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Le témoignage dans la procédure pénale au Cameroun

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par Jean-Marie TAMNOU DJIPEU
Université de Douala - DEA 2006
  

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INTRODUCTION GENERALE

L'infraction une fois qu'elle a été commise implique en principe le déclenchement de l'action publique qui doit permettre de poursuivre et de condamner les auteurs afin de rétablir l'ordre social troublé par ces comportements antisociaux. C'est à la procédure pénale qu'incombe cette lourde tâche. Définie comme l'ensemble des règles qui définissent la manière de procéder pour la constatation des infractions, la poursuite, l'instruction préparatoire et le jugement des délinquants1(*), la procédure pénale doit tout en permettant de poursuivre et de juger tous les coupables empêcher qu'un innocent ne soit injustement poursuivi et condamné. C'est donc une matière d'une subtilité, d'une technicité et d'une sensibilité avérées, ceci à cause des conséquences graves que peut entraîner une procédure sur la vie, la liberté, le patrimoine, l'honneur de la personne poursuivie et même de l'ordre social. C'est donc à juste titre que le procès pénal est entouré d'un maximum de garanties visant à éviter la violation de certains droits fondamentaux de l'homme.

Parmi ces garanties figure en première place le principe de la présomption d'innocence reconnu par le législateur en ces termes : "Toute personne suspecte d'avoir commis une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès où toutes les garanties nécessaires pour sa défense lui seront assurées."2(*) Pierre angulaire de la procédure pénale, il a été depuis longtemps consacré par les grands textes les plus protecteurs des libertés de tous les temps que sont la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 Décembre 1948. Réaffirmé dans le préambule de la constitution3(*), ce principe lourd de signification oblige tous les intervenants dans la procédure pénale de la commission de l'infraction au jugement en passant par l'information judiciaire à respecter les droits fondamentaux de l'homme et à rassembler les preuves convaincantes et suffisamment concordantes pour sous-tendre leur décision. Le suspect, l'inculpé ou le prévenu selon les phases de la procédure4(*) ne passera d'un statut à l'autre ou ne sera reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés que s'il existe contre lui des preuves qui établissent sa culpabilité et dont l'absence entraîne par voie de conséquence sa relaxe ou son acquittement, le doute lui profitant.5(*) Sur ce point, la jurisprudence a eu à se prononcer et celle de la Cour suprême du Cameroun est constante en la matière, faisant interdiction aux juges de fonder leur conviction sur des motifs dubitatifs.6(*) Chaque fois que le juge émet des réserves ou que le doute plane sur sa conviction, il est tenu de relaxer7(*) le prévenu au bénéfice du doute ou de prononcer un non lieu (juge d'instruction). Cette jurisprudence qui découle de l'application à la lettre de l'article 5 de l'ordonnance 72/4 du 26 Août 19728(*) portant organisation judiciaire 9(*)démontre plus que jamais la place prépondérante qu'occupe le rassemblement des preuves dans la procédure pénale.

Définie en procédure générale comme l'ensemble des procédés utilisés pour établir la réalité d'un fait ou l'existence d'un acte juridique10(*), ou encore plus techniquement comme tout moyen permettant d'affirmer l'existence ou la non existence d'un fait donné ou encore l'exactitude ou la fausseté d'une proposition,11(*) la preuve se trouve au coeur du procès pénal et l'on n'est point surpris que le droit anglais lui ait consacré toute une discipline entièrement à part : «Law of évidence«, le droit de la preuve.

Mais comment prouver en matière pénale les faits matériels, domaine par excellence des faits juridiques où contrairement en matière civile12(*) les délinquants cherchent plutôt à faire disparaître les traces de leurs actes délictueux recourant parfois à des savants montages pour égarer la justice ?

Consciente de cette difficulté, la procédure pénale contemporaine a porté son choix sur le principe de la liberté des preuves. La procédure pénale camerounaise n'est pas en reste et l'art 308 de son tout premier code de procédure pénale dispose : "hormis les cas où la loi en dispose autrement, une infraction peut être établie par tout mode de preuve". Ce qui signifie toutes les preuves sont en principe recevables qu'elles soient fournies par les constatations matérielles (saisies, perquisitions), la science (expertise) ou encore les personnes. Dans cette dernière catégorie s'inscrit l'aveu qui est une reconnaissance par la personne poursuivie des faits qui sont allégués contre elle, mais surtout le témoignage, mode de preuve très usité en procédure pénale qui sera au centre de notre étude.

Les auteurs le définissent comme un acte par lequel une personne atteste l'existence d'un fait dont elle a personnellement eu connaissance13(*). Le témoin est alors celui qui a eu connaissance d'une infraction par ce qu'il en a vu (témoin oculaire) ou entendu (témoin auriculaire) et qu'il peut attester sous la foi du serment comme réels et exacts les faits qu'il a constatés. 14(*)

Ces différentes définitions aussi complètes qu'elles puissent paraître ne sont pas toujours satisfaisantes car ne permettant pas de mieux cerner la notion de témoignage.

D'abord parce que certaines personnes viennent témoigner en justice sans prêter serment et le font à titre de "simples renseignements". Même si elles n'ont pas la qualité de «témoins légaux", elles fournissent des informations qui peuvent influencer sur la conviction du juge. 15(*)

Ensuite certaines personnes peuvent avoir connaissance de l'infraction sans pouvoir être capables d'apporter un témoignage cohérent. C'est le cas de cet aliéné mental qui bien que présent sur les lieux de l'infraction ne peut valablement témoigner en justice à cause de l'altération de ses facultés mentales. C'est pourquoi ne peuvent témoigner que ceux qui non seulement ont connaissance des faits délictueux ou de leurs auteurs mais encore que la loi les autorise à le faire sous certaines conditions. C'est un corollaire du principe de la légalité dans l'administration des preuves.

Le témoignage n'a pas toujours été prisé comme c'est le cas aujourd'hui. L'histoire de la procédure pénale française qui nous a largement inspiré nous apprend que jusqu'à une certaine époque, l'aveu était considéré comme la mère des preuves et était escompté au seuil du procès.16(*) Le premier obstacle à surmonter se présentait en cas de négation et c'est alors que la preuve était recherchée dans les témoignages.17(*) La période féodale a connu une légère évolution d'ailleurs négative dans la mesure où l'accusé avait une option entre la preuve par témoignage et celle par «gage de bataille,«18(*) encore appelée duel judiciaire. Elle comportait un combat entre accusateur et accusé et où l'on pouvait se faire représenter. Ces modes de preuves barbares et archaïques pratiqués par des peuples rudimentaires seront progressivement abandonnés, ceci en majorité grâce à la conquête des libertés et l'avancée de l'Etat de droit. Aujourd'hui plus que jamais, le témoignage semble occuper une place de choix parmi toutes les preuves. La quasi-totalité de la doctrine est unanime pour dire qu'il est le mode de preuve le plus usité en procédure pénale. BENTHAM relevait son importance en ces termes : «les témoins sont les yeux et les oreilles de la justice «19(*). Ils voient et entendent pour la justice, celle-ci ne peut exister sans eux. Dans un domaine où par hypothèse toute preuve préconstituée est impossible et où les contrevenants à la loi agissent dans la clandestinité, la justice pénale aura besoin pour bien faire son travail de ceux là qui étaient présents, qui ont vu, entendu ou perçu et peuvent transmettre le plus fidèlement possible les faits. C'est donc une preuve orale et en tant que telle repose sur les facultés physiques, psychiques, sensorielles, et même la bonne foi du témoin.20(*)

Sur ce point elle a été vivement critiquée par la doctrine qui l'a considérée comme dangereuse.21(*) Le témoin doit être capable de se rappeler parfaitement de ce qu'il a vu ou entendu, doit avoir un sens de discernement, une sagacité accrue ; ce qui n'est pas toujours le cas puisque certains sont plus clairvoyants plus intelligents, d'autres sont même incapables de se souvenir de ce qu'il ont vu il y'a seulement une semaine, et quand on sait qu'entre la commission de l'infraction et la poursuite il peut s'écouler un laps de temps assez long. De plus certaines personnes sont de mauvaise foi et n'hésitent pas à altérer volontairement la vérité malgré les poursuites pour faux témoignage. Conscient de ces difficultés et inconvénients de la preuve testimoniale, le législateur n'est pas resté indifférent. En vertu du principe de la légalité dans la recherche et dans l'administration des preuves, il a organisé l'admission et l'administration de cette preuve en procédure pénale camerounaise.

C'est d'abord le CIC français qui a depuis l'indépendance régi ce mode de preuve, ceci avec l'appui de la jurisprudence qui s'est attelée tant bien que mal à adapter ce texte à l'environnement juridique camerounais et compléter certains points non abordés.

Ayant décelé ses lacunes et ses faiblesses, le législateur a dans un souci d'efficacité et d'originalité associé à la technique romano-germanique celle du droit anglo-saxon, originalité qu'elle a transposée dans sa loi N° 2005 /007 du 27 Juillet 2005 portant Code de procédure pénale camerounais. A la lecture de ce texte de loi, on constate que le législateur a voulu par les différents mécanismes et innovations renforcer les conditions d'admission et d'administration du témoignage, ce qui nous conduit à nous interroger sur la place du témoignage dans la quête de la vérité.

Autrement dit cette nouvelle organisation permettra-t-elle à ce mode de preuve de participer efficacement à la recherche et à la manifestation de la vérité, eu égard à toutes ces critiques vives et virulentes qui sont dirigées contre elle ?

En effet il s'agit d'envisager à travers cette problématique si le témoignage conduit toujours le juge à la découverte de la vérité. Question centrale de notre étude qui présente à nos yeux un double intérêt, social et juridique.

Intérêt social d'abord en ce sens que toutes les composantes de la société camerounaise sont intéressées par cette étude et pour cause le témoignage est l'un des rares sujets qui peut concerner tout le monde. Par la force des choses, toute personne peut être appelée à être témoin d'une infraction et il serait intéressant de connaître le régime juridique du témoignage, les droits et les obligations d'un témoin.

Intérêt juridique également dans la mesure où elle nous permet au lendemain de l'entrée en vigueur du CPP de jeter un regard critique sur ses dispositions qui traitent du témoignage22(*) en ressortissant dans la mesure du possible leurs mérites mais aussi leurs lacunes.

Mener une étude en science juridique nécessite que soit au préalable définie une méthode. Pour ce qui est de notre thème nous adopterons principalement la méthode juridique associée à la méthode comparative.

La méthode juridique nous permettra d'étudier la norme juridique en nous appesantissant sur le sens des textes juridiques. Autrement dit, il s'agira d'une prospection pour ressortir les cohérences et les incongruités des textes législatifs qui réglementent le témoignage. Ensuite de les confronter aux réalités sociales, la norme juridique échappant au danger de la spéculation.

Le Cameroun n'étant pas un pays solitaire, il serait de ce fait intéressant de savoir comment le législateur et les juges se comportent dans  d'autres pays ;  d'où la méthode comparative qui nous permettra certainement de découvrir l'armature juridique de certains pays étrangers en matière de preuve testimoniale.

Dans la perspective d'apporter des réponses concrètes à la question centrale ci-dessus dégagée, nous articulerons notre argumentaire autour de deux axes principaux : D'une part ressortir la qualité du témoin qui a connu des mutations profondes avec l'entrée en vigueur du CPP et d'autre part présenter la procédure du témoignage qui n'a pas été épargnée par les innovations du CPP.

Notre travail sera ainsi structuré :

Première partie : L'extension du cadre juridique applicable aux témoins par le CPP.

Deuxième partie : L'amélioration de la procédure du témoignage par le CPP.

PREMIERE PARTIE : L'EXTENSION DU CADRE JURIDIQUE APPLICABLE AUX TEMOINS

La preuve joue un rôle essentiel dans l'administration de la justice, de telle sorte qu'un tribunal qui statuerait en l'absence de toute preuve verra sa décision annulée par la Cour Suprême pour absence de motif. Mais l'administration de la preuve est gouvernée en matière pénale par le principe de la liberté des preuves.

Ce principe de la liberté des preuves en qui postule l'admission de toute sorte de preuve ne peut être bien appliqué que s'il est associé à celui de la légalité dans l'administration des preuves. En effet si toute preuve peut être utilisée, cela ne signifie pour autant qu'elle puisse être recherchée de n'importe quelle manière. La preuve par témoignage n'échappe pas à ce principe et le législateur depuis le CIC a pris le soin de l'entourer d'un cadre juridique qui vise entre autre la personne du témoin. Ce cadre juridique qui il faut le souligner a connu plusieurs innovations avec l'entrée en vigueur du CPP a pris le soin de définir les personnes qui peuvent fournir un témoignage en justice (chapitre 1) mais surtout à leur reconnaître certains droits et obligations à travers leur statut juridique. (Chapitre 2)

* 1 GUINCHARD (S), MONTAGNIER (G) lexique des termes juridiques 13ème édition, Dalloz Page 442

* 2 Article 8 CPP Camerounais

* 3 La constitution Camerounaise révisée du 14 Avril 2008

* 4 Le terme suspect est employé pour désigner la personne poursuivie pendant les enquêtes de polices, à l'information judiciaire, elle prend le nom d'inculpé et devant le tribunal de jugement prévenu ou accusé selon qu'il est poursuivi pour un délit ou un crime

* 5 C'est ce que traduit la formule latine, "in dubio pro réo", le doute profite à l'accusé.

* 6 Cs. Arrêt n° 118 du 4 A1vril 1985, RCD 1985

* 7 NDOKO (NC) La culpabilité en droit pénal camerounais, thèse de doctorat paris 1985, page 133

* 8 Toute décision judiciaire doit être motivé en fait et en droit.

* 9 Ordonnance abrogée par la loi N 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire

* 10 GUINCHARD (S), MONTAGNIER (G), op. cit. Page 434

* 11 MERLE (R) et VITU (A), Traité de droit criminel, procédure pénale 5ème édition Dalloz page 177

* 12 En matière civile, les preuves sont préconstituées et les parties s'efforcent à les conserver afin de les produire en cas de besoin

* 13 GUINCHARD (S) et MONTAGNIER (G) op.cit page.540

* 14 MARQUISET (J), cité par EYIKE (V) manuel pratique de l'instruction PUA 1999 Page170

* 15 Sur la critique doctrinale des simples renseignements, voir infra chap2, 1ere partie page 37

* 16 Cette procédure existe en droit anglais sous une autre forme. Au seuil du procès on demande à la personne poursuivie s'il plaide coupable ou non coupable. Notre code de procédure pénale l'a d' ailleurs adopté

* 17 STEFANI (G), LEVASSEUR (G)., BOULOC B. , procédure pénale page 50

* 18 STEPHANI (G), LEVASSEUR (G),.BOULOC (B), Ibid page 51

* 19 BENTHAM cité par MERLE (R) et VITU, (A) op. cit page 215

* 20 Voir infra chap1 IIème partie, page 80

* 21 PRADEL (J), procédure pénale 11ème édition Dalloz page 347

* 22 Sous réserve des dispositions de l'ordonnance 72 /5 du 26 aout 1972 portant organisation judiciaire militaire qui n'a pas été abrogé par le Cpp. Mais devant la cour de sureté de l'ETAT c'est le Cpp qui sera applicable en application de l'art 7 de la loi n°90/60 du 19 décembre 1990 portant création et organisation de cette cour (" la procédure en ce qui concerne les débats et le jugement devant la cour de sureté de l'ETAT est celle prévue devant le Tribunal de Première Instance statuant en matière correctionnelle")

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld