Afrique orientale ex-anglaise marque le bouleversement d'une organisation spatiale héritée de plusieurs années d'une politique répressive des autorités coloniales et post-coloniales, où la gestion des aires protégées était essentiellement une affaire entre l'acteur-Etat et les ONG de conservation de la nature alors que les populations locales ( les Maasai du Kenya et de la Tanzanie ou les Iks de l'Ouganda en particulier) se mordaient les doigts aux alentours des espaces protégés. A l'heure actuelle, un compromis semble être trouvé suite à cette prise en compte des intérêts des acteurs locaux

1 L'échec de cette politique est lié au fait que les ONG de protection de la nature pensent d'abord en termes de conservation avant de songer aux problèmes socio-économiques des paysans

2 La politique tanzanienne subit encore les séquelles de la politique « ujamaa » des années 1970-1980 tandis que la politique ougandaise, quant à elle, subit les séquelles des guerres interminables de la période 1972-1986.

au travers des différents projets intégrés de conservation et de développement mais beaucoup restent à faire pour qu'il ait une meilleure intégration de ces populations à l'instar de ce qui se passe en Zambie et au Zimbabwe. Parmi les réformes à faire, il faudra songer à la responsabilisation de ces communautés afin qu'elles aient une prise de conscience de la politique de conservation en cours. Pour y arriver, la politique administrative de décentralisation est la seule solution.

Pour ce qui est de l'Afrique orientale ex-belge, il faut dire que les efforts de participation locale à la gestion des aires protégées semblent inexistants au Rwanda tout comme au Burundi malgré la bonne volonté des nouveaux décideurs politiques au Rwanda depuis leur arrivée au pouvoir en 1994. A part l'amputation des 2/3 du Parc national de l'Akagera (y compris l'ancien domaine de chasse du Mutara)1 en 1995 dans le but de réinstaller les anciens réfugiés de 1959 venus d'Ouganda, on constate que la recherche des solutions alternatives aux problèmes des populations riveraines des aires protégées (les Batwa forestiers en particulier) se heurte à la rigidité législative nationale en faveur à la fois des intérêts économiques et écologiques de l'Etat et des ONG de protection de la nature puisque les aires protégées sont classées parmi les capteurs de devises octroyées par les pays occidentaux pour la promotion de la biodiversité (Mbuzehose J.B., op. cit.).

Dans ce contexte, Il faut rappeler que ce sont les intérêts des populations locales qui en souffrent puisque les autorités du pays prennent ces populations comme des braconniers qui peuvent d'un moment à l'autre freiner l'arrivée massive des touristes étrangers. C'est ainsi qu'elles procèdent à de nouvelles expulsions en vue d'éviter qu'il y ait des risques de faillite de l'industrie touristique du pays alors qu'elle constitue le troisième secteur pourvoyeur de devises étrangères (après le café et le thé) malgré son fléchissement actuel lié aux événements de 1994. Cependant, il est temps que les nouveaux décideurs du pays mettent les pendules à l'heure en adoptant de nouvelles approches qui prônent la prise en compte des intérêts des populations locales. Ce serait une décision « très amère » pour eux, mais « très sage » pour l'avenir de la politique de conservation dans le pays car elle permettrait à la fois de diminuer relativement la pauvreté des populations vivant aux alentours des aires protégées mais aussi de diminuer les dangers qui pèsent actuellement sur ces espaces comme le problème de pression démographique et les actes de vengeance à l'égard de la politique de conservation.

En ce qui concerne le Burundi, il faut dire que la politique en vigueur dans le pays n'est pas du tout favorable au bien-être des populations chassées de leurs terres lors de la récente création du Parc national de Ruvubu et les Réserves de Rumonge et de Vyanda. Comme leurs homologues rwandaises, les autorités burundaises sont aussi préoccupées en premier lieu par les intérêts liés au développement du tourisme dans le pays, sans se soucier aux problèmes auxquels sont confrontées ces populations. Or, il semble que l'ère de la politique coercitive en matière de conservation est entrain de prendre fin compte tenu de nouveaux changements qui s'affichent actuellement en Afrique australe et moins encore en Afrique orientale ex-anglaise en faveur d'une approche participative. Ce qui nous pousse à inviter les autorités de ce pays à faire la même chose afin qu'il y ait une gestion durable de peu de ressources dont le pays dispose. Une tâche qui sera difficile à réaliser parce que le pays est aujourd'hui confronté aux problèmes de conflits qui pourraient entraver toutes initiatives

1 Une décision qui n'a pas plu du tout les ONG de protection de la nature et certains pays occidentaux

de développement surtout que les aires protégées constituent les lieux de refuge des assaillants qui attaquent sporadiquement les zones habitées2 notamment la ville de Bujumbura.

A la fin de cette conclusion, l'on peut se pose la question de savoir si la politique de conservation participative est réellement plus efficace que la politique coercitive longtemps menée par les pouvoirs publics en Afrique de l'Est. La réponse est certainement oui, mais dans la mesure où cette participation locale permet aux acteurs locaux d'être considérés à la fois comme les gestionnaires et les bénéficiaires des ressources disponibles. Cependant, il faut reconnaître que seule la gestion participative ne suffit pas pour résoudre les problèmes liés à la politique de conservation en Afrique orientale notamment la pauvreté des populations vivant aux alentours des aires protégées. Elle nécessite, pour atteindre ses objectifs, un soutien important en provenance des autres secteurs de l'économie nationale. « Tant que persistera en effet la pauvreté, la gestion participative ne pourra que difficilement atteindre ses objectifs qui sont à la fois de préserver les ressources naturelles des aires protégées et de répondre aux besoins socio-économiques des populations riveraines. » (Zakane V., 1998)

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe